L’usage de l’article 49-3 est-il un déni de démocratie ?

L’usage du 49-3 par un gouvernement disposant pourtant d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, n’est-il pas un déni de la démocratie représentative ?

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L’usage de l’article 49-3 est-il un déni de démocratie ?

Publié le 21 septembre 2022
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L’article 49, alinéa 3, de la Constitution française (dit 49-3) prévoit que lors du vote d’un projet ou d’une proposition de loi, le Premier ministre peut décider d’engager la responsabilité du gouvernement.

Dans ce cas, le projet de loi est alors adopté sauf si une motion de censure est déposée par au moins un dixième des députés. En cas de rejet de la motion, le projet est considéré comme adopté ; dans l’hypothèse inverse, le texte est rejeté et le gouvernement renversé.

 

La fin du régime des partis et la parlementarisme rationalisé

L’article 49-3 a été introduit dans notre Constitution en réaction à l’instabilité des majorités politiques des IIIe et IVe Républiques. Le 49-3 a été utilisé à 86 reprises depuis 1958.

Ce dispositif est généralement utilisé dans deux cas :

  1. Le gouvernement ne dispose pas d’une majorité absolue et n’a donc pas le choix pour l’adoption de ses lois (gouvernements socialistes de 1988 à 1993).
  2. Le gouvernement souhaite, malgré une majorité à l’Assemblée nationale, faire passer rapidement un texte (loi sur le CPE en 2006).

 

Le quinquennat et la présidentialisation du régime

En 2000, Jacques Chirac, alors président de la République, fait adopter une révision constitutionnelle qui ramène la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans. Le quinquennat remplace le septennat mis en place à la fin du XIXe siècle (Mac-Mahon). Cette réforme n’a fait que renforcer les pouvoirs de l’exécutif.

En effet, l’Assemblée nationale, élue dans la foulée de la présidentielle, assure au nouveau chef de l’État une majorité docile et une opposition muselée.

 

L’article 49-3, un dispositif autoritaire ou un aveu de faiblesse ?

Dès lors, l’usage du 49-3 par un gouvernement disposant d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale n’est-il pas un déni de la démocratie représentative ? Nicolas Sarkozy a bien pris conscience de cette difficulté au point de ne pas en faire usage et même d’en limiter l’utilisation lors de la réforme constitutionnelle de 2008.

S’il n’est pas un déni démocratique, l’utilisation de l’article 49-3 est devenue ce que Maxime Tandonnet désigne comme un aveu de faiblesse.

Les frondeurs sous le gouvernement Valls, notamment à l’occasion de la loi travail en 2017, ou la multiplication des amendements sous le gouvernement Philippe lors de la réforme des retraites, ont amené les deux Premiers ministres à user, malgré une majorité confortable, de ce dispositif.

 

Jeu démocratique, jeu médiatique

Qu’ils le veuillent au non, l’article 49-3 est prévu par la Constitution et les réactions des députés de l’opposition face au rejet des motions ne font pas honneur à notre démocratie. Je ne suis pas un grand adepte de ce dispositif mais la loi est la loi, qui plus est pour ceux qui la votent.

Le gouvernement ne s’est pas non plus glorifié en critiquant l’accumulation des amendements de l’opposition, procédure elle aussi légale qui participe au jeu démocratique.

Mais dans notre cas d’espèce, nos représentants et dirigeants, ministres et députés, cèdent plus facilement au jeu médiatique qu’au jeu démocratique. C’est un jeu dangereux, surtout dans une période de défiance des institutions et alors que les démocraties illibérales séduisent de plus en plus nos compatriotes.

En quittant l’hémicycle et en préférant les micros des journalistes au débat public, les députés méprisent leurs électeurs, la République et la France.

 

Pour un débat démocratique apaisé

La réforme Chirac de 2000 était une erreur car incomplète. Une réforme constitutionnelle de notre système parlementaire doit être entreprise :

  • inversion du calendrier électoral (réduire la durée du mandat des députés) ;
  • suppression du 49-3 (sauf pour la loi de finance) et du droit de dissolution de l’Assemblée nationale ;
  • scrutin proportionnel pour l’élection des députés ;
  • délimitation plus stricte du droit d’amendements.

 

Un article publié initialement le 8 mars 2020.

Voir les commentaires (24)

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  • c’est toute la constitution de la cinquième république qui est un déni de democratie, il suffit de regarder le mode de scrutin uninominal a 2 tours qui permet d’être élu avec 21% des suffrages au premier tour , pour s’en convaincre!
    un nouveau president tous les 5 ans, la violence et les grèves en sont le resultat..
    Mais en substance là ce 49.3 est directement imputable a la position de l’extrême gauche qui a généré des milliers d’amendements tous aussi ridicules les uns que les autres pour bloquer le débat parlementaire.. qui n’aurait servi a rien puisque ce GVT a la majorité absolue..
    le déni de démocratie viens quand le GVT gouverne sans majorité!! comme Rocard , ou Jospin ..
    cette constitution inique est a l’origine du malaise français

    • La Constitution a été conçue par des hommes qui avaient le sens de l’État et du service public. Certaines mesures exceptionnelles étaient réservées à des situations rares. Le personnel politique a, depuis, perdu cette conscience et utilise les mesures d’exception à tout va. Ce n’est pas la Constitution qui est en cause, c’est notre époque confortable où chacun s’approprie la moindre facilité pour sa satisfaction individuelle aux dépens du collectif. Une des mesures stupides que l’on peut citer est d’avoir aligné la durée du mandat présidentiel sur celui des députés : élus en même temps et pour la même durée, ils ont les pleins pouvoirs sans aucun contrôle, et le président est un chef de gouvernement qui se mêle de tout et ne pense qu’à sa réélection dès qu’il est élu au lieu d’avoir une vision à long terme de l’avenir du pays : c’est le dévoiement de la Constitution qui est regrettable, pas le texte lui-même, car il n’y a plus de pilote dans cet avion qui erre à court terme…

      • Si la constitution peut être dévoyée dans l’esprit sans trahir le texte c’est qu’il y a un problème quelque part : tous les hommes de pouvoir ne se valent pas ! C’est une erreur de conception !

    • On peut changer le mode de scrutin sans pour autant bouleverser la Constitution ou en changer complètement.

      • Les problèmes du torchon actuel qui nous sert de constitution vont bien au delà du seul mode de scrutin. A peu près tout est à jeter. Il faut partir d’une feuille blanche en s’inspirant de ce qui marche.

    • « le mode de scrutin uninominal a 2 tours qui permet d’être élu avec 21% des suffrages au premier tour »
      S’il y a une saine diversité d’opinion publique et une multiplicité de candidats convenables, il est tout à fait normal qu’aucun n’atteigne 20% au premier tour, et cela n’implique pas que l’élu ne soit pas légitime.
      Le scrutin uninominal à deux tours est certes loin d’être idéal mais l’uninominal à un seul tour serait encore pire: il risque fort de faire élire le plus nul de tous les candidats s’il y en a trop de bons.

    • La constitution française est simple à réformer :
      – septennat présidentiel unique
      – quinquennat législatif limité à 2 mandats par député
      – scrutins uninominal à un tour dans les 2 cas
      – élections des juges au suffrage universel direct uninominal à un tour.
      – élection du garde des sceaux par les juges.

      Avec ça, on aura plus d’indépendance des 3 pouvoirs.

  • Par ce dépôt massifs d’amendements, l’Opposition voulait empêcher l’adoption du projet de loi comme si elle avait été la Majorité. Ce n’est pas spécialement démocratique.

    Peut-être le Gouvernement aurait-il dû lui donner à choisir entre, d’une part, le 49-3, lequel, s’il avait été suivi de l’adoption d’une motion de censure, aurait provoqué une dissolution et de nouvelles élections, avec toutes les incertitudes que cela implique pour les sortants, et, d’autre part, une réduction drastique des amendements pour ne retenir que les « vrais », ceux qui auraient réellement apporté quelque chose au débat.

    A noter que la motion de Gauche n’a recueilli que les voix de Gauche, et que celle de Droite n’a eu que les voix de Droite. On ne sait jamais, des fois qu’il y aurait eu des dissidents dans la Majorité et qu’une motion réunissant les opposants de tous bords réussisse…

    • J’oublie la conclusion: la Gauche, principalement, voulait le 49-3 sans les risques qui vont avec. Les sièges à l’Assemblée nationale sont plus importants que le sort des futurs retraités.

      • Dans une modification à venir du code électoral, il faudrait faire en sorte que le candidat élu soit celui qui, au premier tour d’une élection, aurait obtenu au moins 35% des suffrages exprimés.
        En dessous de 35% des suffrages exprimés, on aurait alors recours à un deuxième tour donnant alors libre cours… à la connerie!…

  • C’est plutôt l’obstruction parlementaire (délibérément avouée par les Insoumis) qui est le déni de démocratie !
    Insoumis comme CGT/FO même combat : «Nous ne voulons pas de changement de système» c’est-à-dire, à mon avis, «Nous voulons rester et vivre dans les années 1940/50»
    Le système à point fonctionne déjà depuis des années pour les retraites complémentaires (AGIRC-ARRCO) qui ne sont pas déficitaire…
    Cette loi, tel-quel fait l’objet d’une impréparation certaine, l’objet des amendements devrait être de la compéter et pas de déplacer des mots et ou une virgule dans une phrase donc d’être constructif de proposer des articles complémentaires ou de remplacement mais avec une étude à l’appui.
    Pour moi, il est heureux que l’Assemblée n’est pas élue à la proportionnelle nous aurions des gouvernement avec une durée de vie d’un semaine et peut-être même d’une demi-journée… Certains débats ressemblent à ce qui se passe dans une cour de récréation de classes élémentaires et de CP !

    • Entre la proportionnelle intégrale et ce que nous avons actuellement, il y a sans doute un juste milieu qui permet une meilleure représentativité tout en assurant un fonctionnement correct du pouvoir législatif.
      Le système actuel, dans lequel il n’y a plus de séparation des pouvoir, est tout de même le pire.

      • Un tiers (par exemple) de l’Assemblée pourrait être élue à la proportionnelle mais, dans ce cas, ce ne serait plus des représentants des territoires mais uniquement représentants des partis… pas sûr que ce soit une amélioration.

  • Une réforme constitutionnelle de notre système parlementaire doit être entreprise mais ne doit pas conduire à reproduire les lamentables erreurs du passé contrairement à ce que l’auteur de l’article nous propose ici, notamment avec un retour dramatique au régime des partis.

    Le nouveau parlement à construire a déjà un nom.

    Il s’appelle référendum.

    • Bof… Le premier principe à respecter serait la subsidiarité, rien ne remonte à l’échelon supérieur si ça peut être réglé à un échelon inférieur, et le référendum peut très bien être mis en place comme un encouragement à ne justement pas respecter cette subsidiarité.

      • Il y a sûrement une voie permettant de concilier les deux principes sans trop de difficulté, sans que l’un ou l’autre ne conduise à des abus. L’exemple suisse doit être étudié.

  • Les constitutions françaises sont des torchons qui ne garantissent ni démocratie ni libertés individuelles.

    J’aime à toujours rappeler deux comparaisons avec la constitution américaine :

    1/ Elle date de 1789. Les français, en cinq essais (sic), n’ont toujours pas réussi à l’égaler dans sa protection des libertés individuelles. Incapables de cela, nous nous contentons de changer régulièrement de torchon.

    2/ Leur constitution commence par les trois mots suivants « We the people ». Notre DDHC, rédigé à la même époque, commence par les cinq mots suivants « Les Représentants du Peuple Français ». Il n’y a, je crois, rien à ajouter. Tout est dit !

    Ce pays est foutu.

    • Le préambule de notre constitution démarre aussi par : le peuple français proclame.. La DDHC n’est pas une constitution mais une déclaration réalisée dans un contexte singulier. Je ne pense pas que nos maux prennent leur origine sur ce point. Les racines sont plus lointaines..

      • Il faut comparer à époques comparables. Il n’est guère étonnant que la constitution de la Véme République, rédigée dans les années 50, commence par « le peuple français ». A défaut d’avoir l’esprit, il y a au moins la lettre.

        Ce qui est intéressant est justement de comparer deux textes fondateurs (c’est en cela que la DDHC et la « Constitution » sont comparables) rédigés à la même époque. C’est là qu’on voit, d’un coté, l’emprise d’un CONSTANT et, de l’autre, celle d’un ROUSSEAU. On voit bien ce que les deux philosophies ont donnés deux siècles plus tard …

    • La différence des deux déclarations n’est peut-être pas aussi significative si on les replace dans leurs contextes respectifs. Les USA partaient d’une feuille vierge ou presque, alors que la France devait faire avec le poids de l’existant. Evoquer le « peuple français » comme source de légitimité de « représentants » relevait de l’exceptionnel à l’époque. Cela aurait été nettement moins sympathique s’ils s’étaient présentés comme les « représentants de la France » par exemple.

      • Vous pointez du doigt tout mon propos.

        En 1789 en France, le peuple français a besoin de nounous : les fameux représentants. Déjà, ils se placent au dessus des autres. Déjà, ils cherchent une gloire personnelle. En 1789 au USA, le peuple américain est un et indivisible. Il n’y a aucune tête qui dépasse. On ne cherche pas de gloire personnelle. On ne se croit pas au dessus du lot.

        C’est également intéressant d’aller lire la Déclaration d’Indépendance où il est fait mention de « représentants ». Oui, ils parlent en tant que représentant mais avec une humilité extraordinaire et en rappelant immédiatement qu’ils viennent du peuple : « We, therefore, the Representatives of the United States of America, in General Congress, Assembled, appealing to the Supreme Judge of the world for the rectitude of our intentions, do, in the Name, and by Authority of the good People of these Colonies » !

        Il y a clairement deux conceptions de la démocratie qui s’opposent : l’une qui repose sur le peuple mais s’en méfie à juste titre ; l’autre qui méprise ce même peuple et repose sur une espèce d’oligarchie théoriquement bienveillante. On a vu ce que cela a donné … Puisqu’il n’a pas fallu attendre bien longtemps pour que les français commencent à se guillotiner les uns les autres. Pendant ce temps, que les américains faisaient la paix avec leur ancien ennemi !

        La réalité est que ce pays est foutu depuis la révolution et le triomphe des pères Rousseau et Robespierre. Le nouveau drapeau n’était même pas froissé que la fin justifiait déjà les moyens.

    • La constitution américaine est faite pour une fédération d’états donc très simple et relègue donc plein de détails aux états. Mais bon, ils ont des présidents élus avec moins de voix que leur adversaire, une guéguerre congrès – président, pas sûr que leur système soit mieux.
      Si l’exécutif choisi de dévoyer le système quelque soit la constitution, cela déviera.
      Note : la constitution française a beaucoup plus que 5 essais.

  • Avant le 49-3, quand les députés ne voulaient ni prendre la responsabilité de faire tomber le gouvernement, ni adopter les projets de lois que ce dernier jugeait essentiels, le Président du conseil démissionnait ou menaçait de le faire. Ce qui poussait les députés à adopter le texte proposé.
    Avec le 49-3, les députés ont la possibilité, s’ils y tiennent, de repousser le projet de loi en adoptant une motion de censure. Mais elle sera quasi mécaniquement suivie d’une dissolution de l’Assemblée, avec l’inconvénient pour les députés de devoir faire campagne, et le risque de ne pas être réélus. Alors, entre leur sort et le nôtre…

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