« Reset – Quel nouveau monde pour demain ? » de Marc Touati

Changer de paradigme pour repartir sur des bases plus saines après le cataclysme économique post confinement.

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« Reset – Quel nouveau monde pour demain ? » de Marc Touati

Publié le 23 septembre 2020
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Par Johan Rivalland.

Marc Touati est considéré par beaucoup comme un éternel optimiste. Je dirais plutôt quelqu’un de volontaire, réfléchi, réaliste. Car les analyses qu’il nous propose à travers cet ouvrage bienvenu sur le « nouveau monde » de demain n’est pas véritablement optimiste. Il s’agit plutôt de s’interroger sur les bonnes décisions à prendre de manière à pouvoir repartir du bon pied, sur des bases plus saines, après le cataclysme lié à la période de confinement.

Il ne cache pas, en effet, que ce qui nous attend auparavant de manière inéluctable est composé de dépression économique, faillites d’entreprises, krachs boursiers à répétition, flambée du chômage, augmentation de la pauvreté, tensions sociales et risques d’émeutes (voire pire, ajoute-t-il).

Pour autant, loin de baisser les bras, notre attitude doit consister à nous retrousser les manches, sans nous lamenter et en cherchant au contraire à nous relever. Non pour concevoir une sorte de « monde d’après » fantasmé, mais en cherchant à nous renforcer, en sachant tirer des leçons de nos erreurs, comme à chaque grande crise, et à remettre en cause ce qui doit l’être.

Tirer les leçons des erreurs passées

Si Marc Touati a une certitude, c’est que nous sortirons de cette crise, comme nous l’avons toujours fait dans le passé. Pour autant, il ne faut pas se tromper de diagnostic si on entend l’accomplir de manière vraiment salvatrice et porteuse d’avenir. Cela nécessite d’éviter le repli sur soi et la réduction des échanges internationaux auxquels risque de mener l’érection de la mondialisation comme bouc émissaire bien commode de la pandémie. Mais aussi le niveau dramatique des dettes publiques, qui l’était déjà avant la crise.

Croire que l’on ne devra pas rembourser les dettes colossales qui se sont encore très dangereusement creusées depuis, est un leurre. Augmentation des impôts, flambée d’inflation et forte hausse des taux d’intérêt des crédits, sont certainement ce qui nous attend tôt ou tard. Accompagnés probablement d’une instabilité sociale et sociétale, voire de la fin de la zone euro.

États en défaut de paiement, krach obligataire, explosion des bulles immobilières et l’affaiblissement de l’activité économique qui en résultera de nouveau, ont également toutes les chances de se produire. Avant que le « Reset » et un redémarrage sur des fondements meilleurs puisse laisser espérer un avenir meilleur. L’enjeu concernant les choix à faire pour tenter de limiter tout cela est crucial car :

Largement portées par la pandémie, les tentations du repli sur soi, de la démondialisation ou encore de la décroissance pourraient être érigées en dogme incontournable. Une telle régression finirait forcément par réduire dramatiquement nos libertés, tout en empêchant les pays émergents de rattraper les pays dits développés et en suscitant une flambée du chômage et de la pauvreté à travers le monde.

Une récession historique

Dans une première partie, Marc Touati réalise un diagnostic étayé de statistiques intéressantes, qui nous permet d’avoir une vision d’ensemble assez éclairante de la situation, aussi bien pour la France que pour le monde. Avec différents scénarios, qui montrent que, raisonnablement, on ne peut espérer de « retour à la normale » avant… 2025 (rappelons que Marc Touati est considéré généralement comme un « optimiste »).

S’intéressant tour à tour à l’Europe, aux États-Unis, à la Chine et aux pays émergents, il note en particulier l’incroyable résilience de la Chine, dont il nous montre comment les cinq « airbags » à sa disposition lui ont permis une fantastique capacité de rebond (n’omettant pas, bien évidemment, les doutes que l’on peut avoir quant à l’exactitude des données statistiques fournies dans leur détail).

À savoir les niveaux très élevés de l’épargne et de l’investissement, la faiblesse de l’endettement de l’État (environ 20 % du PIB), les colossales réserves de changes et la manipulation du taux de change. Variables d’action qui lui permettent de développer contrairement à nous une vision de long terme et une capacité de réaction exceptionnelle dont nous ne disposons pas en temps de crise (précisons que, loin d’être un admirateur de la Chine, Marc Touati n’oublie pas que cette crise en provient et, face aux velléités de domination de la planète de celle-ci et son non respect des droits fondamentaux des individus, il rêve ardemment d’un boycott international des produits chinois).

Plus dramatique est la situation des pays émergents, et en particulier de l’Afrique (qui réunit 25 des 30 pays les plus pauvres de la planète), touchés de manière absolument dramatique par la crise. C’est à un grave appauvrissement que nous allons assister et à une régression très inquiétante, qui va se solder par de nombreuses conséquences qu’il présente à travers ce diagnostic.

Le nouveau monde sera-t-il meilleur que l’ancien ?

Telle est la question posée dans la deuxième partie. Qui commence par mettre en garde contre la tentation de rechercher des boucs émissaires faciles pour rêver d’un « monde d’après » illusoire et revanchard, stigmatisant notamment la mondialisation, les chefs d’entreprise, les délocalisations ou la finance.

Pas seulement cibles des altermondialistes ou marxistes de toutes obédience, puis reprises par la vindicte populaire.

Malheureusement, ces différentes théories du complot du « capitalisme mondialiste » et de la « finance internationale » sont aussi diffusées et formulées par des personnes et des institutions honorables et ce, jusqu’aux instances dirigeantes de certains pays occidentaux […] La spéculation et les délocalisations ne tombent pas du ciel. Elles ne sont finalement que les conséquences des erreurs des dirigeants des différents pays qui font aujourd’hui l’objet de ces mouvements défavorables.

Encore que, précise-t-il chiffres à l’appui, l’impact de la mondialisation sur le recul formidable de la pauvreté des dernières décennies est bien là. Et les délocalisations ont détruit beaucoup moins d’emplois, même nationalement, que la mondialisation a permis d’en créer. Quant à la désindustrialisation en France notamment, elle a ses explications :

Avancer que la désindustrialisation de la France est uniquement due à la cupidité de certains chefs d’entreprise est tout aussi fallacieux. En effet, au-delà du fait qu’ils correspondent à une nécessité de diversification des risques et de recherche de nouvelles terres de croissance à travers le monde, les investissements des entreprises françaises à l’étranger ont aussi été favorisés par les nombreuses erreurs de la politique économique hexagonale : augmentation de la pression fiscale, exacerbation des rigidités réglementaires, notamment sur le marché du travail, 35 heures, mauvaise adéquation des formations scolaires et universitaires avec les besoins des entreprises, mauvais choix stratégiques en matière de Recherche & Développement […] La tentation serait de vouloir y répondre à travers des mesures protectionnistes (application de droits de douane dérogatoires, lutte contre les délocalisations, campagne en faveur de l’achat de produits nationaux…). Avec le risque très réel de voir apparaître des réglementations équivalentes dans les autres pays et donc progressivement, des surenchères dans l’établissement de barrières protectionnistes et des politiques de représailles.

Ce qui n’empêche pas de relocaliser certaines productions, notamment à l’égard desquelles la dépendance mondiale vis-à-vis de la Chine peut être considérée comme dangereuse. Mais pas n’importe comment. Et le succès ne passera que par l’innovation, la R&D, la formation, l’investissement dans les secteurs d’avenir. Les entreprises françaises, montre Marc Touati – si on tient compte de tous les bâtons dans les roues qu’on ne cesse de leur mettre – sont en réalité très performantes et compétitives. Et parviennent même malgré tout à réaliser des profits. Mais pour peu qu’on cherche au contraire à les libérer, comme cela se pratique aux États-Unis ou en Allemagne par exemple, elles pourraient véritablement percer.

À l’inverse, si l’on ne va pas en ce sens rapidement, elles pourraient très vite se trouver dépassées de manière irrémédiable.

Une inflation qui restera maîtrisée, la fin du roi pétrole, pourquoi la décroissance ne peut aucunement constituer une perspective, la montée en puissance accélérée du télétravail, du numérique et des GAFAM. Autant de sujets que Marc Taouati aborde sereinement à travers différents chapitres à chaque fois très courts. Ce qui rend la lecture agréable et facile, tout en étant claire et précise.

Avant d’aborder dans une troisième partie la question de l’Europe. Pas forcément du point de vue qui me séduit le mieux, puisqu’il se dit partisan depuis longtemps d’une gouvernance européenne sur le modèle des États-Unis, avec des États fédéraux. Mais avec un souci du réalisme et de l’analyse qui rendent la réflexion intéressante. Avec, au cœur du sujet, des questions aussi brûlantes que l’avenir très incertain de la zone euro, au moins à 19, voire de l’euro lui-même.

Et la place qu’occupe la France (avec laquelle il est loin d’être tendre, à juste titre) dans cet espace européen prêt à se disloquer, gangrenée par ses mouvements sociaux, son climat anxiogène, son endettement excessif, son inculture économique et tous les travers qu’on lui connaît :

En l’occurrence, la méconnaissance des mécanismes économiques, l’hypocrisie face à l’argent, le mépris de la réussite et, synthétisant le tout, la culture de la lutte des classes. Or, cette dernière est certainement le meilleur allié de la pauvreté puisqu’elle revient à figer la société, élevant les uns contre les autres dans un but stérile, voire destructeur […] Et [sortir de ce marasme] ne passera certainement pas par une augmentation des dépenses publiques et des perfusions diverses et variées qui sclérosent la société. Cela passera, au contraire, par la libération des énergies et de l’esprit d’initiative qui ne pourront s’opérer que par une réduction des pressions fiscales, réglementaires et budgétaires.

Changer d’état d’esprit

La quatrième partie sur les politiques économiques est tout aussi intéressante et pédagogique. Si Marc Touati n’est pas un pur libéral et se montre favorable de manière générale à des politiques contracycliques bien mesurées et calibrées, sa culture économique et son sens aigu des réalités le conduisent toutefois à porter un regard très critique sur les politiques menées ces dernières années, davantage mues par le marketing politique que la volonté de véritablement s’attaquer aux problèmes de fond.

Ainsi, que ce soient les politiques suivies par les banques centrales, les folles politiques de relance budgétaire de la part d’États déjà surendettés, de la gestion catastrophique de notre système de retraites ou des politiques actuelles de sortie de crise, il se montre très critique. Et surtout, il propose une série de décisions très précises, non dogmatiques, mais qu’un libéral ne renierait pas.

Mixant baisse conséquente de la pression fiscale aussi bien pour les entreprises que les ménages, accompagnée d’une baisse drastique des dépenses publiques en particulier de fonctionnement, réduction substantielle des charges salariales, modernisation de la formation et du marché du travail, liberté du choix du temps de travail, réforme des retraites (avec un système mixte s’ouvrant partiellement à la capitalisation), etc. (il propose plus d’une quinzaine de mesures que je ne vais pas détailler ici).

De véritables réformes structurelles et de modernisation économique bien éloignées du marketing politique compassionnel orienté perpétuellement vers la recherche par les politiques de leur réélection, et qui gangrène depuis trop longtemps notre société.

Quant aux marchés financiers, qui sont l’objet de la cinquième partie du livre, il met là aussi en garde contre l’exubérance actuelle, suscitée en grande partie par la politique des banques centrales, à l’origine de la constitution de bulles très dangereuses et qui affectent aussi le système bancaire, très en danger, comme l’est aussi le marché immobilier, qui n’en sortira pas indemne.

En conclusion, Marc Touati tire la sonnette d’alarme pour tenter de nous éveiller sur les heurts profonds qui nous guettent si nous ne profitons pas de cette période de crise exceptionnelle pour repartir sur des bases beaucoup plus saines. Nous sommes à un tournant majeur : soit nous aurons la capacité à réformer en profondeur notre système bien mal en point, soit nous risquons de nous enfoncer dans des abîmes qui n’annoncent rien de bien joyeux pour l’avenir.

Vous avez dit optimiste ? Non, à la fois réaliste et volontaire, et même une sorte d’appel à réagir de manière radicale si nous ne voulons pas sombrer.

 

Marc Touati, Reset – Quel nouveau monde pour demain ?, Bookelis, septembre 2020, 208 pages.

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  • « Croire que l’on ne devra pas rembourser les dettes colossales qui se sont encore très dangereusement creusées depuis, est un leurre. »
    je ne suis pas un économiste mais les dettes sont déjà « payées »..par ceux qui prêtent;.pour préciser plutôt éviter non pas de rembourser mais être confrontés à ceux qui ont prêté..des tas de dette ne sont pas payées par ceux qui les contractent après tout..

    • quand on s’endette on est redevable..et ceux qui prêtent se privent de quelque chose..au cas où un mélenchon parle de dette illégitime.
      quand on ne rembourse pas la confiance est brisée, et vous avez souvent un ennemi qui attend de se faire payer d’une façon ou d’une autre..et qui est tenté de faire un exemple parce qu’il peut avoir d’autres débiteurs..

      nous vivons une époque mélenchonique, il faut rappeler des trucs..

  • L’introduction de l’euro , avec la politique du franc fort qui l’a précédé a été -aggravé par les 35 h – l’élément déclencheur de la désindustrialisation de l’Europe du Sud, les graphiques sont là pour l’attester de façon saisissante. Pour pallier cet appauvrissement, les gouvernements ont eu recours à l’endettement massif. Pour pallier cet endettement massif, la BCE a mis les taux d’intérêt à zéro, ce qui nous prépare la prochaine crise bancaire. Mais tous ces politiciens préféreront la ruine collective à l’abandon de leur idéologie européiste.

    • L’élément fondamental de la désindustrialisation des pays du Sud tient dans des politiques publiques économiques inadaptées de tout temps : contraintes réglementaires, fiscalité folle, démagogie populiste, etc … Sauf qu’avec des monnaies nationales, on dévaluait régulièrement, cad qu’on maintenait la compétitivité en appauvrissant les populations par la monnaie. Avec l’Euro c’est fini, l’euro c’est juste un révélateur des gouvernements incompétents, pas la cause.

  • Le problème n’est pas la mondialisation – développement des échanges – mais le mondialisme qui est un projet politique totalitaire. Ceux qui promeuvent ce projet – depuis fort longtemps – se sont appuyés en partie sur le capitalisme qu’ils ont asservi à leurs intérêts, ainsi que sur l’impérialisme anglo-saxon (britannique, puis américain pour faire court).
    La classe prédatrice internationale, fort peu nombreuse, compte bien utiliser la « dépression économique, faillites d’entreprises, krachs boursiers à répétition, flambée du chômage, augmentation de la pauvreté » , tout en contrôlant les « tensions sociales et risques d’émeutes » avec un totalitarisme sanitaire. Et elle peut compter sur l’aveuglement de certains économistes qui défendent, à juste titre, la mondialisation des échanges, sans voir le projet politique qui est derrière. De peur de se voir qualifier de complotistes…
    La peur est le principal obstacle à la recherche de la vérité…

    • Dans cette perspective mondialiste, l’UE a été conçue depuis le début comme une « gouvernance européenne sur le modèle des États-Unis, avec des États fédéraux ». Avec une différence de taille: la gouvernance supranationale européenne devait être celle d’une élite non élue…

    • et voilà le retour du complotisme de base : le mondialisme ??? la classe prédatrice internationale ??? l’impérialisme anglo saxon ????

      gloubi blouga indigeste de marxime mal digéré et d’anti américanisme primaire …

    • la bêtise est souvent aussi le principal obstacle à la vérité, c’est tellement plus facile et reposant de se dire que c’est la faute à de grands méchants, bien sûr étrangers, américains c’est mieux, et bien sûr riches et avides …

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