Pourquoi la défense collective de l’OTAN n’est pas automatique

En cas d’attaque contre un pays de l’OTAN, l’application du mécanisme de défense collective ne s’applique pas automatiquement. Voici pourquoi ainsi que les enjeux.

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Pourquoi la défense collective de l’OTAN n’est pas automatique

Publié le 26 mars 2022
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Dans l’imaginaire collectif, si un pays membre de l’OTAN est attaqué ou subit une frappe, tous les pays membres interviennent automatiquement à sa rescousse par la force au nom de l’article 5. Mais quand on lit le traité, la réalité est différente. Seul un consensus politique peut amener à son application. Une situation qui risque d’être difficile à atteindre dans le cas où il s’agirait d’une intervention contre la Russie.

Un article 5 purement défensif

Selon le Traité de l’Atlantique Nord (traité fondateur de l’OTAN) et plus précisément son article 5 :

« Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties ».

Ce paragraphe est complété par l’article 6 qui définit ce qu’est une attaque armée susceptible d’enclencher l’article 5 :

« contre le territoire de l’une d’elles en Europe ou en Amérique du Nord, contre les départements français d’Algérie (NDLR Caduque depuis 1963), contre le territoire de la Turquie ou contre les îles placées sous la juridiction de l’une des parties dans la région de l’Atlantique Nord au nord du Tropique du Cancer ;

contre les forces, navires ou aéronefs de l’une des parties se trouvant sur ces territoires ainsi qu’en toute autre région de l’Europe dans laquelle les forces d’occupation de l’une des parties étaient stationnées à la date à laquelle le Traité est entré en vigueur, ou se trouvant sur la mer Méditerranée ou dans la région de l’Atlantique Nord au nord du Tropique du Cancer, ou au-dessus de ceux-ci. »

Dès lors, la défense collective de l’OTAN prévue dans l’article 5 ne peut s’appliquer que de manière défensive. Ainsi, légalement si la Russie lance des armes chimiques en Ukraine sans toucher les pays et forces de l’OTAN, l’article 5 ne peut pas être invoqué.

 

Une réponse de l’OTAN qui doit être validée par un consensus

Même dans une situation où l’article 5 est activable, ce dernier ne s’applique pas automatiquement.

Les décisions de l’OTAN sont prises à l’unanimité par le Conseil de l’Atlantique Nord (CAN) qui doit d’abord estimer que l’action russe est une attaque armée, mais aussi choisir la marche à suivre.

De plus, selon l’article 5, les États conservent toute marge de manœuvre pour agir selon leurs moyens et volontés politiques.

« elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée »

L’utilisation de la force n’est ainsi pas obligatoirement pour tous les États. Dans un contexte où la Hongrie et la Turquie cherchent à maintenir un lien avec Moscou, il semble peu probable que ces pays souhaitent s’engager dans un conflit avec la Russie.

Si l’application de l’article 5 n’est pas validée par un consensus, alors les actions prises seront considérées comme des initiatives prises en dehors de l’Alliance, n’engageant que les États qui les prennent.

Le respect des règles constitutionnelles respectives des membres

Enfin, selon l’article 11 du traité :

« Ce Traité sera ratifié et ses dispositions seront appliquées par les parties conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. »

De ce fait, l’action d’un État membre au nom de l’article 5 doit obéir à ses règles constitutionnelles. Comme le fait remarquer le think tank américain Heritage Foundation, aux États-Unis il faut un vote du Congrès pour une déclaration de guerre ou une intervention militaire. Le président ne peut prendre la décision de déployer des forces militaires qu’en cas de situation d’urgence.

Mais, toujours selon l’analyse d’Heritage (qui est loin d’être isolationniste), la défense d’un pays allié outre-Atlantique risquerait de ne pas être considérée comme une situation d’urgence. Après tout, il convient de rappeler que l’attention des États-Unis se porte désormais davantage sur la Chine que sur la Russie. L’Europe est de plus en plus vue comme un boulet pour la défense américaine.

Mais le cas américain montre que la décision finale d’appliquer l’article 5 reste aux États membres et à ses institutions.

Ainsi, si l’OTAN est unie en matière de sanction, la désunion risque d’être plus forte pour une action militaire. L’article 5 est avant tout dissuasif et s’inscrivait dans un contexte de guerre froide.

Sa seule application fut après les attentats du 11 septembre 2001 et a plus consisté à des missions antiterroristes qu’une guerre à grande échelle.

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  • Quoi qu’il soit écrit sur quelconque traité, la guerre sort de l’application du droit. Aucun traité ne peut forcer un pays à entrer en guerre, car comment ferait on, on entrerait en guerre? Une alliance peut se maintenir indéfiniment tant qu’elle n’est pas activée, mais lors de son application concrète tout reste possible.
    Tous ces articles ne sont donc que des déclarations d’intention, dont la valeur peut varier en fonction des circonstances. Personne ne débute une guerre s’il ne pense pas pouvoir la gagner. Et les bombardements en Serbie, c’était inscrit comme devoir sur le traité?

  • En Bref l’OTAN permet aux USA de vendre leurs armes au prix fort à leurs soi-disant alliés, qui fait d’eux premier exportateur d’armes au monde, le boulet Européens leurs rapportent pas mal d’argent, une belle bande d’hypocrite

  • A part les intérêts us l’otan ne défend et ne défendra rien. Que vient faire l’otan en Irak en Syrie en Afghanistan.. Poser la question est y répondre suivre les usa sinon représailles.

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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