La polarisation politique et territoriale met en échec le système électoral majoritaire français, plongeant le pays dans un no man’s land institutionnel. La France est face à un dilemme historique : réactiver son système majoritaire par le césarisme, ou consentir à adopter un modèle consensuel.
Depuis quelques semaines, on ne compte plus les tribunes et interventions de politiques ou intellectuels en faveur de la proportionnelle, dont on vante à juste titre la capacité à mieux représenter la diversité de la société et à offrir un vote plus sincère. Toutefois, le débat autour de la proportionnelle masque les vrais enjeux et n’est pas dénué de faux-semblants. Compte tenu des innombrables variantes de ce mode de scrutin, passer à la proportionnelle n’a aucun sens précis d’un point de vue institutionnel. Et surtout, la seule démarche sérieuse consiste d’abord à définir l’architecture des pouvoirs que l’on estime la plus adaptée, et à ensuite en déduire les changements nécessaires, dont ceux portant sur le mode de scrutin. Car au-delà des modalités d’élection de nos représentants, ce qui est en cause est bien le modèle de gouvernance d’un pays secoué par des divisions politiques et sociales de plus en plus marquées.
La doctrine retient deux modèles de gouvernance, selon que l’on considère les clivages politiques comme étant dépassables ou indépassables : la démocratie consensuelle d’un côté, et la démocratie majoritaire de l’autre.
Théorisés dans la seconde moitié du XXe siècle et analysés par Arend Lijphart dans son ouvrage Patterns of Democracy (1999), c’est dans la manière dont nous pratiquons et envisageons ces modèles en France que réside le cœur de la crise démocratique actuelle, et sa résolution.
Modèle consensuel contre modèle majoritaire
Le premier modèle, la démocratie consensuelle, part de l’hypothèse que les divisions politiques peuvent être surmontées. Ce modèle est basé sur des modes de scrutin qui reproduisent au Parlement la diversité des opinions de la société, et repose sur de délicates négociations post-électorales entre blocs antagonistes en vue de former une majorité. En faisant bénéficier le gouvernement d’une assise électorale plus large et plus inclusive, le modèle consensuel gratifie le pouvoir en place d’une indiscutable légitimité pour une action plus stable sur le long terme. On reconnaît ici le modèle allemand, qui est aussi celui de la majorité des régimes parlementaires européens.
Le second modèle, la démocratie majoritaire, principalement pratiqué en France et au Royaume-Uni, est basé sur le postulat que les clivages politiques sont trop forts pour être dépassés. Ce modèle est donc pensé pour concentrer le pouvoir dans les mains du bloc arrivé en tête aux élections, même si celui-ci n’est soutenu que par une faible proportion de l’électorat. Réputé engendrer des gouvernements plus homogènes et donc plus efficaces, le modèle majoritaire souffre néanmoins d’un défaut majeur : la légitimité des gouvernants est émoussée par la distorsion de la représentation, ce qui peut aggraver la défiance envers les élus et les institutions.
La dépendance française à un modèle majoritaire en panne
Probablement parce qu’elle a été conçue dans une période agitée par de forts clivages sociaux, la Cinquième République fonctionne pleinement sur le modèle majoritaire. Tout a été conçu pour que le sort de la nation française ne soit jamais suspendu à une improbable union de forces discordantes. Notre pratique présidentialiste est la pièce maîtresse de ce modèle majoritaire : élire un chef politique unique pour cinq années assure d’être à l’abri des divisions. De manière générale, toutes les élections organisées en France, y compris les élections municipales, départementales et régionales, n’ont pas été conçues pour représenter fidèlement la diversité des électeurs mais pour désigner des gagnants immédiatement capables de régner sans nécessité de compromis, dévoilés le soir de l’élection, à 20 heures.
Le mode de scrutin des législatives ne fait pas exception. Son objectif assumé est d’exclure les petits partis sans attache territoriale et de donner une majorité confortable au bloc le moins minoritaire. Mais il échoue depuis 2022 à accomplir cette mission. Il est en panne, et l’est probablement pour longtemps, tant le territoire national semble irrémédiablement se morceler en bastions politiques mutuellement exclusifs.
Face à cette Assemblée fragmentée, certains espèrent qu’une dynamique coalitionnelle surgisse. Mais c’est une vue de l’esprit : un système conçu pour fonctionner sans coalition est le moins apte à en construire une. Concrètement, les députés élus n’ont aucun intérêt à s’allier et constituer un fragile gouvernement doté d’un programme rapiécé, en situation de semi-cohabitation avec un président élu pour appliquer le sien et déterminé à garder son cap. Et rien dans notre système n’encourage ni ne contraint les députés à une telle initiative.
Les tourments provoqués par le nouveau type de régime que l’on voit se structurer insidieusement depuis 2022, et que l’on pourrait baptiser le présidentialisme minoritaire, sont désormais assez intenses pour que, peut-être, un consensus émerge : affronter les enjeux cruciaux auxquels notre pays fait face nécessite une transformation du système institutionnel pour s’assurer de toujours pouvoir disposer d’un cap clair et d’un gouvernement pleinement légitime, efficace et stable.
Pour surmonter la crise actuelle de la représentation, il nous faut choisir résolument l’un des deux modèles de gouvernance, et le mode de scrutin qui va avec. Et la proportionnelle peut servir dans les deux cas.
Réactiver le modèle majoritaire (proportionnelle avec prime) : une manœuvre séduisante mais dangereuse
La première option, de loin la plus simple, serait de conserver le modèle majoritaire français et de redonner sa chance à l’agencement présidentialiste, en corrigeant le mode de scrutin des législatives pour qu’il produise à nouveau l’effet winner-take-all recherché. À cette fin, et compte tenu de l’intensification des polarisations politiques et territoriales, la seule stratégie efficace serait l’adoption de la proportionnelle aux législatives, accompagnée d’une prime majoritaire élevée. Ce type de procédé, déjà utilisé pour les élections municipales et régionales, diviserait l’Assemblée en deux, avec une première partie élue à la proportionnelle et une seconde partie (20 % ou davantage) attribuée entièrement au bloc arrivé en tête.
En l’état actuel des forces, la proportionnelle avec prime majoritaire accorderait une écrasante majorité de députés au Rassemblement national, raison pour laquelle ce parti est le seul à y être favorable (Marine le Pen l’avait proposé en 2022 avec une prime d’un tiers, soit un bonus de 192 sièges pour le premier bloc).
En aggravant les travers du régime actuel et en permettant à des clans minoritaires possiblement extrémistes de régner sans partage, la proportionnelle avec prime majoritaire a tout d’une solution efficace et commode, mais formidablement paresseuse et déraisonnable. Si ce mode de scrutin était adopté, il devrait, a minima, être accompagné de nouveaux garde-fous institutionnels (renforcement des contre-pouvoirs et constitutionnalisation des droits et libertés fondamentaux) pour prémunir les citoyens des risques de dérive.
Par ailleurs, ce procédé ne garantirait pas au président élu d’avoir sa majorité, mais pourrait également se traduire par une (nette) cohabitation en début de mandat. Seule la fusion des élections présidentielles et législatives (en un seul tour) permettrait (toujours à l’aide de ce mécanisme de prime) de donner d’office une majorité au président élu et de faire donc persister la sacro-sainte pratique présidentialiste majoritaire, nous plongeant de facto dans un régime césariste.
Basculer vers le modèle consensuel (proportionnelle intégrale) : un bouleversement des équilibres constitutionnels
La seconde option consisterait à basculer vers le modèle de la démocratie consensuelle. Mais l’intoxication de la France au modèle majoritaire étant très profonde, ce revirement impliquerait trois lourdes transformations.
D’abord, adopter la proportionnelle dite intégrale (sans prime, avec un seuil inférieur à 5 % et des circonscriptions régionales) pour que l’Assemblée reflète fidèlement tous les courants, renforçant ainsi sa légitimité.
Ensuite, il faudrait s’assurer que l’Assemblée ainsi constituée, forcément divisée, construise effectivement des coalitions parlementaires majoritaires. On a pu constater pendant l’été 2024 que cela n’avait rien d’évident. Le seul levier vraiment efficace serait de contraindre les députés au compromis sous peine d’être congédiés. Par exemple : fixer dans la Constitution un délai de 30 jours pour qu’une coalition majoritaire soit constituée et investie par l’Assemblée, et déclencher une dissolution automatique en cas d’absence d’investiture une fois le délai écoulé.
Enfin, le troisième changement serait le plus délicat : il s’agirait de déconstruire et reconstruire la fonction présidentielle. Car en consacrant la prééminence politique de l’Assemblée, le modèle consensuel entre en contradiction flagrante avec notre pratique présidentialiste. La mauvaise habitude consistant à élire un président-gouvernant avec un programme législatif devrait donc cesser.
Il se trouve que la Constitution confère au président plusieurs pouvoirs qui, utilisés de manière extensive et désinhibés, deviennent des pouvoirs vassalisateurs : la nomination du Premier ministre, la dissolution, la présidence du conseil des ministres et les pouvoirs exceptionnels. La pleine réalisation du modèle consensuel exigerait donc de placer le président sous un dôme de confinement constitutionnel en atténuant ou conditionnant ces quatre pouvoirs propres.
Mais qui briguerait une magistrature suprême ainsi déshabillée ? Une fois déconstruite, la fonction présidentielle devra être redéfinie. Doit-on constitutionnaliser le domaine réservé et circonscrire le rôle du président à l’international ? Peut-on lui confier la mission d’oxygénation de la démocratie ?
Si on voulait l’adopter, cette option consensuelle exigerait donc de réviser le cœur du réacteur constitutionnel (a minima les articles 5, 8, 9, 12, 16 et 49), abritant les dispositions normatives les plus essentielles et les plus sacralisées de la Cinquième, quasiment inchangées depuis 1958. Autant dire qu’il s’agit là d’un scénario cohérent mais extrêmement ambitieux.
S’arrêter au milieu du gué, en optant pour la proportionnelle sans réviser la Constitution, dans une démarche mono-paramétrique, ne réglerait rien au problème et risquerait au contraire d’aggraver les affres du présidentialisme minoritaire, en jetant une Assemblée émiettée et passive dans les griffes d’un président aux pouvoirs intacts.
La question de fond n’est donc pas de savoir s’il faut passer à la proportionnelle, mais plutôt si nous voulons continuer à exacerber notre système majoritaire à l’aide de procédés de distorsion toujours plus clivants et dangereux, jusqu’à flirter avec le césarisme, ou nous sentons-nous suffisamment matures pour faire enfin le deuil du présidentialisme et le pari du consensus ?
Un débat sur la proportionnelle devrait s’ouvrir prochainement au Parlement. Chacun doit jouer cartes sur tables en assumant les implications institutionnelles de ses propositions (notamment sur l’équilibre des pouvoirs et l’avenir de la pratique présidentialiste), et à la fin, le peuple doit pouvoir trancher lui-même, par référendum.
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Partagé à une connaissance journaliste à qui j’ai dit que Contrepoints, c’était de cette qualité tous les jours, désormais.
Si le RN ne sentait pas autant le purin, au nez de certains, l’affaire serait pliée depuis longtemps. Soit le RN remportait haut la main les législatives. Soit, au pire, une large coalition allant de la Macronie au RN en passant par DR aurait anéanti toute prétention du NFP à se croire vainqueur.
Avant de tout chambouler, considérons donc que le RN est un parti comme les autres. De là, beaucoup de choses décanteront d’elles-mêmes.
Au demeurant, la représentation nationale est comme un chat qui retombe sur ses pattes. Le premier ministre retenu est de droite, ce qui correspond au centre de gravité actuel du pays. Le RN, premier parti de France, mène la danse, puisque le thème de l’immigration s’est retrouvé dans la bouche du PM. Et qu’il est en situation de casser le gouvernement au premier virage déplaisant pour lui – certes bien aidé par les furieux du NFP qui sont contre tout et contre tous.
Le RN seul ne peut pas faire tomber le nouveau gouvernement
Comme le NFP ne voudra pas voter une motion de censure RN, seule une motion de censure NFP votée par le RN peut faire tomber le gouvernement
Ça fait beaucoup de si……😅😅😅😅
Un bel article, d’autant que cette question est importante.
Le bilan: la V° a bcp de défauts qui sont le revers de ses qualités, un pouvoir fort même avec un minoritaire. C’est très dangereux, car Hitler a pris le pouvoir avec 37%. La représentation des français n’est pas assurée. Les partis d’opposition sont irresponsables et ont des discours irréalistes.
On sait quelle forme doit prendre un pouvoir, avec la séparation des pouvoirs (exécutifs et législatifs), un fédéralisme pour rester le plus proche des populations et un justice indépendante.
Donc une assemblée législative qui fait les lois, séparée de l’assemblée exécutive qui gouverne (le sénat par exemple) avec un conseil fédéral comme en Suisse où tout les partis sont représenté (9 membres) avec un président désigné par les membres pour un an. Le tout avec une proportionnelle intégrale dans un cadre régional.
Le pouvoir est stable, car il n’y a pas de personnification du pouvoir, pas de Président, pas de Maires, pas de ministres, mais des conseils où tous peuvent intervenir et pas de pouvoir à prendre. C’était bien le problème de la IV° avec des intriques pour faire sauter le gouvernement et prendre la place du président du conseil.
La démocratie, c’est prendre le temps d’écouter tous le avis, c’est chronophage mais indispensable pour respecter les minorités.
Vous oubliez que les suisses sont pondérés reflechis déterminés matures…..comme leurs cousins germaniques et scandinaves quand nos vieux franchouillards sont égocentriques irresponsables, colériques, pédants …..comme leurs voisins méditerranéens…..🤣🤣🤣🤣🤣
La France a donné le jour aux grands mathématiciens que sont Borda et Condorcet. Chacun d’entre eux a proposé une méthode de vote à un seul tour généralement considérée comme bien supérieure au simple vote majoritaire à un tour. La méthode de Borda était employée par le Sénat Romain jusqu’à l’an 105. Ce sont des méthodes qui conservent le lien entre l’élu et une circonscription, qui évitent les magouilles d’entre deux tours, et qui sont largement utilisées de par le monde, pas seulement dans la politique.
Pourquoi les Français les ignorent-ils ?
Les français ont la mémoire courte. Les élections des députés de la IVième République étaient élus à la proportionnelle. Et cela à amené à une impasse que le général De Gaulle a corrigé avec la Vième République.
Les partis en France ne sont pas consensuels : les partis de gauches sont toujours dans le référentiel de la lutte des classes (punir les riches par la spoliation pour la distribuer à leurs électeurs). Ils ne peuvent donc pas gouverner ensemble. Un peu comme en Italie où les gouvernements tombent comme des mouches (exception faite de G. Melonie pour le moment).
Mais dès que la gauche se sent perdre des élections, elle ressort le principe de la proportionnelle. Ainsi, si la droite gagne, elle aura plus de difficultés à gouverner car elle en sera empêchée par des petits partis.
Qui réclame a corps et a cris de la proportionnelle…..pas la gauche mais la blonde marinette……😂😂😂😂😂
Réfléchissez un tout petit peu si cela vous est possible. Elle n’en à pas besoin : ca fait 2 fois qu’elle est finaliste à la présidencielle et elle commence à se constituer une belle majorité à l’Assemblée. Seule la gauche essaie désormais de grappiller quelque sièges.
C est pourtant ce qui figure clairement sur le programme électoral du RN……
Quant à savoir si ces modifications lui seraient favorables lors de nouvelles élections…….aucun idée puisque le système proportionnel a tellement de variantes……
Il s agit vraisemblablement plutôt d une mesure démagogique comme la retraite a 60 ans……parmi leurs nombreuses têtes de gondoles
Le RN navigue entre respectabilité et extrémisme…😁😁😁😁😁
“une impasse que le général De Gaulle a corrigé avec la Vième République”. Le mot correction est ici lourd de sens.
Le général De Gaulle voulait le pouvoir personnel. Il a créé la Vième république pour s’attribuer beaucoup de pouvoir, profitant d’une crise, la guerre d’Algérie. Cette crise, dont les français pensaient qu’il l’a gérerait magistralement, il l’a simplement évacué d’un coup faisant plein de mécontents. Symbole du système majoritaire.
L’apparition de l’OAS montre que cela n’a rien réglé: le système écrase les minorités, ne les fait pas disparaitre. Ironiquement, le RN, sa descendante directe, est maintenant suffisamment fort pour bloquer le système du général de Gaulle.
Qu’aurait il fait maintenant? S’attribuer encore plus de pouvoir, pour “gérer la crise”.
Le GdG a sorti la France du marasme de 1958…..qui pataugeait dans la crise algérienne a peine sortie de la débâcle de Dien bien phu la décolonisation la gabegie de la 4 eme République
Merci a son courage a toute épreuve
Penser qu il suffit de modifier le mode de scrutin pour sortir du bourbier actuel est une illusion d optique car nos problèmes sont beaucoup plus terre à terre……nous vivons au-dessus de nos moyens…..seule une réduction drastique de toutes nos dépenses notamment sociales de 850 milliards en 2023 ( retraite, santé…..aides diverses) permettra de sortir de nos déficits chroniques
Les gaulois adorent monter des usines à gaz plutôt que de mettre les mains dans le cambouis……😁😁😁😁
Sur le principe, je partage depuis longtemps la ligne de l’article. Dans les faits je suis de moins en moins persuadé que l’on puisse installé un “idéal” institutionnel théorisé pour la France ou pour n’importe quel pays (bien sûr il y a des fondamentaux incontournables comme la séparation des pouvoirs). Parce qu’aucun pays ne choisit véritablement le fonctionnement de ces institutions soit à partir d’une table rase ou d’un copier/coller. Il y a une inertie et des forces de caractère propres à chaque pays, l’histoire et les traditions, l’inclination à la différence, le contexte du moment, etc. La transposabilité c’est demander à un âne d’aboyer.
En France la Ve est moins une innovation qu’une sorte de renouement. Beaucoup de nouveaux pays des 70 dernières années plus ou moins artificiellement créés ont systématiquement échoué dans leurs tentatives.
La solution pour la France je ne l’imagine pas, elle viendra d’elle-même. Mais je sais une chose, l’essentiel réside dans la confiance or celle-ci ne peut s’exercer lorsqu’il y a trop de rigidités.
La Vième république touche à sa fin. Cela fait maintenant des années qu’il y a des problèmes, symbolisés en premier par la cohabitation, situation inimaginable lors de la création de la Vième.
Puis le quinquennat, fait pour limiter le vote des français. Et enfin le “barrage républicain”, ou les candidats se retirent pour limiter le choix aux français (le candidat se retire, et les électeurs n’ont pas le droit à nouveau à un premier tour avec potentiellement d’autres candidats pour compenser).
Limiter la voix des français est la solution qui a été choisie depuis longtemps. La proportionnelle avec bonus aiderait le RN, l’ennemi, donc ne sera pas adoptée.
Que sera t il fait? Nos députés feront en sorte que les partis “de gouvernement” aient un bonus encore plus fort. Suppression d’office des triangulaires, redécoupage des circonscription…
Et encore un ralliement a la 6 ème république du merluchon……. 🤩🤩🤩🤩🤩
Bonjour,
Merci pour cet article concis et clair!
Trois commentaires pour nourrir la réflexion.
1.
Je ne suis pas certain que la grille de lecture dichotomique «modèle consensuel contre modèle majoritaire» soit utile pour déchiffrer les régimes européens, dont les différences sont parfois subtiles. Je ferais de ces notions un «axe».
Le Danemark, la Norvège et la Suisse sont plus consensuels que les Pays-Bas, eux-mêmes plus consensuels que la Suède, elle-même plus consensuels que l’Allemagne ou la Finlande, elles-mêmes plus consensuelles que l’Autriche, le Portugal ou l’Espagne, eux-mêmes plus consensuels que l’Italie, elle même plus consensuelle que la France ou la Grèce, etc.
Il me semble que c’est principalement lié à des architectures institutionnelles différentes, dont je crois personnellement qu’elles sont presque entièrement le résultat «d’accidents» de l’histoire (en tout cas dans le cas du Danemark que je connais le mieux).
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Aparté — dans le cas du Danemark ces institutions sont par ex.:
1. Le référendum obligatoire pour modifier la Constitution et ce qui touche à la «souveraineté» (certains accords internationaux), modalité négociée par la noblesse et l’armée en 1849 lors du passage à la monarchie constitutionnelle, «garde-fou» contre une évolution républicaine des institutions qui serait portée par le Parlement.
2. Le mode de scrutin très proportionnel, issu d’un compromis qui suit l’instauration du suffrage universel de 1915, alors que le paysage partisan est déchiré en 4, que les sociaux-démocrates progressent et que la guerre civile a éclaté en Russie et en Finlande.
Je dois noter qu’il est très rare que dans dans un scrutin uninominal à un tour se dégagent 4 bloc: ici bourgeois/commerce, noblesse/armée, propriétaires terriens/agrariens, ouvrier — la singularité danoise se trouve dans la relative puissance des propriétaires terriens agrariens (territoire extrêmement cultivé) et la relative faiblesse des bourgeois (par rapport à la Suède par ex.).
3. Le référendum véto à l’initiative de 30% des parlementaires, modalité concédée aux conservateurs lors de la suppression de la chambre haute, pour permettre le succès du référendum lors de l’adoption de la constitution de 1953.
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En l’occurrence il est peut-être illusoire de penser que la France fera le grand plongeon dans le «modèle consensuel». En revanche un pas sera peut-être fait dans cette direction, puis un autre — ou un retour en arrière — à la prochaine crise, etc.
2.
Je crois sincèrement que l’adoption d’un scrutin suffisamment proportionnel est une réforme qui se suffit à elle-même — tout du moins jusqu’à une prochaine crise.
Sous la Ve République on a les agencements suivants possibles, du plus au moins présidentialiste:
1. autoritarisme présidentiel (usage de l’article 16, contre le Parlement)
2. présidentialisme total (usage de l’article 16, avec l’assentiment du Parlement — 1961)
3. présidentialisme majoritaire (le parti du président a une majorité absolue — 2017–2022)
4. cohabitation faible (le parti du président domine, il a l’appui d’un autre parti — 2022-2024)
5. cohabitation moyenne (le parti du président participe à une coalition — situation actuelle)
6. cohabitation complète (le parti du président est dans l’opposition — 1997–2002)
7. président isolé, largement cérémonial (le président n’est pas issu des partis politiques et/ou il n’a pas de soutiens au Parlement)
Dans la configuration actuelle (depuis 2002) l’agencement 3 était la norme. Pour l’heure il semble que l’agencement 4 et 5 restent les plus probables pour les années qui viennent… mais c’est une situation instable et on pourrait tout à fait rebasculer rapidement vers l’agencement 3.
L’adoption d’un scrutin très proportionnel, en mettant fin au fait majoritaire et en rendant la dissolution moins coercitive, consoliderait l’agencement 5, un agencement beaucoup plus parlementaire que la situation actuelle — même sans aucune autre réforme institutionnelle.
Tant que le problème de double légitimité que décrit bien Pierre Avril ( https://blog.juspoliticum.com/2024/09/02/une-analyse-structurale-de-la-ve-republique-etat-des-lieux-par-pierre-avril/ ) n’est pas résolu, il est bien sûr probable que de nouvelles crises entre le président et le Parlement éclatent, mais avec un vrai scrutin proportionnel ce serait, je crois, à l’avantage de ce dernier.
3.
Vous terminez votre article en écrivant que «à la fin, le peuple doit pouvoir trancher lui-même, par référendum.» Je pense qu’il aurait été utile de développer un peu cette affirmation. Pour moi elle n’est pas évidente.
Si c’est un référendum accordé «une fois» par le Gouvernement pour régler cette épineuse question, il me semble qu’elle donnera à la réponse une apparence trompeuse de légitimité et surtout de «finitude» alors que cette question doit continuellement être travaillée et retravaillée.
Je suis un grand partisan du référendum d’initiative populaire (au moins en matière constitutionnelle) mais il faut se souvenir que les Suisses ont voté 3 fois pour la proportionnelle et n’ont dit oui qu’à la 3ème fois. Puis ils ont confirmé ce choix en refusant par la suite le retour au scrutin majoritaire. La question est toujours ouverte et tout parti qui considère qu’il faudrait une réforme du mode de scrutin dans un sens ou dans l’autre a en Suisse les moyens humains, techniques et financier de recueillir les signatures pour mettre cette question à référendum, à tout moment.