Chômage (III) : quand le taux britannique tombe à… 3,8 % !

Non seulement le Royaume-Uni jouit d’un taux de chômage très inférieur à celui de la France, mais que le taux d’activité y atteint 78,5 %.

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Chômage (III) : quand le taux britannique tombe à… 3,8 % !

Publié le 16 mai 2019
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Par Nathalie MP.

L’Office for National Statistics, c’est-à-dire l’équivalent britannique de notre INSEE, vient lui aussi de publier ses chiffres sur l’emploi au premier trimestre 2019. On apprend ainsi que le taux de chômage du Royaume-Uni est tombé à 3,8 % (graphe ci-dessous), alors que la France continue à planer à 8,8 %.

Cet exemple particulièrement révélateur, mais pas unique en Europe, constitue un excellent prolongement de mes deux articles précédents sur le chômage français qui persiste à être structurellement élevé (Chômage I) et sur les fausses solutions keynésiennes (Chômage II).

Un taux de chômage de 3,8 % contre 8,8 % chez nous : le match Royaume-Uni/France semble plié. Il l’est d’ailleurs depuis un bon moment : fin 2015, c’était environ 5 % outre-Manche contre 10,3 % en France.

Mais ce serait compter sans les multiples subterfuges, excuses et pieuses protestations qui nous enjoignent systématiquement en pareil cas (comme dans cet article de France Culture) de considérer que notre modèle social se caractérise par une exigence supérieure d’égalité et de solidarité tandis que les petits boulots, les contrats « zéro-heure », la précarité et la pauvreté seraient sans conteste l’infâme marque thatchérienne de l’économie britannique :

« Il faut dire que cette baisse du taux de chômage est largement due à une multiplication des emplois précaires, petits boulots et autres jobs indépendants. Ces derniers ont explosé au Royaume-Uni depuis une dizaine d’années, grâce à la libéralisation et la flexibilisation toujours plus importante du marché du travail. »

S’ensuit l’inévitable couplet sur les terribles réformes Hartz de libéralisation du marché du travail dans le cadre des réformes entreprises par Gerhard Schröder entre 2002 et 2005 en Allemagne – pays dont le taux de chômage est actuellement de 3,2 %, excusez du peu !

L’analyse des chiffres montre cependant une réalité très différente.

Au premier trimestre 2019, le nombre de chômeurs britanniques a diminué de 65 000 personnes pour tomber à un total de 1,3 million. À comparer à nos 2,5 millions (dans les statistiques de l’INSEE) pour une population équivalente (67 millions).

Ajoutons que non seulement le Royaume-Uni jouit d’un taux de chômage très inférieur à celui de la France, mais que le taux d’activité, c’est-à-dire le nombre de personnes dans l’emploi par rapport au nombre total de personnes de 15 à 64 ans, y atteint 78,5 %. Le même résultat pour la France tombe à 71,9 % (graphe ci-dessous à gauche), c’est-à-dire juste en dessous de la moyenne de l’OCDE comme le montre le schéma de droite (chiffres de 2017) – cliquer pour agrandir :

Les statistiques britanniques publiées hier nous apprennent également que les salaires (primes incluses) ont augmenté de 3,2 % sur un an, soit 1,4 point de plus que l’inflation qui fut de 1,8 % sur la période. Comme aux Pays-Bas, le dynamisme de l’économie a amené le pays au plein emploi. Il en résulte des tensions pour recruter, notamment dans les secteurs du commerce de détail, les activités sociales et médicales et l’hôtellerie-restauration, ce qui pousse momentanément les salaires à la hausse.

On observe en effet que même en cette période d’incertitude sur le Brexit qui fait que de façon assez extravagante les élections européennes auront tout de même lieu, le dynamisme comparé de l’économie britannique ne se dément pas. Alors que la croissance française fut de 0,3 % au premier trimestre 2019 – c’est-à-dire moins que prévu, ce qui n’a pas empêché Bruno Le Maire de faire assaut de satisfaction – la croissance du Royaume-Uni s’est montée à 0,5 %.

Quant aux petits boulots et aux contrats « zéro-heure » dont on finirait par croire en France qu’ils constituent les seules formes d’emploi disponibles pour nos pauvres voisins anglais, il convient de remettre les choses à leur place. À l’époque où de grandes réticences se manifestaient en France contre la loi Travail de Myriam El Khomri, on nous expliquait volontiers que lorsqu’on avait un contrat « zéro-heure » en Angleterre :

« On vous appelle de temps en temps et on vous dit : vous allez pouvoir travailler une heure, et ensuite on vous laisse. » (Natacha Polony, BFMTV)

Une fois de plus, ces propos convenus et répétés en boucle sont très éloignés de ce qu’il se passe vraiment. À fin décembre 2018, les fameux contrats « zéro-heure » concernaient seulement 2,6% des personnes dans l’emploi sur presque 33 millions d’emplois. La moyenne des heures hebdomadaires travaillées à ce titre était de 24 heures contre 36 heures pour l’ensemble des emplois et la tranche d’âge des jeunes de 15 à 24 ans était la première concernée.


À ce stade, il n’est pas inutile de rappeler que le chômage des jeunes (moins de 25 ans) atteignait presque 22 % en France fin 2018, tandis qu’il n’était que de 11,4 % au Royaume-Uni (schéma ci-contre, cliquer pour agrandir).

Que cet écart béant ne suscite pas en France d’autres commentaires que le verbiage habituel contre la précarité ultra-libérale en vigueur au Royaume-Uni est non seulement incompréhensible mais surtout gravement irresponsable de la part de tous nos dirigeants politiques.

Tout à l’inverse, on trouve toujours un organe de presse ou un autre – par exemple dans cette reprise d’une dépêche AFP dans un article de l’hebdomadaire Le Point – pour vous faire savoir que si le chômage est bas, les chômeurs restants ne sont pas, mais alors pas du tout à la fête. Mais contrairement à ce qui se passe chez nous, et comme le souligne une travailleuse sociale anglaise interrogée pour l’occasion :

L’allocation chômage britannique « n’est pas faite pour que les gens puissent vivre avec, plutôt pour qu’ils retrouvent un emploi le plus vite possible. »

Là se situe en effet l’une des grandes différence entre les pays à faible taux de chômage et la France. Que préfère-t-on ? Des personnes autonomes dans l’emploi, ainsi amenées à accumuler les expériences professionnelles et rendues capables de rebondir, ou des personnes sans emploi donc en manque d’expérience de terrain, parfois sur une très longue durée, mais soutenues ad vitam ?

Pour finir, j’aimerais souligner qu’on se tromperait en faisant du critère d’appartenance ou non à l’Union européenne le seul élément déterminant de la plus ou moins grande vitalité économique des pays européens. Le Royaume-Uni est certes sur le départ et à l’instant où j’écris, j’hésite à le classer parmi les membres ou les non-membres de l’Union européenne.

Mais quoi qu’il en soit, et quelles que soient ses raisons pour rechercher plus de liberté en dehors des frontières européennes, il est suffisamment d’exemples au sein même de l’UE, y compris parmi les pays qui en font partie depuis l’origine, notamment l’Allemagne ainsi que mon exemple favori, les Pays-Bas, pour montrer que les différences tiennent fondamentalement au degré de libéralisme en vigueur dans le pays considéré, c’est-à-dire au primat de l’esprit de responsabilité individuelle sur l’esprit de redistribution collectivisée.

Car ce n’est pas l’UE qui nous oblige à étatiser et monopoliser l’éducation et la sécurité sociale, ce n’est pas l’UE qui nous pousse aux déficits budgétaires, à la dépense publique incontrôlée et à la dette galopante, ce n’est pas l’UE qui nous oblige à entraver l’activité de nos entreprises par une loi Pacte purement française et ce n’est pas l’UE qui demande que toutes ses directives soient appliquées au centuple selon la méthode du gold plating (ou sur-réglementation) que les Français affectionnent.

D’où la froideur compréhensible avec laquelle les propositions d’Emmanuel Macron pour l’Europe, lesquelles consistent à vouloir appliquer de l’Atlantique aux Carpates les belles idées qui ruinent la France, ont été accueillies par nos principaux partenaires…

Bref, le chômage britannique à 3,8 %, encore un exemple à méditer, je crois.

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  • Et quand bien même il y aurait des emplois mal rémunérés en UK, celui qui ne satisfait pas de cet emploi, peut immédiatement en trouver un autre (« en traversant la rue ») du fait du plein emploi britannique. On peut également évoquer à ce propos la formation professionnelle de l’un et l’autre pays: en France elle est accaparée par les syndicats (qui y puisent leur source majeure de financement) et s’adresse majoritairement aux « insiders ». Ses résultats sont calamiteux comme on peut le constater au faible taux de réinsertion qui ne fait pas baisser celui du chômage. En UK, on peut considérer, comme le dit Nathalie dans son article, que les jobs y compris mal rémunérés, sont des moments privilégiés de formation sur le tas, au contact des réalités, dont le coût n’est pas pris en compte dans l’évaluation réelle du salaire reçu par son bénéficiaire britannique. Enfin lorsqu’on parle d’emploi précaire en UK, encore faut-il mettre en parallèle le volume bien plus important des CDD français s’ajoutant aux précaires du chômage de masse que notre système développe structurellement.

    • ce qui rappelle une vieille (et bonne) réponse de Macron à une de ses détractrices, qui l’accusait en gros de promouvoir « des petits boulots ». Il avait répondu en gros qu’il vaut mieux un petit boulot où on peut s’en sortir soi-même et retrouver une estime de soi que vivre des allocations, comme le proposait la dame en question.
      On se demande où est passé ce Macron là…

  • Bonjour
    Et en plus quand on compare le taux d’activité, les chômeurs sont inclus dans les actifs.
    Le gros pb est l’inactivité en France des 15-20 ans qui perdent leur temps à l’éducation nationale.

  • Bien vu. Pourquoi, en effet, sortir d’un système qui nous enfonce en spirale, puisque les Français ne veulent entendre parler du libéralisme qu’en fonction de l’idéologie socialiste : le mal personnifié et peu importe qu’il soit efficace partout où il prospère. Mieux vaut continuer à radoter.

  • En remontant l’échelle des causes on finit par notre belle 5ème République, centralisatrice et planificatrice. La stabilité dans la durée, à l’heure où les changements sont plus rapides, on voit le résultat : comme à la SNCF on a toujours un train de retard.
    Mais là on touche le sacré : on préfère accuser le libéralisme ou le socialisme pour ne surtout pas toucher au bocal.

  • Au delà des problèmes économiques, le chômage cause d’importants dégâts psychologiques.
    En France, beaucoup de français qui travaillent ont peur du chômage, alors que les chômeurs sont une population à risque en matière de dépression et de suicide.

    Je me rappelle qu’un salarié d’une usine qui fermait au Royaume-Uni explicait tranquillement à la journaliste: « c’est pas grave, je trouverai du travail ailleurs ».

    Ça semble irréaliste en France.

  • Taux de chômage France 8,8% ? Il n’y a que moi qui suis choqué par un chiffre aussi arrangé ?

  • Moins de travailleurs en France ? normal. Qui aurait envie de travailler pour reverser la moitié de son travail à l’Etat et aux collectivités locales ? j’aurais aimé que l’auteur de cet article (au demeurant excellent), établisse une corrélation entre chômage et pression fiscale.

    • Tout à fait. Dans le modèle français, l’Etat prend le fric aux talents pour le redistribuer aux moins qualifiés en échange de… euh, pour le redistribuer aux moins favorisés par la nature distributrice de talents. Dans le monde normal, les talents dépensent leur argent pour confier les tâches communes à d’autres afin de se préserver du temps pour exercer leur talent. En imposant ceux qui « peuvent payer », on oublie qu’ils dépenseraient eux-mêmes cet argent bien mieux que ne le fera l’Etat.

      • J’imagine qu’au début c’était l’idée, on prend un peu aux plus aptes pour redonner aux moins aptes, comme le ferait un père pour ses enfants. Mais avec notre conception dirigiste du pays, nous avons mis le doigt dans un engrenage qui nous aspire le corps tout entier. Aujourd’hui nous avons une telle construction type « usine à gaz », que l’interventionnisme s’auto-entretient. On a perdu le contrôle ! En effet désormais pour sortir de cette chienlit il faut obligatoirement de l’interventionnisme mais de celui qui répare les dégâts sur le long terme.

    • D’après un calcul c’est plus de 60% du salaire dont nous ne pouvons disposer !

      • Le salaire median francais est environ de 23,000 € net par an. Selon le site : https://www.wuro.fr/pages/outils-pour-les-entrepreneurs/calcul-du-salaire-brut-net-et-cout-total.html

        Cela correspond a un salaire super brut de 40,000 €. On a donc une taxe de 42%. Sachant que 20% de votre consommation sera ponctionnée en TVA, et que vous consommez 80% de votre net, soit 18,400€.

        20% sur ce montant = 3,700€.

        Sur 40,000 de super brut, vous payez 17,000 + 3,700 = 20,700 € de taxe. Vous êtes donc taxé à : (19,300 / 40,000) – 1 = 52%.

        Ce calcul ne prend évidemment pas en compte la myriade de taxes incorporées dans les prix des biens de consommations divers.

  • J’aimerais savoir si les taux de chomage dans les autres pays sont calculés statistiquement comme ceux de l’INSEE, qui ne sont pas ceux de la DARES.
    Il est vrai que, même si c’est le cas, la comparaison n’est pas en notre faveur, mais c’est intéressant à savoir.

  • Tant mieux pour eux mais nous on est en avance pour un monde sans travail et uniquement axé sur les loisirs….les robots arrivent et quand ils debarqueront……

    • hum.. les robots ont déja débarqué..
      On sera contents d’être en avance sur notre temps si on crève tous la dalle. Je préfère être à l’heure dans mon temps avant de chercher à être plus ambitieux. Surtout quand on connait la clairvoyance légendaire de nos élus.

    • Perso un ciné le ventre vide, c’est pas top ?

  • Le taux de chomage de la France est le résultat de l’étatisation de ce pays. Celui-ci préfère des chomeurs, une population à sa merci, plutôt que des gens qui ne dépendent pas de lui car ils ont une source de leurs revenus qui vient de leur propre travail et qui ne doit rien à personne. Le mal de ce pays c’est l’état, il n’assure plus ou mal ses prérogatives régaliennes et est devenu un véritable prédateur pour les citoyens de ce pays qui ne dépendent pas de lui. Le moloch dévorant ses propres « enfants ».

  • On pourrait faire d’une pierre deux coups en affectant à la capitalisation la plus grande partie des cotisations retraites des 15-24 ans qui travaillent, c’est à dire aujourd’hui très peu. Vu la multiplication de la valeur sur 40 ans, ça ferait une incitation considérable à travailler plus tôt !

  • Bravo! Il fallait le dire et mettre les points sur les i! Le modèle tant vanté par M. Macron est celui qu’il convient surtout d’éviter!

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