7 nouvelles lectures en économie

Quelques munitions intellectuelles pour défendre la liberté.

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7 nouvelles lectures en économie

Publié le 15 août 2023
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J’avais proposé, par le passé, sept lectures en économie autrichienne. Si il y a bien évidemment, encore cette fois-ci, des lectures autrichiennes, quelques lectures n’en sont pas, ou pas nécessairement.

 

Scientisme et sciences sociales – Friedrich Hayek

Ce livre court mais très instructif n’est pas vraiment un livre sur l’économie, mais plutôt sur la méthodologie en vigueur dans les sciences et notamment les sciences sociales, et la différence entre celles-ci et les sciences exactes. Scientisme et sciences sociales revient également sur les prétentions planificatrices justifiées par la doctrine scientiste et la dérive que cette justification entraîne vers un ordre collectiviste et totalitaire.

Cependant, il peut être d’une aide précieuse pour toute personne qui aurait du mal à cerner la méthodologie subjectiviste de l’économie et de la praxéologie. Tout en démontrant l’absurdité de la démarche scientiste dans les sciences sociales, il prouve, si besoin est, qu’il est un penseur du subjectivisme en économie. Hayek revient également sur ces travaux sur les prix et la dispersion de la connaissance de l’économie, et également sur les interprétations que les individus font de cette connaissance. Comme il rappelle dans ce livre, tous les progrès faits en économie ont toujours été des pas supplémentaires vers le subjectivisme.

 

The Myth of the Entrepreneurial State – Deirdre McCloskey et Alberto Mingardi

C’est le premier livre de McCloskey que je lis, et je n’ai vraiment aucun regret. Le style est incisif à la manière d’un Sowell ou d’un Rothbard, simple et compréhensible pour quiconque n’a pas de connaissance particulière en économie.

Le livre est centré autour de l’économiste keynésienne Mariana Mazzucato, et en fournit une critique, en revenant sur la plupart des présupposés infondés de l’économie keynésienne et marxiste, les fondamentaux de l’économie classique et ses errements, notamment sur la théorie de la valeur travail, mais également sur la théorie du grand enrichissement de McCloskey.

Le livre est donc avant tout une critique de l’idée que l’État serait à même de guider l’économie dans un monde incertain, et qu’il serait plus à même de gérer les risques et d’avoir une perspective sur le long terme : les entrepreneurs moutons ont trouvé leur bergère, et elle s’appelle Mazzucato. L’exercice de McCloskey et Mingardi consiste donc à remettre en cause les thèses de celle-ci.

 

The Economics of Time and Ignorance : Austrians Economics Re-Examined – Mario J. Rizzo et Gerald P. O’Driscoll

Ce livre écrit en l’honneur de Ludwig Lachmann fournit un point de vue radical subjectiviste de l’économie autrichienne.

Il est intéressant pour plusieurs raisons :

  • Il oppose une conception du temps bergsonienne, ou subjectivisme de la notion de temps comme dirait certains, à une conception du temps newtonienne, mécanique, propre aux économistes néoclassiques.
  • Il reformule la notion de coordination des plans de Hayek, par une coordination des tendances (pattern coordination), permettant d’intégrer l’incertitude et les erreurs dans les modèles d’équilibre.
  • Il propose une notion de la concurrence et du monopole propres, à la croisée des chemins entre Murray Rothbard et Israel Kirzner.
  • Il montre un peu plus l’implication de la théorie autrichienne dans la formation des institutions et phénomènes sociaux.

 

Bien d’autres aspects de ce livre sont intéressants. Il présente un point de vue autrichien sur un certain nombre de problématiques communes en économie, ce qui le rend relativement complet.

 

Calculation and Coordination – Peter J. Boettke

Ce livre est appréciable et intéressant à plusieurs points de vue, notamment pour toute personne ayant une irrépressible tendance à se trouver au milieu de socialistes en tout genre. Il est constitué d’une série de papiers qui retrace l’importance intellectuelle de Mises, Hayek, Coase, Buchanan, Rothbard, Tollison… sur l’aboutissement et la possibilité du socialisme, et surtout son impossibilité.

Le livre revient sur La Route de la servitude de Friedrich Hayek, et sur le constat qu’il n’a pas été interprété sur le fait que l’impossibilité de calcul économique en économie socialiste était déjà actée.

Peter Boettke aborde succinctement les apports de Joseph Salerno sur le débat visant à déshomogénéiser le problème de calcul et le problème de connaissance ; et sur le fait que cet apport tend à renforcer l’argument contre le socialisme, et à réhomogénéiser les deux problèmes comme étant des compléments.

Boettke retrace l’évolution de l’URSS, d’un pays d’abord foncièrement communiste cherchant à supprimer toute forme de monnaie et d’institution capitaliste, jusqu’à l’arrivée de la Nouvelle Politique Économique (NEP), cherchant à atteindre un socialisme de marché avec la réintroduction de propriété privée.

Ce livre est passionnant car son auteur revient sur le fait que l’URSS est devenue l’exemple type d’une Rent-Seeking Society, une société où les individus tirent leur revenu d’une capture de rente, d’abus de pouvoir. Sous couvert d’une idéologie marxiste, une élite a accaparé la propriété du pays pour en redistribuer les droits à chaque changement de main. Certains économistes, comme Robert Ekelund, la compareront à la France mercantiliste de Colbert.

Et enfin, Boettke revient sur la thématique de la stabilité des règles et de leur prévoyance, et du rôle que joue la culture, thème très néo-institutionnaliste.

 

An Entrepreneurial Theory of the Firm – Frédéric Sautet

Pour toute personne intéressée par la théorie de l’émergence de la firme et l’économie néo-institutionnelle, et qui souhaite un point de vue autrichien de la question, ce livre est fait pour vous. Sautet y aborde :

  • Le problème de la théorie du marché (MPT) : l’équilibre n’est ni une description de la réalité (Friedman, Stigler), ni un idéal à atteindre (Stiglitz), mais une méthode de contraste des changements dans l’économie (Von Mises, Hayek).
  • L’explication de la firme d’un point de vue autrichien, notamment hayékien et kirznérien : l’émergence de la firme ne s’explique pas juste du fait d’une analyse coût/bénéfice des coûts de transaction, mais car elle permet de pallier le phénomène de dispersion de la connaissance, ce qui fait d’elle un lieu d’exploitation des opportunités de profit discernées par l’entrepreneur-alerte.
  • Le problème lachmannien : le monde caractérisé par une indétermination radicale, kaléidique, où la connaissance change en même temps que le temps s’écoule. Il montre comment la firme aide à le résoudre, même si cette résolution n’est pas totale. Je trouve qu’existe un parallèle intéressant avec la théorie des Big Players de Roger Koppl.

 

Il revient aussi sur les différentes théories explicatives de la firme, en montrant notamment que l’approche des capabilités est parfaitement cohérente avec le point de vue autrichien.

Les différentes formes d’entrepreneurs au sein des firmes complexes et les problèmes qui se posent du fait du double problème hayékien, à savoir, non seulement l’ignorance ignorée du manager, mais aussi celle qui caractérise ses équipes.

 

The Consequences of Mr Keynes – James M. Buchanan, Richard Wagner et John Burton

Les deux livres présentés par la suite n’en sont pas réellement. Ce sont en réalité des papiers publiés par The Institute of Economic Affairs, sous le nom de Hobart Papers.

Celui-ci rappelle que l’économie keynésienne préconise de la dette publique en situation d’équilibre de sous-emploi (chômage), et des recettes fiscales excédentaires lorsqu’il n’y a pas de chômage, pour éviter d’avoir de l’inflation et équilibrer périodes d’endettement et de désendettement. Cependant, comme le rappellent Buchanan et Wagner, en faisant sauter la règle de l’équilibre budgétaire, les keynésiens mettent les politiciens face à leur vraie rationalité (qui n’est pas celle du philosophe-roi). Ils sont incités à augmenter les dépenses publiques sans contrepartie fiscale, et ne font donc face à aucune résistance.

John Burton étudie par la suite les chiffres du Royaume-Uni qui illustrent le changement opéré par la révolution keynésienne, et remarque que le Royaume-Uni n’a jamais connu de période d’excédent budgétaire depuis celle-ci.

 

The Myth of Social Cost – Steven N. Cheung

Steven Cheung, accompagné par un prologue de Charles K. Rowley et un épilogue de John Burton est intéressant à plus d’un titre.

Il aborde :

  • Les différentes implications de l’économiste Pigou et de Jacob Viner sur les externalités négatives et les corrections que peuvent apporter des systèmes de taxes et subventions.
  • Les solutions proposées par Coase, consistant à mieux définir et délimiter les droits de propriété, en proposant les siennes propres.
  • La soi-disant inefficience d’une agriculture laissée à elle-même (comme condamnée par Pigou) en prenant les données chinoises d’avant guerre sino-japonaise ; il revient également sur La fable des abeilles de Mandeville, en montrant qu’il existait déjà des accords entre apiculteurs et détenteurs de vergers, lorsque celui-ci écrivait pour dénoncer ceci comme une défaillance de marché.

 

Par la suite, John Burton démontre :

  • Que l’hypothèse selon laquelle des législateurs souhaitent améliorer le bien-être social est hautement irréaliste. Les économistes du Choix Public (Niskanen, Tullock ou Buchanan) ont déjà montré que les bureaucrates cherchent avant tout à maximiser leur bien-être et celui de leur administration.
  • Qu’une mauvaise définition des droits de propriété peut mener à des tragédies des communs, comme dans le cas du désert de Sahel et celui de la Libye après l’Empire romain.
  • Qu’une bonne partie des problèmes découlant de la gestion de l’environnement vient du fait que des contraintes légales empêchent l’émergence de droits de propriété sur des biens environnementaux.

 

Comme l’écrit Kowley au début de ce Hobart Papers, combien serions-nous mieux lotis si nous n’avions jamais découvert le problème du coût social.

 

Conclusion

En ces temps troublés, où seules des solutions d’ordre législatif sont envisagées pour résoudre une crise sanitaire, et où on nous serine une soi-disant bienveillance de nos législateurs, l’étude de la science économique reste primordiale. C’est en elle que nous trouvons une partie des réponses qui nous permettent de lutter intellectuellement contre l’aura morbide de ces législateurs qui voient l’humanité comme de l’argile à mouler.

« J’en ai dit assez pour montrer que l’économie politique a une utilité pratique évidente. C’est le flambeau qui, dévoilant la Ruse et dissipant l’Erreur, détruit ce désordre social, la Spoliation. » Frédéric Bastiat

 

Un article publié initialement le 18 décembre 2020.

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  • Lire c’est bien, agir c’est mieux, non ? Le temps nous manque, il faudrait plutôt éditer 7 « digest » ce qui donnerait un éclairage permettant de poursuivre ou non ces lectures . . . .

  • J’admire les gens qui, comme vous, se donnent la peine de démolir, preuves en main, les fallacieuses théories économiques engendrées par ceux qui comme vous le dites, « tirent leur revenu d’une capture de rente, d’abus de pouvoir. Sous couvert d’une idéologie marxiste, une élite a accaparé la propriété du pays ».
    On peut reconsidérer l’ensemble du mouvement socialiste/collectiviste/étatiste avec cette grille de lecture. Dans mon essai « Légitimes Défenses », je cite Bastiat : « Lorsque la Spoliation est devenue le moyen d’existence d’une agglomération d’hommes unis entre eux par le lien social, ils se font bientôt une loi qui la sanctionne, une morale qui la glorifie. »
    Ceux qui contrôlent la machine sociale forment cette agglomération que décrit Frédéric Bastiat. Mais celui-ci renverse la perspective. Ce n’est plus le principe (le socialisme) qui engendre, par erreur anthropologique, le vol. C’est le vol (la spoliation) qui devient l’objectif à atteindre, grâce à l’invention du socialisme, qui n’est alors pour une agglomération d’hommes qu’un moyen de truander, et non une fin.

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