Crise au Chili : une révolte ? Non, une révolution !

OPINION : à feu et à sang, Santiago du Chili fait l’objet de la plus grande crise sociale et politique depuis le coup d’État d’Augusto Pinochet en 1973.

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Crise au Chili : une révolte ? Non, une révolution !

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 25 octobre 2019
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Par Pierre Farge et Francisca Russo.

L’augmentation de dix centimes d’euros du prix du ticket de métro a mis le feu aux poudres, et compte aujourd’hui dix-huit morts dans les rues à travers le pays.

Plus qu’un épiphénomène international, Pierre Farge, avocat au barreau de Paris, élevé au Chili, compare les circonstances de cette crise, avec la prochaine en France, assurant ainsi que l’épisode des Gilets jaunes n’a été qu’un avant-goût du cataclysme encore à venir, selon lui avant mars 2020.

Dans l’arbitrage politique du gouvernement chilien, l’augmentation du prix du ticket de métro de 30 pesos, soit moins de dix centimes d’euros, semblait anodine.

Pour la population, elle symbolise 30 ans d’abus de la classe politique, rappelant que le coût des transports en commun représente pour la majorité 30 % de leurs revenus mensuels. C’est en tout cas ce que scandent depuis dix jours les manifestants par millions dans les rues de Santiago, bien que le projet d’augmentation ait depuis été abandonné.

Ce n’est plus une révolte dans la capitale, mais une révolution dans tout le pays

Cette déconnexion du Président Piñera, (cinquième fortune du pays), avec son peuple aurait déjà dû se lire quelques jours plus tôt dans ses propos, décrivant son pays comme « une véritable oasis dans un Amérique latine prise de convulsions ».

Une oasis partie en fumée lorsque la communication gouvernementale a commencé par répondre aux premières critiques à cette augmentation du prix du métro en invitant les usagers à « se lever plus tôt » pour éviter la hausse des tarifs aux heures de pointe !

Résultat : ce n’est plus une révolte dans la capitale, mais une révolution dans tout le pays.

À défaut de pain, il reste la brioche au peuple chilien

Pour ne rien arranger, dans un enregistrement clandestin fuité dans la presse, la Première dame a comparé la situation à une « invasion extraterrestre » rappelant ainsi avec le même sens de la mesure qu’à défaut de pain, il reste la brioche.

Et son Président de mari n’a rien trouvé de mieux pour apaiser la situation que de déclarer l’État d’urgence, et donc la « guerre » à son propre peuple, « ennemi puissant » et « implacable », muni de casseroles et de cuillères en bois, en déployant un véritable arsenal dans toutes les villes du pays avec des militaires lourdement armés.

Fort de cet état d’urgence autorisant à tirer avec un bazooka sur une mouche, le Président a donc ouvert le feu sur les manifestants, coûtant la vie à dix-huit personnes à ce jour, au mépris des libertés publiques et des droits de l’Homme.

Un pays très inégalitaire

Si ces événement paraissent lointains dans l’espace de 12 000 km qui nous sépare du Chili, dans le temps, ils ne sont pas sans rappeler la crise des Gilets jaunes, et les conséquences des mesures politiques cosmétiques lorsque l’état d’urgence est d’abord social.

Car si le Chili est aujourd’hui le pays le plus développé d’Amérique latine, il est aussi le plus inégalitaire de l’OCDE.

Alors que le salaire de 70 % de la population active est inférieur à 615 euros, rappelons quand même que 1 % des plus riches concentre 33 % du PIB, étant souligné une rémunération des parlementaires chiliens la plus élevée de la planète.

Dans cette veine, rappelons que tous les postes d’État qui impactent directement les Chiliens dans leur quotidien, comme l’éducation, la santé, le système des retraites, voire la distribution de l’électricité et de l’eau, ont été privatisés ; et leurs prix  constamment en hausse oblige une population surendettée à faire sans cesse appel au micro-crédit, si bien qu’un niveau de vie digne est aujourd’hui devenu une valeur monnayable à coups d’intérêts d’emprunts.

Il n’est pas prophétique d’avancer que lorsque les inégalités se creusent, le conflit est latent. Nous pouvons néanmoins assurer qu’une totale déconnexion du pouvoir avec la société civile et sa classe moyenne alimente l’insurrection à venir de façon certaine en France, qui au regard des échéances économiques, politiques et sociales, sera là avant mars 2020.

Pierre Farge est avocat à la Cour, Francisca Russo est étudiante chilienne à Sciences Po Paris, Avocat-stagiaire chez Farge Associés.

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  • C’est l’histoire des gilets jaunes qui se répète ?
    On ne fait pas une revolution socialiste pour une histoire de quelques centimes….mais ,il fallait un peu s’y attendre ,les usa abandonne le moyen orient….l’euope a osé faire un pacte commercial sur leur terrain de chasse.

  • Je donne un peu plus de crédit à l’autre article apparu sur Contrepoints à ce sujet, qui parle plutôt de révolutionnaires de profession, armés avec plus que « de casseroles et de cuillères en bois ».
    Tout en rappelant la vraie histoire d’Allende, reprise également sur CP récemment, dans un autre article : un dictateur socialiste en puissance, qui voulait faire la « révolution » au nom du peuple, mais contre le peuple.

  • Une question: Ces systèmes d’éducation de distribution d’eau etc… sont privatisés: ok.
    Mais ont ils des monopoles légaux? Ont ils des régulations qui réduisent l’offre? Le système de distribution d’eau est il vraiment en concurrence? A qui appartiennent les canalisations? Et les exploitants de ces canalisations sont ils vraiment en concurrence?

    Le problème c’est rarement qu’une institution soit privée ou publique. Le problème c’est le monopole. Qu’en est il au Chili?

    • Le chili , c’est du liberalisme a 100% plus de la corruption a 100%.
      Sur un journal belge j’ai lu qu’ils avaient un super retraite entierement basée sur la bourse , tellement mieux, sauf quand le resultat est plus que mediocre ,souffre de frais de gestion comme nos mutelles de merde…. En gros ,ils ont une assurance vie dont ils ne recupere jamais la mise , seulement le peu d’interets.

  • Les inégalités sont un bouc émissaire trop commode, qui ne conduit qu’à un nivellement par la base violent et bien peu souhaitable. Concrètement, au Chili comme en France, où sont les propositions de mesures qui mèneraient à un nivellement par le haut ?

  • Je cite :  » Il n’est pas prophétique d’avancer que lorsque les inégalités se creusent, le conflit est latent »
    Sans même discuter cette affirmation étrange allons voir ici la chose : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?codeTheme=2&codeStat=PMQUANDL.GINI.V1&codePays=CHL&optionsPeriodes=Aucune&codeTheme2=2&codeStat2=x&codePays2=PER&optionsDetPeriodes=avecNomP
    Et paf la réalité en pleine poire, les inégalités, fortes, se réduisent constamment depuis 30 ans.

  • Dès que l’article a énoncé comme source des problèmes : les inégalités, et annoncé que le cout des services privatisés est en hausse, j’ai compris et été étonné ? un article socialiste dans contrepoints ? curieux … la blague sur la hausse du cout des services privatisés, comment un français peut-il oser dire une énormité pareille ? sans parler du fait que la privatisation totale du système de retraite chilien, passé d’un système de répartition étatique à un système de capitalisation privé, a augmenté de 90 % en moyenne les revenus des retraités par rapport à l’ancien système. lire le livre de Mr Pinera, le frère du président, responsable de cette grande réforme dont nous devrions nous inspirer.
    Il reste encore un article sensé à attendre pour expliquer ce qui se passe au Chili en ce moment, même si l’autre article paru sur contrepoints me semble plus approcher la réalité.

    • Au sujet des pensions de retraite des Chiliens vous devriez vous informer par ailleurs, vous nuanceriez votre propos.

      • @Hélébore :
        sur les pensions de retraite au Chili, copiées par plus de 20 pays (combien de pays ont copié notre système que le monde entier nous envie : aucun) :
        « Si l’on considère la rentabilité moyenne à long terme (l’épargne et la capitalisation des pensions ont un horizon de 30 à 40 ans), les résultats chiliens sont très positifs, et cela malgré plusieurs épisodes défavorables (crise des années 82 et 83, problèmes qui affectèrent les entreprises électriques et de télécommunications en 1995, la crise asiatique de 1998, les attentats du 11 septembre 2001 et la crise actuelle). Ainsi, le fonds C, continuateur du premier et unique fonds existant depuis 1981 et qui regroupe 37% des affiliés et représente 43% de l’épargne totale, enregistre une rentabilité moyenne annuelle de 9,19%. Ce résultat est plus de deux fois supérieur au 4% considéré comme nécessaire pour obtenir des pensions de retraite correspondant à 70% du montant des derniers revenus, en supposant que le travailleur ait cotisé durant 85% de sa vie active. Actuellement, et malgré le fait que le système n’existe que depuis 29 ans, deux tiers des pensions versées par les administrateurs de fonds privés sont des pensions de retraite anticipées – de 7 ans, en moyenne, pour les femmes et de 9 ans pour les hommes. Dès lors, on peut considérer que le système privé de pension chilien a parfaitement rempli ses deux grands objectifs, malgré les crises économiques : augmenter la valeur attendue des pensions et réduire le risque sur l’épargne des personnes prêtes à prendre bientôt leur retraite. »

        Il est indéniable que le système de retraite chilien est une réussite, sauf pour des socialistes égarés pour qui la réalité est forcément fasciste 🙂

        • Bravo, en voilà des informations qu’elles sont intéressantes. Et naturellement, notre gouvernement n’a pas songé un seul instant à regarder ce qui se passait en matière de retraites du côté du Chili. Capitalisation = caca. Sortira-t-on un jour de la connerie dans ce pays ?

          •  » Capitalisation = caca. Sortira-t-on un jour de la connerie dans ce pays ?  »

            Alors prenons le cas de la Suisse qui a aussi une retraite par capitalisation en complément de celle de la retraite publique par répartition. Et ça fonctionne plutôt bien même si elle est aussi confrontée au vieillissement de la population.

            Mais même le model suisse la France n’en veut pas.

      • « S’informer par ailleurs », oui, où ? J’adore les personnes qui disent aux commentateurs avec arguments de s’informer mieux, sans apporter d’arguments !

  • On peut s’interroger aussi sur « l’Amérique Latine prise de convulsions »…

  • Est ce vraiment une surprise de voir cette révolte quand le prix du métro à Santiago grêve déjà lourdement le budget des habitants: on parle de 30 % du budget alloué aux déplacements!
    Dès lors, la moindre hausse est perçue comme une ponction insupportable.
    Même phénomène en France avec les GJ première mouture.
    En fond, les politiques publiques visant à limiter les mobilités – pour la planayte- qui toucheront en premier mieu, les moins riches.
    Le Chili est certes, une réussite économique en AmSud, mais ce n’est pas pour autant, le paradis.

    • Le metro est il aussi indispensable que ca pour se deplacer ? J’ai habité Paris , rarement mis les pieds dans le metro ,j’ai toujours privilegie la voiture ou mes pieds !

      • Vu les restrictions de circulation des voitures à Santiago (situé dans une cuvette) et l’étendue de la ville (6 fois plus étendu que paris, une paille), le métro est la solution la plus pratique au quotidien.
        Santiago n’est pas Paris.

      • D’autre part se déplacer en voiture coûte une blinde. Tous les trajets dans la ville sont facturés automatiquement par détection des véhicules avec des points de passages innombrables

      • Nevez et Wakrap : ont absolument raison, Santiago fait 5o km de diamètre, le métro est indispensable. En voiture, quand vous vous déplacer dans Santiago vous devez disposer d’un « tag » dans votre véhicule ( détection par caméra) qui va ponctionner votre compte en banque à chaque fois que vous prenez certaines routes et c’est cher 5000 pesos pour accèder à l’aéroport à certaines heures et rouler dans cette ville est un vrai merdier. Sous Pinochet, ce sont les « Chicago boys » de Friedman qui on mis en place ce systèmes ultra-libéral. Le vendredi soir, jour de paye, les employés des super-marchés changent les prix sur les morceaux de viandes, certaines fois, çà peut être 25% plus cher, mais normalement 20%. Et ne me dite pas que les gens doivent venir faire leurs courses plus tôt. Le prix du bus, du métro, de l’alimentation, du péage autoroutier, le carburant, etc…, changent selon l’heure de la journée, l’offre et la demande, certains prix passent du simple au double. Pour les petits salaires, çà peut être un vrai casse tête financier. L’ultra libéralisme dans toute sa splendeur, si vous ne gagner que 500.000 pesos, c’est mort, vous êtes dans la dèche permanente. Je ne parle pas des retraites par capitalisation géré par des truands, les retraites sont misérables (300.000 pesos, c’est courant) par rapport au 10% du salaire versé chaque mois. Je conseille aux Aficionados de l’ultra-libéralisme de faire un petit voyage au Chili, juste pour voir et comprendre. Pour finir, je connais bien les lieux, pendant plusieurs années, j’ai passé 6 mois par an sur la zone Valparaiso,Santiago et j’y serais début Décembre de cette année. Certains commentateurs disent n’importe quoi sur ce qui se passe au Chili, quand on ne connais pas le pays et son fonctionnement, on ferme çà bouche. L’article écrit au-dessus est très juste, en vérités.

        • « sa bouche », excusez-moi. Ah j’allais oubliez aussi le prix pour faire des études, et là c’est mortel.

        • A l’époque des « chicagos boy » il n’y avait pas de telles caméras elles n’existeront que dans les années 2000, a une époque ou le Chili était d’ailleurs sous gouvernance socialiste, vous racontez n’importe quoi.
          En réalité le Chili est plus riche que le Portugal et c’est une des première économie du continent, très loin devant les économies socialistes comme le Venezuela.
          L’Australie, la Nouvelle-Zélande, La Suisse sont bien plus « ultra-libéraux » que le Chili et tout y marche parfaitement y compris les retraites par capitalisation, il y a donc d’autres causes aux problèmes éventuels.
          Les inégalités peuvent aussi être dues à une forte croissance que beaucoup d’autres pays aimeraient bien avoir.

          • Voilà ce que j’aime sur Contrepoints, les arguments et contre-arguments éclairés, avec des faits, des dates, qui me permettent de me faire mon opinion. Et de répondre à mes amis socialistes… Merci Guillaume P.

      • Bien sûr qu’à Paris (où j’ai vécu et travaillé) les gens privilégient le métro, ne serait-ce que pour la rapidité du déplacement et l’absence du souci de se garer. Ou la marche bien sûr, tout dépend de la distance. Nombre de parisiens pure souche n’ont pas le permis d’ailleurs.
        Vous êtes certain qu’avoir vécu et travaille à Paris intra-muros ?

  • D’autres sources rapportent que les victimes ont péri dans les incendies des centres commerciaux pillés par les émeutiers. Ce qui n’est pas tout à fait la même chose que d’accuser la police de tirer sur la foule.

    • Et ces autres sources sont plus nombreuses et plus sérieuses.

    • c est effectivement l’info publiée le premier jour dans les pays voisins (rapine dans un supemarché incendié). Les beaux esprits vont surement nous rajouter les accidents de circulation du fait qu’ une partie du métro est fermé. C’est ballot d incendier le métro, comme cela il faut se lever plus tôt !

  • Qu’est-ce qu’il fait là, cet article ? Ce n’est pas l’huma, ici.

  • Même constats que d’autres: tous les mots clé d’un article de Libération y sont. Pour une analyse réelle de ce qui se passe au Chili il vaut mieux se référer à d’autres articles.

  • Je suis toujours sur Contrepoints là??

  • Les commentaires sont fermés.

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