Le socialisme aujourd’hui (2) : le social-libéralisme scandinave

Le succès relatif des pays scandinaves est dû aux libres marchés et à une tradition d’État de taille limitée, mais, depuis les années 1960, le poids des larges États-providence a affaibli la vitalité économique de la région.

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Scandinavië 2018 By: Victor van Werkhooven - CC BY 2.0

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Le socialisme aujourd’hui (2) : le social-libéralisme scandinave

Publié le 26 février 2019
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Par Daniel J. Mitchell.

Dans la première partie de notre série sur les diverses formes du socialisme du monde moderne, nous avons traité la tragique histoire du Venezuela. Aujourd’hui, nous allons voir ce que nous pouvons apprendre des pays nordiques. Et la première chose à comprendre est qu’on ne peut qualifier ces nations de socialistes que si on édulcore la définition du socialisme.

Comme je l’ai rappelé dans une récente interview télévisée, théoriquement, le socialisme réel suppose la propriété et le contrôle des « moyens de production » par l’État. Mais les pays nordiques n’ont pas d’usines appartenant à l’État, ni d’allocation de ressources contrôlée par l’État, ni de réglementation des prix par l’État.

En d’autres termes, ces pays ne sont pas socialistes (propriété publique), ils ne sont pas non plus fascistes (contrôle étatique), et ils ne sont même pas corporatistes (capitalisme de connivence).

Alors de quoi s’agit-il ?

 

Le modèle nordique : un modèle « social-libéral »

Dans un article du Washington Post, Max Boot considère à juste titre que le modèle nordique correspond au « social-libéralisme », qu’il décrit comme l’alliance d’une économie de libre marché et d’un État-providence.

Truquer des élections et enfermer ou tuer des opposants politiques : voilà un modèle de socialisme – c’est cette même méthode qui a été appliquée aussi bien à Cuba qu’en Union soviétique. Mais il existe de nombreuses autres variétés de socialisme beaucoup plus bénignes […] Le modèle scandinave (Danemark, Norvège et Suède), en associant État-providence et économie de libre marché, montre que le terme « social-libéralisme » n’est pas un oxymore. […] Sur certains points, ces pays sont d’ailleurs plus libres économiquement […] que les États-Unis.

Cette dernière phrase n’est pas une faute de frappe.

Selon l’indice de liberté économique de l’Institut Fraser, les États-Unis jouissent d’une plus grande liberté économique que les pays nordiques, mais le Danemark et la Finlande se classent au-dessus de l’Amérique en ce qui concerne les facteurs autres que la politique fiscale. Et la Suède et la Norvège ne sont devancées que de 0,03 et 0,06 point par rapport aux États-Unis.

 

Une forte imposition des classes moyennes

Cela dit, une grande leçon à tirer est que la politique fiscale constitue un énorme gâchis pour les pays scandinaves :

Il n’y a rien d’inquiétant à vouloir imiter l’exemple scandinave. Mais ça ne signifie pas nécessairement que c’est judicieux. Les Scandinaves ont des taux d’imposition des sociétés bien inférieurs à ceux des États-Unis, mais des taux d’imposition des particuliers beaucoup plus élevés. […]Les pays scandinaves prélèvent également de lourdes taxes sur la valeur ajoutée de 25 %. Les États-Unis n’ont pas de taxe nationale sur les ventes et le taux moyen des taxes sur les ventes des différents États n’est que de 7 %.

Au total, les Scandinaves paient par tête 25 488 dollars d’impôts, contre 14 793 dollars aux États-Unis, soit 72 % de plus. C’est ce qu’il faut pour financer un État-providence à la scandinave. Cela ne peut pas se faire simplement en relevant les taux d’imposition marginaux des contribuables les plus riches à 70 %, comme le suggère Ocasio-Cortez, car peu de contribuables paient le taux le plus élevé. Cela nécessite une hausse massive des impôts de la classe moyenne.

La messe est dite. C’est un point que j’ai souvent souligné, et tout récemment à l’occasion d’un billet consacré au programme étatique d’Alexandria Ocasio-Cortez. Les contribuables ordinaires supporteront l’essentiel de l’addition si les idées de la gauche sont adoptées.

Mais je m’éloigne du sujet.

Revenons à la question principale du jour, à savoir le lien entre le modèle nordique et le socialisme. D’un point de vue théorique, il n’y a aucun lien. Ces pays n’ont jamais été socialistes. Et puis, si on estime que ces nations sont socialistes, il faut considérer que les États-Unis le sont aussi.

Cependant, il y a une leçon à tirer, et cette leçon est pertinente, que l’on utilise la définition théorique ou courante du socialisme. Pour le dire simplement, le succès relatif de ces pays est dû aux libres marchés et à une tradition d’État de taille limitée, mais, depuis les années 1960, le poids des larges États-providence a affaibli la vitalité économique de la région.

Ce graphique vous montre tout ce que vous devez savoir :

L’État-providence ralentit la croissance des pays nordiques

 

Remarques : en fait, il y a bien d’autres choses à connaître.

Par exemple, les données de Nima Sanandaji, qui montrent dans quelle mesure les Américains d’origine nordique sont plus riches que les habitants des pays nordiques, sont très éclairantes. Il y a également des statistiques concernant la Suède qui illustrent comment cette nation a perdu du terrain après avoir opté pour un large État-providence (et comment elle a par la suite regagné du terrain grâce à des réformes pro-marché, telles que le choix des écoles à l’échelle nationale et la privatisation partielle des retraites).

À suivre : le troisième article de notre série, consacré à la tragédie grecque.


Sur le web. Traduction Raphaël Marfaux pour Contrepoints.

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  • On ne peut pas, on ne doit pas toujours observer les choses sous l’angle des doctrines socialisme ou libéralisme. Parce que nécessairement cela conduit à des jugement de valeur. Il me semble que par nature, les gens oscillent entre sécurité et liberté. On voit bien que lorsque rien n’empêche l’expression de cette nature, genre une dictature, les sociétés se construisent autour de ces deux tendances, aucune des deux ne parvenant à l’exclusivité.
    Dans la pratique, elles peuvent s’incarner dans le socialisme ou le libéralisme mais c’est plus du domaine de l’interprètation.

  • Bonjour
    Autant le socialisme est détestable, autant l’état-providence peut se défendre; mais encore faut-il qu’il n’étouffe pas le secteur concurrentiel, ce qu’il ne manque pas de faire, les ‘besoins’ sociaux étant infinis.
    En France, on a un état Socialo-Jacobin-Parisien qui s’occupe de tout, mal, qui est dispendieux et même pas capable d’équilibrer ses comptes.

    • Justement j’ai l’impression que vous soulevez un paradoxe. Comment un État peut il être providentiel sans finir par étouffer les forces vives, tant les “acquis sociaux” sont illimités ?
      Au bout d’un moment, ça finit par coincer.

  • “Les contribuables ordinaires supporteront l’essentiel de l’addition”

    C’est évident. Les cibles de la détestation des socialo-étatistes ne sont pas les vrais riches, que finalement ils aiment bien et dont ils s’accommodent avec une sorte de fascination car ils se voient au-dessus du lot commun. Non, ceux qu’ils détestent vraiment, ce sont les classes moyennes, les petits bourgeois, les anciens pauvres qui ont le tort de s’enrichir un peu, d’acheter leur logement et leur voiture, qui commettent le crime de vouloir vivre dignement de leur travail sans dépendre de l’Etat providentiel.

    Les classes moyennes sont les véritables Salauds de Riches, les Sans-Dents, les Gaulois Réfractaires sur lesquels ont tape sans merci, au propre comme au figuré. La haine de classe de l’Etat obèse collectiviste est toute entière tournée contre la classe moyenne.

  • C’est vrai que les particuliers sont fortement imposés pour financer un état providence généreux. Mais au moins eux ils savent où va leur argent et à quoi il va servir.

    Mais comme le dit Koris; il faudra voir à moyen terme si au bout d’un moment ça ne risque pas de se mettre à coincer si l’état providence fini par étouffer les forces vives.

  • L’auteur mérite la palme de la corrélation de l’année. Autant les effets de l’État-providence sur l’économie peuvent se discuter, autant ce graphique ne prouve absolument rien. On aurait tout à fait pu l’intituler : “Regarder la télévision ralentit la croissance” ou “La naissance de Danny Brillant a entrainé une diminution de la croissance des pays nordiques”.
    Un million d’autres facteurs ont pu intervenir et on pourra faire autant de commentaire sur la faiblesse de cet argumentaire.
    Par ailleurs, l’auteur quand il parle du “succès relatif” de ces pays oublie de parler du niveau et de la qualité de vie ou du fait que les villes scandinave sont régulièrement placées en tête des classements des villes où il fait bon vivre (loin devant les villes américaines…). Bien loin de moi l’idée de vouloir mettre ça sur le coup de l’État-providence puisque là encore, un million d’autres éléments sont à prendre en compte. Mais si l’on veut avoir un début de jugement sur tel ou tel modèle, peut-être faudrait-il commencer par ne pas se limiter à prendre comme critère la croissance du PIB.

    • Kigio, permettez-moi de vous faire un gros bisou tellement je suis d’accord avec vous !
      Et l’auteur, quelques soient ses références professionnelles, oublie le tout petit détail que les Scandinaves sont très contents de leur vie… Ah ben oui, c’est quand même le principal non ?
      (Je soupçonne l’auteur d’être une de ses personnes parlant bien et qui est invité à donner des conférences devant des parterres de gens déjà convaincus du propos, tout en étant grassement payé.)

    • oui aussi plutôt d’accord ..

  • “Truquer des élections et enfermer ou tuer des opposants politiques : voilà un modèle de socialisme – c’est cette même méthode qui a été appliquée aussi bien à Cuba qu’en Union soviétique.”

    Décidément le Washington Post écrit n’importe quoi. Comme si tuer ses opposant était réservé au socialisme et pouvait le caractériser.

    Je suppose qu’il faut comprendre qu’il y a des bons socialistes et des mauvais socialistes … tout comme il y a des bons chasseurs et des mauvais chasseurs.

    Je suppose que le Washington Post ratisse large et brasse de l’air pour assurer ses arrière. Difficile d’être centriste entre Trump et les guignols démocrates Sanders ou Ocasio-Cortez (J’en connais qui désespèrent – mais heureusement n’ont pas de feuille de chou à vendre).

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