Éric Zemmour, nouvel espoir de la droite américaine

Face à l’anxiété générée par l’immigration, Zemmour apparaît comme un espoir et même un exemple pour un conservatisme américain qui a troqué le nationalisme contre le libéralisme classique.

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Zemmour 1 by Alexis Vintray (CC BY SA)

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Éric Zemmour, nouvel espoir de la droite américaine

Publié le 8 décembre 2021
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Par Frédéric Mas.

Éric Zemmour ne fait pas que fasciner les médias français, il est depuis plusieurs mois ausculté avec plus ou moins de bienveillance par une droite américaine qui a du mal à sortir de la morosité post-trumpienne.

D’une certaine manière, la défaite de Donald Trump a été pour la droite américaine une sorte d’anti-moment Reagan. Alors que l’ancien gouverneur de Californie a bâti sa réputation sur son optimisme foncier, la défense du libre échange et un anticommunisme en béton armé, le milliardaire a fait de la panique migratoire, la critique d’un libéralisme accusé de détruire la classe moyenne et de l’anti-élitisme ses thèmes de prédilection.

L’agenda politique des conservateurs qui désormais placent très haut les questions démographiques, identitaires et migratoires, ne pouvait que converger avec celui d’un Éric Zemmour qui pour beaucoup sonne comme une version presque « littéraire » d’un Donald Trump désormais hors-jeu.

Pour Christopher Caldwell de la Claremont Review of Books, Éric Zemmour parle de la guerre civile qui vient en France, à savoir une version locale de l’extrême polarisation idéologique et politique qu’on trouve déjà aux États-Unis et son succès est conditionné par une tâche : convaincre que la survie du pays est la priorité politique numéro un aujourd’hui. Comme d’autres commentateurs, Christopher Caldwell, qui revient longuement sur le parcours du candidat nationaliste, est impressionné par ses qualités d’historien grand public.

Celui qu’il qualifie de « plus grand instructeur du patriotisme à l’ancienne » pourrait selon lui bénéficier de la stratégie politique provocatrice et radicale initiée par Jean-Marie Le Pen, stratégie que Marine Le Pen a choisi d’abandonner pour se « recentrer » vers le souverainisme et le populisme.

Sur ce point précis, il semblerait que M. Caldwell se soit laissé impressionner par les sondages de l’entrée en campagne d’Éric Zemmour. Aujourd’hui, Marine Le Pen rattrape son retard dans la compétition, car elle semblerait davantage capable d’allier classes bourgeoises et populaires contre l’impopulaire Macron.

Dans The American Conservative, le ton est plus enthousiaste : Krzysztof Tyszka-Drozdowski le compare au populiste Pat Buchanan :

« Ancien conseiller de Richard Nixon, [Pat Buchanan] a, comme le Français, accédé à la notoriété grâce aux talk-shows politiques. Tous deux se sont fixé pour objectif de mettre un terme à la révolution des années 1960, voire de l’inverser. Pour tous deux, la souveraineté est une valeur non négociable et ils partagent une attitude hostile envers les institutions internationales. Contre le libre-échange, ils prônent tous deux le protectionnisme. Buchanan veut défendre les Américains moyens, tandis que le Français défend la France périphérique, les gens des petites villes et des villages. Buchanan n’est pas devenu président, mais il a préparé le phénomène Trump (une autre figure à laquelle Zemmour a été comparé). Sans Buchanan, il n’y aurait pas eu de victoire en 2016. »

La comparaison entre les deux intellectuels lancés en politique a toutefois ses limites : là où Buchanan est un vieux routier de la politique politicienne, qui a eu à plusieurs occasions la possibilité d’être à des postes à responsabilité au sein du gouvernement, Zemmour est un novice et un littéraire longtemps resté éloigné du fonctionnement concret de la chose publique. C’est d’ailleurs cet amateurisme qui a suscité la défection d’un proche collaborateur du candidat français au moment même où il annonçait sa candidature.

Pour Michael Brighton Dougherty de la National Review, le ton est plus mesuré, voire tempéré. Si le commentateur conservateur reconnaît la franchise et l’érudition du personnage, il soulève les limites de la défense faite par Zemmour de « l’art de vivre à la française » en réponse aux difficultés d’intégration de l’immigration musulmane :

« Benjamin Franklin a reconnu l’attrait de ce mode de vie. « Chaque homme a deux pays – le sien et la France », aurait-il dit. Mais le scandale de la France d’aujourd’hui est que son mode de vie n’a pas séduit les personnes qui se sont installées et ont fait leur vie en France. C’est un échec que les Français n’ont pas vraiment appréhendé et auquel les gouvernements élus auront un mal fou à répondre. Peut-on convertir une population minoritaire à vivre des plaisirs simples à la bonne franquette ? Par quelle force ? »

C’est pourtant le ton anti-immigrés qui emporte l’adhésion du très néoconservateur Daniel Pipes du Middle East Forum.

Bien qu’il reconnaisse à Zemmour des propos à la limite de l’antisémitisme, un antiféminisme « d’un autre âge », qu’il critique ses positions pro-russes et anti-américaines et qu’il ait lui-même été « snobé » par Zemmour au cours d’une conférence à Budapest en 2019, D. Pipes voterait pour Zemmour s’il était Français : « parce qu’il a saisi une vérité essentielle à savoir que la France est confrontée au fléau produit par l’immigration, qu’il faut au pays davantage de bébés et que tout ce qui a fait la grandeur de la France risque d’être submergé par des cultures étrangères. »

Le mélange de culture historique et de références à Jeanne d’Arc, Louis XVI ou Napoléon fascine et intrigue les Américains qui se penchent sur le discours de Zemmour. La politique nostalgique vendue par le Français évoque un peu le slogan trumpien, Make America-or France- Great Again, tout donnant au populisme un ton héroïque et élitiste qu’ils ne retrouvent plus chez eux.

Face à l’anxiété générée par l’immigration et le déclin démographique, Zemmour apparaît comme un espoir et même un exemple pour un conservatisme américain qui a troqué le nationalisme contre le libéralisme classique. Comme le claironne avec enthousiasme Micah Meadowcroft dans The American Conservative : « Zemmour is the future ». L’électeur français tranchera.

 

Voir les commentaires (7)

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  • [in fine:]« L’électeur français tranchera »

    Tranchera les têtes qui dépassent, comme d’habitude?

  • En Allemagne aussi si vous lisez les commentaires sous la vidéo, vous verrez une Allemagne en dépits qui souhaiterai un candidat comme Zemmour qui n’existe pas dans ce pays.

    https://www.tichyseinblick.de/video/rede-eric-zemmour-deutsche-uebersetzung/

  • « La version littéraire de Donald Trump ». Excellente description.

  • Paradoxalement, la droite américaine est en meilleure état que la gauche.

    La gauche américaine est maintenant écartelée entre sa partie extrémiste et sa partie plus centriste.

    Au contraire, la grande majorité des gens de droite sont désormais d’accord sur la ligne politique à suivre, inspirée par Donald Trump. C’est sur la personnalité du président qu’ils sont peut-être plus divisés.

    (Et encore… Les sondages d’approbation de Trump dans l’électorat restent au-dessus des 90% si mon souvenir est bon.)

    • La gauche contrôle pratiquement 100% des institution de pouvoir et peut compter sur presque 50% de brainwashed. Ils détiennent la prochaine génération d’enfant via le brainwashing.
      Ils vont plutôt bien au contraire.

  • La politique americaine consistant par exemple venir creer un conflit armé en plein centre de notre continent, entre Russie et Ukraine, Quand on sait que Kroutchev etait pratiquement Ukrainien, Se décide uniquement au Pentagone en dehors des avis des républicains ou des démocrates.

  • Plutôt que de « culture historique » concernant Éric Zemmour, je parlerai plutôt d’instrumentation et de déformation de l’histoire. Je rappelle qu’il remet en cause l’innocence de Dreyfus (on attend toujours les raisons qui l’ont conduit à une telle position).

  • Les commentaires sont fermés.

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