Retraites : l’évolution démographique sonne le glas de l’État-providence

En matière de protection sociale, les États-Unis courent à la catastrophe, tout comme certains pays européens. Mais une véritable réforme reste possible si l’État n’est pas trop gourmand.

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Retraites : l’évolution démographique sonne le glas de l’État-providence

Publié le 13 novembre 2017
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Par Daniel J. Mitchell, depuis les États-Unis.

Faisons une expérience de pensée : vous êtes dans un univers parallèle et observez le Titanic. Dans ce monde imaginaire, vous disposez de toutes sortes de radars sophistiqués qui vous permettent de détecter les icebergs avec beaucoup de précision à l’avance. De plus, vous détectez un danger et avertissez le capitaine et ses officiers. Que ressentiriez-vous s’ils décidaient d’ignorer vos avertissements et continuaient leur route vers le désastre ? Vous vous arracheriez probablement les cheveux de frustration.

Eh bien c’est une assez bonne description de ce que je ressens face à la crise budgétaire facile à prévoir, visible à l’œil nu, couru d’avance et inéluctable qui se produira en raison de l’évolution démographique et des programmes de prestations sociales mal conçus.

La fin de l’État-providence ?

C’est ce qui va se passer aux États-Unis. C’est ce qui va se passer en Europe et en Asie. C’est un problème mondial.

Pour le dire simplement, les États-providence ont été créés lorsque tout le monde supposait qu’il y aurait toujours une même « pyramide des âges », c’est-à-dire relativement peu de personnes âgées (qui perçoivent beaucoup d’argent des programmes de retraite et de santé) au sommet, beaucoup de personnes actives (également appelées contribuables) au milieu et beaucoup d’enfants (les futurs contribuables) dans le bas. Dans une telle configuration, un État-providence de taille modeste n’est certainement pas une bonne idée, mais au moins reste viable mathématiquement.

En revanche, aujourd’hui, un État-providence conçu ainsi est un problème parce que nous vivons plus longtemps et que nous avons moins d’enfants. Et à l’avenir, ce type d’État-providence est la recette d’une crise budgétaire à la grecque, car les tendances démographiques seront encore moins favorables. Pour être franc, il n’y aura pas assez de personnes pour jouer le rôle de locomotive par rapport à la masse de celles qui se trouveront dans les wagons.

Un changement de la pyramide des âges

Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, voici quelques données supplémentaires sur ce problème mondial. Nous allons commencer par examiner comment la pyramide des âges se transforme en cylindre. La croissance de la cohorte des plus de 65 ans est le facteur clé à noter.

Et voici une façon différente d’examiner les mêmes données, mais qui s’étend jusqu’à 2100. Je n’ai pas ajouté de ligne rouge à 65 ans, mais il est facile de voir que le nombre de personnes âgées augmentera considérablement sans qu’il y ait une augmentation concomitante du nombre de personnes en âge de travailler censées payer les impôts pour financer les retraites et les soins de santé.

Qu’est-ce que ça signifie ? Voici un extrait d’un billet de Prospect qui donne à réfléchir :

Le vieillissement de la population des économies avancées et des économies émergentes les plus importantes s’ajoute aux baisses antérieures du taux de natalité, ce qui signifie que la part de la population mondiale en âge de travailler a diminué depuis 2012. Après quatre décennies d’augmentation, la tendance s’est inversée et cette baisse devrait durer tout au long des années 2020, 2030 et 2040. Une main-d’œuvre mondiale à croissance plus lente sera un grand défi pour l’économie mondiale.

« Grand défi » est un euphémisme. Un article de Bloomberg explique les implications de ce changement démographique massif. Notez les données sur le nombre de travailleurs par retraité dans les différents pays.

L’augmentation des taux de dépendance (c’est-à-dire le ratio entre travailleurs salariés et retraités) fournit une mesure utile. En 1970, aux États-Unis, il y avait 5,3 travailleurs pour chaque retraité. En 2010, ce nombre était tombé à 4,5, et il devrait chuter à 2,6 d’ici 2050. En Allemagne, le nombre de travailleurs par retraité diminuera à 1,6 en 2050, alors qu’il était à 4,1 en 1970. Pour le Japon, la société la plus vieille qui n’ait jamais existé, le ratio passera de 8,5 en 1970 à 1,2 en 2050. Même si les engagements de dépenses augmentent, cela signifie qu’il y aura de moins en moins d’adultes productifs pour les financer.

Le problème de fond est qu’il y a un énorme passif non capitalisé.

Arnaud Mares de Morgan Stanley a analysé la solvabilité nationale, c’est-à-dire la différence entre les recettes publiques actuelles et futures, d’une part, et les niveaux d’endettement existants et les engagements futurs, d’autre part. L’étude a révélé que, selon cette mesure, la valeur nette des États-Unis était négative de 800% de son PIB, c’est-à-dire que ses recettes fiscales futures étaient inférieures à ses engagements d’un montant équivalant à huit fois la valeur de tous les biens et services produits par les États-Unis au cours d’une année. La valeur nette des déficits de solvabilité des pays européens variait d’environ 250% (Italie) à 1 800% (Grèce). Pour l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, les chiffres approximatifs étaient respectivement de 500%, 600% et 1 000% du PIB.

Eh bien, il est déprimant de constater que les perspectives à long terme des États-Unis soient pires que celles de certains des plus tristement célèbres États-providence d’Europe. Je suppose que nous ne devrions pas être totalement surpris, car j’ai déjà partagé des prévisions tout aussi sombres du FMI, de la BRI et de l’OCDE.

Une réforme est encore possible

Toutefois, malgré certaines de ces prévisions, je pense que l’Amérique est en meilleure forme que ces autres pays. Si nous adoptons au plus tôt une véritable réforme des prestations sociales, les chiffres de long terme s’amélioreront de façon spectaculaire parce que les dépenses et la dette ne devraient pas augmenter de manière aussi importante (tandis que l’État constitue déjà un énorme fardeau en Europe).

Ce n’est pas une théorie oiseuse. Les décideurs politiques n’ont pas beaucoup de contrôle sur la démographie, mais ils peuvent réduire l’impact budgétaire des évolutions démographiques en adoptant de meilleures politiques. Pour citer les exemples les plus marquants, des pays comme Hong Kong et Singapour ont des habitants ayant une très longue durée de vie et des taux de natalité très bas, mais leurs finances publiques ne subissent pas autant de pressions à long terme parce qu’ils n’ont jamais commis l’erreur de créer un État-providence de type occidental.

Par conséquent, la solution est que l’Amérique et d’autres pays copient ces juridictions prospères en remplaçant leurs régimes de prestations sociales fondés sur l’imposition et les revenus de transfert par des systèmes fondés sur l’épargne privée.


Sur le web. Traduction : Raphaël Marfaux pour Contrepoints.

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  • La légende à la peau dure.
    Mais pourquoi voulez vous que la pyramide des âges mettra en péril les retraites ?
    Ce qui met en péril les retraites est et sera l’interventionnisme d’etat.
    Ce que l’on peut redouter dans le futur est la pénurie de « travailleurs »…..même pas , la robotique et la numérisation de la societe et du travail sera là pour compenser ainsi que l’accroissement du nombre d’inactif.
    En fait , une légende ou un mythe a toujours pour origine quelqu’un voulant en profiter..dans le cas des retraites…les organismes de placements et tous les gestionnaires de fonds de pension ou caisses de retraites.

    • Tout a fait d’accord. Ceux qui lancent des idées ont le plus souvent un intérêt à la faire. La retraite par capitalisation en particulier ne change rien au problème de base qui est de répartir la production entre actifs et inactifs. Et ce problème a pour paramètre clef le rapport entre les nombres d’actifs et d’inactifs. En revanche il est évident que si des fonds de retraite par capitalisation se généralisaient et s’arrachaient les actifs achetables, alors la bonne vieille loi d’offre et de la demande ferait monter fortement les actions et ferait monter également toutes les commissions prises au passage. Les détenteurs actuels d’actions seraient gagnants mais pas ceux qui n’en ont pas encore. Et les gestionnaires de fonds se frotteraient les mains.

    • L’interventionnisme d’Etat, tout à fait. Toutes ces considérations sur la pyramide des âges reposent sur l’idée que les uns ne peuvent vivre qu’aux dépens des autres grâce à des transferts organisés par l’Etat et que la production de richesses se mesure en nombre de personnes en âge de porter des charges lourdes.

  • La solution est simple : plus on vit vieux plus on doit travailler longtemps. Il est faux de croire que les années de vie gagnées sont des années d’incapacité à travailler. Il y a beaucoup de plus de 70 ans qui sont en forme et il pourrait y en avoir encore plus avec une meilleure politique sanitaire (guerre contre le sucre et lutte contre la sédentarité par exemple). En fait le problème n’est pas l’état providence mais le fait que beaucoup de gens considèrent que passer sa vieillesse dans l’oisiveté est un du après une vie de travail. Comment en est on arrivé à avoir pour objectif un état dans lequel on ne sert plus à rien ? Une humanité qui en arrive là va bien mal.

    • Bien des gens pourraient aussi rallonger leur durée de travail par l’autre bout, entre 18 et 28 ans disons, en optimisant leurs études et en entrant plus tôt dans le « monde du travail ».

  • Quelle surprise !!!!
    Dans ce pays de cocagne il faudrait inventer la table démographique … outil indispensable afin de savoir ce qui va se passer dans 10, 20, 30 ou 50 ans
    Il paraîtrait que « gouverner c’est prévoir » cela a échappé aux génies transcendants de l’énarchie régnante

  • « Les décideurs politiques n’ont pas beaucoup de contrôle sur la démographie »
    Oh que si ! La Chine l’a bien fait.
    Mais, chez nous, c’est un outil qu’on n’a jamais voulu utiliser. Il semble qu’on reste encore bloqué sur la politique familiale issue de la reconstruction de l’après-guerre.
    On pourrait commencer par supprimer les allocations familiales. Ou réformer la fiscalité pour la rendre défavorable aux familles nombreuses.
    Mais bon, je prêche dans le désert, tellement tout le monde compte sur la croissance démographique pour régler tous nos problèmes (emplois, retraites, croissance économique, progrès technique…).

    •  » Oh que si ! La Chine l’a bien fait.  »

      Et à quel prix? La Chine va manquer cruellement de filles pour le renouvellement des générations due à des avortements forcés par les pères parce qu’un garçon pour les familles rurales pauvres est une futur meilleurs mains d’oeuvre bon marché. Sans parler des seconds enfants illégaux donc forcement non déclarés donc non scolarisés parce que la politique de l’enfant unique puni sévèrement les femmes qui ne la respecte pas. Il était temps ( peut-être trop tard ) que la Chine y renonce à cette politique.

      • L’argument de la planification démographique qui aurait été erronée est indécent devant celui du libre choix des parents d’avoir ou non des enfants. Et ça marche aussi à l’envers, pour nos allocs et autres incitations à ne pas avoir des enfants spécialement pour les aimer, mais pour toucher des aides de l’Etat.

  • l’état, au contraire de ce que je lis ici et là, est bien conscient de ce changement de la pyramide des âges. C’était un de ses arguments pour rassurer tout le monde sur la viabilité de son système de sécurité sociale, non? C’est ce qu’on nous enseignait au lycée, il y a 20 ans! Et les allocations familiales avaient été créées pour inciter à la procréation, pour soutenir une démographie dynamique. Las! Maintenant que ça ne marche plus, l’état a déjà mis en œuvre sa solution, mais ne s’en vante pas cette fois: vous allez demander, mais de quelle solution je parle ? C’est pourtant évident : l’immigration pardi ! Toute cette jeunesse qui vient ragaillardir notre pyramide des âges ! Non pas que je sois formellement opposé à l’immigration, mais simplement, cela va-t-il permettre de conserver ce vieux système ? J’ai comme un doute…

    • Fabriquer ou importer plein de jeunes chômeurs n’est pas une garantie de viabilité du système de sécurité sociale qui coule la France. En revanche, c’est l’assurance d’augmenter le nombre de citoyens dépendants de la redistribution d’Etat, et donc de renforcer encore le rôle de ce dernier.

  • Les commentaires sont fermés.

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