Cours légal du bitcoin au Salvador, la fausse bonne idée

Le 7 septembre 2021, le bitcoin est devenu une monnaie ayant cours légal au Salvador aux côtés du dollar. Cette loi possède des effets bénéfiques apparents, mais pourrait constituer une fausse bonne idée.

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Steven Millstein Bitcoin

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Cours légal du bitcoin au Salvador, la fausse bonne idée

Publié le 21 septembre 2021
- A +

Par Ludovic Lars.

La « Ley Bitcoin » impose depuis le 7 septembre dernier le cours légal du bitcoin au sens fort sur le territoire du Salvador, un pays qui utilise officiellement le dollar étasunien depuis 2001.

L’article 7 énonce :

« Tout agent économique doit accepter le bitcoin comme moyen de paiement lorsqu’il est demandé par quiconque acquiert un bien ou un service. »

Bien que la loi prévoie des exceptions (art. 12), le gouvernement devrait prendre toutes les dispositions pour faciliter l’accès à la technologie (art. 8) et contraindre par conséquent la quasi-totalité des commerçants à accepter le bitcoin. Il a mis pour cela en place une application mobile, le Chivo Wallet, qui permet l’envoi et la réception de paiements, et la conversion gratuite et instantanée entre le bitcoin et le dollar.

Le cours légal s’oppose à la liberté

Certaines personnes voient d’un bon œil cette loi forçant l’adoption du bitcoin dans un pays entier, affirmant qu’elle accroît le choix des clients dans leur moyen de paiement (bitcoin et dollar plutôt que dollar seul).

Néanmoins le cours légal n’est bien évidemment pas du tout une mesure libérale. Cette loi se fait au détriment des commerçants qui sont obligés d’accepter une nouvelle monnaie, et fait en réalité reculer la liberté dans le pays, où l’on passe d’un usage libre tout à fait légal (comme le prouve l’expérience de Bitcoin Beach) à un usage forcé.

Une mesure libérale aurait été par exemple d’officialiser Bitcoin comme un moyen de paiement, de l’accepter pour l’acquittement de l’impôt et de supprimer le cours légal du dollar pour laisser faire la concurrence.

Cette contrainte se ressent dans la réaction d’une partie de la population, qui a manifesté le 7 septembre contre l’entrée en vigueur de la loi.

Quel intérêt pour l’État du Salvador ?

Ensuite, on peut se demander pourquoi ce cours légal a été imposé. Est-ce dû à la volonté du président Nayib Bukele d’améliorer la vie de ses habitants ? Ou est-ce une manière pour l’État d’améliorer son pouvoir de prélèvement et de contrôle vis-à-vis de la population ?

Premièrement, puisque Bitcoin est difficile à prendre en main (surtout si l’on doit utiliser Lightning) et puisque le bitcoin est soumis à une forte volatilité, il est très probable que les commerçants contraints se tournent vers la solution de facilité, à savoir l’application Chivo, sur laquelle ils peuvent de surcroît recevoir 30 dollars en bitcoin offerts par le gouvernement.

Le problème est que cette application joue le rôle d’un dépositaire, c’est-à-dire qu’elle gère les bitcoins pour ses utilisateurs, et demande une identification formelle conformément aux normes de connaissance du client (KYC). Ainsi, il s’agit d’un système bancaire déguisé dans lequel tous les transferts sont contrôlés et surveillés par le gouvernement.

Deuxièmement, remarquons que le cours légal a historiquement toujours mené à l’exercice d’un seigneuriage, c’est-à-dire au fait de profiter du monopole sur la création monétaire. Même si le Salvador semble se substituer à cette observation à court terme, il est possible qu’à long terme, ce cours légal pourrait lui permettre de créer une devise forte adossée au bitcoin, pour ensuite en suspendre la convertibilité et retrouver une monnaie nationale, au détriment de ses futurs épargnants.

Ainsi, la « loi Bitcoin » est une loi liberticide qui pourrait conduire à terme au développement d’un système bancaire et monétaire contrôlé par l’État, soit précisément ce que Bitcoin cherche à contourner.

Voir les commentaires (5)

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  • il faut remonter à la cause du controle des monnaies par l’etat.

    vous avez une cause « noble » l’état affirme contrôler la fraude sur les monnaies, en gros garantir la pureté de l’or et son poids..

    c’est une prestation de service qui a un coût.. pour des monnaies non précieuse..ce cout est non marginal!!!

    et vous avez une cause moins noble taxer et contrôler pour taxer.

    il faut bien comprendre que les monnaies spontanées n’emergent pas par hasard…

    leur authenticité est relativement facile à voir.. les possibilités de triche pas si simple.. on mordait une pièce d’or pour s’arrurer de la malléabilité.. pour un cauri…

    ou sans l’état les gens vont s’adapter.. par definition la fausse monnaie est marginale..

  • « il s’agit d’un système bancaire déguisé dans lequel tous les transferts sont contrôlés et surveillés par le gouvernement. »
    Bien vu !
    Cettte affaire salvadorienne n’est pas le triomphe de Bitcoin comme beaucoup le claironnent mais le détournement des technologies des cryptomonnaies au service d’objectifs exactement opposés à ceux de Satoshi Nakamoto.

  • Je comprends les réticences de l’auteur mais je pense qu’il faut mettre ces points négatifs en balance avec les points positifs. La reconnaissance de bitcoin par un État souverain est tout de même une victoire politique. Elle ouvre la voie à d’autres États qui pourraient hésiter. Le Salvador est un terrain d’expérimentation « en vraie grandeur ». Il va être très intéressant d’observer le poids relatif des paiements effectués en USD et BTC. En d’autres termes est ce que BTC va supplanter USD au Salvador? Les consommateurs vont-ils adopter BTC? Quels portefeuilles vont ils utiliser en plus de Chivo ?
    Quid des transactions inter entreprises? Tout cela promet d’être riche d’enseignements.

  • Aucune coercition n’est favorable à l’économie, répression des fraudes mise à part. Ca inclue le cours légal.

  • Les commentaires sont fermés.

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