L’universalité des leçons de l’économie

Il est toujours possible d’appliquer une théorie aux effets d’une politique ou d’un système, que cela soit dans un contexte primitiviste, capitaliste médiéval, ou soviétique.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Ludwig von Mises BY The Ludwig von Mises Institute - Wikimedia commons

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

L’universalité des leçons de l’économie

Publié le 15 juillet 2021
- A +

Par Marius-Joseph Marchetti.

L’un des éléments intellectuels qui conduit les différents sociologues et philosophes à dénigrer les leçons fournies par les économistes depuis des siècles est que les lois économiques découvertes par les classiques et leurs successeurs ne sont applicables que dans le système capitaliste et pas en dehors.

Les leçons de l’économie ne sont donc pas valides puisqu’elles changeraient selon le contexte historique. Ce que ces personnes remettent en cause c’est que la théorie en tant que telle puisse avoir une application universelle là où les conditions de son existence sont présentes.

Les leçons de l’économie sont-elles universelles ?

C’est une grave erreur qui a conduit à la Querelle des Méthodes, qui opposa l’École historique allemande et l’École autrichienne de Carl Menger. Et c’est un argument qui a encore cours aujourd’hui, qu’il provienne des phénoménologistes marxistes et marxiens, historicistes ou que ceux-ci soient nationalistes.

C’est ce qui a conduit Marx, par exemple, à déclarer que le socialisme ne serait possible, avec ses propres lois, qu’une fois que le capitalisme se serait inéluctablement effondré sous la conduite des forces de production.

Une telle science de l’action humaine ne peut être élaborée ni par le recours aux méthodes vantées – mais jamais utilisées en pratique – par les doctrines du positivisme logique, de l’historicisme, de l’institutionnalisme, du marxisme et du fabianisme, ni par l’histoire économique, l’économie et la statistique. Tout ce que ces méthodes de procédure peuvent établir, c’est l’histoire, c’est-à-dire la description de phénomènes complexes qui se sont produits à un endroit précis de notre globe à une date précise, comme conséquence de l’opération combinée d’une multitude de facteurs. De cette connaissance, il est impossible de déduire un savoir qui pourrait nous renseigner sur les effets à attendre dans l’avenir de l’application de mesures et de politiques précises, par exemple l’inflation, le plafonnement des prix ou les tarifs douaniers. Mais c’est précisément ce que les gens veulent apprendre en étudiant l’économie. Ludwig Lachmann, lxvi-lxvii, Préface de Epistemological Problems of Economics, Ludwig von Mises

Cependant, dans la continuité de Carl Menger, Ludwig von Mises nous a démontré que tout cela n’était qu’une mauvaise compréhension du rôle de la connaissance scientifique dans sa fonction compréhensive et interprétative. Le contexte historique ne modifie que le donné que doit interpréter la théorie, et non pas la validité de la théorie elle-même.

Ainsi, il est toujours possible d’appliquer une théorie aux effets d’une politique ou d’un système, que cela soit dans un contexte primitiviste, capitaliste médiéval, ou soviétique.

La théorie de l’utilité marginale, par exemple, a donc autant de valeur dans une économie où les moyens de production relèvent de propriété privée que là où ils sont collectifs, tout comme il est possible d’éclairer des pratiques des temps médiévaux grâce à elle, qu’il nous était impossible de comprendre à l’aide de la valeur-travail.

Les théories exactes ont fondamentalement pour tâche de nous faire comprendre théoriquement les aspects individuels du monde réel et l’économie exacte de nous faire comprendre théoriquement les aspects économiques de la vie nationale. Carl Menger

La réalité c’est que ce relativisme méthodologique était une façon de se défendre contre la falsification inévitable qui provient des théories de l’économie subjectiviste. En se dotant d’un socle historiciste, les théoriciens de l’École historique visaient à se défendre contre les assauts d’une théorie économique qui, dans son bon droit, a prouvé que les contrôles des prix ne débouchaient que sur des pénuries ou des surproductions, avec leurs lots de mal-allocations et réduisant le bien-être de la nation.

Plus précisément, l’École historique allemande, et surtout la jeune école de Schmoller, est dans une opposition avec le libre-échange des classiques anglais.

Refusant de croire aux lois générales, l’école historique présentait l’attrait particulier que sa méthode était constitutionnellement incapable de réfuter les utopies les plus folles, peu susceptibles d’apporter la déception liée à l’analyse théorique. Friedrich Hayek, Trend in Economic Thinking

Si Menger et les historicistes voient bien les soucis méthodologiques des classiques, leurs Écoles empruntent des chemins fort différents.

Menger donne à la théorie économique des fondations subjectivistes, déductivistes, et fondées sur des explications causales-réalistes. La valeur des biens découle de leur relation vis-à-vis de la satisfaction des besoins humains. C’est ainsi que Menger formule ses théories du bien économique, de la valeur, de l’échange, du prix, de la marchandise, et enfin de l’argent. C’est cette dernière qui finira par enfoncer le dernier clou dans la querelle.

En effet, en montrant que la monnaie est le résultat de processus d’interaction entre des individus ayant des évaluations subjectives différentes et inégales des différents biens, il réfute la théorie de l’État comme créateur de la monnaie.

Les différents systèmes doivent résoudre les mêmes problèmes économiques

En rejetant l’universalité de la théorie, le projet politique des historicistes ne pouvait pas être attaqué.

Cependant, un tel point de vue ne peut être que épistémologiquement et scientifiquement absurde. Comme l’écrit avec justesse Ludwig von Mises, ce n’est pas parce que les classiques n’avaient pas encore découvert la théorie de l’utilité marginale décroissante (le bien trouve sa valeur dans son essence, en tant que dernier bien consommé dans une échelle de valeurs, et non pas de sa nature de classe d’objets ou du nombre d’heures) qu’on ne peut appliquer cette théorie aux comportements des hommes de cette époque.

D’une même manière, dans Les systèmes socialistes, Vilfredo Pareto rappelle que les équations qui doivent être résolues par les systèmes socialistes sont les mêmes qui sont actuellement résolues dans le capitalisme (ce point de vue est aussi soutenu par Enrico Barone), et que celles-ci trouvent une expression concrète par l’exercice du marché :

Faisons l’hypothèse la plus favorable à un tel calcul, supposons que nous ayons triomphé de toutes les difficultés de la recherche des données du problème et que nous connaissions les ophélimités de toutes les différentes denrées pour chaque individu, et toutes les conditions de production de toutes les denrées, etc. C’est déjà une hypothèse absurde à faire. Pourtant, elle n’est pas suffisante pour rendre possible la solution du problème. Nous avons vu que, dans le cas de 100 personnes et de 700 marchandises, il y aura 70 699 conditions (en fait, un grand nombre de circonstances que nous avons négligées jusqu’ici augmenteront encore ce nombre) ; nous devrons donc résoudre un système de 70 699 équations. Cela dépasse pratiquement le pouvoir de l’analyse algébrique, et cela est encore plus vrai si l’on considère le nombre fabuleux d’équations que l’on obtient pour une population de quarante millions et quelques milliers de marchandises. Dans ce cas, les rôles seraient inversés : ce ne seraient pas les mathématiques qui aideraient l’économie politique, mais l’économie politique qui aiderait les mathématiques. En d’autres termes, si l’on pouvait vraiment connaître toutes ces équations, le seul moyen de les résoudre dont disposent les pouvoirs humains est d’observer la solution pratique donnée par le marché. Vilfredo Pareto, Manuel d’Économie Politique

Les systèmes économiques, capitalistes purs, socialistes purs, interventionnistes, ne doivent donc pas être jugés selon des constructions théoriques fabulées, mais doivent faire l’objet d’analyses institutionnelles comparatives, selon leur capacité à surpasser les problèmes économiques du monde réel.

Nous devons analyser la conduite des dirigeants socialistes dans l’édification des plans de production comme nous le faisons pour les plans de production des entrepreneurs-capitalistes, pour la simple et bonne raison qu’ils vivent tous dans un monde dynamique incertain, où les goûts et les préférences changent, et où la connaissance de ces changements est radicalement dispersée et partiellement tacite.

Chaque système doit donc être évalué selon sa capacité à s’adapter aux troubles d’un monde qui change : la rareté existera toujours dans le monde imaginé des socialistes, et donc avec elle la nécessité d’une comptabilité pour que les dirigeants socialistes puissent comparer les coûts d’opportunité et donc initier les plans de production à mettre en place pour améliorer le bien-être la communauté socialiste.

La rareté, les erreurs, l’ignorance radicale sont des caractéristiques du monde réel, que l’on retrouve dans tout système économique, qu’il soit capitaliste pur, socialiste ou interventionniste.

Le problème économique d’une société n’est dès lors plus seulement un problème d’allocation de ressources données – si le terme de « données » signifie « données à un seul esprit qui pourrait résoudre le problème ainsi posé ». Il s’agit au contraire d’obtenir la meilleure utilisation possible de ressources que connaît n’importe lequel des membres de la société, à des fins dont l’importance relative est connue de ces individus et d’eux seuls. Ou, pour résumer ceci, il s’agit d’un problème d’utilisation de la connaissance, laquelle n’est donnée à personne dans sa totalité. Friedrich Hayek, L’Utilisation de la connaissance de l’information

Si on écarte les questions de droit naturel et de liberté, la différence fondamentale entre ces différents systèmes réside dans leur aptitude à régler les problèmes de coordination qui découlent de ces problèmes inhérents à l’existence.

En présence de ces problèmes, seules les institutions du marché, tout en étant imparfaites, ont prouvé qu’elles étaient capables de résoudre ce problème de coordination des activités humaines. Elles ont la capacité de promouvoir la coopération sociale, la vie en société.

Le socialisme n’est que destructionisme, la suppression de cette aptitude des hommes à coopérer entre eux, et l’interventionnisme, l’économie mixte, tendent inéluctablement vers ce destructionnisme.

Comme l’a déjà dit et prouvé Ludwig von Mises, il n’existe que deux voies possibles : la coopération sociale basée sur la propriété privée et la division du travail, ou la destruction de la propriété et de toute vie sociale.

Voir les commentaires (3)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (3)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Mercredi 17 janvier dernier, le président argentin Javier Milei a prononcé un discours enflammé et disruptif au Forum économique mondial de Davos. Son éloge de la croissance et des entrepreneurs, tout comme sa mise en garde contre les dangers du socialisme ont déjà fait couler beaucoup d'encre. En réalité, l'économiste n'a fait que reprendre, à quelques expressions près, le contenu d'une conférence TED donnée en 2019 à San Nicolás, au cours de laquelle il expliquait comment, tout au long de l'histoire, le capitalisme s'était avéré supérieur a... Poursuivre la lecture

Oliver Faure, premier secrétaire du Parti socialiste a pris la plume car il a un rêve, qu’il estime révolutionnaire et qu’il souhaitait partager avec l’ensemble de la population : réaliser une plus grande égalité réelle entre les Français. Pour atteindre cet objectif impératif, il a une méthode qu’il présente comme originale : distribuer aux citoyens des aides supplémentaires, en euros sonnants et trébuchants, qu’il fera abondamment financer par une augmentation de la fiscalité pesant sur les plus riches et contrôler par une administration pl... Poursuivre la lecture

Par Damien Theillier Un article de l'Institut Coppet

[caption id="attachment_218127" align="alignleft" width="230"] J-B Say, domaine public.[/caption]

Jean-Baptiste Say est né à Lyon en 1767. Il est issu d’une vieille famille protestante du sud de la France, qui s’est installée à Genève puis à Paris. À l’âge de quinze ans, au plus fort de la Révolution française, il est fortement influencé par l’autobiographie de Benjamin Franklin, ses principes d’économie, d’éducation et de vie morale. Il passe également deux ans à Londres, où ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles