Plan Borloo : tout, deux fois, avec beaucoup de sauce

Le plan Borloo propose de relancer une solution qui n'a jamais fonctionné et qui provoque déjà des dégâts à l'échelle de tout le pays. Forcément, ça va bien marcher.
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Plan Borloo : tout, deux fois, avec beaucoup de sauce

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 30 avril 2018
- A +

Jean-Louis Borloo est un homme de chiffres. Avec beaucoup de zéros derrière, certes, mais un homme de chiffres tout de même : une nouvelle fois, le voilà solidement positionné sur un grand projet de dépenses gouvernementales plantureuses. L’idée de base est, comme d’habitude, aussi consternante que dispendieuse : et si on claquait une montagne d’argent public pour faire semblant de résoudre un problème ?

Et afin de rendre plus crédible le monceau d’argent qu’il s’agira de cramer en pure perte, on trouvera un sujet d’importance et d’ampleur au moins nationale. Jean-Louis s’est donc empressé de produire un magnifique rapport : le « plan Borloo pour les Banlieues » est né. Comme pour les plans précédents qui se succèdent depuis le premier, en 1977 (ce qui ne nous rajeunit pas), il s’agira de casser les ghettos, de favoriser l’égalité des chances ou de redonner des moyens (les fameux moyens dont il manque toujours plusieurs brouettées, où qu’on aille et où qu’on se trouve) à ces quartiers si défavorisés mais pourtant si présents dans l’actualité.

L’analyse un minimum lucide des éléments de langage et des petites propositions peu originales de Jean-Louis et son équipe ne laisseront évidemment aucun doute : clientélisme politique, planisme bureaucratique digne des heures les plus « Plan Quinquennal » de notre Histoire et, in fine, échec programmé sont au détail d’une facture finale frisant les 48 milliards d’euros aux petits fers (sachons vivre).

Mise à part celle d’une disparition prématurée de 48 milliards d’euros de la poche des contribuables, il n’y a qu’un autre certitude à attendre de ce plan : outre l’évidente esbroufe de cet effet d’annonce, on sait que la situation de ces quartiers « oubliés de la République » ne changera pas d’un iota, ce qui, à 48 milliards d’euros, fait cher l’immobilisme.

Pourtant, il semble bien que, malgré l’injection massive et répétée de fonds publics, l’ambiance dans ces quartiers n’a jamais été aussi peu festive ni citoyenne.

Ici, je pourrais assez peu subtilement revenir sur les petites péripéties rigolotes de certains quartiers de Marseille qui sont en proie à des petits débordements miliciens d’autochtones armés. Il me suffirait de replacer ce petit billet qui narrait les péripéties de Manuel Valls dans la cité phocéenne, où il s’était rendu avec la ferme intention de parler des chiffres de la délinquance ; le politicien s’était retrouvé à pérorer sur les performances de la police et de la justice alors qu’à quelques centaines de mètres de là, la faune locale d’une cité pudiquement dite « sensible » se trémoussait au son des kalachnikovs. Le patron de la sécurité publique, Pierre-Marie Bourniquel, s’était même retrouvé sous les rafales alors qu’il se rendait sur place. Moyennement cocasse, mais totalement illustratif du niveau assez phénoménal de branquignolitude de nos gouvernants.

Notons au passage que, depuis et conformément à ce que j’écrivais plus haut, la situation n’a pas évolué d’un pouce : les fusillades se suivent et se ressemblent, aboutissant parfois à quelques procès médiatiques dont on sait qu’ils ne mettront au frais qu’une poignée de spécimens pendant que le reste continuera, à qui mieux-mieux, de régler ses comptes en place publique.

Je pourrais de même et sans me forcer rappeler quelques autres billets ou je revenais sur le beau respect de nos lois républicaines qui interdisent scrupuleusement le port d’arme dans ce beau pays calme et sans lequel, il y aurait plusieurs fusillades par semaine comme aux Zétazunis où tout le monde sait que ce sont tous des cow-boys fous, là-bas, m’ame Michu.

Ou je pourrais encore m’attarder sur la récente flambée de festivités de Bagnolet qui finit par faire parler d’elle. Il faut dire qu’après trois semaines de voitures brûlées, de blessés par balles sur fond d’émeutes dans une zone devenue impénétrable aux services de l’ordre, il devenait difficile de cacher que deux des quartiers de cette ville de Seine-Saint-Denis étaient en proie à une petite guerre de gangs.

Étonnamment, interrogés par l’une ou l’autre équipe de courageux journalistes tentant un safari sauvage en banlieue parisienne, les habitants de ces quartiers parviennent à la même conclusion que tant d’autres, avant eux et autour d’eux :

Ça fait des années qu’on attend la sécurité et ça ne bouge pas

Sapristi ! On nous avait pourtant dit qu’il y avait eu moult Plans Banlieue qui, tous, contenaient d’épais volets sur la sécurité ! Que n’ont-ils été appliqués ? Nous aurait-on raconté des carabistouilles ? Et si oui, où sont passés les milliards ?

Le constat est amer : cela fait des décennies (et quelques uns de mes billets plus anciens l’attestent facilement) que ce problème n’est absolument pas géré. Oui, vous avez bien lu : il ne s’agit pas de dire que les plans précédents ont échoué, ni que les moyens n’ont pas été mis ni même que les politiques menées ne furent pas les bonnes, mal ciblées ou mal exécutées. Il s’agit plutôt d’expliquer que ces quartiers n’ont jamais été l’objet du moindre égard aux préoccupations réelles des habitants.

Oh, certes, il y a bel et bien eu des tomberaux de pognon public qui ont été déversés dans des brochettes d’associations lucratives sans but chargées de redistribuer les emplois inutiles, des subventions dodues et des palanquées d’équipements divers et variés. Combien de salles multimédias, de bibliothèques interactives, de terrains de foot ou de baskets furent construits, rénovés, re-construits, re-rénovés, repeints, re-repeints et re-re-rénovés avec ces dizaines de milliards ? Combien d’emplois idiots au contenu vide, à l’impact nul et aux débouchés inexistants ont été distribués ainsi ? Même la Cour des comptes sera bien incapable d’en connaître le nombre précis, mais il doit être assez croquignolet.

La réalité est que ces monceaux d’argent ont été dépensés pour une unique raison : acheter une relative tranquillité sociale, un calme politiquement vendable et l’éventuelle orientation des suffrages une fois de temps en temps. Toute sécurité ou même vague efficacité des politiques n’ont jamais été l’objet de ces épandages massifs.

Et d’épandage massif en aspersion vigoureuse, on a créé au fil des générations de véritables enclaves que certains, Jean-Louis en tête, semblent découvrir les yeux exorbités devant l’ampleur des dégâts : zones de non-droit où l’ambiance autorise le jet d’objets divers sur les impudentes forces de l’ordre en goguette, les habitants y vivent de façon quasi-autarcique en se reposant sur l’économie toxique du trafic de drogue et d’armes.

Et pendant que tout le monde regarde, effaré, la situation se dégrader à grande vitesse dans ces banlieues « abandonnées de la République », on constate le même délitement, à grande échelle, sur tout le reste du pays. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le pays s’enfonce à présent lui aussi dans les délices de l’épandage subventionné et la distribution de cathéter pour l’injection directe d’argent public en intraveineuse.

Son ambiance globale est largement détériorée par des années de ponctions sans bride, la reproduction vigoureuse de plans Vigipirate tabassant essentiellement du conducteur de Doblo à 92km/h sur une départementale bien droite, la multiplication d’acquis sociaux indéboulonnables et pernicieux ou la disparition progressive de toute responsabilité personnelle au profit d’un collectif de plus en plus étouffant, tout ceci favorisant les expressions les plus agressives de l’égocentrisme le plus crasse.

Il n’y a aucun doute à avoir : le plan Borloo est une nouvelle fumisterie jetée en pâture pour occuper la presse. Nos banlieues et leurs habitants continueront de souffrir et tout indique que la cause des maux dont ils souffrent sera consciencieusement reproduite à l’échelle du pays tout entier.

Dès lors, ce pays est foutu.
—-
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  • On ne peut qu’approuver ce texte, mais le combat est perdu d’avance. Les vieux singes tels JL Borloo répétant à l’envi que seul le déversement de « pognon » dans les cratères perdus de la « République » résoudra tous les problèmes d’intégration, de délinquance , d’insertion, de chômage, du « bon vivre ensemble et contre tous ». Vieille ganache éculée(moins vieux que moi, mais nettement plus ganache) cet homme est un prestidigitateur, que dis-je ! un magicien dont les numéros ne sont que la démonstration que le talent n’est pas le pendant forcément de l’argent. Quant à l’électrification de l’Afrique, il en est où Borloo après avoir cramé beaucoup d’argent sand grand talent ?

  • encore un expert ..pour chaque probléme. ..le nouveau job du 21 ème siècle. ..

  • je confirme 92 kmh sur doblo, c’est possible !

  • Il ne sert à rien de repeindre les murs. Il faut commencer par faire reculer la secte musulmane qui envahit les esprits dans les banlieues.

    • Vous avez raison, j’ai connu un musulman dans la banlieue de Lyon qui s’occupait de l’insertion des jeunes qui savent pas faire grande chose comme travail, et qui me disait que l’Islam a la solution à tout. Et après on se demande comment est que certains jeunes se radicalisent.

  • Petits fers … et donc gros oignon … pour l’avoir…

    CPEF 🙁

  • Faut pas s’ inquiéter pour le port d’ arme en France, il suffit d’ être chasseur ou d’ être licencié à la fédération de tir sportif. Allons allons mon vieux., c’ est pas comme aux Zétasuni…mais presque. D’ ailleurs parait-il que de plus en plus de gens s’ adonne au tir . et le permis de chasse coûtera deux fois moins cher cette année, merci Manu, de quoi s’ offrir un second fusil et une centaine de cartouches Saturnin chez Decathlon . Il est où Hulot? Comme quoi ça craint…grave.

  • c’est fou de penser que depenser du Fric cela va arranger le où les problemes de banlieue…mais pour réduire la dépense du budget. ..là. .l’incompétence règne. ..bientot les futures élections arrivent ..ils ont besoins d’electeurs. ..

  • eh oui…l’etat oublie que’un de ses rôles premiers est d’assurer le respect de la loi et la paix.. Plus que la pauvreté c’est le problème des banlieues.. c’est aussi sans doute une des CAUSES de la pauvreté des banlieues…
    Le plus terrible est que ce plan peut être vu comme la preuve que les banlieues sont victimes ( on ne sait pas de quoi), et que la merde qui y règne est la conséquences de ce crime…
    en pratique..si il y a la merde on reçoit du fric…c’est une incitation à rester dans la merde.

  • a Jacques lemiere bonjour ,l’ordre à été à une époque de ne pas intervenir en banlieue pour ne pas créer des émeutes. .mais le vrai probléme ceux qui réussisse dans les banlieues fuient pour ne pas être confondu comme des racailles …manque de courage politique ceux qui respectent les règles du pays ,travail ect. ..ne me dérange pas .par contre ceux qui contourne les lois et sont des délinquants dehors..c’est simple à mettre en application…encore faut-il que nos politique tout bord confondu le mettre en pratique …je suis naïf. ..et puis c’est tellement électoral cela n’est pas prêt de changer …

    • le cas des banlieues est similaire à la situation de beaucoup de « descendants d’esclaves  » américains..victime , bénéfice..revendications victimaires, plus de bénéficies etc … le cycle infernal pouvant être brisés seulement par la responsabilisation.

  • Comme presque toujours (je fais une petite exception pour les billets d’H16 relatifs à l’environnement), une analyse dramatiquement pertinente (et brillante sur sa forme) de la situation des banlieues et plus généralement de notre pays.
    Pourquoi cependant ne pas désigner Le responsable de cette décadence, de ce naufrage terrible ?
    Pourquoi ne pas pointer le Mal qui nous ronge ? Celui qu’il faut combattre bec et ongles dans une lutte de tous les instants, en rassemblant toutes nos forces (ce que nous ne savons pas faire). Celui auquel il faut reprendre tous les pouvoirs politiques (au sens large) qu’il a subtilisé à son intérêt exclusif, dans une sorte de plan Marshall pour la dignité humaine et la Liberté.
    Pourquoi ne pas dénoncer l’empire du Bien, l’idéologie socialisante, qui gangrène notre pays ?

  • « tout, deux fois, avec beaucoup de sauce »
    Tiré d’une réplique de Papa TALON au restaurant, dans un des albums de son fils Achille, votre titre est judicieusement choisi, et on imagine très bien Borloo en lieu et place de Papa TALON !

  • Je me suis régalé à la lecture de cet article au titre si bien choisi et si évocateur. Oui un pur régal!! Borloo ce tartuffe qui jette les milliards d’€ avec une frénésie joyeuse en sachant que tout cela est en pure perte. Le seul plan intelligent qui vaille est dans un investissement durable: le retour au pays pour toutes ces populations qui jamais, je le dis jamais, ne s’intègreront. Prétendre le contraire c’est se mentir et mentir aux autres. Vous pourrez passer les budgets des Zetazunis (écrit comme ça, il va falloir que je m’en souvienne)et de la Chine réunis que cela ne suffira pas pas. Parce que ces populations venues du Maghreb et d’Afrique , si elles étaient si compétentes, si douées pour apprendre,travailler, innover, créer cela se saurait, cela se verrait, déjà dans leur pays. Et cela ne se voit pas, malgrè là aussi les Mds d’€ qui ont été déversés depuis 50 ans. L’Afrique le continent qui a reçu le plus de subventions. A côté l’Asie avance se développe et nous taille des croupières.

    • @Liberte5
      Bonsoir,
      « si elles étaient si compétentes, si douées pour apprendre,travailler, innover, créer cela se saurait, cela se verrait, déjà dans leur pays. »
      Mais alors pourquoi en laisser entrer autant si « on » sait que ces populations ne sont pas des « chances » pour leurs pays de provenance ?
      Bizarrement leurs « vraies chances », font comme les vraies nôtres : elles s’exilent pour les Etats-Unis. A part l’assistanat, la France n’a pas grand-chose à ofrir, et ne fait pas (voire plus du tout) rêver.

  • C’est à moi qu’on aurait dû demander un rapport parce que j’ai une excellente solution:
    Ouvrir un bagne sur l’île française déserte Clipperton!
    Cerise sur le gâteau, cela nous donnerait une zone exclusive de pêche de 200 milles nautiques de rayon qui nous rapporterait autant que ce que nous coûte le projet Bordello Borloo.

    • Clipperton – Superficie 6 km2

      • et encore… ». La superficie des terres émergées n’est que de 1,7 km2″
        « Depuis l’adoption en 1982 de la Convention internationale sur le droit de la mer, l’îlot confère à la France le droit de contrôler et d’exploiter tout autour de l’île une zone économique exclusive (ZEE) de 435 612 km2 (c’est-à-dire, sensiblement, un cercle de 200 milles nautiques de rayon) »
        (source wikipedia, dont je recommande la lecture pour ceux que cet atoll interesse}

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