Par Finn Andreen.
Pendant la pandémie, les gouvernements ont gagné en pouvoir aux dépens de la société. La multitude de lois et de décrets annoncés par les exécutifs de différents pays, ont gravement limité les libertés individuelles, alors que dès le début, beaucoup de doutes existaient concernant l’efficacité, la pertinence et la légitimité de ces mesures draconiennes utilisées pour combattre la pandémie.
On pense, par exemple, aux confinements successifs, à l’obligation de port du masque à l’extérieur, à la fermeture des écoles et des collèges, pour ne citer que quelques exemples flagrants.
Pourtant, maintenant que la pandémie est en rémission, les gouvernements ne semblent pas vraiment pressés de relâcher ces restrictions et de laisser reprendre la vie d’avant. Au Royaume-Uni, la date de la levée totale des restrictions vient d’être repoussée, sans qu’une bonne raison ait été donnée. En France, il n’y a pas de zèle à vouloir rétablir rapidement les libertés individuelles pré-pandémie, alors que l’urgence médicale est passée ; les personnes âgées sont en grande majorité déjà vaccinées.
Que se passe-t-il donc ? Trois réflexions concernant l’État et le pouvoir politique peuvent permettre de comprendre cette situation.
L’insatiabilité de pouvoir de l’État
La première réflexion est celle de l’insatiabilité du pouvoir de l’État. Quand l’État s’arroge des nouveaux pouvoirs, il lui est naturellement difficile de les rendre. C’est que l’on constate chez les gouvernements habitués depuis un an de pandémie à dicter la vie de chacun.
Cette insatiabilité de pouvoir se voit aussi dans la taille de l’État et dans son périmètre règlementaire qui ne cessent de croître. En France, par exemple, le nombre de fonctionnaires a augmenté de plus d’un million depuis l’année 2000 et les mêmes tendances sont évidentes ailleurs. Bien sûr, les cas existent où l’État s’autorégule, mais ce sont des exceptions.
Ludwig von Mises identifia dans Bureaucracy l’ampleur et l’étendue croissantes de l’État administratif, en avertissant contre la tendance à bureaucratiser la vie politique, économique et sociale. Une telle bureaucratisation de l’activité humaine porterait obligatoirement atteinte à la liberté individuelle.
Les réactions des gouvernements face à la pandémie s’inscrivent sans surprise dans cette volonté de vouloir contrôler la société. Les crises sont toujours considérées comme d’excellentes opportunités pour l’État d’accroître son pouvoir.
D’innombrables fois dans l’Histoire les crises ont été utilisées à cette fin par le pouvoir étatique en place. Ce fut le cas notamment avec les deux guerres mondiales, qui donnèrent à l’État la possibilité de jouir d’un rôle exceptionnel en temps de guerre, rôle qu’il ne délaissa qu’en partie une fois la paix revenue.
En France, la crise de la guerre d’Algérie donna à de Gaulle la possibilité de mettre en place la Constitution hyper-présidentielle de la Cinquième République. De nos jours, le fléau du terrorisme a également donné à l’État la possibilité d’instaurer un état d’urgence sur la durée. L’état d’urgence est maintenant devenu sanitaire.
Le besoin de permanence et prévisibilité des lois
Les nombreuses réglementations imposées par les gouvernements pendant la pandémie sont critiquables d’un point de vue libéral car elles restreignent fortement la vie quotidienne des citoyens. Mais pire encore, elles sont souvent variables et de durées incertaines.
Pour Hayek, un individu doit pouvoir exiger de son gouvernement, au minimum, la prévisibilité et la permanence des lois. Quand bien même l’État administratif moderne domine la société, puisse-t-il au moins fournir de la certitude légale ! Si au moins les lois du régime interventionniste étaient prévisibles et permanentes, les citoyens pourraient planifier leur vie avec sérénité et les entreprises pourraient gérer correctement le risque politique.
La certitude légale permet aux citoyens de ne pas gaspiller du temps à comprendre les changements juridiques. Sans une telle certitude, l’effort d’essayer de rester tant bien que mal dans la légalité devient lourd. La permanence et la prévisibilité de la loi ne garantissent pas la liberté, mais ils permettent au moins une vie plus tolérable.
Pendant la pandémie, les lois et décrets divers et variés n’ont cessé d’être abrogés, ce qui est exactement le contraire de cette certitude légale recherchée. Un article récent résume bien la situation au Royaume Uni, similaire à ce qui se passe en France :
Qui sait encore quelles sont les règles ? Qui a été capable de suivre les centaines de changements, et de distinguer entre la loi et la recommandation? Ni la police, ni les ministres non plus.
Une partie de l’angoisse vécue par des millions de citoyens pendant la pandémie s’explique sans doute aussi par le manque de certitude légale.
Le paradoxe du pouvoir politique
La troisième réflexion concerne ce que l’on peut nommer le paradoxe du pouvoir politique.
Murray Rothbard identifia la tension permanente qui existe entre le « pouvoir étatique » et le « pouvoir social ». Pour simplifier, on peut dire qu’un État faible rend la société forte, ce qui renforce l’État. Et vice-versa, un État fort affaiblit la société, rendant l’État faible.
Le processus est le suivant :
Un État faible est un État de taille et de responsabilités réduites, adepte du laissez-faire. C’est un État qui ne peut pas et ne veut pas s’immiscer dans les activités de la société. Celle-ci est alors quasiment libre et basée essentiellement sur l’économie de marché. Le pouvoir social domine le pouvoir étatique.
Au fil du temps, cette société vivante et dynamique renforce l’État en lui apportant des recettes fiscales de plus en plus conséquentes. Avec en plus la tentation d’emprunter à taux d’intérêt bas, l’État obtient alors au fil du temps des moyens de se développer. Il commence inévitablement à grossir.
Dans sa volonté de pouvoir, l’État commence à exercer une pression sur la société. Lorsqu’il augmente son emprise bureaucratique, règlementaire et fiscale sur la société, celle-ci va s’affaiblir en abandonnant progressivement des forces créatives et entrepreneuriales.
Les dépenses publiques continuent à augmenter plus vite que les recettes fiscales. Les taux d’intérêts proposés ne sont plus aussi attractifs que par le passé. L’économie devient moins compétitive et ne peut plus soutenir un État devenu gargantuesque. Il est devenu bureaucratique, déficitaire, surendetté, inflationniste. La société étouffe et une décadence générale règne. Le pouvoir étatique domine alors le pouvoir social.
De plus en plus de voix exigent alors une libéralisation de la société afin que celle-ci puisse se développer et s’épanouir à nouveau. Finalement, la stagnation de la société, l’incapacité de réforme de l’État, la corruption qui inévitablement accompagne le manque d’opportunités, provoquent une crise économique et politique.
On perçoit évidemment ici un cycle long, parfois sur plus d’un siècle, où la société est caractérisée à certaines périodes davantage par le pouvoir étatique, et à d’autres périodes par le pouvoir social.
La politique sanitaire actuelle est en train de suivre ce paradoxe du pouvoir politique. Les pays ayant le plus renforcé le pouvoir étatique aux dépens de la liberté en implémentant des restrictions et des obligations en tout genre sont également les pays, dont la France, qui subiront un impact économique et social significatif de ces mesures sur le long terme. Le pouvoir étatique s’en trouvera alors largement affaibli et des crises politiques éclateront probablement dans ces pays.
Apprendre la valeur de la liberté
Ces trois réflexions présentent des aspects du pouvoir politique pertinents dans le contexte actuel. D’une manière générale, le libéralisme propose des outils intellectuels essentiels pour comprendre l’économie et la politique de la société moderne.
Mais il est souvent nécessaire de perdre la liberté afin de mieux la chérir par la suite. La gestion de la crise sanitaire aura au moins eu l’avantage d’exposer encore plus clairement la nature du pouvoir politique.
bien dit !
Il y a un nombre « fustépiant » d’iznogoud dans l’appareil d’état français, aucun autre pays ne nous arrive à la cheville !
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