Congé pour deuil : encore un problème de grandes vs. petites entreprises

Dans le cas du congé pour deuil, il serait préférable de prévoir une législation différente selon la taille des entreprises.

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Congé pour deuil : encore un problème de grandes vs. petites entreprises

Publié le 7 février 2020
- A +

Par Bertrand Nouel.
Un article d’Entrepreneurs pour la France

Le vote sur l’augmentation de 5 à 12 jours du congé pour deuil d’un enfant fait l’objet d’un triste couac de la part du gouvernement et de la majorité. Bien sûr, l’importance de l’aspect purement comptable de la réforme ne résiste politiquement pas à la valeur de son caractère humanitaire : selon les projections statistiques le coût n’en serait que de deux millions d’euros par an au total, à se limiter aux journées de travail perdues et payées par les employeurs. Ce qui ne compte pas. Et ce qu’ont bien compris le Medef ainsi que Laurence Parisot, son ancienne présidente, soucieux tous deux de ne pas fournir une nouvelle occasion parfaitement inutile de se rendre impopulaires.

Ce qu’en revanche n’ont pas compris à temps Muriel Pénicaud et les députés de la majorité, lesquels ont quand même raison d’un point de vue économique. Il s’agit en effet de solidarité, et la question est de savoir si celle-ci doit être à la charge des entreprises.

Ce congé-deuil existe depuis longtemps dans le Code du travail. Il était traditionnellement de deux jours, puis augmenté à cinq jours en 2016, et devant passer à 12 jours quatre années plus tard.

Comme on ne saurait justifier que le prix de la douleur devrait être multiplié par six en quatre ans, la réforme ne peut qu’être mise sur le compte des prestations sociales de l’État-providence, lesquelles n’ont pas précisément le vent en poupe et sont de plus systématiquement à la charge des seules entreprises.

Et pour ces entreprises, l’accumulation de petits prélèvements finit en grandes rivières… Sans compter qu’il va devenir intenable de n’accorder que trois jours de congé pour la perte d’un concubin ou d’un époux.

Mais là n’est pas le sujet le plus intéressant. Car bien sûr les grandes et très grandes entreprises, que les commentateurs politiquement corrects ont dans le collimateur dans leur superbe indignation collective, peuvent accorder ces jours de congé supplémentaires, et le font probablement déjà, soit par convention collective, soit chaque fois que cela est humainement désirable.

Mais ce n’est pas la même chose pour les PME et surtout les TPE : lorsque le patron n’est secondé que par un ou deux salariés, ce qui est le lot de plus de 90 % des entreprises françaises, avoir à accorder de façon impromptue 12 jours ouvrables, soit deux semaines complètes de congé peut être catastrophique pour l’entreprise ; et pas pour des raisons comptables, mais parce que le travail n’est pas fait.

Encore une fois, vouloir loger tout le monde à la même enseigne se révèle inapproprié. Il existe déjà dans beaucoup de domaines un désavantage systématique pour les TPE/PME par rapport aux grandes entreprises. En tenir compte ou y remédier devrait plutôt être un sujet de réflexion pour le pouvoir.

Les petites entreprises ont certes de petits avantages fiscaux et moins d’obligations sociales, mais les grandes ont beaucoup plus de ressources provenant de la mutualisation à laquelle elles peuvent se livrer.

Il en résulte que ces dernières rémunèrent bien mieux leurs salariés (il n’y a quasiment pas chez elles de salariés payés au smic), et que les avantages sociaux fournis notamment par le comité d’entreprise y sont beaucoup plus importants (surtout s’il s’agit d’entreprises publiques, comme EDF). Ce qui draine de façon préférentielle l’emploi des salariés les plus performants vers les grandes entreprises.

Mais surtout, les grandes entreprises usent et abusent de leur pouvoir de client quelquefois unique, souvent essentiel, dont les commandes sont indispensables. On le sait depuis longtemps à propos des délais de paiement, et un certain progrès a été réalisé à la suite d’une législation contraignante. Mais de façon générale, c’est un phénomène spécifiquement français.

Voilà un sujet d’action essentiel pour le gouvernement. Et une raison, dans le cas présent des congés pour deuil, de prévoir une législation différente selon la taille des entreprises.

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  • Et vive les congés payés….toujours par les mêmes….12 jours de congé pour un deuil ,très insuffisant surtout pour un enfant ,allez un effort , un mois pour le papa la maman les frères et les soeurs et les grands parents et l’oncle etc

  • moi je ne sais pas , mais si _ça devait m’arriver je pourrais prendre des congés , des RTT … bref etre responsable de la gestion de la catastrophe.
    non ? ah « responsable » c’est un gros mot?
    désolé

    • Quid d’un travailleur ayant épuisé ses congés, qui est déjà sur le fil chaque mois, qui doit prendre 5 jours pour organiser les funérailles de son fils unique (vous devez connaître le prix d’un enterrement), et en plus perdre 1/4 de son salaire mensuel ?
      Bien sûr, il aura une bouche de moins à nourrir, ça compensera. Ça pourra même arranger l’employeur qui ne verra dès lors plus de raison de l’augmenter l’année suivante.

      • oui.. et donc ce travailleur n’a meme pas 5 jours de RTT?

        • S’il a épuisé ses congés ? Genre le décès a lieu fin novembre, début décembre ? S’il est en 35h réelles, ya pas de RTT, si ?

          • il a les 5 jours gérer les obsèques. Et s’il ne peut reprendre le travail, il ira voir un médecin.

          • Et si, et si, et si…
            Et bien il demande une avance sur ses CA ou RTT de l’année d’après.
            Et si son patron refuse?
            Il se fait porter pâle avec un arrêt maladie ad hoc. Ce qui est régulièrement le cas, même quand les gens ont encore des CA ou RTT à prendre d’ailleurs!!

            Donc, on fait une loi appliquée à tous pour qq cas particuliers… Alors qu’il y avait déjà d’autres solutions utilisées et qui marchaient bien d’ailleurs, en particulier des arrêts-maladies (qui servent à bcp de choses différentes en France). C’est vrai que le code du travail est si anémique en France!
            Mais comment font donc tous ces autres pays qui ne disposent pas de plusieurs milliers de pages à leur Code du Travail??? Ce doit être la misère et l’exploitation des travailleurs qui, de plus, doivent enterrer leurs morts la nuit ou le dimanche…

            Outre l’intérêt électoral, cette mesure fait passer le cout de l’absence du salarié de la SS (en cas d’arrêt-maladie) à l’entreprise. Pourquoi se priver d’une mesure qui va caresser l’électeur dans le sens du poil et permet en plus de petites économies pour nos si performantes administrations???

      • Vous êtes hyper aimable avec les employeurs.
        Vous avez un croc…

      • Pantone : « Ça pourra même arranger l’employeur »

        Vous êtes immonde.

      • Quid d’un petit artisan qui ne peut pas se permettre de ne pas travailler 12 jours ?

  • J’ai des doutes sur la nécessité de légiférer. On est passés de 2 jours à 12 jours et un jour on dira qu’un mois est nécessaire… ce qui n’est pas assez de toute façon pour se remettre de la mort d’un enfant. Ne peut-on pas faire confiance à l’Homme (le patron et le salarié) pour gérer de la meilleure manière cette période ? Certaines personnes peuvent vouloir reprendre le travail au plus vite, d’autres simplement aménager leurs horaires, d’autres encore reprendre vite tout en ayant besoin d’une demi-journée par semaine pour consulter un psy… ou un curé. Comment font ceux qui ne sont pas salariés ? Ils gèrent, en fonction de leur peine, de leurs clients, de leurs moyens. Les autres devraient pouvoir faire pareil.

    • Le pire, dans le recours à la loi, est que du moment qu’on aura accordé au parent son « droit » à congé décès de l’enfant, on se sera acquitté envers lui de la sympathie normalisée et on sera dispensé de lui en témoigner plus.

    • J’ai un enfant gravement malade et gravement handicapé, que j’enterrerai probablement si je survis au quotidien et à la douleur morale que nous impose sa maladie et… je partage à 100% votre avis. Et ce qui m’afflige, c’est de constater combien tant de parents dans ma situation s’insurgent de manière réflexe…

  • Une fois de plus, Macron s’est planté dans sa communication en parlant d’humanité, pour ses conséquences sur ses députés godillots, mais surtout pour l’inappropriation de ce terme à propos d’une loi.

  • Pour avoir vécu cette situation dans mon entreprise, je peux témoigner qu’une solution formatée par une loi aurait été non seulement inutile, mais elle aurait été néfaste.

  • On ne voit pas bien pourquoi il fallait légiférer sur ce point. Les grandes entreprises auraient tout aussi bien pu augmenter la durée de ce congé à travers leur convention collective ou des accords d’entreprises. Sans compter la (vraie, c’est-à-dire pas payée par d’autres) solidarité entre salariés…
    De fait on assiste à une surenchère de l’octroi de droits, dans laquelle les décideurs ne sont pas les payeurs, tandis que certains profitent d’un débat inutile pour s’acheter une vertu.

  • Vertu de pacotille, indignation factice, misérabilisme facile, instrumentalisation du malheur des parents éplorés. Ce débat où rien ne nous sera épargné est à vomir.

    Mais qu’ils nous foutent la paix !

  • ce type de congé a pour but de permettre à la personne de gérer les aspects « pratico-administratif » de ce type d’événement (obsèques) et non pour permettre de gérer le deuil : cela relève plutôt d’un congé type maladie.

    bref, je ne vois pas d’intérêt, sauf électoralo-émotionnel, ce que ne devrait pas être du ressort de la loi.

    • D’autant plus que les aspects « pratico-administratifs » peuvent être particulièrement longs et compliqués en France du fait des multiples lois, réglements et démarches administratives qui suivent un décès. Et c’est l’État qui en est à l’origine…

  • On voit surtout que le MEDEF est le syndicat des grandes entreprises et des holdings. Ils se placent en représentant du patronat alors qu’ils ne jouent pas les intérêts de la majorité d’entre eux.

  • En plus des raisons évoquées, ce qui me dérange c’est l’inégalité de traitement qui devient une norme.
    Un bébé, un enfant, un adolescent, un adulte, un vieillard sont tous des êtres humain et l’état ne peut en aucun cas établir des hiérarchies de douleurs.
    « Pretence of knowledge » et violation des principes fondamentaux.

    • D’autant plus que chacun gére un deuil en fonction de ce qu’il est et que malgré tous les efforts de la pourriture rose-vert-rouge nous continuons à être tous différents et à n’avoir pas besoin d’eux pour régler nos problèmes chacun selon ce qui lui convient le mieux . Alors une loi pour ça …pfff,quels cons

      • J’imagine bien un petit jeune de 19 ans qui est à sa deuxième semaine de travail dans un entrepôt d’Amazon (ou autre hein, soyons pas sectaire) et qui ira « négocier librement » quelques jours de congé à son chef pour enterrer sa maman disparue.
        Oui oui, il sera libre.

        • Votre vision du monde du travail ne déparerait pas dans un congrès LFI ou LCR. 🙂
          Je n’ai encore jamais vu de salarié du privé qui n’ai pu obtenir qq jours pour le décès d’un membre de sa famille proche. Cela peut sans doute exister (il y a des malcommodes partout) mais il reste les arrêts-maladies…
          D’autre part, un employeur n’hésitera pas à faire des efforts avec un salarié correct. Il ne sera pas enclin à en faire avec un jeanfoutre!

          • Vous n’avez jamais vu ? Hum… vous n’avez pas dû parler à beaucoup de gens dans votre vie. Vous n’avez jamais entendu des histoires type « mon employeur, obligé de m’accorder un congé pour décès, m’a demandé de revenir le jour même après l’enterrement de ma mère » ? Et pourtant, ça arrive.
            Il reste les arrêts-maladie ? Vous voulez que les gens mentent ? Que les gens usent d’un système de solidarité pour tout autre chose ? Que les médecins fassent de « faux » certificats médicaux ? Belle mentalité Cyde.
            Un employeur n’hésitera pas à faire des efforts ? Mais cessez donc de croire que la relation employeur-travailleur est une relation de pouvoir équitable ! Tartempion, manoeuvre sur chantier, c’est un troufion dont peu de gens se soucient. Micheline, 59 ans, caissière depuis 10 ans chez ***, avec qui je m’entends bien d’ailleurs et dont je me soucie parfois de l’état de santé, est-elle un rouage essentiel du magasin ? Je doute. Fort heureusement, l’immense majorité des employeurs sont des êtres humains honnêtes et compréhensifs. Et pour les autres, la loi est là pour protéger les plus faibles.

            • Je ne sais pas comment ça s’appelle en France, mais en Belgique, il existe les médecins-contrôle, que les employeurs peuvent envoyer chez un travailleur pour s’assurer que l’absence pour raison médicale est réelle.

            • Je réitère: votre vision du monde du travail ne déparerait pas dans un congrès LFI ou LCR.

              « cessez donc de croire que la relation employeur-travailleur est une relation de pouvoir équitable ! »
              Mais je n’en crois rien. Ce sont vos amis socialistes qui aimeraient que cela devienne ainsi. Evidemment, sans que les salariés supportent les risques de l’entrepreneur…

              « Micheline, 59 ans, caissière depuis 10 ans chez ***, … est-elle un rouage essentiel du magasin ? Je doute. »
              Si Micheline n’est plus que la seule valide parce que ses deux collègues sont elles-mêmes en arrêt, elle devient un rouage essentiel le temps de trouver un ou deux remplaçants.

              • Vous déformez mes propos, faut-il encore le rappeler…
                Relation de pouvoir équitable ne veut pas dire que les travailleurs ne sont plus soumis à l’autorité de l’employeur. Relation de pouvoir équitable ne veut pas dire relation de pouvoir égale. Cela veut dire que l’employeur ne doit pas être le seul à avoir la capacité de négocier CERTAINES choses.
                Avez-vous déjà parlé avec un travailleur du bâtiment en lui demandant si, quand le chef dit « tu grimpes en haut sans harnais à 8 mètres par vent fort », il a le choix de dire non en-dehors de la loi ?
                (ceci est un exemple, merci d’en tirer le sens et ne pas vous focaliser dessus).
                Sans compter que ce ce que vous dites dénote une vision de l’entreprise très typée : entrepreneur ? et quid des milliers de sociétés où le fondateur/propriétaire n’ont pas mis les pieds là depuis 50 ans ? Où la société appartient à des actionnaires plus ou moins distants, à des fonds de pension pour qui 1000 emplois n’est qu’une variable d’ajustement ?
                J’ai des amis socialistes et des amis libéraux et des amis qui ne se raccrochent à aucun des deux et des amis qui se raccrochent à autre chose. Certains sont plus ouverts que d’autres.
                Si Micheline… ??
                Comme l’a dit quelqu’un très récemment : « Et si, et si, et si… » Diantre, que de suppositions… Il faut donc que ce magasin soit en crise pour que Micheline devienne « importante » ? J’ai déjà pointé le manque d’humanité de vos positions politico-sociales, vous en rajoutez une couche.

      • Cela répond au besoin inhérent au socialisme à intervenir dans tous les aspects de la vie des gens.

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