Régionales : le macronisme effacé dans une élection sans vainqueur

Les résultats de La République en Marche sont sans appel : c’est une invisibilisation du parti présidentiel, comme s’il n’existait pas, comme s’il n’avait jamais existé.

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Régionales : le macronisme effacé dans une élection sans vainqueur

Publié le 1 juillet 2021
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Par Nathalie MP Meyer.

Il est tristement amusant de voir jusqu’à quel degré de nombrilisme auto-satisfait nos politiciens hexagonaux sont capables de se hisser et comment ils parviennent à déduire d’un scrutin largement boudé par les Français que la France n’attend plus qu’eux pour réenchanter la politique et entrer à l’Élysée l’an prochain. 

Pour le maire écologiste de Grenoble Éric Piolle, par exemple, les élections régionales auraient fait la preuve que les écologistes étaient « en capacité de fédérer, en capacité de gagner, qu’ils avaient le potentiel pour cela ». Pourtant, aucune victoire à signaler dans son camp, ni en solo ni en alliance avec les socialistes et l’extrême gauche, mais hop, le voilà candidat à la primaire Europe Écologie Les Verts en vue de 2022.

Pour le candidat présidentiel déclaré Xavier Bertrand (droite hors LR) qui a été réélu dimanche dernier dans les Hauts-de-France avec 52,4 % des suffrages exprimés mais seulement 16,7 % des inscrits, ce résultat lui « donne la force d’aller à la rencontre de tous les Français ». Et hop, le voilà qui saute au nez et à la barbe du Président dans la 4L estampillée spécialement au logo de la présidence de la République à l’intention d’Emmanuel Macron par le PDG de Renault alors que les deux hommes visitaient l’usine douaisienne du constructeur automobile avant-hier.

Ce sont jusqu’aux soutiens du polémiste du Figaro et de CNews Éric Zemmour qui ont immédiatement profité de l’incapacité du Rassemblement national à s’imposer à la tête d’une région pour placarder dès le lendemain du vote 10 000 affiches «Zemmour Président » sur les panneaux électoraux d’un millier de communes.

Pourtant, l’élection présidentielle sera très différente de ce tour de chauffe régional et il semble infiniment prématuré de s’imaginer que les rapports de force politiques sortis des urnes dimanche dernier seront ceux qui s’imposeront en 2022. Première et essentielle différence, on peut d’ores et déjà prédire que les Français seront nombreux à s’y intéresser car c’est bel et bien depuis l’Élysée que tout se décide (ou ne se décide pas) en France, pas depuis les Hauts-de-France ou la Nouvelle-Aquitaine, ni même depuis l’Assemblée nationale, ainsi que l’organise notre Constitution avec encore plus d’emphase depuis le passage au quinquennat.

Il n’en reste pas moins que si les élections régionales n’ont mis en évidence aucun vainqueur, elles tendent néanmoins à rendre certains échecs particulièrement cuisants et significatifs, à commencer par celui du parti de la majorité présidentielle La République En Marche (LREM) : 10 % des voix au premier tour, 7 % au second, trois fois rien par rapport aux inscrits. Un effacement, une invisibilisation du parti présidentiel, comme s’il n’existait pas, comme s’il n’avait jamais existé.

Emmanuel Macron peut certes tenter d’affadir cette désagréable séquence au motif que les régionales n’étaient qu’une élection locale dont les électeurs eux-mêmes se sont détournés, mais personne n’est dupe.

On n’envoie pas cinq ministres dont le ministre de l’Intérieur et le garde des Sceaux au casse-pipe (Régionales 2021) si l’on n’a pas décidé qu’il était important pour LREM d’avoir une influence locale. On ne fusille pas sa ministre de la Santé dans une compétition municipale très mal engagée (Paris 2020) alors qu’une pandémie de magnitude sanitaire et sociale inconnue est en train de se déclarer partout dans le monde.

Ces stratégies comportent à l’évidence leur part nationale en vue de 2022. Mettre des bâtons dans les roues d’Anne Hidalgo, de Xavier Bertrand, voilà qui serait plaisant pour la suite. Mais quand on voit que le candidat LREM dans les Haut-de-France, pas en mesure de se maintenir au second tour des régionales, a finalement appelé à voter pour Bertrand, on mesure les limites de ces plans bricolés en grand secret sur un coin de table à l’Élysée.

À moins d’avoir complètement perdu pied avec la réalité – ce qui est tout à fait possible – et contrairement à tout ce qu’il peut dire maintenant, Emmanuel Macron sait fort bien que s’il veut que LREM survive à sa propre vie politique, il doit impérativement donner un ancrage territorial à son parti, avec des élus et des sections locales qui interviendront lors de prochaines élections. Qu’il ne soit pas réélu en 2022 et c’est l’ensemble de l’appareil macroniste (quoi qu’on mette dans ce terme) qui risque de disparaître du paysage politique français.

Tel est bien là le problème originel de LREM. Sorti de rien en 2016 par la seule magie du verbe macronien sur fond de lugubre crépuscule hollandais, ce nouveau parti dédié d’abord à l’ascension présidentielle d’Emmanuel Macron a eu pour ainsi dire la malchance de voir son leader accéder du premier coup à la présidence de la République sans avoir obtenu assez de temps pour se tisser un réseau et encore moins une philosophie politique, mis à part le grand bric-à-brac soi-disant printanier mais à coup sûr racoleur du dépassement des clivages.

Or les exécutifs, de quelque couleur politique qu’ils soient, ont une nette tendance à perdre les élections intermédiaires qui se déroulent pendant leur mandat. Rien d’étonnant à cela. Dans le contexte de forte étatisation de la France, et avec des niveaux locaux démultipliés façon millefeuille mais aux compétences limitées, le gouvernement central est forcément la cible privilégiée des exigences et des rancœurs des électeurs.

Ainsi, quand Emmanuel fut élu en 2017, peut-être un quinquennat plus tôt qu’il ne s’y attendait réellement, il était écrit d’avance que son parti serait réduit à être la cible de l’inévitable mécontentement des citoyens face à la politique de l’exécutif. Et disons qu’avec sa décision catastrophique de limiter la vitesse à 80 km/h, avec son projet (annulé sous la pression des Gilets jaunes) de hausse des taxes sur les carburants et avec sa réforme des retraites rejetée par tout le monde, sans oublier la gestion calamiteuse de la pandémie de Covid-19, l’exécutif a eu à cœur de rendre ce mécontentement encore plus exacerbé que d’habitude.

Et les députés ? LREM a quand même réussi à obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale après l’élection d’Emmanuel Macron, me direz-vous. En effet, mais d’une part les députés ne sont pas des élus locaux, et surtout, avec la formule du quinquennat qui place les législatives juste après la présidentielle, leur élection est devenue une simple validation de cette dernière n’attirant plus guère les foules citoyennes.

Que le Président sortant ne soit pas réélu en 2022 et ses députés pourront s’activer à retrouver un point de chute, éventuellement en revenant vers les partis plus implantés que certains ont précipitamment quittés pour suivre le vainqueur de 2017. Et là encore, le macronisme aura disparu. Qu’il soit réélu, et il aura la même difficulté qu’aujourd’hui à faire émerger un parti représentatif au niveau local.

Élu trop tôt, essentiellement par effet de surprise sur des Français désabusés et revenus de tout qui (certains, du moins) ont voulu croire au joli rêve qu’on leur racontait – que tout redeviendrait miraculeusement et merveilleusement printanier sans rien changer à notre État providence maître de tout – Emmanuel Macron a échoué à faire de son quinquennat autre chose que son (incroyable, il faut l’admettre) aventure personnelle.

D’où question : à côté du colbertisme que la plupart des politiciens français revendiquent (mais plutôt sous les vocables d’État stratège et de souverainisme économique), n’y aurait-il pas un petit quelque chose de sombrement napoléonien chez cet homme ? Même ascension politique fulgurante, même enthousiasme médiatisé façon « Bonaparte au pont d’Arcole », même mise en scène du pouvoir, même tentation liberticide, même fuite en avant, dans les conquêtes militaires pour l’un, dans le « quoi qu’il en coûte » pour l’autre. Ça promet.

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  • les instituts de sondage , c’est comme les médias subventionnés par l’état avec notre argent : on leur fait dire ce qu’on veut….

    • C’est vrai.
      Le RN prévoit-il d’arrêter les subventions à la presse quand il sera au pouvoir ?
      Dans le cas contraire, votre commentaire n’a aucune crédibilité.

  • Le 11 juillet 1940, à la Chambre de commerce, son président commença la réunion par « tout continue comme avant ». C’est ce qui va se passer en France jusqu’à la prochaine votation et ça commence aujourd’hui avec la hausse de 10% du prix du gaz.

  • L’institut de sondage est dirigé par son beau fils et c’est Staline qui sert de modèle.

  • Et qui éliraient-ils ? Une majorité de Français est capable de constater qu’aucun candidat ne répond à ses attentes, ce qui montre qu’ils ne sont pas si bêtes que ça…

  • « À moins d’avoir complètement perdu pied avec la réalité – ce qui est tout à fait possible »
    Chère Nathalie MP, pour ma part, ce n’est pas une possibilité, c’est une certitude et depuis longtemps malheureusement…
    Mais totalement d’accord avec l’ensemble de l’article

  • @Gerald555 : entièrement d’accord, dans ce pays, plus on échoue, plus on progresse dans la hiérarchie. Enfin, dans la FP tout du moins, je le constate régulièrement : ceux qui ne font rien, voire ne prennent même plus la peine de venir au bureau sont les premiers à grimper les échelons

  • Macron est un transgenre, à mi-chemin entre Napoléon et Mélenchon, une sorte de Napoléchon.
    Un « va t’en guerre » qui ne représente que lui-même, une sorte de machine à perdre mais fier.

    • Il représente de 20 à 30 millions de gens.
      Une bonne partie des 7 millions de salariés du public et des 620’000 élus et leurs familles, une bonne partie des entreprises en PPP et leurs amis et on passe rapidement sur les syndicalistes, journalistes et autres bénéficiaires des largesses de la république bananière (ainsi que quelques idiots utiles qui croient que ces mafieux représentent le « camp du bien »).
      .
      Les impôts volés ne sont pas perdus pour tout le monde.

      • @Guillaume P
        Bonjour,
        Macron représente 20 743 128 de citoyens, incluant toutes les catégories dont vous parlez, sur 47 568 693 citoyens officiels au total.
        Son parti ne représente pas grand monde, ni grand chose, au vu des Régionales, et ne pesait pas si lourd lors des Législatives. Sur les 112 députés LREM dont je viens de décortiquer les résultats, pas un ne représente 30% des inscrits. Aurore Bergé est la seule sur les 112 qui approche 30%). Deux députés des Français Etablis Hors de France, LREM, siègent avec 8,57% et 7,32% des inscrits de leurs circonscriptions respectives avec des taux d’abstention de 86,46% et 87,53%. La flemme me gagne, alors je me suis arrêté à 112. Si je retrouve la motivation, je continuerais de décortiquer les 156 restants.
        En attendant, à vue d’oeil, LREM représente 25% des inscrits de leurs circonscriptions, je n’ai pas encore fait les calculs.

        • https://www.interieur.gouv.fr/Elections/Les-resultats/Legislatives/elecresult__legislatives-2017/(path)/legislatives-2017/FE.html
          Ici, dans le tableau, LREM représente 43,06% des suffrages exprimées pour les Législatives de 2017 mais 16,55% des inscrits.

          Sur les 300 députés LREM dont j’ai décortiqué les résultats, 2 ont obtenu plus de 30% des voix des inscrits : Stéphane Mazars de l’Aveyron (30,38%), et Cédric Villani de l’Essonne (31,34%).
          Des personnages notables tels Benjamin Griveaux (25,31%), Barbara Pompili (23,77%), Bruno LeMaire (24,76%), Joachim Son Forget (13,67%), Olivier Véran (27,90%).
          Marine Le Pen, pour sa part, a obtenu 23,98% des voix des inscrits de sa circoncription. Son « poids » national est de 3,36%.

          LREM ne représente pas grand-chose ni grand monde au final.

          • Lors des Législatives 2017, 7 826 245 citoyens ont voté pour son parti sur 47 293 103 inscrits.
            Lors des Présidentielles 2017, Macron a obtenu 20 743 128 voix. Son parti a obtenu 7 826 245 voix.
            20 743 128-7 826 245=12 916 883 citoyens n’ont pas voté pour son parti après son accession à la Présidence. Cette douzaine de millions de citoyens aurait-elle voté « contre » MLP en fait ? Ou alors, fait-elle partie des 27 128 488 abstentionnistes ?

  • Toujours aussi bon vos articles Nathalie.
    Ceci dit, LREM c’est en gros le PS et des bouts d’UMP atomisés et le rythme de production de lois ne va pas faiblir un seul instant (3750 article de lois par an en moyenne).
    Ils n’ont pas la légitimité, mais ils sont toujours du bon côté de l’épée et les poches de leurs nombreux amis ont faim.

  • Les commentaires sont fermés.

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