Blues des Blouses Blanches : le système de santé s’écroule

Quelques mesures financières ont été prises pour calmer les esprits mais le mal est plus profond. Sans réformer tout le système de fond en comble ce sera l’écroulement.

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Manif de la fonction publique by Jeanne Menjoulet (CC BY-ND 2.0)

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Blues des Blouses Blanches : le système de santé s’écroule

Publié le 18 janvier 2020
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Par Bernard Kron.

Rien ne va plus dans notre système de soins. Nous avons pourtant de très bons soignants, de nombreux hôpitaux et la chirurgie n’a jamais été aussi performante.

Rien n’a été fait pour éviter l’explosion de l’Hôpital (Lire Chirurgie chronique d’une mort programmée).

Les manifestations et les grèves se multiplient depuis le mois de mars avec celles des urgences et des personnels hospitaliers. Ce sont maintenant les médecins, les soignants et les internes des hôpitaux qui se mobilisent.

Un système à réformer entièrement

Quelques mesures financières ont été prises pour calmer les esprits mais le mal est plus profond.

Sans réformer tout le système de fond en comble ce sera l’écroulement.

Avec 30 milliards d’euros de dettes, l’État en ayant repris dix, et un déficit annuel de l’ordre du milliard, la dette va continuer de se creuser car les dépenses augmentent de 4 % par an et les taux d’intérêts sont élevés.

J’ai consacré ma jeunesse et ma vie entière à la chirurgie. J’ai exercé ce métier avec enthousiasme et bonheur. La satisfaction de guérir, parfois au prix d’interventions chirurgicales difficiles, fut ma récompense. Malheureusement, et à ma grande tristesset depuis une vingtaine d’années j’ai vu la situation se dégrader. Nos jeunes internes, les docteurs juniors, sont malheureux et craignent maintenant pour leur avenir. Quelle tristesse !

Ils sont stressés et leurs associations ISNI et ISNAR-IMG s’interrogent sur les réformes ubuesques mises en place.

Les tentatives législatives pour institutionnaliser la politique de santé se succèdent  enlevant toute liberté à nos jeunes collègues. La santé est devenue un enjeu majeur du débat politique.

L’administration étatique de la santé

Sécurité sanitaire, assurance-maladie, inégalités de santé, bioéthique, ces enjeux  sont au centre des préoccupations de la société mais pas des conseillers de l’État.

Les droits des malades sont devenus une priorité incontestée depuis l’émergence d’un mouvement associatif puissant, constitué des associations de malades, des associations familiales, du handicap et des consommateurs. Les lois successives soutenues par nos ministres proposent des mesures par trop étatiques.

Elles sont palliatives alors que le mal devrait être traité à sa racine en combattant « la sur-administration étatique de la santé » qui est le mal absolu.

La ligne de partage est délicate entre la liberté et un excès de réglementation infantilisant et multipliant les interdits. L’insuffisance de l’intervention publique peut se traduire par des drames (logements insalubres, contaminations des produits de santé, fraudes, génériques inadaptés aux médicaments). Les déficits de la Sécurité sociale (5,4 milliards cette année) et dans nos hôpitaux dont la dette (30 milliards) empêche leur modernisation.

Une question se pose : faut-il avoir deux organismes payeurs, la Sécu et les assurances complémentaires ?

Les complémentaires, ce sont 40 milliards de recettes annuelles mais quelle proportion de ces recettes est réellement redistribuée, en dehors du ticket modérateur et de la chambre particulière, aux remboursements des soins ou aux compléments d’honoraires ?

Faire de vraies réformes est un redoutable défi pour une société dans laquelle la Sécu constitue l’un des fondements du pacte républicain. La réticence à augmenter les prélèvements obligatoires pour la santé pourrait conduire à dégrader encore ces conditions de prise en charge.

Il en est ainsi avec le nouveau décret limitant la prescription des médicaments. Le non substituable depuis le 1er janvier doit être motivé et la liste est limitative. Certains génériques peuvent être dangereux tel celui du Tareg, cancérigène et certains anticoagulants moins stables.

La croissance des dépenses de santé restera toujours élevée avec le vieillissement et le développement des maladies chroniques et émergentes. On meurt encore en France de maladies aiguës ou de soins inadaptés et pour la première fois depuis la guerre l’espérance de vie a reculé d’un trimestre.

Les doctes avis sur l’accès aux soins et sur la rémunération des soignants ne sont analysés que par des « experts » en économie et non pas par les malades et les médecins. Dans ce contexte, la disparition programmée du paiement à l’acte n’est que le point d’orgue d’une politique promue par une caste sociale qui vise à faire disparaître toute autonomie aux professionnels de santé.

La médecine utilitaire

Parallèlement à la mise à mort de la vraie médecine humaine et indépendante est apparue une explosion d’activités parallèles « non scientifiques » et « non remboursables ». Elles sont tarifées plus du double de la consultation du médecin généraliste. Ce sont des soins de plus en plus recherchés : homéopathie, médecines douces, psychologie clinique, ostéopathie, étiopathie, hypnose médicale…

On s’acharne à former des médecins sans sélection avec le portail santé mais la fin des concours hospitaliers après celui de l’internat va faire disparaitre l’élitisme moteur de nos métiers. Maintenir une corporation médicale éclatée, ignorante de son histoire universelle et de ses valeurs humaines est le but recherché. La médecine est formatée dans des filières utilitaires, et n’a plus aucune cohésion, écartelée par les tutelles et sous l’autorité des directeurs hospitaliers omnipotents. On copie les systèmes nordiques et anglo-saxons qui ne correspondent pas à nos idées avec le salariat exclusif. La discipline de leurs habitants pour les soins non urgents n’est pas dans notre culture.

Ces pays acceptent les listes d’attente afin de cantonner leurs impôts.

La médecine était un art, elle est devenue consumériste, par injonction politique et idéologie. Devenue un service de grande distribution d’actes normatifs bientôt totalement numérisés pour tayloriser son rendement par des « effecteurs de soins ».

Chercher à être honoré à titre personnel pour le service rendu et la compassion  manifestée  est devenu une attitude suspectée de paternalisme. Le médecin devenu  agent de santé publique n’est désormais plus honoré pour un acte libre et personnel, mais payé par l’État. Il n’est donc plus engagé avec le patient dans un dialogue singulier, mais fait partie d’une équipe aux membres interchangeables et anonymes, voire virtuels avec l’IA.

Les malades sont des citoyens responsables qui s’adressent à un système public de santé randomisé. La gouvernance administrative pesante décidera de tout, y compris du temps efficient que doit passer un acteur médico-social avec un citoyen qui s’adresse au système.

Les connaissances de la science, sont devenues, disent « les penseurs », « trop complexes pour qu’un seul esprit humain les intègrent, les machines en deep learning le faisant bien plus vite que nous ».

Les conseillers estiment qu’il n’y aura plus besoin de pratiques, transmissibles par  compagnonnage, ce qui demande un temps long de formation incompressible en particulier pour la chirurgie. Cette politique folle mettrait un terme à l’indépendance des médecins au profit d’une subordination croissante aux décideurs de l’économie.

Dans ces conditions on ne comprend pas pourquoi le numerus clausus a été supprimé à l’entrée en faculté de médecine, sauf si leur arrière-pensée était de multiplier les assistants médicaux et les officiers de santé lors des réorientations à la fin du portail santé.

« Puisse le vrai Internat renaître de ses cendres. »

Il est heureusement  possible que, sous la poussée inconsciente des patients et de quelques médecins réfractaires, l’âme de la médecine renaitra un jour de ses cendres.

Tel puisse être l’Internat qui pour nos générations était préparé après un Externat formateur et pour les plus travailleurs préparés dès le premier cycle.

Un pilote de chasse est formé à l’âge de 20 ans. Les nouveaux internes à l’âge de Bac+7, c’est trop tard, d’autant qu’ils ne sont pas vaccinés contre les charges et la lourdeur de la fonction.

Mille médecins hospitaliers vont démissionner de leurs fonctions administratives et le 20 janvier ce sera le Blue Monday des internes.

Tout le système doit donc être refondé pour retrouver la médecine humaniste que j’ai connue et que je suis fier de défendre avec notre association.

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  • Faut être du métier pour comprendre ce qu’il se passe mais si il y a un problème de financement commençons par supprimer les complémentaires parasites du système ou la sécu doit pouvoir proposer la sienne .

  • Bonjour,
    Des études trop longues, certainement, on forme bien en bac+4 un (co)pilote d’avion. Pourquoi pas bac+4 pour former un médecin junior, et de faire des formations complémentaires ensuite, ex CES ou Internat?
    l’Internat pour tous a été une fausse bonne idée, cela a surtout été favorable pour contrer la baisse de la démographie des facultés de médecine (numerus clausus trop bas des 90′) et la baisse du nombre d’interne dans les hôpitaux périphériques.
    Toutes les réformes ont été faites non pas dans le but de mieux former les médecins, mais dans l’intérêt de l’hôpital public et des facultés, la première d’entre elles étant la loi Debré.

    • Le probleme se pose au niveau du généraliste , trop compétent pour son job ,il manque une médecine de premier niveau , rôle pouvant sans problème être effectué par une infirmière..

      • en théorie on peut penser que oui.. mais les gens l’acceptaient ils?

        en outre…vous voyez un médecin , vous verrez une personne moins formée,moins payée qui en cas de doute redirigera vers un médecin ou un généraliste.
        est ce moins cher pour le patient..m^me ne moyenne..?
        tout dépend du TAUX de bobologie traitable par ces personnes..me semble t il.

        et ça n’est pas spécifique au système français si c’est efficace ça permettrait de réduire le coût ..dans tous les systèmes.

        le problème français repose surtout sur la dénégation que la médecine est avant tout un service comme les autres..soumis donc à des logiques de marché..
        ce n’est pas par exemple au médecin de faire la charité de façon forcée..

        nous avons des gens qui manifestent contre les déserts médicaux.. pour moi, c’est exemplaire …et tiens les élus les « écoutent  » en construisant des maisons médicales..ce qui est aussi exemplaire..et bien sur la troisième étape sera que ces élus exigent de l’état qu’ils forcent des médecins à venir exercer chez eux.. à prix défini…

        • Les maladie graves finissent toujours chenle spécialiste ou a l’hôpital..le reste du temps c’est de la bobologie ,des renouvellement d’ordonnances.
          Une infirmière rémunérée comme un médecin aujourd’hui ,le médecin comme un spécialiste et le spécialiste ,au pif , 200€.

          • Je pensais comme ça en faisant la cuisine , a l’hôpital il y a le gang des infirmières alors que tout le boulot est fait par les aides soignantes..c’est le mal de l’hôpital a mon sens en plus des médecins , là ,par nécessité plus je par souhait vu le climat général. .

        • dans un marché..un désert médical est une OPPORTUNITÉ pour un médecin…et une incitation à faire médecine…pareil pour l’allongement des délais et autres..

          à condition que l’exercice soit libre..
          alors bien sur…les pauvres qui ne peuvent pas se soigner…

          ok…que ceux que ça ennuie leur donne de l’argent..et vous aurez des médecins…
          ce n’est pas aux médecins à faire une charité forcée..
          respect au médecin qui soigne gracieusement des gens pauvres mais dire au pauvre qu’ils ont un DROIT être soignés..et vous aurez des médecins insultés et agressés.

  • qu’il s’écroule!
    il sera recréé vite fait sur d’autres bases plus liberales… çà préfigure tout le systeme de la fonction publique qui est en train d’imploser

    • Il s’écroule déjà et on ne voit aucunes solutions a l’horizon !
      C’est embêtant ,il manque de personnel , on a trop de fonctionnaires, et pas assez d’argent..problème insoluble même en privatisant tout ça !

    • tout dépend de l’importance et de l’argent des autres que le gouvernement met dans le truc..
      ça peut durer… du moment que de l’argent est trouvé…

  • Il faut remettre en place un internat digne de ce nom …Réintroduire les CES qui permettaient à des médecins généralistes de se former aux disciplines qui sont à ce jour en souffrance volontairement induites par l’administration car vitales aux fonctionnement d’une medecine hospitalière..Anesthesie , gynéco medicale , psychiatrie , radiologie et j’en passe…Supprimer les deux tiers des administratifs qui ne servent à rien , remettre au travail les cadres de santé qui pour la plupart étaient les plus rompus à la prise en charge des patients difficiles dans leur spécialité…Rééquilibrer les instances décisionnelles avec le retour du médical prévalent sur le gestionnaire qui lui doit cadrer des « mandarins » en puissance..Supprimer la T2A perverse au possible , l’enveloppe globale n’était pas géniale mais pas si catastrophique que cela..Supprimer les 35 h et les RTT..PH médical en CHU depuis fort longtemps cela ne me gène nullement…Réouvrir des lits post urgence ( il y a 30 ans une 20 aines de lits dans un petit CHU permettaient de contenir l’afflux aux urgences ) et bien sûr revoir la place du médecin generaliste dans ce dispositif…

    • et quelle autorité pour imposer cela?

      • L’ARS pourquoi pas mais avec là aussi une purge de 2/3 des administratifs et des professions médicales et paramédicales qui sont dans les instances représentatives..Le gros point noir est la DGS , qui à ce jour regroupe les technocrates et tous les directeurs d’hôpitaux ayant « bien fait » leur travail depuis 30 ans..et dont c’est le graal de fin de carrière..concernant les directeurs quand on voit leur barème salarial en fonction du type d’établissement bien sûr , je préfère qu’ils soient revalorisés raisonnablement mais qu’on leur supprime cette odieuse prime d’exercice qui s’ils »obeissent » aux ordres peut avoisiner 30 000 euros annuels ….!!!

        • ça reste de la santé gérées politiquement sauf que vous pensez que par un mécanisme bizarre…ce sera une bonne politique..
          le rôle de l’etat dans la politique de santé doit plutôt être réduit à un minimum à définir..

          .

  • Suradministration et fonctionnarisation des médecins vont de pair. Au détriment de l’humain.
    Il est vrai que  » La santé est devenue un enjeu majeur du débat politique », il faut oser dire également que c’est devenu un véritable business.

  • Avec cette réforme macronesque des retraites, nos pensions seront diminuées, et nos réserves spoliées pour abonder la transition vers le nouveau régime. Nos caisses autonomes seront en faillite dans les 10 ans, et l’état deviendra seul responsable de nos capacités contributives et de la hauteur de nos niveaux de retraites !

  • « L’insuffisance de l’intervention publique peut se traduire par des drames (logements insalubres, contaminations des produits de santé, fraudes, génériques inadaptés aux médicaments). »

    J’aurais dit exactement l’inverse….

  • Les déficits de la Sécurité sociale (5,4 milliards cette année) et dans nos hôpitaux dont la dette (30 milliards) empêche leur modernisation.

    la gestion administrative des Hôpitaux empêche leur modernisation…

  • Souvent je me fait soigner par un marabout, c’est plus efficace.

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