Allemagne : la catastrophe annoncée en Bavière est-elle arrivée ?

Angela Merkel se trouve-t-elle affaiblie par les résultats des élections en Bavière ? Rien n’est moins sûr.

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Allemagne : la catastrophe annoncée en Bavière est-elle arrivée ?

Publié le 16 octobre 2018
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Par Olivier Maurice.

Les électeurs de l’Etat fédéré de Bavière étaient appelés à voter ce week-end. Devant la vision pour le moins orientée de la presse française concernant les résultats de ces élections, il convient de regarder d’un peu plus près les chiffres et de sortir du catastrophisme grandiloquent que l’on nous sert comme de bonne habitude et qui claironne une défaite historique pour Angela Merkel, une victoire tout aussi historique pour les écologistes et une poussée de l’extrême droite : bref l’apocalypse de l’hégémonie néo-libérale-germanique en perspective, avec ses conséquences sur l’Europe, sur le couple franco-allemand, sur le rapport de force entre Emmanuel Macron et Angela Merkel, sur l’opportunité certaine de celui-ci à reprendre les rênes, de l’espoir enfin retrouvé pour les enjeux climatiques, pour la fin du glyphosate, du diesel et des centrales nucléaires, sur la déroute de l’austérité, etc…

Les résultats sont les suivants :

  • La CSU, la version bavaroise de la CDU, le parti d’Angela Merkel, obtient 37,7 %
  • Les Verts obtiennent 17,6 %
  • Les électeurs libres, le tout jeune parti libéral conservateur, obtient 11,3 %
  • Les populistes de l’AFD, obtiennent 10,1 %
  • Les sociaux-démocrates du SPD, obtiennent 9,4 %
  • Les libéraux du FDP obtiennent 5 %
  • Die Linke obtient 3,2 %

Ces chiffres sont d’abord une confirmation de la tendance qui s’était dessinée lors des dernières élections fédérales et qui avait conduit à la tentative avortée de coalition arc-en-ciel unissant la droite, les écologistes et libéraux.

Le retour des libéraux

Les 11,3 % du jeune parti libéral conservateur , qui n’existe que depuis 9 ans, combinés au score de 5 % des libéraux-démocrates traditionnels confirment le résultat qu’avait fait le FDP de 10,75 % lors des élections fédérales et qui lui avait permis de revenir au Bundestag avec 80 sièges.

Avec un total de 16,3 % des voix et de 18,5 % des sièges en combinant les électeurs libres et le FDP, l’alliance de l’un ou des deux partis libéraux avec la CSU qui obtient 41,5 % des sièges semble être la solution la plus probable pour former la prochaine coalition au pouvoir en Bavière.

Le flop des populistes

Avec 10,3 %, les populistes de l’AFD sont très largement en dessous de leur objectif le plus pessimiste. Ce sont surtout eux les victimes du ras-le-bol de l’escalade verbale anti-migrants. L’AFD se trouve bien isolée dans cet extrême-centre marécageux du ni-ni qui ne propose aucune vision économique ou sociétale ni aucune ouverture qui lui permettrait de s’allier à d’autres partis.

Comme lors des élections fédérales, la marée populiste qui avait fait flop au plan national, ne parvenant à s’imposer que dans l’est du pays a fait de nouveau flop dans cette Bavière où elle avait cependant remporté de nombreuses secondes places.

Le naufrage social-démocrate

Tout comme en France, la gauche bavaroise n’en finit plus de se ridiculiser avec des résultats catastrophiques, entraînant dans son naufrage toute la gauche allemande.

Car de cette gauche qui a dominé l’Allemagne dans les années Brandt, Schmidt puis Schröder, et dont on a tant chanté les louanges de la social-démocratie triomphante, il ne reste plus rien, à peine quelques irréductibles troublions écologistes, regroupement hétéroclite de protestataires indécrottables qui, après avoir largement mis de l’eau dans leur vin et malgré leur seconde place, se retrouvent quand même totalement isolés. Quant aux homologues des Frondeurs, des Insoumis, des communistes et de la litanie des partis anticapitalistes et trotskistes, regroupés dans Die Linke (La Gauche) et qui aurait dû bénéficier de l’effondrement du SPD (si on suit le discours d’un Mélenchon assuré de bénéficier de la disparition du parti socialiste), ils sont réduits à l’état de fossiles vivants.

Quelles conséquences ?

C’est surtout la gamelle du parti social-démocrate avec qui Angela Merkel a dû se résoudre à s’allier au plan fédéral qui met cette dernière dans une situation un peu délicate, bien plus que le recul de la CSU qui sortira de cette élection en ayant à la fois éliminé la gauche et les populistes.

Est-ce qu’Angela Merkel s’en trouve affaiblie ? Pas vraiment, car ces résultats ne remettent pas en question sa majorité actuelle. Ils mettent surtout en position de faiblesse le SPD qui sera encore moins en position d’imposer ses revendications dans la coalition.

Mais ces résultats mettent surtout en lumière le constat d’échec de la stratégie d’une certaine droite consistant à tenter de draguer cet hypothétique électorat populiste, stratégie désavouée par les électeurs lassés par ces jeux politiciens et sanctionnée par les bons scores des libéraux qui ont su construire un programme et un discours constructif et non pas uniquement dégagiste et démagogique.

Un constat qui permettra surtout à Angela Merkel de se trouver en position de force devant son encombrant ministre de l’Intérieur Horst Seehofer (le patron de la CSU, qui s’est fait une spécialité de ses phrases à l’emporte-pièce sur l’immigration) auquel elle pourra sans problème reprocher l’échec. Un constat auquel la droite Française, engluée dans la même stratégie ferait bien de réfléchir également.

 

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  • ça illustre le biais des médias.

  • Faut-il rappeler à l’auteur que « la coalition arc-en-ciel » n’a pas pu voir le jour suite au refus des libéraux du FDP d’accepter la surenchère permanente des Verts lors des négociations préalables, notamment sur l’immigration ?
    Il me semble que, dans la configuration actuelle, la droite allemande est bien plus proche des Verts que des libéraux. Je parle, bien évidemment, des dirigeants, qui ont l’air être tout aussi hors-sol que les nôtres.
    De mémoire, lors des élections générales, les libéraux étaient tout aussi intransigeants que l’AfD au sujet du financement public de l’immigration. La Bavière étant l’Etat le plus riche, les électeurs se sont naturellement dirigés vers des partis proposant une offre politique plus structurée, mais pas forcément plus laxiste…
    Pour finir, je m’attendais à un peu moins de politiquement correct de la part de Contrepoints. Je ne vois pas l’utilité de suivre la meute et affirmer, avec des « preuves » bien discutables, que Seehofer a eu des « phrases à l’emporte pièce sur l’immigration ». Je sais qu’il est difficile d’avoir raison contre le Camp du Bien, mais quand même…
    Combien de fois encore aurons nous droit ici, à propos de l’immigration, à des discours tel que celui de Shikha Dalmia, qui prenait Friedman comme témoin pour soutenir la politique d’immigration actuellement promue par l’UE ?

    • Je crois avoir mentionné clairement que les Électeurs libres est un parti libéral-conservateur, pas un groupuscule open border.

      • Justement. Le discours anti-immigration a été porté lors de ces élections par une majorité de partis : CSU, FW, AfD, FDP. Les électeurs ont eu donc le choix, ce qui explique, entre autres, le faible score de l’AfD. De plus, je ne vois toujours pas en quoi les affirmations de Seehofer seraient « à l’emporte-pièce ».

        • Et où avez vous lu le contraire ?

          • Désolé, mais quand je lis que « Ce sont surtout eux [AfD] les victimes du ras-le-bol de l’escalade verbale anti-migrants », ça ne va pas vraiment dans le même sens que ce que j’ai écrit ci-dessus.
            Puis, le problème premier de la droite de gouvernement allemande est le même que pour sa consoeur française : son manque de crédibilité. On fait d’habitude plus confiance à l’original qu’à la copie.
            Pour ce qui est de la capacité de Merkel de rendre Seehofer responsable de l’échec, je rigole. Celle par laquelle le scandale arrive n’est pas en position d’accuser qui que ce soit.

            • Vous confondez programme politique et gesticulations verbales.

              • Je reconnais ne pas connaître le programme des FW, mais j’avais un peu suivi les dernières élections fédérales et le FDP avait à la fois un discours et un programme assez clairs sur le sujet du financement de l’immigration avec de l’argent public. Et cette position a été par la suite, entre autres, à la base du retrait du FDP des négociations de la coalition « Jamaïque ». Ceci est clairement un programme politique, pas des gesticulations.
                La CDU, par contre, a été effectivement dans les « gesticulations verbales », vu que c’est Merkel elle-même qui a ouvert les vannes pour le million de migrants de 2015, sans même demander l’avis de ses partenaires de coalition (sans parler de ses partenaires européens). Comme la CSU s’est depuis démarqué par moult prises de position (notamment de Seehofer), et même par des actions concrètes (voir les accords au niveau des ministres de l’intérieur sans l’aval de Merkel), c’est très difficile d’affirmer aujourd’hui à propos de la CSU qu’elle ne fait que de la gesticulation. Mais c’est vrai que le mal est fait, suite à la sortie de Merkel en 2015.
                Pour l’AfD, il serait difficile de faire la part des choses entre programme politique et gesticulations, vu qu’ils n’ont jamais été encore aux affaires pour faire la preuve (ou pas) de leur volonté d’appliquer ce qu’ils ont prêché pendant la campagne. Moi j’aurais du mal à dire que c’est un programme politique, et vous auriez du mal à dire que ce ne sont que des gesticulations.
                Je ne vois pas où il y a la confusion…

                • Entre la mère de tous les problèmes de Seehofer et le débarassage en Anatolie de Gauland, les deux frondeurs anti-Merkel ont joué a qui perd gagne dans une escalade qui devient limite grotesque et qui a été sanctionné par les électeurs bavarois comme vous le dites à juste titre plus bas.

                  Les journaux allemands ont sortis pas mal de papiers pour expliquer qui sont les FW qui sont un peu sorti de nulle part.

  • Bien sûr c’est moins mal que si ‘était pire et ces décomptes millimétrés sont à la mesure de la grande peur éprouvée avant le scrutin . Pour un peu Angela Merkel serait renforcée de ce scrutin . Il lui a fallu six mois pour en sortir la dernière fois . Les voilà repartis pour des marchandages laborieux comme en France sous la 4ème !

  • « Tout comme en France, la gauche bavaroise n’en finit plus de se ridiculiser avec des résultats catastrophiques »

    Bien essayé, sauf qu’en france la gauche a gagné aux dernières présidentielles, et possède la majorité à l’assemblée.
    Si c’est ca un résultat catastrophique…

  • Des chiffres et une réalité. Merkel est foutu !
    « Katharina Schulze, a obtenu pour la première fois 18 % des suffrages (38 sièges) dans un Land traditionnellement très conservateur. L’AfD ne gagne que 10,2 % (22 sièges), arrive tout de même avant le SPD (devenu que le 5e parti en Bavière) qui a perdu la moitié de ses électeurs avec 9,7 % (22 sièges). La CSU, avec 37,2 % (obtient 85 sièges) en perdant la majorité absolue, a pris une claque salutaire et devra faire une alliance avec le parti des Freie Wähler Bayern (une AfD plus populaire, proche du peuple, aussi très conservatrice et nationaliste) avec ses 11,6 % (27 sièges). Le FDP à 5,1 % (11 sièges) et les Linke à 3,2 % »
    ce qui montrent bien que les Libéraux et les gauchistes n’ont plus rien à dire.! Rien ne va plus en tout cas dans toute l’Allemagne. Ces élections montrent un changement du paysage politique qui aura des répercussions considérables sur le plan fédéral et la fin annoncée de Merkel, qui désormais n’est plus rien n’ayant plus aucun appuis fiable !

  • des chiffres, au lieu de palabres, merkel n’est plus en position de force, et ses « alliés » savant très bien que la machine patine, c’est une question de temps pour que la chancelière soit mise au placard, la montée nationaliste du a une immigration incontrôlée montera tant que ce phénomène migratoire ne sera pas maîtrise !

    « Katharina Schulze, a obtenu pour la première fois 18 % des suffrages (38 sièges) dans un Land traditionnellement très conservateur. L’AfD ne gagne que 10,2 % (22 sièges), arrive tout de même avant le SPD (devenu que le 5e parti en Bavière) qui a perdu la moitié de ses électeurs avec 9,7 % (22 sièges). La CSU, avec 37,2 % (obtient 85 sièges) en perdant la majorité absolue, a pris une claque salutaire et devra faire une alliance avec le parti des Freie Wähler Bayern (une AfD plus populaire, proche du peuple, aussi très conservatrice et nationaliste) avec ses 11,6 % (27 sièges). Le FDP à 5,1 % (11 sièges) et les Linke à 3,2 % »
    ce qui montrent bien que les Libéraux et les gauchistes n’ont plus rien à dire.! Rien ne va plus en tout cas dans toute l’Allemagne. Ces élections montrent un changement du paysage politique qui aura des répercussions considérables sur le plan fédéral et la fin annoncée de Merkel, qui désormais n’est plus rien n’ayant plus aucun appuis !

  • La catastrophe annoncée.? Elle est bien partie pour.!!!

  • Je ne connais pas les partis politiques en Bavière, mais si les écologistes se positionnent de manière aussi autoritaire que ce que dit un autre article de ce site, alors on assisterait bien à un glissement autoritaire, même si l’appareil médiatique ne le détecte pas (ou fait mine de ne pas le détecter, le « politiquement correct » étant aussi un signe de glissement autoritaire).

    Pour ce qui est du mouvement libéral-conservateur… je ne sais pas comment on peut être conservateur et libéral à notre époque, avec de tels mouvements démographiques et de telles évolutions techniques que les structures sociales et hiérarchiques ne me semblent pas pouvoir survivre (et d’ailleurs à l’intérieur des entreprises ce sont bien les syndicats qui sont les plus conservateurs).
    Mais je diverge, et ce n’est peut-être pas le sujet de cet article, j’en conviens. Encore que… l’échec des partis traditionnels ne viendrait-ils pas de leur manque de positionnement justement sur les réorganisations sociales qu’on observe dans la société civile à l’insu des institutions et des corps intermédiaires traditionnels, de leur positionnement sur une ligne de clivage traditionnelle qui ne serait plus pertinente, donnant l’impression d’une déconnexion profonde avec la réalité ?

    • Je crois, au contraire, qu’il n’est pas difficile de nos jours d’être « libéral-conservateur », surtout dans des contrées encore relativement riches comme la Bavière.
      Libéral, donc préoccupé par la liberté – individuelle, d’entreprendre, etc – et aussi conservateur, donc soucieux pour la préservation d’un modèle social qui a fait ses preuves et auquel on se sent encore attaché.
      Les partis qu’on pourrait qualifier d' »extrémistes » (sur notre échelle bien française et bien-pensante) n’ont pas été au top lors de ces élections, preuve que des électeurs bien portants ne sont pas trop attirés par des discours de haine. Les Verts allemands sont bien moins agressifs aujourd’hui qu’hier et certainement moins que nombre de leurs homologues, la preuve étant justement leurs hauts niveaux lors des dernières élections. Ils sont devenus un parti respectable, plus que le SPD, c’est dire 🙂
      Je crois que nous avons trop pris l’habitude en France d’associer le terme « libéral » à Macron et autres immatures qui ne pensent qu’à la transgression permanente sur tous les sujets sociétaux, en oubliant complètement que ce terme n’a pas, d’un point de vue politique, cette connotation-là.

  • je ne vois pas où l’AfD a fait un flop, ni au bundestag en 2017 (ils ont quasi triplé leurs voix et gagné 92 députés) ni lors de cette élection en Bavière, où ils passent de 0 à 10% dans un contexte où FW et le FDP leur faisaient concurrence en tant que vote d’opposition de droite.

  • « …il convient de regarder d’un peu plus près les chiffres… »

    Les chiffres ne sont pas forcément ce que pensent les électeurs.
    Je suis sûr que la majorité espère que le système actuel fonctionne encore quelque temps, le temps d’atteindre la retraite et quitter le pays …

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