De quoi les fake news sont-elles le nom ?

Les fake news seraient la nouvelle menace d’une presse en croisade contre les fabricants de mensonges. Mais voilà, le fait est que nous sommes tous devenus médias.

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De quoi les fake news sont-elles le nom ?

Publié le 25 août 2018
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Par Farid Gueham.
Un article de Trop Libre

Le 10 décembre 2016, à peu près un mois après son élection, Donald Trump a utilisé pour la première fois le terme de « fake new » dans un de ses tweets si célèbres. Quelques mois plus tard, en octobre 2017, il s’est glorifié, dans une interview sur Fox News, d’avoir vraiment démarré « tout ce truc autour des fake news ».

Dans sa contribution pour le 200eme numéro de la revue Le Débat, Nicolas Vanbremeersch, directeur de l’agence SpinTank s’interroge sur notre engouement pour un concept fraîchement fabriqué, tantôt érigé en symbole, en combat et en menace : les fake news. Pour l’auteur, plutôt que de s’évertuer à creuser et nourrir le sujet des fake news et de l’ère de la post-vérité, il semblerait plus utile de comprendre en quoi, au-delà du trouble informationnel, le sujet serait en fait révélateur d’un malaise de l’ensemble des acteurs publics.

Les fake news : un concept trop bien venu

Le prêt-à-penser serait donc confortable, pour de nombreuses parties. Et ceux qui crient aux fake news sont les mêmes qui s’affranchissent d’une analyse de fond des transformations qui affectent notre rapport à l’information. Nicolas Vanbremeersch précise :

La vérité est que la rapidité de ces transformations, leur complexité, donnent le vertige et poussent à des concepts simplificateurs. L’idée de fake news, à savoir d’une fabrication maligne de fausses informations, d’un ennemi identifié, est utile à de nombreuses parties prenantes de cet espace public.

Le sujet arrangerait même les journalistes, construisant au fil de leur plaidoyer pro domo, cet ennemi symbolique.

Les fake news seraient donc la nouvelle menace d’une presse en croisade contre les fabricants de mensonges. Mais voilà, le fait est que nous sommes tous devenus médias, « à défaut de devenir journaliste, et que cette médiation n’est plus le fait de professionnels ». La vérité n’est pas le fondement de nos échanges sociaux, et elle ne doit pas l’être, rappelle l’auteur.

Un parti de la vérité contre le peuple ?

Le concept de fake news arrange également les partis politiques, ceux de l’establishment  ou d’une certaine modération. À désigner les fake news comme l’ennemi, ils croient pouvoir, là encore, mettre une ligne de partage claire entre des politiques détenteurs de rationalité et d’autres qui se placent du côté du relativisme.

Pour Nicolas Vanbremeersch, cette posture est exactement celle attendue par Trump et ses présumés soutiens russes.

Une dualité simple, voire simpliste, largement exploitée par les partis populistes comme le Front National ou le Mouvement Cinq Étoiles, qui s’opposent volontiers aux « partis de l’élite ».

C’est ce combat d’imaginaires, ce combat symbolique qui se cache derrière les fake news.

Dans la construction de ces imaginaires, internet et les plateformes jouent le rôle d’accélérateurs, fruits d’une alliance objective entre les médias et les pouvoirs.

La plateformisation coupable

La plateforme : voilà l’acteur, mis en question dans les fake news, et celui qui aura le plus transformé l’espace public dans les années récentes. Le récit sur la falsification et la manipulation (comme si elles n’avaient jamais existé) les mets directement en cause, et Facebook en particulier.

Il y a encore dix ans de cela, les médias s’efforçaient d’exister au milieu d’un web divisé en trois sphères distinctes : celle de l’information, de la sociabilité et de la connaissance. Sans imposer son idéologie par sa position de force, Google a su tirer parti de la diversité de cet environnement et des individus. « Son algorithme cherchait à comprendre et à s’adapter à la forme du réseau plus qu’à le conduire (avec certaines limites évidemment) ». Facebook et twitter ont radicalement changé la donne.

Lorsque le web, et twitter pendant quelques années, offraient un espace public où les forces en présence et l’organisation des acteurs étaient encore lisibles, Facebook a adopté une illisibilité totale « sur fond de règne de la publicité donnant la priorité à la circulation des contenus, quel que soit leur auteur », précise Nicolas Vanbremeersch. Et la crise des fake news a d’ailleurs violemment touché l’entreprise qui avait le pouvoir de faire remonter ou descendre une actualité de son flux. Malgré le scandale Cambridge Analytica, la culpabilité et la responsabilité restent somme toute relatives, et l’entreprise, peu disposée à revenir sur les fondements de son organisation.

Où cet espace public nous emmène-il ?

Notre lecture de l’information est brouillée, principalement pour trois raisons : la confusion entre l’espace public et l’espace social, le manque de lisibilité d’une topographie de l’espace public, et enfin la facilité d’agir sur les algorithmes pour faire émerger du contenu.

Peu probable que l’espace public reste figé dans un fantasme « habermassien » où des titres et des fonctions, ou même encore l’élévation de la langue, soient nécessaires pour prendre la parole et être entendu. Mais il ne faut pas laisser aux seuls militants la mission d’investir les réseaux sociaux, de les alimenter et d’y collaborer sous le regard au mieux indifférent, au pire méprisant, des élites politiques.

Rétablir une frontière entre l’espace privé et l’espace social est une urgence, elle passera peut-être par des réseaux davantage privés et confidentiels que Facebook, dont on peut gager que la popularité diminuera au fil des scandales et des manipulations. Quant à l’incertitude et le chaos de notre expérience du web, nous devons les accepter, sans pour autant nous résigner, avec la conviction que nous sommes tous les émetteurs et les relais de l’information. Nicolas Vanbremeersch conclut :

Cessons de vilipender les marchands de faux pour nous penser tous comme acteurs, médias, producteurs d’information, et pour envisager sérieusement les sujets de l’éducation et des savoirs portés sur ce réseau.

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  • Je ne suis pas sur Fesse-Bouc.
    Alors tous les jours, je descends dans la rue et j’explique aux passants :
    > ce que j’ai mangé, comment je me sens, ce que j’ai fait la veille, ce que je suis en train de faire, ce que je vais faire demain, je leur donne des photos, de mes enfants, du chien que j’ai déjà eu, de moi en train de laver ma voiture…
    J’écoute aussi les conversations des gens et je leur dis « j’aime ! »
    Et ça marche !… Actuellement j’ai déjà 4 personnes qui me suivent : 2 policiers, 1 psychiatre et 1 psychologue !

  • « ….Rétablir une frontière entre l’espace privé et l’espace social est une urgence… »
    Les démonstrations par l’absurde, comme ci dessus, sont d’une redoutable efficacité.
    Curieusement peu de gens y sont réceptifs. De même peut de gens distingue une Tautologie, d’une FakeNews totalement invraisemblable,
    C’était déjà comme ça avant, mais la rapidité du Net et du numérique nous le révèle.

  • Quoi d’neuf, Docteur ?

     » C’est d’abord rumeur légère,
    Un petit vent rasant la terre.
    Puis doucement,
    Vous voyez calomnie
    Se dresser, s’enfler, s’enfler en grandissant.
    Fiez-vous à la maligne envie,
    Ses traits dressés adroitement,
    Piano, piano, piano, piano,
    Piano, par un léger murmure,
    D’absurdes fictions
    Font plus d’une blessure
    Et portent dans les cœurs
    Le feu, le feu de leurs poisons.
    Le mal est fait, il chemine, il s’avance ;
    De bouche en bouche il est porté
    Puis riforzando il s’élance ;
    C’est un prodige, en vérité.
    Mais enfin rien ne l’arrête,
    C’est la foudre, la tempête.
    Mais enfin rien ne l’arrête,
    C’est la foudre, la tempête.
    Un crescendo public, un vacarme infernal
    Un vacarme infernal
    Elle s’élance, tourbillonne,
    Étend son vol, éclate et tonne,
    Et de haine aussitôt un chorus général,
    De la proscription a donné le signal
    Et l’on voit le pauvre diable,
    Menacé comme un coupable,
    Sous cette arme redoutable
    Tomber, tomber terrassé.  »

    Beaumarchais, le Barbier de Séville, 1775

  • les fakes news ne sont pas des fausses nouvelles mais des nouvelles fausses émises par des médias de l’axe du mal…

    france 2 se trompe parfois.. curieusement toujours dans le même sens..penchant vers le vers et vers la défense de l’etat.. mais il ne s’agit évidemment pas de fausses nouvelles ..

    • vers le vert..là oui..

      • @ jacques lemiere
        Cela a toujours existé, y compris du temps de la presse papier où déjà le papier se laissait écrire.
        La radio n’a rien corrigé, la télé non plus! Internet ouvre encore le « micro » à tout « innocent » qui déverse son mal-être sur la toile avec ou sans coupable désigné!
        Lire tout cela n’est qu’une perte de temps, sauf pour un sociologue en recherche inutile.
        Et ce n’est vraiment pas mon cas!

        • oui…mais pas les lois contre les fakes news ni la notion de fake news …les médias sont rarement neutres..mais nous sommes arrivés à un moment où certains n’ont m^me pas le recul nécessaire pour se rendre compte qu’ils ne sont pas plus honnêtes que leur opposants..
          la fake new est dans l’arsenal des défenseurs autoproclamés du bien. le double stantard est devenu la norme.

  • fake ne veut pas dire faux mais falsifié.

    Et le meilleur spécialiste dans ce domaine c’est tout de même bien l’Etat et ses complices, depuis des lustres.

    Je sens venir un Ministère de la Vérité qui va nous régenter tout ça.

  • Et si on faisait le tour des fake news des media mainstream?
    Les OGM, le Glyphosate, les pesticides, le bio, les énergies renouvelables, le réchauffement anthropique, le nucléaire, Trump, etc…
    Cela fait déjà beaucoup de sujets où ils désinforment et mentent honteusement.

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