Par Christophe Alaux, Laura Carmouze, et Sarah Serval.
Un article de The Conversation.
Qu’ils s’agissent d’entrepreneurs nomades, d’indépendants ou de salariés, la crise sanitaire et les confinements successifs redessinent la carte de l’attractivité résidentielle des territoires. Il est question ici d’un enjeu majeur pour les stratégies de marketing territorial. En effet, l’attractivité résidentielle correspond à la capacité d’un territoire d’attirer et de retenir des populations.
Les villes petites et moyennes, les territoires plus ruraux et moins urbanisés ont une carte à jouer pour se positionner sur le nouvel échiquier de l’attractivité résidentielle, face à des individus qui plébiscitent le changement de vie et souhaitent se mettre au vert. De plus, le développement du télétravail a permis de renouveler les ressorts de l’attractivité d’un territoire en opérant une disjonction entre qualité de vie et opportunité d’emploi. Désormais, un individu peut travailler sur un territoire économiquement attractif et résider sur un autre territoire, perçu comme attrayant pour sa qualité de vie.
Une enquête exploratoire
La quête d’une meilleure qualité de vie semble guider les comportements de cette nouvelle mobilité résidentielle. Ces observations, récemment relayées dans la presse nationale, interrogent : quels sont les territoires idéaux selon ces individus ? Sur quels attributs se fondent l’image des territoires qu’ils ont ? Des éléments de réponse peuvent être apportés par les travaux de recherche conduits par la Chaire attractivité et nouveau marketing territorial (A&NMT) de l’Institut de management public et gouvernance territoriale d’Aix-Marseille Université.
Cette enquête exploratoire cherche à connaître d’une part les images mentales des Français relatives aux territoires idéaux de l’attractivité résidentielle. D’autre part, elle cherche à connaître les images spontanées, dirigées et les intentions comportementales associées à certains territoires français et européens (villes, métropoles, départements et régions), ainsi que les fondements de cette réputation.
Un questionnaire auto-administré en ligne a été diffusé auprès d’un échantillon national représentatif (sur des critères d’âge, de sexe, de catégorie socioprofessionnelle, de région d’habitation, de taille d’agglomération) de 1505 personnes, âgées de 18 ans et plus. L’administration du questionnaire de l’étude a été confiée à l’institut Consumer Science Analytics (CSA) pour le recueil des données auprès d’un échantillon représentatif de la population française.
Où souhaitent vivre les Français ?
À la question, « idéalement, dans quel territoire souhaiteriez-vous vivre ? », il est intéressant de noter que les Français sont en grande partie attirés par des lieux de vie de taille modeste : 78 % sont attirés par des territoires de taille inférieure aux grandes villes. Plus précisément, 26 % aspirent à vivre dans un village, 23 % dans une petite ville et 29 % dans une ville moyenne.
On remarque donc que la répartition est plutôt équilibrée et qu’une taille de territoire ne se détache pas clairement même si le duo petite ville/ville moyenne représente plus de la moitié des réponses.
On observe une inertie pour les habitants des territoires de moins de 20 000 habitants qui souhaitent majoritairement rester sur un territoire de même taille.
On voit ensuite que 44 % des habitants des villes moyennes et 64 % des habitants des villes de plus de 100 000 habitants perçoivent les villes de taille inférieure comme leurs lieux de vie idéaux.
Qui souhaite « encore » vivre dans les grandes villes ?
Les 22 % des Français qui souhaitent vivre dans une grande ville sont plutôt des CSP+ (42 % vs 24 % dans une petite ville) ou des étudiants (8 % vs 5 % dans une petite ville) et largement jeunes (40 % des répondants ont moins de 35 ans vs 21 % pour une petite ville).
À l’opposé, plus on avance en âge et plus on aspire à vivre dans une petite ville ou un village (58 % et 56 % des plus de 50 ans souhaitent respectivement vivre dans un village ou une petite ville. Les villes moyennes séduisent davantage les actifs et les 35-49 ans.
Ces résultats confirment l’enjeu générationnel de l’attractivité résidentielle des territoires et notamment pour l’attraction de jeunes générations qui plébiscitent davantage les grandes villes.
La question « pourquoi souhaiteriez-vous vivre dans ce type de territoire ? » a permis par ailleurs de recueillir des données qualitatives sur les motivations des Français pour habiter un type de territoire plutôt qu’un autre. Les résultats obtenus permettent de dresser des catégories distinctes de motivation selon la taille du territoire.
Alors que les villages et les petites villes sont appréciés pour leur tranquillité, leur calme et leur convivialité, les villes moyennes sont également appréciées pour les aménités offertes et leur dynamisme, proposant ainsi « les avantages d’une grande ville, sans les inconvénients ». Enfin le choix des grandes villes est motivé par leur dynamisme, leur aménité et leur potentiel (facilité pour trouver un emploi, avoir accès aux soins de santé ou poursuivre des études supérieures). Si les jeunes sont davantage attirés par les grandes villes, un des éléments de motivation de leur attrait peut alors s’expliquer en partie par des enjeux d’insertion professionnelle. À l’inverse, on observe que les actifs de plus de 35 ans se tournent vers des territoires de taille inférieure, préférant le cadre de vie et la tranquillité.
Quels sont les territoires les plus cités par les Français ?
Il a également été demandé aux Français de citer les noms de territoires (ville, département ou région) où ils souhaiteraient vivre, en offrant la possibilité de donner jusqu’à cinq réponses. Les territoires les plus cités sont Paris et la Bretagne, suivis par Bordeaux, Lyon, Toulouse, Nantes, Nice, la Normandie et Montpellier.
À noter que celles et ceux qui vivent déjà en agglomération parisienne citent très largement Paris, suivi par de grandes métropoles comme Bordeaux, Lyon, Nice et Marseille qui apparaît.
L’enquête menée en décembre 2020 a permis d’objectiver certains éléments sur le territoire de vie idéal des Français.
Tout d’abord, il existe de fortes composantes générationnelle et/ou sociale (âge, CSP) pour expliquer les préférences des Français. De même, l’aspiration à la mobilité n’est pas la même selon la taille du territoire dans lequel on habite.
Ensuite, les grandes villes ne semblent pas non plus en déclin d’attractivité. En effet, Paris reste attractive, surtout pour les Franciliens et les villes les plus citées restent de grandes métropoles (Bordeaux, Lyon, Toulouse, Nantes, Nice).
Les petites villes et les villes moyennes ont clairement une opportunité à saisir car elles apparaissent idéales, notamment pour les habitants des grandes villes. Dans ce contexte, des villes comme La Rochelle émergent spontanément de l’étude, ou encore des régions comme la Bretagne et la Normandie qui sont bien dotées sur ces tailles de territoires.
Il faudra néanmoins attendre les chiffres réels de cette mobilité résidentielle afin de les confronter aux tendances issues de cette étude relative au lieu de vie idéal.
De plus, rappelons que l’attractivité des territoires résulte de stratégies de marketing territorial au long cours. Certaines stratégies visent ainsi à construire une réputation positive reconnue comme un levier d’attractivité territoriale. D’autres se concentrent plus spécifiquement sur l’offre de services et l’accompagnement des futurs habitants. Charge aux managers territoriaux et aux élus de se saisir de ces leviers en travaillant l’attractivité résidentielle du territoire selon les grands principes du Manifeste de l’attractivité et du marketing territorial.
La Chaire universitaire de territoires financée par 35 territoires français, mène tous les 3 ans l’enquête IMAGETERR de perception des territoires auprès du grand public. Les résultats de la dernière étude, réalisée en décembre 2020, permettent de dresser le profil de ces individus en quête d’une meilleure qualité de vie et de mieux comprendre les contours du territoire de vie idéal pour les Français.
Christophe Alaux, Professeur des Universités, Institut de management Public et Gouvernance Territoriale, Chaire Attractivité et Nouveau Marketing Territorial, Aix Marseille Université, Aix-Marseille Université (AMU); Laura Carmouze, Maître de Conférences en Sciences de Gestion et du Management, Institut de management Public et Gouvernance Territoriale, Chaire Attractivité et Nouveau Marketing Territorial, Aix-Marseille Université (AMU) et Sarah Serval, Directrice adjointe de la Chaire A&NMT (Attractivité et Nouveau Marketing Territorial), Maître de Conférences en Sciences de Gestion, Aix-Marseille Université (AMU)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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