Vélos en libre-service : la Chine expérimente quand la France subventionne

Aperçu des expérimentations en cours en Chine dans le domaine des vélos en libre-service et de la différence de philosophie avec les offres proposées par les municipalités en France.

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vélibs by _.(CC BY-NC 2.0)

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Vélos en libre-service : la Chine expérimente quand la France subventionne

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 22 octobre 2017
- A +

Par Barthélémy P.

Article initialement publié en juin 2016.

J’ai eu l’opportunité de passer quelques jours à Pékin à la fin du mois de mai. Comme partout en Chine, la ville se renouvelle continuellement mais il y a une chose qui m’a particulièrement marqué si je compare à mon précédent séjour au début de l’année dernière : la prolifération de vélos en libre-service proposés par une multitude de start-up (au moins 8 uniquement à Pékin !) et leur très large adoption par les habitants de la ville, jeunes et moins jeunes. Alors que l’usage de la bicyclette était complètement tombé en désuétude lors des dernières décennies, comment expliquer ce renversement de situation ?

Vélos en libre-service, version 1.0

Pékin avait lancé il y a quelques années un service de vélos en libre service inspiré par les Vélib parisiens ou les « Boris bikes » londoniens. Las, le système ne rencontra pas son public, probablement parce que le système de bornes et les coûts associés limitaient grandement son développement au sein d’une ville d’une telle superficie. Appelons ce premier système géré par la municipalité (et équivalent à l’offre proposée par de nombreuses villes en France, rappelons-le), la version 1.0 du concept.

Témoins de l’échec patent de cette première tentative, certains entrepreneurs ont persisté à croire que la demande pour des vélos en libre-service était bien réelle mais que l’offre proposée alors était tout simplement inadaptée. Surtout, ils étaient persuadés que ce business n’était pas condamné à dépendre de subventions et du bon vouloir des pouvoirs publics, mais pouvait potentiellement être rentable.

La version améliorée des vélos en libre-service

La conception fut reprise à zéro pour arriver à ce que nous pouvons qualifier de version 2.0 : une bicyclette plus simple et plus abordable et surtout un système de location radicalement différent. Plus de bornes, mais un cadenas intelligent activé via une application mobile dédiée, l’ajout d’un module GPS qui permet aux utilisateurs et à l’entreprise de pouvoir localiser les vélos à tout moment. Pas d’abonnement, mais une simple facturation à la durée. Enfin, un système de « réputation » pour chaque utilisateur qui incite aux comportements vertueux. En pratique, un utilisateur s’approche d’un vélo là où l’a laissé son prédécesseur, scanne avec l’application mobile le code-barre unique apposé sur le cadenas, attend quelques secondes l’accord du serveur qui débloque le cadenas, puis une fois son trajet terminé, laisse le vélo où il le veut et le signale via l’application. Le cadenas se referme et l’utilisateur est débité.

De toute évidence, cette nouvelle mouture a séduit la population et par conséquent aussi généré de nouveaux concurrents qui ont repris l’idée et l’on fait évoluer à leur sauce. Comme souvent pour les startup technologiques, le concept connaît des itérations rapides grâce aux leçons apprises sur le terrain, aux retours des utilisateurs et à la pression des concurrents. Certaines bicyclettes en sont ainsi à leur quatrième ou cinquième génération et la partie logicielle évolue constamment.

Vélos en libre-service : combien ça coûte à Pékin et à Paris ?

Financièrement, alors que le Vélib coûte aux contribuables parisiens 4000 euros par vélo et par an selon certaines estimations, il ne semble pas que les acteurs chinois soient subventionnés par les autorités locales – il serait en effet étonnant que ces subventions soient accordées à autant d’entreprises. Dans leur cas, il leur faut atteindre une taille critique pour assurer leur rentabilité et les plus grosses entreprises comme OFO (soutenue par le fabricant de smartphones Xiaomi et Didi, le Uber chinois), qui dispose déjà d’une flotte de plus d’un million de bicyclettes, ou Mobike (soutenu par les géants Foxconn et Tencent) se sont engagées dans une course de vitesse pour imposer leur système dans toutes les villes chinoises et depuis peu en Europe, avec des expérimentations à Cambridge et Manchester en Angleterre par exemple.

Évidemment, l’écosystème en Chine se développe de manière un peu chaotique (qu’adviendra-t-il de la flotte de vélos de ces concurrents les plus faibles qui finiront par faire faillite ?) comparé au déploiement lent et policé du Vélib à Paris.

Mais lequel générera au bout du compte une offre qui correspondra le mieux en nature et en prix à ce que désirent les utilisateurs ? Le système monopolistique « top down » imaginé et géré par des employés municipaux et des entreprises surtout alléchées par la perspective de subventions juteuses pendant des années ? Ou le système concurrentiel « bottom up » qui voit s’affronter une multitude d’acteurs spécialisés pour lesquels répondre de manière optimale aux attentes des utilisateurs se traduira par des profits futurs et in fine assurera leur survie ? J’ai ma petite idée.

En attendant la confirmation, il est ironique de voir qu’un pays toujours officiellement socialiste donne des leçons à l’Occident sur le recours au laissez-faire pour améliorer la mobilité urbaine.

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  • Rien ne vous interdit de lancer le concept en France, s’il est génial ?

    • Bonjour,

      justement si, c’est doublement interdit:

      – Aucune municipalité ne permettra à une entreprise de laisser traîner ses vélos n’importe où, sans autorisation expresse. Une start-up qui voudrait lancer ce concept devra d’abord se livrer à une intense partie de lobbying, contre des acteurs beaucoup mieux armés dans ce domaine.

      – Les concurrents déjà installés bénéficient d’aides financières de la part de ces mêmes municipalités, soit sous forme pécuniaire, soit sous forme de privatisation de l’espace public (Le groupe Bolloré est probablement le premier quasi-propriétaire de places de stationnement publiques). C’est une distorsion majeure du marché qui empêche toute entrée d’un nouvel acteur.

      Nos élus et concitoyens estiment que toute innovation doit venir d’en haut (le top-down de l’article) et doit être unique.
      Apparemment (je n’ai pas fait de vérification), les chinois (comme les libéraux, d’où l’ironie relevée en fin d’article) pensent qu’il vaut mieux que l’innovation viennent d’expérimentations diverses, par les entreprises directement.

      Et la conclusion de votre commentaire est donc glaçante: oui, il est interdit de lancer ce concept potentiellement génial en France.

      • « Aucune municipalité ne permettra à une entreprise de laisser traîner ses vélos n’importe où, sans autorisation expresse »

        Vélo, je ne sais pas. Scooter, oui.
        C’est Cityscoot à Paris. Je m’en sers, c’est génial, c’est exactement le même concept.
        Si ça vous intéresse : https://inscription.cityscoot.eu/IVP1SJ
        On aura 30 minutes gratuites tous les deux 🙂

        Donc, le vélo, ça doit être possible.
        Mais faudra se battre contre Bolloré.
        Et là…

  • Il me semble qu’en Chine il y a un autre facteur à prendre en compte : l’importance de WeChat pour tout ce qui concerne le quotidien. C’est à la base une appli de chat, mais qui s’est étendue à tous les domaines de la vie quotidienne en gérant entre autres une plate-forme de paiement. Toutes les applis chinoises proposent un paiement via WeChat, tous ceux qui ont un smartphone l’utilisent.
    Avoir une appli déployée partout pour gérer les paiements (et sans doute aussi les données de localisation), ça aide !
    Est-ce qu’il y a une telle plate-forme en France ?
    Pour référence, la société derrière WeChat est Tencent, qui est un des géants du web chinois (et, du coup, mondial)

  • Encore du travail pour les nouveaux députés.
    Voter une loi pour obliger les entreprises à mettre à disposition des travailleurs utilisateurs de vélos, des vestiaires H&F équipés de tout le confort pour se changer et se laver dès qu’ils arrivent au bureau ou dans leur lieu de travail. Il faut soigner aux petits oignons ces travailleurs « écologistes », qui s’ignorent.
    Encore du travail pour les nouveaux députés.
    Quand ils se seront aperçus de l’augmentation exponentielle des accidents de circulation impliquant des vélos, voter une loi pour obliger toutes les 36000 communes ou ce qu’il en reste, à faire des pistes cyclables et des parcs de stationnement « obligatoires » avec des amendes dissuasives pour les mauvais cyclistes utilisateurs-payeurs.
    Heureusement, qu’on pourra « autoriser » les nouveaux « arrivants voyageurs » à construire ces nouvelles routes cyclables et leurs équipements de confort, car c’est bien connu, les français de souche, ne veulent pas de ces emplois la.
    Encore du travail pour les nouveaux députés. Vite, voter une ordonnance pour transférer les 500 000 fonctionnaires en trop des administrations diverses vers le grand ministère de monsieur Hulot, afin de gérer ce nouveau réseau de circulation intervilles.

  • A Arcachon, le coût par vélo était de 137 euros en 2014, mais le système des vélos en libre service version 2.0 est bien sûr préférable (pas de subvention nécessaire et vélos qui restent dans la ville)
    https://www.francebleu.fr/distribution-du-2000eme-velo-gratuit-d-arcachon-1372737600

  • « la bicyclette était complètement tombé en désuétude lors des dernières décennies »
    oui alors là il faut rester relatif hein, la dernière fois que je suis passé à Shanghai le nombre de cycliste était encore effarant comparé à l’Europe…

    • Ca fait quelques années que je ne suis pas passé à Shanghai, mais en 91 à mon premier voyage, je me souviens des routes à 4 voies dans chaque sens, 3 pour les vélos et une pour les voitures. En 2001, la proportion était inversée, et en 2009, je ne suis même pas sûr qu’il restait la voie vélos, mais c’était un tel foutoir pour la préparation de l’expo que c’était difficile à dire. En 2011, le vélo semblait revenir à la mode, mais sans reprendre d’espace public.

  • Très bon article qui reflète la réalité.
    On prends le vélo n’importe ou, en géolocalisant les vélos libres sur son smartphone, on le pose n’importe ou, terminé on s’inquiète pas si le vélo peut être volé comme avec son vélo personnel.
    1 yuan/30 minutes (0.13 euro), ou 30 minutes gratuites puis payante après, il y a plein d’offres, vélo pour femme ou homme, avec un porte bagage ou pas, avec chargeur de tel USB ou pas, avec garde boue ou pas, pneus increvable ou pas …

    Est ce transposable dans tous les pays ? Il me semble avoir lu, que les 2ere années du velib parisien, le parc le plus important de velib parisien n’était pas situe a Paris mais au Maghreb.

  • la ville de PARIS a pris la décision a ce que le port du casque ne soit pas obligatoire ..pour la simple raison le casque aurait fait diminuer le nombre d’utilisateurs..
    tiens une bonne idée pour faire rentrer du fric !!!
    port du casque obligatoire !!!
    mais là. ..la sécurité. .on s’en fou…

    • Ben chacun est responsable de sa propre boite crânienne, et les dommages causés à autrui par l’absence de port du casque restent anecdotiques.

      • Il me semble que le port du casque est obligatoire : si tel est bien le cas, la ville de Paris viole la loi et donne un détestable exemple d’incivisme.

         » … chacun est responsable de sa propre boîte crânienne  » : sauf que si une personne se blesse gravement, elle devra être soignée et les coûts – qui peuvent être importants – seront supportés par d’autres (sécurité sociale, autres assurés, etc.) ; mutatis mutandis, c’est comme l’obligation de mettre la ceinture de sécurité en voiture. Et je ne parle pas des conséquences potentiellement catastrophique de tels accidents pour la famille de l’intéressé(e)…

        • Drôle de mentalité ! Vu ce que mon employeur et moi payons de charges sociales, je peux vous garantir que les coûts ne seront pas supportés par d’autres, bien au contraire. Ceux qui vivent aux crochets des autres sont peut-être majoritaires en France, mais je ne vois pas en quoi ils seraient légitimes à décider à la place de ces autres. Quant à la famille, à elle de convaincre leurs membres que ça vaut la peine de se protéger, certainement pas à la loi de s’en charger.

  • J’admire ces chinois ,faire du vélo dans la ville la plus polluée du monde…….mais’ils n’ont sûrement pas le choix et puis être piéton est encore plus dangereux…..bah nos velos sont sponsorisés car utilisés par nos bobos ou aspirant bobo , en Chine ,c’est la populace….

  • Il semblerait qu’au final tout ne soit pas aussi verrouillé qu’on veut bien le dire en France, puisque contrairement à ce que dit l’article des expérimentations ont bien lieu en France avec la société GobeeBike. D’abord à Lille et prochainement à Paris :
    http://www.lefigaro.fr/societes/2017/10/09/20005-20171009ARTFIG00007-gobeebike-apres-lille-le-nouveau-service-de-velo-en-libre-service-arrive-a-paris.php

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