Par Jean-Philippe Feldman.
La modification du mode de scrutin pour l’Assemblée nationale tient de l’Arlésienne. En 2018, Emmanuel Macron très inspiré par son soutien centriste François Bayrou, avait soutenu la nécessité d’une dose de proportionnelle pour élire les députés.
Pas question donc d’une représentation proportionnelle intégrale, mode de scrutin que l’on s’accorde à juger désastreux, mais une nouvelle manifestation du « en même temps » : un scrutin mixte de nature majoritaire et proportionnelle. L’affaire a traîné et il semble que, une nouvelle fois, la réforme soit enterrée.
Représentation proportionnelle ou scrutin majoritaire ?
Les termes du débat sont bien connus. Ils sont fort tranchés entre les partisans d’un scrutin majoritaire à l’anglo-saxonne et les adeptes des multiples scrutins dits mixtes qui constituent l’essentiel des différents régimes européens.
Habituellement, on présente le scrutin majoritaire comme un scrutin efficace car il permet à une majorité parlementaire d’émerger, mais injuste car plus ou moins brutal, les minorités étant exclues de la représentation nationale ou au mieux réduites à la portion congrue.
Les qualités et les défauts de la représentation proportionnelle en sont le miroir inversé. Il s’agirait d’un scrutin juste car il permettrait, plus ou moins, la représentation des minorités, mais dangereux car il mènerait à une anarchie parlementaire faute de majorité stable.
Un mode de scrutin mixte ?
En réalité, les choses sont un peu plus complexes. Le mode de scrutin n’est que l’un des facteurs explicatifs d’un système de partis. Le scrutin majoritaire ne mène pas automatiquement à un gouvernement stable et la représentation proportionnelle ne conduit pas automatiquement à une représentation fine du corps électoral.
Aussi a-t-on conçu une multitude de scrutins mixtes ayant pour objet revendiqué de garder le meilleur de chacun des modes de scrutins : la justice et l’efficacité. L’exemple type est celui de l’Allemagne. On peut comprendre la faveur des centristes envers ce type de scrutin car il réduit les oppositions tranchées et il favorise les coalitions. Malheureusement, le paradigme n’est guère convaincant, comme on l’a vu à la suite des élections allemandes de 2017.
L’un des défauts majeurs de la représentation proportionnelle comme des scrutins mixtes est leur complexité, d’autant plus grande que l’on vise une « justice » de représentation plus élevée. Surtout, ils remettent aux partis politiques et plus encore à leurs états-majors la charge de combiner au besoin des coalitions postérieurement aux élections. Des coalitions concoctées dans l’opacité et qui ne respectent pas forcément les volontés de la majorité des votants.
Les vrais problèmes institutionnels
Cela dit, se focaliser sur le mode de scrutin pour l’élection des députés apparaît plus que contestable. N’y aurait-il pas des aspects autrement importants en matière d’institutions politiques ?
Les problèmes de la France seront-ils résolus lorsque l’on aura fait entrer quelques membres du Rassemblement national au Palais-Bourbon ou que l’on aura donné à M. Bayrou la faculté de faire et défaire la majorité ?
Faut-il massacrer l’un des apports de la Cinquième République, à savoir la stabilité des gouvernements, acquis de longue lutte après les Troisième et Quatrième Républiques dont on ferait bien de souvenir qu’elles furent calamiteuses à cet égard ?
Pour une Constitution libérale
Un libéral ajoutera trois points :
1°) Le constitutionnalisme français est depuis toujours déficient. Il conviendrait de conserver les aspects positifs de la Cinquième République et de rénover les institutions en faisant de la Constitution une véritable garantie de la liberté. Lourde tâche qui ne saurait être entreprise à la fin d’un quinquennat, mais dont la légitimité est indéniable dans la perspective de la prochaine élection présidentielle1
2°) Les institutions politiques sont précieuses, mais il ne faudrait pas leur accorder plus d’importance qu’elles n’en méritent. Ce sont des barrières de papier, utiles, indispensables, mais ce ne sont que des barrières.
3°) Ce qui importe n’est pas de promouvoir le référendum ou d’instaurer la proportionnelle, c’est de dépolitiser la France et de confiner la sphère de l’État au profit de la société civile, notamment pour assurer enfin le strict respect d’un droit de propriété en piteux état dans notre pays. Telle est la lourde tâche à laquelle les constitutionnalistes libéraux (un pléonasme ?) devraient s’atteler2.
Jean-Philippe Feldman vient de faire paraître Exception française. Histoire d’une société bloquée de l’Ancien Régime à Emmanuel Macron, Odile Jacob, 2020.
- Voir mon ouvrage Exception française (Odile Jacob 2020) et plus particulièrement son chapitre VII consacré à la comparaison entre les Constitutions américaine et française. ↩
- Je me permets de renvoyer entre autres à mon ouvrage De la Ve République à la Constitution de la liberté paru en 2008 aux Éditions de l’Institut Charles Coquelin. ↩
« Pas question donc d’une représentation proportionnelle intégrale, mode de scrutin que l’on s’accorde à juger désastreux » : pour les modes de scrutin des pays européens, dont une majorité a adopté ce système « désastreux » : https://infogram.com/les-modes-de-scrutin-dans-lunion-europeenne-1hd12y73g8nw2km
Réforme : réduire des deux tiers le nombre de députés et rendre inéligibles les fonctionnaires sauf démission définitive préalable
et supprimer paquet d’avantages (retraites et coût pour la France )
J’oubliais : depuis que la France a quitté l’Europe, il n’y a plus que la France qui n’ait pas un système au moins partiellement proportionnel
Oups ! …depuis que la GB a quitté…
lapsus révélateur !!!!
Je ne sais pas si l’argument de stabilité du gouvernement est un argument pertinent. Je pense même plutôt le contraire, car du point de vue libéral, on a un monarque sans contre pouvoir, ce qui est la porte ouverte à tout les abus et dérives.
Tout est mauvais dans la V°. Pas de séparation excécutif-législatif avec un gouvernement qui gouverne avec des lois, au lieu d’être soumis à la loi. Eviction des minorités, même dans les élections municipales où la liste en première position obtiens, au second tour, la moitié des postes.
En fait, il faudrait, comme en Suisse, un conseil fédéral, avec des conseillers et un président Primus inter pares.
Juste une idée, comme ça : et si Macron procédait à une dissolution deux mois avant les présidentielles ?
intéressant mais pourquoi ??? développez !!!!
Pour retomber dans les blocages et l’instabilité politique permanente de la iv république, non merci. A voir et entendre les braillards à la Mélanchon et autres Garrido et Coquerel et les imaginer au pouvoir….quel cauchemard pour la France…
Bah justement, ils seraient moins nombreux avec un scrutin de mixité… Car actuellement, il y a moins de RN que de FI, alors qu’ils ont fait des meilleurs scores aux élections !
Entre 1945 et l’arrivée en 1958 du Gal DE GAULLE, se sons succédés 25 gouvernements différends, des décisions contradictoires, défaite en Indochine, impossible de trouver une solution en Algérie où des centaines milliers d’appelés ont été envoyés (plus de 20 000 ont été tués. Revenir à la proportionnelle, merci, la constitution de la Vème a du bon. Malheureusement les Président qui ont succédé à POMPIDOU ont conduit notre Pays dans l’Etat où il se trouve. Tripatouiller la Constitution comme CHIRAC l’a fait en réduisant de è à 5 ans le mandat du Président et y inclure le principe de précaution ont été de lourdes erreurs. Le système d’élection britanique à 1 tour pour les législatives et autres élections a le mérite d’être clair.
Effectivement, le système britannique permet d’avoir une représentation parlementaire qui est le reflet de l’opinion; c’est en cela que l’on pourrait estimer être en démocratie.
Pour parfaire, il conviendrait de mettre fin au pouvoir corporatiste de la magistrature – symbolisé en France par le Conseil Supérieur de la Magistrature – et de placer le pouvoir disciplinaire des magistrats sous le contrôle d’une commission élue par les membres du parlement!…
Le système britannique ne fonctionne réellement qu’avec deux partis ( comme aux Etats-Unis ) . L’apparition des lib-dem a ouvert un boulevard aux travaillistes au détriment des conservateurs.
Une constitution libérale séparerait nettement les 3 pouvoirs en soumettant au suffrage universel la nomination des députés des ministres et des juges et en limitant strictement le rôle de l’état à l’intérieur, les armées, la diplomatie, la justice et le budget + comptes publics avec la mission pour l’état de garantir la liberté, la propriété et la sureté. Suppression de tout le reste dans la constitution notamment le précaution et l’environnement. Fin du statut de fonctionnaire et interdiction pour un agent de l’état de briguer un mandat électif. En terme de scrutin, un seul tour et proportionnelle. Et réduction du nombre de députés à 200 et des sénateurs à 100 et réduction du nombre de communes à 10 000 puis 5 000. 3 niveaux d’administration : l’état, la région et la commune. Tout budget et impôt doit être validé par le suffrage universel. Prise en compte des votes blancs et nuls dans les scrutins électifs ; si le nombre des suffrages exprimés est inférieur à la moitié des inscrits, les candidats deviennent inéligibles pour ce scrutin et on revote avec d’autres candidats. Lise en place du RIP à la Suisse. Fin de l’irresponsabilité pénale paour les élus.
En plus retour à un mandat présidentiel unique de 7 ans et tous les autres mandats à 5 ans avec 2 mandats maximum par personne.
Plus 1000 à vos propositions!
Réduire le nombre d »élus et le ramener à la moyenne européenne ,620 000 mandats électifs contre 110 000 en Allemagne et à peine 20 000 en Grande Bretagne sera un bon début.
Tous ces « représentants du peuple » élus,réélus,réréélus…ne finissent que par représenter eux mêmes et s’accrochent à la gamelle et à leurs avantages.
Voir l’augmentation de 15% de l’enveloppe de « frais » des députés!soit près de 14 fois l’inflation,quelle entreprise actuellement augmente de 15% son budget frais?
Et le système Italien ? Scrutin proportionnel à 1 tour (si je ne me trompe pas, sinon je veux bien plus d’informations) ?
J’ai du mal à comprendre en quoi les coalitions sont un mal. De plus, chaque groupe n’est pas obligé d’être dans une coalition, car il me semble qu’ils peuvent voter selon leurs convictions…
Il faudrait surtout déphaser les législatives de la présidentielle c’est-à-dire les mettre 2 ans 1/2 après la présidentielle pour avoir une élection de mid-term à l’américaine, pour juger de la politique en cours. Actuellement les législatives ne servent à rien à part donner les pleins pouvoirs au gouvernement qui, ayant remporté la présidentielle, remporte juste après les législatives (en principe).
oui mais pour rappel c’est encore une décision de gauche ( Jospin ) à laquelle Chirac n’a pas pu ou pas voulu s’opposer !!!! la gauche n’a de cesse de tripatouiller la constitution dans l’espoir d’obtenir le pouvoir absolu et cela quelque soit le mode de scrutin !!!!
L’état d’un pays est moins la conséquence du mode de scrutin que le résultat d’un système social et économique. Les Etats Unis n’ont pas changé de mode de scrutin mais quelque chose n’y fonctionne plus. L’Italie a cru obtenir le paradis en se rapprochant du système majoritaire par le jeu des coalitions, elle se retrouve avec le technicien Draghi. L’Allemagne, modèle parmi les modèles, n’a plus comme objectif qu’écarter l’AFD du jeu politique, et imaginer pour cela toutes sortes d’alliances. L’Espagne est sur le point de basculer dans la tourmente. Et de fait, le déclin industriel, cache sexe du déclin tout court, amène des fracturations sociétales qu’aucun mode de scrutin ne saurait dépasser.
Rappel: En Vème République, la proportionnelle intégrale n’a rien de nouveau: elle a été utilisée aux législatives de 1986. Qui ont été suivies par la première cohabitation, avec une représentation nationale nettement plus équilibrée que ce qui arrivait usuellement avec le scrutin uninominal à deux tours.
Les réformes sur le quinquennat et l’ordre des présidentielles et législatives ont depuis, et jusqu’à présent, eu l’effet que la majorité législative était élue « pour donner les moyens au président de mener sa politique », mais rien n’empêcherait les Français de voter pour un président d’un bord, et pour des députés d’un autre bord.
La proportionnelle a été utilisé par Mitterrand adepte de Machiavel pour faire progresser le FN seul moyen au PS de se maintenir en lice,Mitterrand après avoir villipendé de Gaulle a su tirer toutes les ficelles de la Ve à son profit et celui du PS.
Le pouvoir n’est plus entre les mains d’élus mais entre les mains de la commission européenne et des juges, sans oublier les lobbies.
et surtout des fonctionnaires…
d’accord mais vu le système actuel nombre ‘élus sont aussi pourris surtout dans les grandes villes ou le poste est pécuniairement intéressant.
Supprimer le sénat et le parlement est la seule solution puisque le pouvoir n’ a aucun pouvoir reel dans la 5 ème république. A part rendre les lois décidées par le pouvoir inapplicables ils ne servent à rien.
J’ai écrit des choses incompréhensibles, bien entendu, ces deux assemblées d’élus n’ont aucun pouvoir reel donc, inutiles.
Le scrutin majoritaire à deux tours a fait ses preuves depuis des décennies. Il permet toujours de dégager une majorité.
Les politiciens demandant la proportionnelle ne s’intéressent qu’à leur poids politique, jugé trop faible. Eh! bien, qu’ils convainquent les électeurs dans chaque circonscription !
Quant au point 3 en fin d’article, il relève vraiment du vœu pieux. La droite au pouvoir augmente en général les prélèvements obligatoires tout autant que la gauche. Les libéraux, au sens archaïque, purement économique, ne représentent à peu près rien dans l’électorat.
la droite socialiste fait la même chose que la gauche du même bois car de fait il y a très longtemps que nous n’avons plus de droite mais des énarques formatés dans la même école et parfaitement interchangeables dont le drapeau n’a plus de sens car tous étatistes avant tout !!!!
ils dégagent une majorité par défaut qui n’est pas du tout représentative des élections (surtout avec la mise à la poubelle des votes blancs et la non prise en compte de l’abstention)…ça fait belle lurette que la France n’est plus une démocratie
Bayrou est un tricheur qui demande tardivement la proportionnelle alors qu’il sait que le chronomètre ne la permettra pas !!! S’il y a un scandale ce n' »est pas dans le système majoritaire ou la proportionnelle ( se souvenir que Mitterand opposé à la 5ème en fit son affaire lorsqu’il a été élu !!!!) mais dans le fait que le parlement ne joue plus son rôle et qu’une loi puisse être votée par 70 élus sur 577 !!! N’importe quelle assemblée de copropriétaires qui voterait une décision dans ces conditions la verrait annuler de plein droit !!!Est-ce que la copropriété » France » n’aurait pas les mêmes droits et obligations qu’une assemblée de copropriétaires ????
Dupon d’Aignan a parlé de la France comme d’une copropriété mal géré et tout le monde s’est foutu de sa gueule.
Il est vrai que dans une copro tout le monde paye et pas seulement 43%.
La premiére anomalie malheureusement non évoquée, est que ce soit les élus eux même qui décident des modalités de leur élection.
Un constitutionalisme qui cautionne cette idée n’est pas seulement déficient, c’est en plus une escroquerie.
La question de l’instabilité est réelle. Elle a été résolue en Suisse avec un executif collégial, dont les membres sont élus INDIVIDUELLEMENT pour 4 ans par l’assemblée.
Notez que le panachage, utilisé dans nos petites communes ou l’on peut biffer les candidats et mélanger les listes marche trés bien.
Les suisses l’ont adopté pour les législatives, ils ont abandonné le scrutin majoritaire en 1918. mais c’est bien évidement le résultat d’une initiative populaire … pas de politiciens au pouvoir.