Sandrine Rousseau surfe sur la hype de la banalisation

L’attitude de Sandrine Rousseau suit la logique de la hype médiatique en choisissant de choquer.

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Sandrine Rousseau surfe sur la hype de la banalisation

Publié le 1 avril 2022
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Ah les seventies ! L’ORTF, Le Petit Rapporteur, les reportages de Daniel Prévost dans le village de Montcuq et les batailles de boudin blanc ! Ce ne sont sans doute que des ouï-dire pour les plus jeunes, mais le parfum de l’impertinence ne s’est pas totalement évaporé.

Peut-être que quelques-uns se souviennent encore de cette interview d’un grand chef étoilé qui, à la question posée par un des joyeux compères de l’émission de Jacques Martin et Stéphane Collaro :

« Pourquoi les grands chefs sont tous des hommes, alors qu’à la maison, ce sont les femmes qui font la popotte ? » répondait sans ambages par un naturel : « Parce que la bouffe, c’est un truc trop sérieux pour laisser les femmes s’en occuper ! » ?

À l’époque tout le monde trouvait ça drôle, hommes et femmes confondus. Que le monde a bien changé, en bien, paraît-il. Changé, mais pas encore assez, d’après certains.

 

Sandrine Rousseau et la cuisine

Cinquante ans plus tard, la popotte est devenue un combat politique, une inégalité honteuse et inacceptable : « il y a 10 heures et demie de tâches domestiques qui sont faites en plus par les femmes ». Il faut donc, pour Sandrine Rousseau, instaurer un « délit de non-partage des tâches ménagères ». Rien de moins que cela : enquêtes, preuves (canapé, bière et pizza), menottes, tribunal, prison.

Ce qui était il y a 50 ans un sujet de rigolade est aujourd’hui une lutte sociale.

Bon, en France, les hommes ont six ans d’espérance de vie en moins que les femmes. Faut-il donc instaurer un « délit de non-partage des risques » ? Faut-il davantage taxer les femmes afin de financer une politique de santé publique à destination des hommes ?

Tant que nous y sommes, n’y aurait-il pas un lien de cause à effet ? Ces 10 heures et demie de tâches domestiques par semaine sont-elles responsables de la longévité des femmes et pourquoi ne pas imputer à l’oisiveté des hommes, l’oisiveté étant mère de tous les vices, le déficit de six ans d’espérance de vie entre les deux sexes ?

Tout cela vous paraît bien excessif, voire totalement ridicule ?

Toutes ces déclarations qui semblent au premier abord totalement hors-sol, suivent cependant une stratégie de conquête d’opinion bien éprouvée. En marketing, cette technique modélisée par le cabinet Gartner dans les années 1980, se nomme le cycle du hype. En sciences politique, il s’agit de la fenêtre d’Overton.

 

Le cycle du hype

Toute innovation, toute chose nouvelle, suit systématiquement le même processus d’adoption parmi la population.

Tout d’abord, l’idée, le concept, le produit nouveau crée un choc : la fameuse hype, qui signifie « être à la mode, à l’avant-garde, à la pointe ». Cette hype n’est pas forcément un engouement, n’est pas forcément positive : elle est juste le bruit généré par la nouveauté. Qu’importe qu’elle choque, qu’elle suscite des réactions négatives, voire très négatives, au contraire : l’importance est de prendre place dans le vocabulaire, de devenir ce dont on parle. On plus on en parle, au mieux c’est.

Le bruit généré soulève des attentes, fait paraître des espoirs et des craintes : il suscite un débat. Peu à peu, la chose nouvelle passe de l’ombre à la lumière, devient connue, s’apprivoise, se révèle au fil des discussions.

On se rend alors compte de ses défauts, de sa réalité et cette nouveauté qui avait tant fait parler d’elle finit par disparaître. La hype disparait. Mais il est trop tard : l’innovation est devenue une réalité, un élément de langage pouvant être exploité.

La dernière étape est celle de la banalisation, traduction approximative du mot anglais commoditization qui signifie que l’innovation d’hier est devenue un lieu commun d’aujourd’hui. Si le processus est bien mené, cette vague de hype aura créé un marché, ouvert des opportunités qu’il suffira alors de savoir bien exploiter.

 

La banalisation de l’outrance par Sandrine Rousseau

L’attitude de Sandrine Rousseau suit cette logique : choquer pour faire parler et ainsi déplacer les curseurs de jugement. En se banalisant, n’importe quel discours devient admissible. Peut-être pas par l’intégralité de la population, mais au moins par une partie.

Cet usage de la hype trouve tout naturellement écho dans la machine à amplifier que sont les médias. Ce n’est pas que les médias soient intrinsèquement écolo ou woke : c’est que tout média est continuellement à la recherche du scoop, prêt à répéter et diffuser immédiatement tout ce qui est « à la mode, à l’avant-garde, à la pointe ». Il n’y a rien de pire pour un média que de rater la vague du hype, que d’être en retard, que d’être ringard.

Le narcissisme et la culpabilisation prennent alors le relais. Ce qui est vrai pour les médias l’est aussi pour une partie de la population. Par conformisme, par peur de ringardisation, par besoin de mettre en scène sa supériorité morale, certains individus se portent fait et cause pour les théories avancées. Le reste de la population n’a alors que deux choix : soit réagir, soit sombrer dans l’indifférence.

Mais il est trop tard : l’outrance est devenue banale, elle n’a plus devant elle que des afficionados fanatisés et face à eux, des opposants ringardisés qui leur servent de faire-valoir et une masse d’indifférents coincés dans la peur de se trouver propulsés malgré eux dans un des deux extrêmes.

 

Une énorme machine à fric et à pouvoir

Ces techniques de communication sont imparables. Cela fait maintenant plus d’un demi-siècle qu’elles sont théorisées, documentées, enseignées, développées, expérimentées et affinées.

Nous sommes très loin des méthodes de propagandes d’antan, mais l’objectif est aussi très différent. Alors que la propagande politique, basée sur l’affirmation et le travestissement de la réalité avait pour objectif de mobiliser des masses et le plus grand nombre, les techniques de communication pénétrantes, comme celle employée ici ont pour but de créer un clientélisme minoritaire.

C’est un des paradoxes de la dynamique des marchés qui est souvent ignoré, voire contredit : la position dominante, le monopole, voire la majorité sont bien moins intéressants que la minorité jouissant d’un enracinement profond. La rentabilité commerciale, la solidité politique d’une minorité de fanatiques sont bien plus élevées que la couverture large d’une clientèle indifférente propre à changer de crémerie au premier souffle de vent.

Il ne reste alors plus qu’à fracturer la concurrence, afin d’être le plus fort à défaut d’être le plus grand.

Les exemples de marques ayant suivi cette stratégie du small is beautiful sont légion, dans le monde de l’automobile, dans celui des produits high tech, dans le luxe…

 

Voix ou monnaie ?

Le monde politique a ceci de particulier qu’il est basé sur un échange qui ne suit aucune règle de comptabilité. « Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » disait Charles Pasqua. Lorsque vous achetez un bien commercial, vous compensez votre achat avec de la monnaie qu’il vous a fallu obtenir d’une façon ou d’une autre. En fin de compte, les échanges sont honnête dès lors qu’ils sont consentis.

Lorsque vous achetez une promesse politique, lorsque vous votez ou que vous soutenez telle proposition politique, vous donnez du vent, vous donnez quelque chose qui ne vous a rien coûté. Vous achetez une servitude en la payant avec un droit que cette même servitude vous a octroyé.

Ne vous étonnez pas ensuite des résultats qui sortent de cette machinerie.

Sandrine Rousseau est économiste. Elle connaît parfaitement toute cette mécanique de l’échange. Elle sait pertinemment que le monde politique fonctionne sur un modèle extrêmement manipulable. Elle ne peut pas ne pas savoir que contrairement au marché des biens, le marché des opinions n’engage aucune responsabilité, aucun engagement de résultat, aucune facture, ni aucun bilan.

On peut donc y user et y abuser de la création de hype, sans jamais avoir à rendre des comptes à ses actionnaires ou à ses clients. C’est pour cela que le marché commercial est bien plus moral que le marché électoral. C’est pour cela que le marché commercial et l’argent sont si violemment dénoncés par tous ceux qui vivent des rentes et des privilèges qu’accordent les fonctions électives.

Sandrine Rousseau ne peut en aucun cas jouer les candides, même si elle niera bien évidemment que sa stratégie de prise de pouvoir est profondément malhonnête et que les parts de marché qu’elle se taille se font au prix délétère d’isoler et de monter les individus les uns contre les autres en fracturant profondément la société sur des sujets hautement clivants et sans grande importance.

Elle n’est d’ailleurs pas la seule, loin de là.

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  • Il se peut que SR soit totalement cynique, sur le plan politique, en plus d’être opportuniste. La soupe est bonne, c’est un fait.
    Mais sur ses « idées », je n’arrive pas à me départir de l’image que j’ai de son auteur : une parfaite, profonde et authentique imb.cile, à tendance t.talitaire (« le privé est politique »).
    Ce qui la plombe, et nous sauve, c’est que ce genre de personnes t.xiques l’est d’abord pour son propre camp, qui l’a rapidement exclue. Elle a toujours un coup d’avance dans l’ign.minie politique. Un coup de trop. Et plus on la découvre, plus elle apparaît m.nstrueuse. La fenêtre d’Overton risque donc de lui être longtemps fermée. Pour notre plus grand soulagement.

    • Oui elle tape en dehors de la fenêtre d’Overton, ensemble des idées ou pratiques politiques qui sont acceptables à un instant t.
      Mais je suis moins optimiste que vous et même si elle tape à côté, elle la déplace un petit peu à chaque fois. J’ espère me tromper.

      • Je crois même qu’elle tape à côté exprès et sait très bien ce qu’elle fait avec son agenda politique bien mieux tenu que le mien ( je n’en ai pas en vrai ! )

    • Avatar
      jacques lemiere
      2 avril 2022 at 9 h 17 min

      il existe ou existait un ministère à l’égalité homme femme…( sans précision sur quel plan) .. tout comme il existe le concept de discrimination « positive »..
      l’imbecilité est actée…institutionalisée..

      il est interdit de dire une évidence..il est interdit d’appuyer sur le contradiction..

  • Sandrine Rousseau est un poisson d’avril permanent : tous les jours une bonne idée….

  • Mais le délit existe déjà et la peine est connue: le divorce.
    Ne devrait-elle pas être accusée d’incitation à la haine? Son seul discours est de criminaliser et stigmatiser de nombreuses catégories de citoyens et citoyennes

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