Macron, les réformes, et le déclin de notre industrie

Grand nombre d’économistes, même parmi ceux qui ont l’écoute des cercles dirigeants, minimisent par trop ce que coûte réellement au pays le déclin brutal de notre secteur industriel.

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Macron, les réformes, et le déclin de notre industrie

Publié le 16 juin 2018
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Par Claude Sicard.
Un article d’Entrepreneur pour la France

Toute la problématique de notre jeune président est là ! Emmanuel Macron a entrepris de réformer la France, mais la tâche est gigantesque, et les Français commencent à rechigner. La France est un pays où la liste des « avantages acquis » par les différentes catégories sociales qui constituent la société est infinie.

Les luttes sociales qu’a connues le pays ont fourni aux uns et aux autres une somme impressionnante de privilèges, soit matériels soit immatériels, qui représentent aujourd’hui un coût exorbitant pour la nation au regard de la richesse que la machine économique du pays est en mesure de produire.

En conséquence, l’État en est venu à exercer sur la population et sur l’appareil de production une pression fiscale énorme, et il se trouve de surcroît contraint de s’endetter de plus en plus, chaque année. Les Français qui ont, on le sait, une culture économique très insuffisante, s’imaginent que notre économie est bien plus puissante qu’elle ne l’est en réalité, d’autant qu’ils n’ont pas encore réalisé, car on ne le leur a pas dit, que l’un des trois piliers de notre économie, que les économistes nomment le « secteur secondaire » a complètement fléchi avec l’entrée de notre pays dans la mondialisation.

De trop nombreux privilèges

Telle est donc la situation : des Français qui bénéficient, les uns et les autres, de trop nombreux privilèges, face à une machine économique devenue incapable de leur procurer les moyens de les satisfaire vraiment.

Déjà, en 1982, on s’en souvient, le journaliste François de Closets avait entrepris d’informer ses concitoyens, publiant un ouvrage intitulé Toujours plus où il dénonçait la forte propension des Français « à réclamer toujours plus de droits, plus d’avantages, plus de loisirs, plus de garanties ….. », sans voir réellement ce que l’état de l’économie de leur pays est en mesure de leur procurer. Malgré le succès considérable qu’eut cet ouvrage (850 000 exemplaires vendus), cet appel à la sagesse n’a guère été entendu.

François de Closets a réitéré ses avertissements, en 2006, en publiant un second ouvrage, intitulé Plus encore, dans lequel il a à nouveau déploré l’inconséquence de ses concitoyens, disant que, finalement, nous allons laisser à nos enfants « une France défaite ». Parmi bien d’autres, mais trop tardivement, Pierre Yves Cossé, un haut fonctionnaire qui a été Commissaire au Plan de 1988 à 1992, dans une chronique récente sur le site telos, a lancé à son tour un avertissement  :

La France vit au dessus de ses moyens : l’indifférence domine, et l’opinion comme les médias ne s’en préoccupent guère. Le Président ne veut pas dramatiser, et ce silence est source d’incompréhension.

Les Français campent sur les privilèges dont chacun, dans sa catégorie sociale, est parvenu à se doter, et ils continuent à réclamer, indéfiniment, plus encore, comme le leur a reproché de le faire aveuglément François de Closets.

Le problème des dépenses de santé

Ils réclament, à présent, davantage d’infirmières, davantage de policiers, davantage d’enseignants, davantage de juges, davantage de gardiens dans les prisons, davantage de soignants pour s’occuper des personnes âgées, etc.

Nos dépenses de santé sont supérieures à ce que le niveau de richesse du pays autoriserait, l’âge de départ à la retraite des salariés est plus précoce que dans les autres pays et les caisses de retraite sont en déficit, la durée annuelle du travail est inférieure à ce qu’elle est chez tous nos voisins, etc.

Autre constatation très révélatrice : le taux d’activité de la population est plus faible, dans notre pays, que partout ailleurs : 43,6 % en France, contre 47,7 %, en moyenne, dans l’UE, et 53,3 % aux Pays Bas, par exemple : il s’agit de la proportion de personnes qui travaillent par rapport à la population totale du pays.

Réformer la France est donc une tâche extrêmement ardue, tant les esprits sont peu préparés à la nécessité de réaligner les statuts des uns et des autres sur la capacité qu’a la machine économique de faire face au coût que représente l’addition de tous ces privilèges. Et le calcul de ces coûts est d’autant plus difficile à faire qu’il s’agit souvent de coûts cachés.

Une situation préoccupante

Pour ce qui est de notre machine économique, la situation est plus préoccupante que les pouvoirs publics le disent. Les économistes s’accordent pour considérer que tous les clignotants sont au rouge : un chômage qui se maintient indéfiniment à un taux anormalement élevé, une balance commerciale chaque année fortement déficitaire, une dette qui atteint maintenant des sommets… et un PIB qui progresse moins vite, en moyenne, que celui des pays de l’UE.

Notre PIB per capita, comme les statistiques de la BIRD ou de l’OCDE l’indiquent, n’est pas un des plus élevés d’Europe, la France étant, en cette matière, sensiblement en dixième position seulement. La Suède, par exemple, a un PIB par tête supérieur au nôtre de 40 %, le Danemark également, l’Irlande nous surpasse de 74 %, et la Suisse de plus de 100 %.

La situation est d’autant plus préoccupante que grand nombre d’économistes, même parmi ceux qui ont l’écoute des cercles dirigeants, minimisent par trop ce que coûte réellement au pays le déclin brutal de notre secteur industriel. Cette information qu’il faudrait donner à la nation est pourtant capitale.

Pour estimer ce qu’il nous en coûte d’avoir perdu la moitié de notre secteur industriel en une quarantaine d’années, on peut s’en rapporter à la relation statistique qui existe entre la production industrielle par tête, dans différents pays, et le PIB/tête des habitants. Il existe en effet une très forte corrélation, qui a un coefficient de confiance très élevé (0,93).

La France se situe à un niveau de production industrielle de 4 500 $/tête, alors que l’Allemagne en est à 7 700, la Suède à 8 100, la Finlande à 8 900, et la Suisse à 12 400. Au bas de l’échelle se trouvent le Brésil, avec une production de 1 700 $/tête, et la Chine avec 1 500 $.

La courbe qui illustre cette corrélation indique que si notre pays avait sensiblement le même ratio de production industrielle que notre voisin allemand, le PIB/tête des Français se situerait à 44 000 $, ce qui signifie un PIB se montant à 2 950 Md$. Or, nous n’en sommes, actuellement, qu’à 2 520 Md$. On voit donc que cette amputation catastrophique de notre secteur industriel coûte à la nation 430 Md$ chaque année.

Faute de disposer donc des ressources fiscales que procureraient à l’État les 430 milliards de valeur ajoutée dont se trouve à présent indûment amputé notre PIB, l’État est contraint d’exercer sur l’économie une pression fiscale de plus en plus forte. Et, de surcroît, il s’endette, chaque année, davantage.

La France est ainsi devenue le pays, en Europe, où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés, atteignant maintenant 47,6 % du PIB, alors que la moyenne dans l’UE est à 39,4%. Beaucoup de pays sont bien en dessous : la Suisse en est à 28,2 %, et les États-Unis à 24,3%. Et elle est un des pays qui dans la Zone euro se trouve incapable de respecter la limite de 60 % du PIB fixée par les traités en matière d’endettement.

Le gouvernement va sans doute hésiter à révéler à la population la réalité de la situation, car le prestige international du pays en souffrirait. Mais en laissant les citoyens dans l’ignorance de la situation réelle dans laquelle se trouve notre économie, il lui est extrêmement difficile de leur demander de modérer leurs exigences, d’autant que les syndicats dont la charte d’Amiens de 1906 constitue toujours l’ADN continueront à s’arquebouter sur la défense, quoiqu’il en soit, des « avantages acquis » de leurs adhérents.

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  • Cet article est un bon révélateur du contexte français mais n’aborde pas la question des remèdes, pouvant même laisser entendre qu’une bonne intervention étatique permettrait de relancer le secteur industriel et nous sortir ainsi de l’ornière actuelle. On ne sent pas davantage la corrélation entre la surconsommation de services sociaux (retraite, soins et allocations diverses) et la perte de substance qu’elle a engendré sur l’économie ayant pour conséquence d’ abandonner le secteur industriel, ou non investit dans son adaptation.

    • En réalité c’est l’inverse qui s’est produit. C’est parce que nous avons progressivement abandonné le secteur industriel, c’était un choix politique, que nos gouvernants ont du renforcer progressivement les aides sociales en tout genre. Ce ne sont pas les aides qui sont la cause de notre désindustrialisation.

      • Si, parce que l’argent gaspillé dans les aides n’a pas permis d’investir dans la recherche développement et la modernisation du secteur industriel. La France est un pays peu robotisé comparé à ses concurrents. Résultat, obsolète il a perdu des débouchés à l’exportation, nos produits étant trop chers pour la qualité produite.

        • La R&D c’est une chose. La modernisation du tissu industriel c’en est une autre. Pour differentes raisons, la France a fait le choix de garder ce qu’elle considérait comme noble : la R&D, les services à HVA, les grandes entreprises et les grands chantiers… Et n’a pas hésité à bazarder le reste. On pensait que malgré le petrole qu’on avait pas, nos idées nous sauveraient. Hélas on le comprend aujourd’hui, un bon tissu industriel, notamment de solides PME, est un garant de croissance et un gisement d’emplois.

          • @ Guido Brasletti
            Je me rappelle bien du slogan répété à la radio-télé: « en France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées »
            À mourir de rire!

            • Le slogan était idiot, mais nos ingénieurs ont fait le job, et nous sommes devenus l’un des premiers exportateurs de services pétroliers au monde sans avoir le moindre marché national. Puis les écolos, les taxes et l’UE sont arrivés, sans parler des contre-chocs pétroliers et de la haine des riches et des profits boursiers, et les étrangers ont racheté nos boites à idées tandis que la génération prodigieuse partait à la retraite…

              • Les premiers chômeurs sont arrivés bien avant les écolos et l’UE. Au demeurant, l’Allemagne, pays européen farci d’ecolos s’en tire mieux que nous, question tissu industriel…

      • Ce sont les barrières internes en tous genres qui sont en cause.

      • Tout-à-fait. L’industrie, en France, a une image d’activité dépassée et pas sexy.

  • Oui, oui ….tout le monde est bien d’accord.
    Mais nous, en France, c’est pas pareil que dans les autres pays ….alors, on ne peut pas comparer…

    • @ Valsuzon
      C’est vrai!
      La France refuse d’être commune (bien que ce fut le non d’un de ses régimes)!
      C’est un « Grand Pays » qui n’a aucune leçon à recevoir mais tellement d’autres à livrer à l’Univers, comme Grande Bienfaitrice!

      Donc il est hors de question qu’elle doive se soumettre à la logique commune peu encline à être ainsi traitée.
      Il n’est pas aberrant de penser qu’elle rêve encore d’être une puissante monarchie (avec son « monarque-président ») pour régner sur le monde forcément séduit, ou sur l’Europe des 27, ou au moins, sur la France métropolitaine, Bretagne et Pays Basque inclus et peut-être même, la Corse (trop chère) pendant encore quelques années!

  • très bon article révélateur des problèmes de notre Pays .
    d’un coté de coût exorbitant du social et des avantages acquis.
    de l’autre la mort des entreprises , et celles qui baissent les bras allant voir ailleurs si l’herbe est plus verte, nous sommes le pays le moins compétitif ; grace a ses taxes , ses prélèvements, ses charges, ses 35 h , sont coût salarial , se inégalités flagrantes dans les avantages « aquis » etc..etc.. et Macron fait semblant de guérir un malade grave avec de bonnes paroles (souvent changeantes) et en le gavant d’aspirine !
    notre industrie est morte par manque d’investissement , par refus d’adaptation au marché et la les syndicats peuvent répondre présents, par une inadaptation aux technologies modernes dans certains cas , par fuite des investisseurs grace a notre politique aberrante .

    • Vous avez très exactement mis le doigt sur le problème. On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre! En refusant d’investir dans l’industrie pour dilapider l’argent dans le clientélisme, en taxant pour dissuader les citoyens et les étrangers d’investir en France, notre industrie n’est plus compétitive et ses entreprises ont fait faillite. Ce n’est pas pour rien que les entreprises étrangères délocalisent en Pologne et que nos start-up émigrent aux USA. Il suffit d’écouter BFM entreprise pour le constater. L’ignorance économique crasse des français fait qu’ils sont incapables de comprendre que l’argent n’est pas une manne qu’un Dieu socialiste ferait pleuvoir du ciel, mais que ce sont les ENTREPRISES qui créent les richesses qui servent à les payer et assurer!

      • @ Virgile
        Oui mais non! Là, vous en demandez trop aux fanas de plus belle la vie!!!
        De plus, il est impossible (et tout le monde sait qu’impossible n’est pas français!) que la France soit soumise aux mêmes lois que les autres! Soyons sérieux!
        Les patrons sont les mauvais, les salariés, les bons! Dans tous les cas!
        Et ce que l’URSS n’a pas réussi, la France y arrivera, haut la main!

  • tout le monde croit pouvoir vivre au dépend de tout le monde (F Bastiat).
    L’état n’est pas « contraint » de maintenir une pression fiscale élevée : il ne sait pas penser autrement pour maintenir ses privilèges !

  • Merci à Claude Sicard pour cet article qui est une synthèse de la situation économique catastrophique de notre pays.
    La politique Bonapartiste pratiquée en France depuis des décennies est en totale inadéquation avec le développement de l’initiative privée qui aurait besoin de moins de contraintes et de moins de prélèvements de toutes sortes pour pouvoir se développer et ainsi, créer des richesses et des emplois bien rémunérés.
    Emmanuel Macron n’a fait que prendre le relai d’une politique ultra centraliste d’un pays en pleine paupérisation qui aspire à vivre au dessus de ses moyens. Un pays ou nombreux sont ceux qui s’estiment à l’abri d’avantages ou de privilèges obtenus par un système pervers de corporatisme et de professions à statuts particuliers. Des avantages ou des privilèges qui n’ont rien voir avec l’intérêt général.
    On est bien en face d’un pouvoir politique qui s’est engagé sur une voie d’autoroute mais, à contresens et en accélérant de plus en plus, même en ce temps de limitation de vitesse…

  • Quand vous n’êtes plus maître à bord en tant que patron, l’état vous ayant bousculé et poussé sur le coté, une entreprise ne peur fonctionner à moyen terme. Il faut supprimer les barrières internes, les petites réglementations aux petits oignons, les taxes diverses voire avariées, à ce moment la croissance reviendra pour de bon.

    • Sauf que nos politiciens véreux n’accepterons jamais de se priver de ce système si lucratif pour eux et leur caste!

  • Ce qui se passe dans l’industrie n’a été jusqu’ici l’entrée. Les pme dirigées par des sales riches, sales bourgeois ou tout ce que l’on veut ont été ruinées car étant occupées à payer à l’état plutôt qu’à investir dans des machines, des bureaux d’études. Dans certains métiers des sociétés bien établies et même connues du public qui ont fait la gloire d’un secteur industriel (je le cache volontairement) ont toutes disparues. Aujourd’hui il faut faire avec du made in england, spain, germany, italie etc… Le salarié gaucho qui n’a plus de travail ou postule pour des nouveaux poste à 1350 net n’a toujours pas comprit et en redemande. Hahahaha

  • comment voulez vous que cela change …c’est bien les politiques qui ont mis en place ce système à des fins électoraux …les électeurs c’est leur gagne pain…

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