Par Anthony Shea.
La thèse de Pascal Salin à propos de la crise de 2007 va, on s’en doute, à l’encontre les idées reçues. Pour lui cette crise n’est pas la faillite du capitalisme, mais celle du keynésianisme et de l’interventionnisme mal inspiré des États et des banques centrales. C’est l’absence de liberté – et non pas l’abus de celle-ci – qui a provoqué la crise.
Plus précisément, deux facteurs sont à l’origine de celle-ci : la politique monétaire et la politique budgétaire et fiscale. Ces facteurs sont toujours à l’œuvre douze ans après l’embolie de 2007, aussi l’ouvrage de Pascal Salin, publié en 2010, n’a-t-il rien perdu de son actualité.
L’illusion monétaire
La critique de P. Salin est fondamentale, elle porte sur le principe même de la création monétaire et sur le rôle des banques centrales. Il l’applique à la période qui a précédé la crise, ou plus exactement à la période de gestation de cette crise. La politique monétaire américaine porte une lourde responsabilité. En particulier, pour lutter contre les inégalités qui commençaient à s’aggraver aux États-Unis, l’administration Bush a encouragé la distribution de crédit immobilier à des ménages disposant de faibles revenus et dont aurait dû se douter qu’ils ne pourraient jamais rembourser. C’est cela, plus que l’esprit de lucre des banquiers, qui a créé la bulle dont l’éclatement a provoqué le désastre de 2007.
Cet épisode se caractérise par la distribution de faux droits sur les ressources économiques sous forme de crédit. Contrairement à la logique keynésienne d’accroissement de la demande globale par le déficit budgétaire et l’action sur le crédit, P. Salin soutient que la création monétaire n’amène qu’à la déformation des structures de production. C’est la critique de l’École autrichienne, emmenée par Mises et Hayek, à laquelle l’auteur se réfère expressément.
Cela veut dire que la création excessive de monnaie maintient les taux d’intérêt à des niveaux trop peu élevés, par rapport à l’état de l’économie. Les épargnants se découragent, voyant la faiblesse des rémunérations qu’on leur propose, et ont tendance à consommer davantage.
Les entreprises profitent de ces taux peu élevés, et donc de taux d’actualisation faibles, pour lancer des projets à long terme et à rentabilité différée. Pratiquement cela signifie que les secteurs à investissement lourd et lent investissent (en empruntant) de manière disproportionnée. P. Salin prend les exemples du bâtiment, ou de l’industrie automobile. De cet excès d’investissement naissent des excédents de l’offre et donc des risques de crise.
On voit donc qu’un double problème se pose :
- l’insuffisance de l’épargne crée une rareté du capital qui pourrait s’investir en fonds propres, et hypothèque la croissance à moyen terme ;
- le niveau excessivement bas des taux ne stimule pas la production, mais la déforme en accroissant abusivement l’importance de certains secteurs.
On pourrait objecter à ce qui précède que le soutien de la consommation est en soi positif, mais cela n’est que provisoire. Et d’ailleurs la consommation est perverse, elle se traduit, en France, par un déficit de la balance commerciale (car nous consommons trop par rapport à ce que nous sommes capables de produire), synonyme de perte de valeur ajoutée au profit des fournisseurs étrangers. Nous savons bien qu’une économie dans laquelle on investit trop peu ou mal est condamnée au déclin. En distribuant du crédit non gagé par une production correspondante, on crée l’illusion de l’épargne, alors qu’on imprime des assignats.
Douze ans après la crise de 2007, l’inefficacité de la création monétaire est patente, en tout cas en Europe et hélas en particulier en France. Malgré les interventions massives de la BCE, la croissance de la production reste faible et en France le déficit public est abyssal. En intervenant massivement sur les marchés depuis la crise, la banque centrale a peut-être permis d’éteindre les incendies, mais à quel prix ?
La politique de l’autruche
Les taux d’intérêt trop faibles exercent une influence pernicieuse sur les finances publiques. Ils permettent aux États d’emprunter trop facilement. On en voit l’illustration dans le succès de la dette française, qui se vend par grandes quantités à des taux ne faisant que faiblement prime sur ceux que payent les pays plus vertueux. C’est la tentation de la facilité.
Puisque les créanciers sont bienveillants, pourquoi ne pas continuer à dépenser plus qu’on ne gagne ? Les bonnes gens savent bien qu’en général ça finit mal, mais personne ne les écoute. On continue à vivre cahin-caha, au lieu de faire des réformes.
Mais notre objecteur d’il y a un instant revient à la charge : au moins, en distribuant l’argent public, on soutient la conjoncture. C’est vrai, mais on ne soutient que la consommation et on ne dégage aucune perspective de croissance qui aurait permis au moins l’amorce d’un rétablissement des ressources fiscales. Comme le dit l’économiste Robert Murphy, cité par Pascal Salin, l’idée selon laquelle la production répondrait immédiatement à la demande ignore l’existence du capital, c’est-à-dire de l’accumulation de l’épargne. Ce n’est pas la demande qui est trop faible, c’est l’offre ! La non-croissance s’éternise, le malaise social s’aggrave et les besoins de financement public ne se réduisent pas.
Les bonnes conditions d’emprunt auraient pu permettre un peu plus d’ambition. Quelques mesures ont été prises, qui vont dans le bon sens, celui de l’allègement de la fiscalité sur l’épargne, mais il serait bien prématuré de se réjouir. En taxant moins l’épargne on encourage ceux qui ont encore les moyens d’épargner. Mais ils sont trop peu nombreux : le poids des prélèvements fiscaux est tel qu’il assèche largement les flux de revenus qui auraient pu se diriger vers l’épargne. Et il est maintenant question de faire marche arrière en re-taxant les riches ! Dans notre époque de signaux, en voilà un qui annonce la déconfiture.
La dette sur les bras
La dette de la France ne cesse de grandir. La pratique du déficit budgétaire est, on le sait, hélas fort ancienne. La crise de 2007 n’a fait qu’aggraver la situation. Les politiques dites d’austérité menées en Europe les années suivantes n’ont donné de résultat convaincant que dans les pays qui ont été capables de réduire leurs dépenses.
L’austérité mal comprise, telle qu’en France, cela veut dire qu’on accroît la pression fiscale, asséchant ainsi l’épargne porteuse de croissance, pour ne pas réduire la dépense publique et éviter ainsi, avec le succès que l’on sait maintenant, de faire descendre les gens dans la rue. On se condamne à l’échec.
La dette résulte de mauvais choix budgétaires, mais aussi, indirectement de la politique monétaire qui entretient le pays dans la facilité médiocre. Les taux seraient-ils plus élevés, il faudrait alors prendre le taureau par les cornes, mais ce serait au pire des moments, celui où la charge de la dette augmenterait peut-être de manière insoutenable. À la fin la réalité se venge.
Bof ! La consommation des ménages représente environ 50 % du PIB, dont plus de la moitié en alimentation, transports, restaurants, logement, électricité, eau, gaz (dont on est déjà sûr que cela profite à l’economie française, sans compter les autres biens et services, vehicules, loisirs etc dont une partie est liée aussi à l’economie nationale).
Donc il est tout aussi peu pertinent de ne pas miser sur la relance par la consommation que de tout miser sur la relance par la consommation.
Ici comme ailleurs (QE, épargne…) tout est question d’équilibre. Le blabla Keynes vs Hayek reste hélas grandement stérile pour nous sortir de la crise.
La consommation ne profite pas à la production. C’est au contraire la production qui profite à la consommation, car vous ne pourrez jamais consommer (détruire) que ce qui a d’abord été produit (créé). Mieux encore, si vous voulez consommez, vous devez d’abord produire car les produits s’échangent contre les produits. Qui ne travaille pas ne mange pas.
Loin d’être stérile, le débat sur la logique économique est essentiel. Le résultat de ce débat fait la différence entre prospérité et misère des Nations, entre réussite et échec des individus, entre vigueur et faillite des Etats.
Vous en êtes encore au stade de l’oeuf et de la poule ?!
Non, il a dit qu’il ne pouvait pas y avoir d’œufs à consommer sans poules pour le produire.
Mouais, le blabla pénible sur l’équilibre à trouver entre les thèses économiques, forcément subtil, vaut que tchi, peau de balle. Tout au plus sert-il à recycler les ex-cocos orphelins de leur paradis sur Terre et les politiciens parasites qui en profitent grassement tant qu’ils le peuvent. C’est l’illusion fatale des social-démocraties et de leurs Etats obèses, entretenue depuis de longues décennies mais qui arrive à son terme, les expédients ayant été épuisés, illusion noyée dans l’océan de dettes, les monnaies dévaluées et le chômage de masse.
La réalité est bien différente car il n’existe pas de troisième voie, encore moins d’équilibre entre capitalisme et socialisme. La consommation ne nécessitant aucun effort, il n’y a absolument aucune raison de la subventionner, pour personne. Si vous voulez consommer, la recette est simple, produisez ! Si vous ne produisez pas, vous ne consommez pas. Point barre. C’est regrettable mais c’est votre problème. Et pour produire plus, il faut accumuler du capital, donc produire encore plus.
Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front, pas à la sueur du front des autres. Au boulot, les cigales et les fainéants !
la consommation diminue la richesse (la consomme).
la production augmente la richesse (la produit).
C’est bête, mais c’est comme cela !
Vous avez raison. Ce que vous dites est bête.
Expliquez nous comment consommer des richesses non produites, juste pour rire.
Cela fait longtemps que la gauche prétend cela et nous sommes à 1,5% de croissance, 7 millions de gens sans emploi, et 100% de dettes.
Tout à fait d’accord avec le titre de l’article.
Mais comment le faire comprendre à des citoyens biberonnés au Colberto-marxisme?
j’ai remarqué une incohérence dans l’article
On voit donc qu’un double problème se pose :
l’insuffisance de l’épargne crée une rareté du capital qui pourrait s’investir en fonds propres, et hypothèque la croissance à moyen terme ;
le truc c’est que en période de taux bas on s’en fou de l’épargne puisqu’on emprunte, la seule épargne nécessaire correspond à la réserve que les banques se doivent d’avoir pour créer de l’argent
On n’emprunte pas seulement du fait des taux bas mais surtout parce que les vannes monétaires sont ouvertes en grand.
Dans un premier temps, l’afflux monétaire provoque la déflation des prix à la consommation par excès d’offre tout en alimentant l’hyperinflation des actifs, car la monnaie sans valeur brûle les mains de ses détenteurs qui veulent s’en débarrasser à tout prix pour du concret, biens immobiliers ou titres d’entreprises saines. Dans ce maelström monétaire, l’épargne est évidemment sacrifiée.
Les classes moyennes sont les principales victimes de ces choix car leurs salaires sont contraints, leur épargne ne vaut plus rien, et leur accès au patrimoine devient impayable, l’avantage des taux réduits étant largement compensé par la hausse des prix des biens. L’impression monétaire des banques centrales a servi à sauver les Etats obèses, accessoirement à renflouer les banques faillies. Ce sauvetage s’est fait essentiellement aux dépens des classes moyennes, par leur appauvrissement.
Au bout du chemin, quand les dettes attachées à des projets non rentables mais quand même financés dans la plus parfaite irresponsabilité devront être remboursées, ça fera très très mal. Les faillites s’accumuleront, l’argent non remboursé ne pourra pas revenir dans les banques centrales et se diffusera à toute l’économie, menaçant de provoquer une hyperinflation généralisée mémorable.