Par Alexis Vintray.
Les élections qui se sont tenues aux États-Unis le 3 novembre ne concernaient pas uniquement la présidentielle. Étaient aussi en jeu la Chambre des représentants, un tiers du Sénat américain et bon nombre d’élections et de référendums locaux. Les médias mainstream continuent pourtant à se focaliser uniquement sur la défaite désormais quasi certaine de Donald Trump, prenant sûrement plaisir à la sortie d’un président avec qui ils ont eu des relations compliquées de longue date. Une obsession anti-Trump qui masque la forêt de la victoire des républicains à cette élection, avec des impacts qui peuvent durer jusqu’en 2030 avec le Gerrymandering.
Des victoires à la Chambre et au Sénat
Philippe Lacoude y avait déjà consacré un article il y a quelques jours, les résultats des démocrates pour les élections de gouverneurs, ou les élections à la Chambre et au Sénat ont été très décevants. Sur les 11 postes de gouverneurs qui étaient à renouveler, 8 sont allés aux républicains (contre 7 avant l’élection). Un gain net de +1 alors que Joe Biden a eu 5 millions de voix en plus que Donald Trump.
Au Sénat, que les démocrates se prenaient à rêver de reprendre, le résultat est de 48 démocrates – 50 républicains, et deux sièges (actuellement républicains) en Géorgie pour lesquels il y aura un run-off car aucun candidat n’a atteint 50 %. Ces deux sièges qui décideront la majorité seront au centre d’une campagne électorale intense en janvier, dont, vu les votes passés de la Géorgie, au moins un devrait rester républicain.
Enfin à la Chambre des représentants, les démocrates devraient perdre une douzaine de sièges, alors qu’ils remportent la présidentielle ! Une première depuis au moins 50 ans.

Quels impacts ?
Si les sondages annonçaient bien un vote plus faible en faveur des candidats démocrates que de Joe Biden, la baisse globale du vote démocrate par rapport aux sondages a néanmoins davantage pénalisé les candidats aux élections locales que Joe Biden, qui a une avance confortable, de cinq millions de voix. On peut supposer que le vote en faveur de Biden a été très largement un vote anti-Trump, et cet effet répulsif de Donald Trump n’a pas impacté négativement les candidats républicains locaux.
Les démocrates n’auront donc pas la main pour mettre en œuvre leur programme sans garde-fous. De même qu’en 1994 pour Bill Clinton, Joe Biden aura donc un mandat limité et devra gouverner avec les républicains. Un divided government dont les libéraux peuvent se réjouir puisqu’il auto-limitera le pouvoir des politiciens.
Phénomène particulièrement intéressant, les républicains et Donald Trump ont gagné des voix chez les électeurs noirs et latinos en particulier. Le discours radical d’une partie des démocrates sur le socialism en particulier a rebuté une large part des Américains d’origine cubaine, mais aussi vénézuélienne et plus généralement venant de pays où ils ont pu constater en pratique l’échec du socialisme. Par un discours économique radical, la frange radicale des démocrates a fait fuir ces électeurs qu’elle croyait acquis à sa cause.
Pour le futur, les démocrates seront obligés d’entendre le message envoyé par ces électeurs s’ils veulent une chance de regagner le Sénat en particulier. Le futur succès électoral des démocrates devra passer par un programme économique plus centriste et libéral.
Gerrymandering, un enjeu technique mais essentiel
Une conséquence peu connue de ces victoires républicaines est que le parti républicain est dans une posture idéale pour la redéfinition de la carte électorale qui aura lieu à l’issue du recensement de 2020, pratique connue sous le nom de gerrymandering ou découpage électoral. Ce redécoupage restera en place jusqu’en 2030. Évidemment, celui qui contrôle la définition de la carte électorale peut plus aisément pousser ses pions pour maximiser son nombre de sièges.
À l’issue de ces élections, comme le note le site indépendant FiveThirtyEight dirigé par le statisticien Nate Silver, « les républicains devraient contrôler le redécoupage électoral pour 188 sièges à la Chambre, contre 73 sièges pour les démocrates ».
Un avantage certain pour les républicains pour la prochaine décennie, qu’il convient cependant de ne pas exagérer.
Quid de la présidentielle ?
N’oublions pas pour conclure la présidentielle américaine, dont les résultats ne sont pas encore officiels et ne le seront que début décembre. Néanmoins, les résultats provisoires donnent toujours une victoire claire à Joe Biden, confirmée par tous les principaux médias américains et leurs decision desks.
Les recours des républicains pour bloquer la certification des votes semblent toujours échouer de manière systématique. En Pennsylvanie où la campagne Trump avait enregistré son principal succès, celui-ci a été annulé par la Cour suprême de l’État.
Dans le Michigan, où deux républicains ont pendant quelques heures refusé de certifier les résultats dans un comté, les résultats ont finalement été certifiés à l’unanimité. La décision initiale de ces deux républicains de ne pas certifier les résultats pour un écart de 350 voix sur une victoire par 140 000 voix d’avance a été vertement critiquée à l’intérieur même du parti républicain, le chef de la majorité républicaine au Sénat du Michigan réaffirmant la victoire de Joe Biden dans une interview à la presse : « Joe Biden won, Michigan elector coup not going to happen. »
Edit 17h55 : après avoir refusé de certifier, puis après avoir certifié, les deux Républicains souhaitent désormais ne plus certifier, mais la deadline est passée. Ce sera probablement à la justice de trancher ce sujet. A suivre…
Dans le même temps, le recount en Géorgie devait s’achever mercredi à minuit heure locale. Quelques heures plus tôt avec 95 % des voix recomptées, il maintenait une victoire de Biden par 13 000 voix d’avance, sans changement significatif par rapport au comptage initial. Le sénateur républicain et proche de Donald Trump Lindsey Graham est dans l’œil du cyclone pour avoir tenté de faire pression dans trois États pour invalider des bulletins. Il est visé par des appels à saisir le comité d’éthique du Sénat à cause de ces accusations d’ingérence électoral qu’il rejette.
Quid des prochaines semaines ?
À ce stade, le kraken annoncé par la campagne Trump n’est toujours pas venu apporter de preuves aux accusations de fraude. En particulier sur les machines de vote. Les échecs juridiques de la campagne Trump renforcent par ailleurs la thèse que rien ne changera significativement aux résultats de la présidentielle. Reason, le journal libéral de référence aux États-Unis, concluait ce matin ainsi : « Les tentatives de Trump pour défaire l’élection ne marcheront pas » (Trump’s Attempts To Undo the Election Won’t Work).
Les résultats seront définitifs d’ici environ deux semaines et d’ici là la justice continuera à faire son travail. Dans ce test de la solidité des institutions démocratiques américaines, celles-ci semblent tenir robustement sans pour autant qu’on doive s’attendre à un changement par rapport au résultat donné par les urnes il y a de cela deux semaines désormais.
Mais cette désormais très probable défaite de Donald Trump ne doit pas faire oublier l’essentiel, les Républicains ont remporté les élections du 3 novembre.
oui mais il ne faut pas oublier que nombre de républicain détestent Trump et ne l’on suivit que contraint et forcé. Biden, qui va ouvrir en grand les vannes d’argent gratuit n’aura pas trop de mal à acheter quelques sénateur républicain pour mettre en œuvre sa politique surtout celle concernant l’écologie à laquelle nombre de républicains adhère (par conviction ou par calcul électoral ou financier). Donc les élus républicains on gagné mais gageons que les électeurs seront les grands perdants.
Le Texas républicain a 2x plus de puissance éolien que la France, par pragmatisme plus que par conviction.
Il n’y a rien de pragmatique dans l’éolien, juste de l’utopique!
Trump a multiplié le déficit par 2.5 alors qu’Obama l’avait divisé 3. Je ne sais pas d’où vient cette idée que les républicains sont des économes alors qu’ils sont souvent à l’origine des plus gros déficits
Ah ces redécoupages électoraux , c’est vieux comme Mitterand ..!!
Ce qui tend aussi à prouver que la « démocratie » américaine l’est à la marge..Après, le Wisconsin largement remanié par les républicains est passé aux démocrates….le gerrymandering a donc ses limites et tant mieux..mais vous avez raison ça va tailler dru dans les circonscriptions et la campagne va s’inviter à la ville …Que des libéraux que je lis tous les jours sur CP dans leurs diatrybes protrumpiennes ne s’en offusquent pas ….surprenant …ce sont des manoeuvres gauchisantes quand même..!!!
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/10/30/midterms-comment-le-gerrymandering-ou-charcutage-electoral-pese-sur-l-election-americaine_5376458_4355770.html
« Dans le Michigan, où deux républicains ont pendant quelques heures refusé de certifier les résultats dans un comté, les résultats ont finalement été certifiés à l’unanimité. La décision initiale de ces deux républicains de ne pas certifier les résultats pour un écart de 350 voix sur une victoire par 140 000 voix d’avance a été vertement critiquée à l’intérieur même du parti républicain »
Avez vous ne serait ce que lu les déclarations sous serment des deux Républicains qui avaient refusé de certifier les résultats ? Ils affirment avoir été intimidé, et trompé pour leur faire certifier les résultats, et dénoncent bien autre chose qu’un écart de 350 voix. Leurs déclarations sous serments sont accessibles publiquement en ligne :
Déclaration sous serment de Monica Palmer : https://fr.scribd.com/document/484930678/img-201118215108-pdf
Déclaration sous serment de William Hartmann :
https://fr.scribd.com/document/484930718/William-Hartmann-Affidavit
La vérité c’est qu’on ne saura sans doute jamais la vérité sur cette élection. Les présomptions de fraude sont extrêmement nombreuses mais en effet improuvable du fait du système de vote totalement délirant en place aux Etats-Unis.
Dans vos articles précédents, vous indiquez que Trump n’a pas pu faire la preuve des fraudes qu’il dénonce, et que par conséquent, comme tout accusé est innocent tant que sa culpabilité n’est pas prouvé, alors l’absence de preuve démontre l’absence de fraude. Je me permets d’être en désaccord total concernant une élection. Dans une élection, ce n’est pas à ceux qui contestent de prouver qu’il y a eu fraude, dans une élection, c’est à l’organisateur de prouver que son élection est dénuée de toute fraude.
Si l’on compare ainsi le système électoral américain au système électoral français, la différence est flagrante en terme de clarté et de transparence. En France, on ne vote que pour un seul scrutin à la fois, aux Etats-Unis pour de multiples élections en même temps. En France, tout citoyen peut tenir un bureau de vote et participer au dépouillement. Personne n’est rémunéré. Tous les partis présents aux élections désignent des scrutateurs dans chaque bureau de vote, qui ne sont pas de simples observateurs mais participent à la tenue du bureau de vote et au dépouillement. Aux Etats-Unis, les bureaux de vote sont tenus par des employés municipaux rémunérés. En France, le scrutin se tient en une seule et unique journée, un dimanche, jour où traditionnellement la majorité des citoyens ne travaillent pas. Aux Etats-Unis, les élections se tiennent un mardi, et le vote anticipé existe dans la majorité des Etats, étalant le processus de vote effectif sur des dizaines de jours, là où en France, tous les bulletins de votes sont déposés par l’électeur lui-même, dans une urne transparente, où il restera au vu et su de tous pendant moins d’une journée avant d’être compté. Aux Etats-Unis, il est possible de voter en avance ou par correspondance, quand cette pratique est interdite en France, précisément pour garantir la transparence du scrutin et éviter les fraudes électorales. Seul le vote par procuration est autorisé, strictement encadré, et nécessite de faire établir une procuration devant un juge d’instance, un greffier, un consul ou un gendarme, en présence de l’électeur qui ne pourra se présenter aux urnes, et au bénéfice d’un électeur de la même commune, qui ne pourra détenir que deux procurations maximum, et une seule établie en France (et une établie à l’étranger).
En France, la manière dont est organisé le scrutin garantit qu’il sera sans fraude. Aux Etats-Unis, la manière dont est organisé le scrutin ne garantit à peu près rien, et assure qu’il sera quasi impossible de démontrer une fraude éventuelle.
Toutes les occurences de fraudes ou problèmes qui ont été remontés par les Républicains ne sont pas avérés. Je suis prêt à vous l’accorder. Mais parmi tout ce qui a été remonté (et le fait qu’on ait autant de chose à remonter est en soi hallucinant), il y a des dizaines de faits qui restent très clairement inexpliqués, et qui le resteront car personne ne veut sérieusement regarder ou enquêter.
Cher ST
Merci de vos précisions, qui datent cependant d’après la publication de cet article. La situation au Michigan se complique en effet puisque après avoir refusé de certifié, puis certifié, maintenant les 2 Républicains ne veulent plus certifier, alors que la deadline est passé. Dans ce boxon, ce sera effectivement à la justice de trancher très probablement. J’ai ajouté un edit à l’article en ce sens.
Je partage votre avis sur le fait que beaucoup peut être amélioré dans le système électoral américain
Notons également que chaque état américain est responsable d’organiser ces élections. Cela conduit à de très fortes disparités dans les protocoles mis en place d’un état à l’autre. De nombreux états avaient dépouillé et compté les bulletins dans la soirée du 3 et ce en dépit de vote par correspondance. Comment expliquer alors que des états que l’Arizona, le Nevada, la Pennsylvanie, la Géorgie, le Michigan et le Wisconsin n’en ont pas été capable? Comme par hasard, ce sont les états où des fraudes massives sont suspectées.
C’est une question tout à fait judicieuse, qui a déjà eu pas mal de réponses.
Ce sont souvent des Etats où il était interdit de dépouiller avant le 3 novembre. Par exemple l’Etat de Pennsylvanie a répété avec insistance avant l’élection que la loi lui interdisant de dépouiller allait rendre compliqué le dépouillement dans les temps. Vous trouverez tous les éléments ici par exemple https://abcnews.go.com/Politics/pennsylvania-counting-votes-election-day/story?id=73993649
Pour prendre un second exemple, sur le Wisconsin, ils regroupent tous les bulletins dans un unique endroit pour les dépouiller, ce qui rallonge les choses. C’était là aussi attendu; vous trouverez des détails ici https://www.wpr.org/wisconsin-election-officials-say-vote-counting-will-take-longer-year-heres-what-expect
Dans d’autres Etats encore, les tribunaux avaient autorisé plusieurs jours après l’élection pour que les bulletins arrivent avec les délais postaux. Quand les marges sont serrées, ces bulletins peuvent en effet tout changer, mais ça ne les rend pas moins légitimes que d’autres. C’est l’explication pour le Nevada
Et une synthèse sur le sujet également https://projects.fivethirtyeight.com/election-results-timing/
Le Department Of Homeland Security a dit que ces élections étaient les plus sûres de l’histoire des US.
@ST Merci pour votre explication très complète et très claire sur les mécanismes de vote aux USA.
Par ailleurs, l’interprétation comme quoi la victoire des Républicains ne s’accompagne pas d’une victoire pour Trump pourrait (je dis bien pourrait) avoir une autre explication qu’un « effet répulsif » de Donald Trump, qui est d’ailleurs a priori étonnant vu que l’effet Trump a jusqu’ici plutôt bien profité aux Républicains. En effet, il a été constaté qu’il y a eu une masse importante de bulletins où seul le nom de Joe Biden était rempli sans qu’on ait pris la peine de remplir le reste, ce qui accrédite le soupçon de fraude systématique, notamment pour les pleines charretées de bulletins pris en compte bien après les autres. Il serait intéressant de compter combien il y en a eu, mais le système que vous expliquez montre bien qu’il sera très difficile de prouver quoi que ce soit.
Même si Trump, comme il semble probable, est déclaré battu, il reste que face au système médiatique quasi-unanime qu’il a confronté, il a réalisé un exploit hors-norme.
Donc un parti qui n’a gagné qu’un vote populaire depuis 28 ans peut finalement être largement représenté grace au gerrymandering et vous pensez que c’est une bonne chose pour la démocratie ?
Pas du tout. Ce n’est pas le gerrymandering qui fait que les Républicain gagnent parfois des élections présidentielles sans avoir la majorité du vote populaire.
Il faut bien comprendre que les vrais libéraux qui ont écrit la Constitution Américaine n’avait pas comme objectif premier de créer un système politique donnant le pouvoir à majorité populaire plus une voix. D’ailleurs, le terme démocratie n’apparait pas dans la Constitution. Et l’élection du président au suffrage universel indirect n’est pas non plus dans la constitution (chaque Etat doit choisir ses grands électeurs, libre à eux de décider de quelle manière, et au cours des années, ils ont convergé vers un vote populaire, mais ca n’a pas toujours été le cas). L’objectif de Constitution américaine est avant le contrôle du pouvoir du gouvernement. Un objectif intrinsèquement libéral, qui a malheureusement été diminué au fil des années. Faire basculer l’élection du président au suffrage universel direct pour plus de « démocratie » serait la dernière d’une longue attaque contre l’exceptionnalisme libéral institutionnel américain.
Pour mieux comprendre ce qu’est l’élection présidentiel américaine, et au delà, le système politique américain, je vous conseille cet article très détaillé :
https://blog.voyager-aux-etats-unis.com/post/2020/11/21/comprendre-lelection-presidentielle-americaine/
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