Le second tour des élections régionales a confirmé l’abstention record du premier tour. Mais fallait-il s’attendre à mieux après un an d’anomie sociale organisée par un État rendu fou par la crise sanitaire ?
Le taux de participation s’est légèrement amélioré du premier au second tour, mais pas de quoi se réjouir. 66,7 % des électeurs ne s’étaient pas déplacés pour le premier tour, 65,7 % se sont abstenus pour le second. Comparées aux élections précédentes, les régionales de 2021 sont catastrophiques. En 2010, le second tour des régionales atteignait 48,8 % et en 2015 41,6 %.
La grande parade politique
La classe politique ne semble pas spécialement perturbée par ce désaveu populaire. La droite crie victoire, Xavier Bertrand se voit déjà à la présidentielle, le PS relève la tête, les discours convenus pleuvent dans les médias et sur les réseaux sociaux. Pourtant la déconnexion entre les gouvernants et les gouvernés atteint un sommet sans précédent.
Pourquoi une telle abstention ? Usure du pouvoir macronien, normalisation du discours national-populiste et sécuritaire, uniformisation socialiste de l’offre électorale. Les raisons possibles sont nombreuses mais personne pour relever une dynamique de fond : le désengagement public des Français après un an de guerre sanitaire.
L’été arrive. Les cafés, les restaurants et même les discothèques rouvrent. Les festivals et les concerts repartent. Seulement les contraintes sanitaires sont toujours là, et leur esprit général est toujours le même : éviter la trop grande socialisation pour éviter la contamination.
Du coup, les Vieilles Charrues dans le Finistère, les Francofolies à la Rochelle ou encore le festival Pause Guitare à Albi peinent à vendre leurs places. À Paris, ce sont les soirées tests dans les discothèques qui ont dû être annulées faute de volontaires. On se souvient également des scènes hallucinantes de la Fête de la musique, où les forces de l’ordre ont été déployées pour empêcher les fêtards de former des groupes de plus de 10 personnes.
Fête de la musique : quand la police coupe le son à Paris… pic.twitter.com/5pDpUmFLQ7
— Brut FR (@brutofficiel) June 22, 2021
Le monde commun du travail déserté
Les Français ne sont pas non plus trop pressés de retrouver le monde commun de l’entreprise après la généralisation du télétravail pour répondre à la crise sanitaire. Un sondage Harris Interactive réalisé par l’agence Epoka vendredi dernier révèle que les salariés souhaitent rester en télétravail la moitié de la semaine.
56 % des personnels en télétravail complet estimaient leur condition de travail meilleure qu’au bureau, contre seulement 26 % les jugeant moins bonnes. Le monde du travail se morcelle donc au même titre que la vie privée.
Pour les plus jeunes et les plus pauvres, le sentiment de solitude a explosé pendant la crise, provoquant dépressions, pensées suicidaires et décrochages scolaires. Notons que ce sont aussi ces catégories de la population qui se sont massivement abstenues.
Difficile de ne pas rapprocher ce fractionnement à l’extrême de la société civile de l’analyse faite par Jérôme Fourquet dans son livre pénétrant L’archipel français : la dislocation des références culturelles communes, qui aboutit à une société pluriculturelle qui juxtapose les communautés et les classes sociales plus qu’elle ne les intègre, efface aussi toute idée de destin politique commun.
Or, les libertés politiques défendues par la démocratie moderne ne peuvent fonctionner qu’en imaginant un horizon d’action commun, incarné par des organes politiques élus. Si les citoyens ne s’estiment plus représentés par les institutions, et solidaires des grandes questions qui traversent le débat public, alors la démocratie représentative ne représente plus rien. Si les citoyens estiment leur pouvoir infime, et celui de leurs élites politiques intouchable, alors c’est tout naturellement qu’ils restent chez eux.
L’anomie sociale bureaucratique
La grande nouveauté de ce moment d’anomie sociale généralisée, c’est que ce n’est pas la faute à l’ultralibéralisme, cet éternel bouc émissaire de la classe médiatique et politique, mais le produit d’une politique publique délibérée au nom de l’état d’urgence sanitaire.
Suspendre l’État de droit, limiter la liberté de circuler, de se réunir, écraser la société civile de règlementations sanitaires inapplicables, délibérément empêcher les gens de se rencontrer se traduit nécessairement par l’érosion du capital social, cet élément informel nécessaire au bon fonctionnement d’un État libéral et démocratique bien réglé. Que cela se traduise dans les urnes ne devrait étonner personne. Que personne n’en parle devrait par contre inquiéter tous les amis des libertés publiques.
Tout à fait. Nos votes ne servent d’élections mais d’évictions de ceux qui décident mal.
Vous avez raison de pointer la gestion de la crise sanitaire dans cette abstention record.
Les gens ne sont plus les mêmes, en 16 mois j’ai serré la main à seulement 6 personnes!
La psychose, systématiquement entretenue par les médias, est délétère.
Alors que l’épidémie a pratiquement disparu, on nous bassine à longueur d’antenne avec le variant delta.
Le discours politique n’a plus aucun impact sur les électeurs, qui ont bien compris que le principal pouvoir de leurs élus est d’interdire.
On ne s’en sortira pas si on ne décide pas de vivre comme avant.
On me rétorquera que j’ai tort de prendre la Covid à la légère, je rétorquerai que notre humanité est foutue si on réagit de la sorte à chaque fois qu’une nouvelle maladie nous frappera.
Nous avons perdu la raison, provisoirement j’espère.
Un sage a dit qu’on pouvait berner 1000 personnes une fois mais pas u’e personne 1000 fois.
Qu’on le déplore ou non, il y a en ce moment un accord tacite entre la population et les autorités : si on se vaccine, la vie normale pourra reprendre.
Si cet automne, on recommence à embêter les gens avec des restrictions, le marché n’aura pas été respecté. Je ne suis pas sûr que la population restera sans broncher.
Il y aura un variant epsilon, et ça marchera.
Personne n’a braillé avec le masque à l’extérieur, alors que ça ne servait à rien.
Par principe un corona virus varie…
l’efficacité du vaccin est difficile à mesurer (toute épidémie a une courbe en cloche, vaccin ou pas).
Reste à voir les effets secondaires…
« se traduit nécessairement par l’érosion du capital social »
On en a gros !
« Si les citoyens estiment leur pouvoir infime, et celui de leurs élites politiques intouchable, alors c’est tout naturellement qu’ils restent chez eux »
Tout était dit dès le sous-titre, et, oserais-je, mieux que dans l’article.
Politique sanitaire covidienne, dislocation culturelle, préoccupations diverses ont certes pesé dans ces élections.
Mais ce mouvement de désintérêt électoral est bien plus ancien. Il s’explique pile poil par le constat d’ouverture : voter ne sert pas à grand chose. Tout semble déjà décrit ailleurs (commission européenne, technostructure centrale parisienne…) et par des gens autrement plus puissants que la somme de millions de votants…
Quand on pense qu’il a fallu des mois de crise des Gilets jaunes pour stopper une taxe mal emmanchée et amender un diktat de la sécurité routière (80 km/h), que, malgré cela, le gouvernement continue d’emm.rder les usagers par des mesures (CT moto, ZFE…) propres à mobiliser du GJ puissance 10, que les regions, les départements, les communes ne font qu’appliquer les consignes, on comprend vite que quoi qu’on dise, quoiqu’on fasse, les jeux sont déjà faits.
Avec des RIC, à la mode Suisse, les citoyens retrouveraient sans doute le chemin des urnes. Sinon, eh bien, au final, on ne pourra compter, comme d’hab, que sur de bruyantes et agressives manifs pour corriger, à la marge, l’agenda politique.
et la Suisse a éliminé la France de l’euro : peut-être pas un hasard !
Pourquoi des mecs élus par nous pour faire ce qu’on veut, au lendemain des élections, font ce qu’ils veulent ?
(Coluche)
« écraser la société civile de règlementations sanitaires inapplicables »
A l’évidence de la vidéo de Brut, les règlementations sanitaires sont applicables à minuit, avec un tacle social et sanitaire sur une personne sanitairement distanciée des autres. La police a reçu l’ordre d’agir dans ce contexte.