Didier Lemaire, Génération Identitaire, le monde à l’envers

Comment se fait-il que ce soit l’extrême droite qui défende la liberté d’expression et que les autres franges du spectre politique préfèrent raser les murs ou s’en laver les mains ?

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Plenary debate on terrorism and Paris attacks with Marine LE PEN (ENF) by European Parliament on Flickr CC BY-NC-ND 2.0)

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Didier Lemaire, Génération Identitaire, le monde à l’envers

Publié le 16 février 2021
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Par Frédéric Mas.

Le Rassemblement national a protesté contre la dissolution « politique » du groupuscule d’extrême droite « Génération identitaire » (GI). Les deux formations ont en commun de rejeter l’Islam et l’immigration, mais le premier dans le cadre électoral, le second dans celui culturel. Pour le parti de Marine Le Pen, la dissolution de GI est « une dangereuse atteinte aux libertés fondamentales » même s’il précise ne pas partager ses méthodes et toutes ses opinions.

Marine Le Pen a également pris la parole pour évoquer l’abandon par l’État de Didier Lemaire, ce professeur de philosophie de Trappes qui se trouve désormais sous protection policière pour ses propos critiques relatifs à l’islamisation de la ville.

Dans cette affaire, qui a conduit l’enseignant à annoncer sa démission, les pouvoirs publics n’ont pas vraiment soutenu la liberté d’expression : le maire de Trappes a accusé M. Lemaire de jouer « un jeu dangereux au nom de ses convictions politiques », et a fait distribuer des tracts dans son lycée pour dénoncer la stigmatisation des habitants de Trappes. Le fautif, c’est le prof qui ose parler et dire tout haut ce qu’il pense de ce qu’il voit.

Le préfet des Yvelines est intervenu à son tour pour accuser l’enseignant de « mettre de l’huile sur le feu » et de faire le jeu de l’extrême droite.

Assurément, donner à madame Le Pen le monopole de dire la vérité sur l’état de nos banlieues est un cadeau extraordinaire qui lui est fait, alors que l’échéance électorale se rapproche.

Les renoncements des partis démocratiques

Ne nous leurrons pas : l’extrême droite défend la liberté d’expression comme la laïcité ou le droit des femmes quand ça l’arrange, c’est-à-dire quand cela avance son agenda politique qui reste globalement liberticide et autoritaire. Seulement, quand elle le fait, les autres se taisent.

Abandonner tous les principes qui font vivre la démocratie libérale à ses franges les plus radicales est-elle une stratégie intelligente et viable de la part de ses adversaires ? Pire encore, la stratégie étatique qui consiste à masquer la réalité ou à faire taire les voix jugées désagréables laisse à ses extrêmes la position de lanceur d’alerte et les fait prospérer.

La dissolution de GI ne porte pas sur des actes terroristes, mais des paroles jugées offensantes pour le pouvoir. La réaction plus que froide des représentants de l’État face aux propos de Didier Lemaire témoigne de la priorité absolue donnée à l’ordre public sur la liberté de parole. Dans les deux cas, ce sont des opinions qui deviennent un peu trop visibles dans le débat public pour l’État.

Malheureusement, la France n’a pas la même culture que les États-Unis concernant la liberté d’expression. Le jeu politicien français consiste essentiellement à défendre la liberté d’expression quand elle est favorable à son camp, et à la refuser à ses concurrents, là où les Américains la protège pour tous constitutionnellement.

L’attitude fautive du centrisme autoritaire

Pire encore, le centrisme autoritaire du président Macron a tout fait pour encadrer la liberté d’expression en multipliant les lois sur le sujet. Aujourd’hui, il suffit à son adversaire national-populiste de mettre le gouvernement face à ses contradictions pour engranger des points supplémentaires dans l’opinion.

Plus généralement, une fraction des « élites progressistes » panique devant la liberté de ton qu’on trouve sur les réseaux sociaux, ce nouvel espace public. Par un retournement dont l’histoire a le secret, le camp progressiste qui hier défendait la liberté d’expression se retrouve maintenant à vouloir la contrôler au nom de la lutte contre les fake news, le racisme ou la propagande de Donald Trump. Le macronisme ne fait pas exception, bien au contraire.

La liberté d’expression est un bien commun à tous les citoyens : un pays où l’on doit se cacher comme Mila, démissionner comme M. Lemaire et qui interdit des groupuscules de moins de 1000 personnes comme Génération Identitaire ou le CCIF, est un pays malade.

La situation fait signe vers une autre faiblesse fondamentale, la dégradation des fonctions régaliennes de l’État par la généralisation du clientélisme politico-religieux. L’État doit se donner les moyens de faire vivre la liberté des débats, même quand les débatteurs ne nous plaisent pas.

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  • Combien de fois faudra-t-il le répéter : L’extrême droite ne rejette en aucun cas l’immigration, mais demande un meilleur contrôle de l’immigration clandestine illégale ! Genre le RN ne veut plus que des Allemands viennent travailler chez nous ? Faut vraiment arrêter avec cet argument foireux.

  • macron a au moins prouvé une chose : ne comptez pas sur l’état pour vous protéger ; j’en suis même à me demander si macron ne cherche pas à se faire réélire non par les Français , qui ne croient plus en lui , mais par ceux qui font leurs lois face au laxisme de l’exécutif ;

    • il espère que la peur du chaos fera voter les vieux pour le pouvoir en place (les jeunes ne votent plus ou alors avec leurs pieds).

    • Pu..ain.. le corps de Samuel Paty est à peine froid qu’on a déjà remis le couvercle sur ce tas de fumier. Quelle grandeur!

  • « l’extrême droite défend la liberté d’expression comme la laïcité ou le droit des femmes quand ça l’arrange, c’est-à-dire quand cela avance son agenda politique qui reste globalement liberticide et autoritaire. »

    ben comme les autres partis…

    • comme tous les politiciens… Même le parti libertarien US n’est pas forcément cohérent dans ses défenses des libertés individuelles.

  • A partir du moment où ils ont fait leur loi pour les « principes républicains » qui autorise le port du voile, le ton était donné.

  • J’aimerais bien que Contrepoints nous explique ce qu’il y a d’extrême au RN et chez Génération Identitaire. Les mots « extrême droite » étaient utilisés jadis pour qualifier indistinctement les nazis et les fascistes. Ça englobe maintenant, et tout autant indistinctement, des souverainistes, des cathos tradi, des conservateurs, des gens affolés par l’insécurité dans laquelle ils vivent, et qui ne retrouvent nulle part ailleurs qu’au RN une écoute de leurs soucis. C’est à la gueule de tous ces gens que vous crachez quand vous employez ainsi les mots « extrême droite » à tort et à travers. Des nazis, les gens du RN ? Des politiciens pas pire que ceux des autres partis !

    • J’ai souvent constaté que ceux qui sont réticents à appliquer l’adjectif « extrême » à la droite de la droite sont les premiers à mettre de l’extrême gauche partout.
      Ceci explique peut être vos doutes…
      J’ajoute que vous faites une confusion entre extrême-droite et nazisme. Bon, faut dire aussi qu’on met le nazisme, et pire encore, le fascisme, à toutes les sauces. Tout ceci n’aide pas à la clarté du débat….

      • Répondez plutôt à cette question : qu’y a-t-il d’extrême au RN et chez Génération Identitaire ?

        • BIen souvent le terme « extrême gauche » est une réponse des gens accusés d’extrémisme, à tort. Ou d’ultra. Comme moi qui traite tout le monde d’extrême gauche ou de socialiste totalitaire parce qu’en fait j’en ai un poil ras-le-bol d’être qualifié d’ultra-libéral excessif. Mais effectivement le parti de Marine Le Pen n’a rien d’extrémiste. C’est un parti socialiste comme beaucoup d’autres, juste un peu souverainiste en rab’.
          Qu’est ce que le peuple et les journalistes et même beaucoup de gens ici diraient en lisant pour de vrai HHH ??? Horreur et abomination, je suppose !

    • Cher M. Cremone , le parti RN est issu de l’extrême droite par ses fondateurs !
      Un peu d’histoire pour vous éclairer:
      http://forezhistoire.free.fr/images/89-90-S-Latta-Histoire-extreme-droite.pdf

  • Cela fait un bon moment que les partis au pouvoir ont bâti leur discours sur le déni du réel. À partir de là, il est inévitable qu’ils cherchent à faire taire ceux qui le mettent face à ses contradictions.

  • J’ai un petit commentaire sur « quand cela avance son agenda politique qui reste globalement liberticide et autoritaire ». Cette remarque me met particulièrement mal à l’aise, quand on la met en parallèle avec l’ensemble des lois qui sont poussées par la majorité « d’extrême centre » actuel. À ma connaissance, la loi Avia, la loi de sécurité globale, lois variées concernant divers états d’urgence et leur intégration dans le droit commun n’ont pas été proposées par l’extrême droite.
    Je rejoins néanmoins totalement l’auteur dans son attristement devant le fait qu’aujourd’hui, seuls les partis « extrêmes » semblent s’élever contre ces lois, dont ils seraient les premiers à profiter une fois élus… la démocratie est bien malade en France…

    • « seuls les partis « extrêmes » semblent s’élever contre ces lois, dont ils seraient les premiers à profiter une fois élus… » Ah parce que le « centre » n’en profite pas de ces lois ?
      Si on part du principe que même les extrêmes restent des politiciens et étatistes, ils feraient donc la même chose que les « non-extrêmes » 😉

    • Nul malaise de mon côté tant l’auteur a bien perçu la situation. Eh oui, l’être humain est ainsi fait qu’il défend la liberté d’expression pour ceux qui pensent comme lui, et a tendance à vouloir la restreindre quand ça lui écorche les oreilles.

      • ben non. Le libéral est pour la liberté d’expression la plus extrême y compris pour les « anti-fa » et autres « trotskiste » ou même macroniens… Les autres sont contre la liberté d’expression même quand ils ne sont pas au pouvoir (si vous les écoutez bien… ). Faut pas se laisser berner par les mots, les phénomènes mais bien regarder le noumène.

  • Quelques fautes d’écritures… Relisez-vous avant de publier. Sinon Macron et sa clique cumulent les paradoxes, autant de points sur lesquels pourront s’appuyer l’opposition. Pour l’affaire de GI, c’est politiquement pour le gouvernement le pendant opposé à la dissolution du ccif. Comme quoi l’analyse des faits ne compte pas, seule une vague idée de ce que pourrait penser le camp du bien rentre en ligne de compte dans ce gouvernement.

  • Sur une echelle politique, Pompidou est à droite de Marine Le Pen mais De Gaulle l’ est plus encore.

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