Le rêve de tous : un pétrole plus gratuit… que gratuit

Le cours du pétrole américain s’est effondré, jusqu’à passer sous zéro dollar hier. Aujourd’hui, le lundi noir a eu ses gagnants et ses perdants.

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oil barrels source https://unsplash.com/photos/4i5MZb1ry9E

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Le rêve de tous : un pétrole plus gratuit… que gratuit

Publié le 21 avril 2020
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Par Philippe Charlez.

La crise du coronavirus nous a depuis la mi-mars livré son cortège de situations surréalistes : écoliers et salariés en télétravail, cafés, restaurants et cinémas à l’arrêt, files d’attente interminables devant les magasins d’alimentation dignes de l’occupation allemande, quelques promeneurs masqués dans un Paris plus désert que dans le Lutèce du pré Empire romain.

Mais ce lundi 20 avril en début de soirée, ce virus des temps modernes a été encore plus loin : il a provoqué en quelques heures l’effondrement du prix du baril de pétrole américain, le WTI (West Texas Intermédiate) à… -37 dollars. Imaginez l’invraisemblable situation où après avoir fait le plein de votre véhicule, le caissier crédite « sans contact » (confinement oblige) votre carte Visa d’une quinzaine d’euros ! Notre rêve à tous : un pétrole plus gratuit que gratuit !

Une lente descente aux enfers

Nous avons vécu depuis le début de l’année une situation somme toute assez facilement explicable. Suite à la crise sanitaire, la demande pétrolière s’est d’abord progressivement réduite puis effondrée à partir de début mars, dans la continité du confinement. Le pétrole représente 92% de l’énergie utilisée dans les transports.

Aussi, la réduction significative des trafics routier et maritime conjuguée à l’arrêt du transport aérien avaient contracté la demande de pétrole de l’ordre de 30 millions de bbl/jour (sur une consommation avant crise de l’ordre de 100 millions de bbl/jour). Mais parallèlement à ce choc de réduction de la demande, la réduction de l’offre n’avait pas suivi, les membres de l’OPEP n’ayant pu s’accorder avec la Russie sur une réduction suffisante de leurs quotas.

La forte baisse de la demande conjuguée à une réduction insuffisante de l’offre avait donc logiquement conduit à un effondrement des cours passés de 65 dollars en janvier à environ 25 dollars en mars. En dehors de la chute des prix, cette différence offre/demande avait progressivement rempli les stocks mondiaux et notamment toute la flotte pétrolière aujourd’hui à quai et en stand-by « cuves remplies » dans le port de Rotterdam.

Cette situation mondiale n’avait pas franchement décorrélé le prix du Brent (prix du pétrole en Europe) du prix du WTI (prix du pétrole aux États-Unis). Les deux cotations avaient globalement suivi la même tendance. Le mardi 14 avril le Brent et le WTI étaient tous deux à un peu plus de 20 dollars (voif figure ci-dessous).

À ces stocks croissants est venu se superposer à la fin mars le confinement des États-Unis  dont la consommation, grâce aux pétroles de schiste, est aujourd’hui quasi autosuffisante. Le pays de l’Oncle Sam s’est progressivement trouvé dans la même situation que le reste du monde : excès d’offre et capacités de stockage de plus en plus rares.

Mais contrairement au reste du monde, la production américaine résulte d’une myriade de petits propriétaires individuels1 qui, le couteau sous la gorge, ont rechigné à fermer leurs puits pour vendre leurs barils au rabais.

 

Évolution comparée du Brent et du WTI avant le « lundi noir »

(Source des données : US Energy Information Administration)

 

Un lundi noir

La réduction des capacités de stockage devenant de plus en plus inquiétante, un vent de panique a gagné le marché américain du pétrole ce lundi : plus de capacité de stockage ! Pour ne pas fermer leurs puits dans la panique, ce qui leur aurait coûté plus cher au redémarrage, les petits producteurs ont alors préféré payer les stockeurs prêts à prendre leurs barils.

C’est en spéculant sur l’effondrement des prix et en bloquant délibérément certains stockages que des investisseurs ont fait pénétrer le WTI en territoire négatif. Parallèlement le Brent européen y était resté quasi insensible. On s’est ainsi retrouvé lundi soir avec un Brent à 25 dollars et un WTI à -37 dollars. C’est la première fois de l’histoire que les deux cours se décorrèlent avec une telle violence.

Dès mardi matin, le cours du WTI avait pratiquement retrouvé celui du Brent : à 11 heures le Brent était à 22 dollars et le WTI à 19 dollars. En spéculant sur le stockage, un investisseur averti ayant acheté du WTI papier a ainsi réalisé une plus-value de… 56 dollars par baril en une nuit. Le lundi noir a donc comme toujours eu ses gagnants et ses perdants !

 

Après avoir clôturé lundi soir à -37 dollars, le WTI

avait presque refait son retard sur le Brent mardi à 11 heures

Source : https://prixdubaril.com/

 

D’un choc de demande à un choc d’offre

La sur-offre et les énormes stocks de pétrole disponible ne devraient pas faire remonter les cours dans l’immédiat. On pourrait même assister dans les semaines à venir à d’autres lundis noirs.

À plus long terme, la crise provoquera la multiplication des faillites de petits propriétaires américains ainsi que l’arrêt ou le report de nouveaux projets par les grands majors pétroliers et les pays producteurs. La situation pourrait alors s’inverser avec une offre déclinante face à une reprise de la demande. D’un choc de demande nous assisterions alors à un choc d’offre avec une remontée incontrôlée des cours.

Un pétrole plus gratuit que gratuit n’est probablement pas pour demain !

 

  1. Les États-Unis sont le seul pays du monde où le sous-sol appartient à l’individu et non pas à l’État.
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  • Le brut qui est remonté à 20$ ne serait-il pas livraison juin, contre livraison mai pour celui qui a défrayé la chronique hier ?

    • Il y a eu effectivement un très gros transfert entre les futures de mai vers les futures de juin…cela dit, les surcapacités engendrées font que le prix des futures de juin se met désormais à baisser. A titre personnel, je ne pense pas qu’il y aura un retour à la « normale » sur les futures du WTI avant fin mai début juin sur les futures de juillet.

  • La question que tout le monde se pose : lorsque les prix étaient négatifs, qu’est-ce qui empêchait un acheteur d’acheter le future, de recevoir les barils et de les jeter ?

  • ma il s’agit de pure speculation a la baisse .. tsss
    par exemple ,regardez le marché des matières premières .. si on devrait livrer tout le café qui s’y échange on en serait bien incapables

  • Bon, et comme d’hab, le pékin moyen par chez nous ne voit aucune différence entre un pétrole à 100$ et un pétrole à 0$ vu le niveau des taxes et TVA sur les taxes quand il alimente son « char ». il est même possible que l’Etat, devant la baisse de consommation de tout le monde, par la grâce de son confinement puis de son déconfinement par groupe, palier, région…et pleurant sur ses rentrées fiscales moindres, décide de poser une taxe fixe de 1,50 euros par litre à la pompe, quel que soit le prix d’achat du pétrole. Vite fait bien fait…

    • Théoriquement les taxes sont un coéfficient multiplicatif donc on devrait me payer pour aller à la pompe…mais on me souffle que ce n’est pas comme cela que ça se passe, l’Etat se comportant comme l’escroc de la pire espèce qu’il est.

  • Et pendant ce temps là , chomage et politique écolo obligent, nos pays continuent de pousser les energies vertes , lesquelles n’étaient déjà pas rentables …. c’est sûr tout ça va bien se passer . Autre remarque : pour investir il faut y voir un peu clair , et là avec de tels coups de barres sur un prix aussi important pour l économie … comment faire ?? on va vraiment droit sur un pot au noir .

  • Je vous le confirme : le pétrole, un jour, il va falloir le payer.

  • Bah, c’est leur problème nous on n’a pas pétrole notre pétrole s’appelle taxe à gogo… Ce qui ne m’empêchera pas de faire le plein de tous les bidons que je trouve. Investissez dans le bidon, investissez macron.

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