Idée reçue : “Les subventions sont nécessaires au maintien de l’agriculture”

Les réformes agricoles menées par la Nouvelle-Zélande sont remarquables à de nombreux points de vue et pourraient servir de modèle à l’Union européenne pour la libérer.

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Vaches-Guy Buchmann(CC BY-NC-ND 2.0)

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Idée reçue : “Les subventions sont nécessaires au maintien de l’agriculture”

Publié le 11 octobre 2017
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Par Eddie Willers. 

À l’origine, la PAC fut pensée comme un moyen d’assurer l’autosuffisance alimentaire de l’Union Européenne. Pour cela les gouvernements européens se sont entendus sur un système de subventions et de contrôle des prix qui concentre aujourd’hui près de 50 % du budget de l’Union Européenne.

La PAC a tellement bien fonctionné qu’aujourd’hui l’UE se retrouve dans des situations absurdes où les agriculteurs jettent leurs récoltes délibérément tellement leur prix de revient est élevé comparé au prix de vente de leurs produits.

Au début des années 1980, la Nouvelle-Zélande se trouvait à peu de choses près dans la même situation que l’UE d’aujourd’hui. 40 % des revenus des agriculteurs néo-zélandais provenaient de subventions distribuées par le gouvernement.

La réforme néo-zélandaise

De manière générale, l’État néo-zélandais appliquait une politique purement socialiste qui visait à contrôler la production et la consommation de ses habitants. Les niveaux atteints à l’époque auraient fait passer la France d’aujourd’hui pour un paradis libéral.

Cependant en 1984, le National Party remporte les élections législatives face au parti travailliste. La nouvelle majorité porte un programme de réformes radicales visant de nombreux secteurs de l’économie néo-zélandaise mais plus particulièrement l’agriculture. Roger Douglas, alors nommé ministre de l’Économie, va s’atteler dès ses premiers mois en poste à mettre en place des réformes libérales.

La révolution du libre-échange

La première d’entre elles porte sur l’agriculture. Il réduit fortement les subventions dont bénéficiaient les agriculteurs et dans le même temps fait tomber les restrictions à l’exportation ainsi que les tarifs douaniers à l’importation.

Gouin, Jean, Fairweather. “New Zealand Agricultural Policy Reform And Its Impacts On The Farm Sector” (1994)

L’effet de la fin des subventions

Le choc est rude et les journalistes du pays prédisent une saignée dans le secteur agricole et une désertion des terres agricoles. Sauf qu’une fois encore, nos journalistes biberonnés au marxisme se sont trompés.

La fin des subventions oblige les agriculteurs à trouver de réels débouchés pour leur production, ce qui est permis par la fin des restrictions sur les exportations. Par ailleurs, avec la baisse des tarifs douaniers, ils peuvent investir à moindre coût dans un nouveau matériel d’exploitation qui améliore leur prix de revient.

Contre le productivisme

Les subventions poussaient également les agriculteurs à produire toujours plus et cela au détriment de la qualité des sols. Avec la fin des subventions, ils ne produisent plus que ce qui correspond à une demande réelle. Ils n’ont donc plus intérêt à produire à tout prix.

Ibid.

Nous remarquons même que le nombre d’exploitations a crû jusqu’en 1988, soit quatre ans après le début des réformes sans pour autant s’effondrer par la suite.

Ibid.

Il apparaît même que ce sont les plus grosses exploitations et non les plus petites qui ont vu leur nombre baisser entre 1986 et 1990.

Ibid.

Depuis 1987, la valeur économique du secteur agricole a augmenté de 40 % en dollars constants et la part de l’agriculture dans le PIB est passé de 14,2 % en 1990 à 16 % aujourd’hui. Le tout avec seulement 2 % de la valeur de la production en subventions vs. 40 % en moyenne pour le reste de l’OCDE (Life after the Subsidies : The New Zealand Farming Experience, 15 Years Later).

Les agriculteurs se sont adaptés

Il ne faut pas nier cependant que les agriculteurs ont du s’adapter à ce nouveau paradigme : la valeur des terres arables maintenues artificiellement haute du fait des subventions a fortement baissé à la fin des années 1980. Néanmoins, la résilience de l’agriculture néo-zélandaise, l’amélioration de la productivité (+5,9 % par an en moyenne depuis 1986) a permis aujourd’hui de rétablir les prix historiques de celle-ci.

Le gouvernement a aidé les exploitations agricoles à amorcer cette transition en leur accordant une aide équivalente à deux tiers de la production d’une année en cas d’arrêt définitif de l’exploitation. Pour autant, seul 1 % des exploitations se retrouvèrent en faillite ou forcées de vendre, ce qui demeure tout à fait limité.

Un modèle pour l’Union européenne

Les réformes menées par la Nouvelle-Zélande sont remarquables à de nombreux points de vue et pourraient servir de modèle à l’UE. Aujourd’hui la PAC protège surtout les grandes exploitations qui concentrent une majeure partie des aides, ces aides étant liées à la production totale.

Les petites exploitations ne peuvent donc résister aux plus grandes qui ont les moyens de pratiquer des prix beaucoup plus faibles du fait de leurs effets d’échelle et des subventions perçues. La PAC ne favorise donc pas l’agriculture paysanne telle que les journaux aiment tant la décrire.

La PAC, via les tarifs douaniers, protège les producteurs de la concurrence des pays hors UE. Cela a donc un coût pour le consommateur final qui voit le prix de ses produits alimentaires augmenter. De plus, le manque de concurrence ne pousse pas les exploitations à s’adapter à la demande et maintient même à flot des exploitations inefficaces.

Les subventions liées à la production incitent également les agriculteurs à produire toujours davantage et utiliser donc plus d’engrais avec les conséquences désastreuses pour l’environnement, comme celle que nous avons pu déplorer en Bretagne.

Il est grandement temps de revoir le modèle de la PAC qui s’avère incapable de préserver les petites exploitations, augmente les coûts pour le consommateur et crée des incitations néfastes à l’environnement. La Nouvelle-Zélande a montré la voie, aux Européens de suivre le chemin.

Pour aller plus loin :

Free To Choose Network, “Trailblazers, The New Zealand Story”. Youtube.

Federated Farmers of New Zealand, “Life after the Subsidies : The New Zealand Farming Experience, 15 Years Later”

Cet article a été publié une première fois en juillet 2017.

Sur le web

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  • Ne confondons pas, SVP, les agricultueurs et les agriculteurs

    Malheureusement pour eux et leurs veuves, certains des premiers meurent de leurs épandages même dit « raisonnés »

  • Oui il faudrait encore réduire et mieux cibler les aides voire les supprimer à terme. Mais attention l’union européenne n’est pas un petit pays comme la NZ et nous n’avons pas la même histoire donc c’est bien plus compliqué et long à mettre en place.
    Concernant les petites exploitations on ne peut pas mettre tout sur le dos de la PAC, il y a d’autres facteurs et je connais beaucoup d’agriculteurs avec de petites exploitations qui s’en sortent pas trop mal. En grandes cultures c’est certain qu’une petite surface n’est plus rentable (sauf le bio peut-être) et ça c’est valable dans tous les pays au monde.

  •  » c’est bien plus compliqué et long à mettre en place »
    comme toutes les réformes en france plus que dans les autres pays européens et ce n’est pas qu’une question de taille.

  • L’auteur parle du cadre que l’état a changé pour les agriculteurs NZ. Mais il ne parle pas de ce qu’ils ont entrepris pour affronter le défi, c’est à dire une mise en coopératives verticales et un marketing agressif de leur lait et viande de mouton à l’exportation, sans devoir se soumettre à une série d’intermédiaires.
    Où, qui s’y mettrait en Europe?

  • Chiche….!!!…..?
    On fait comme les Néozélandais….On autorise les OGM, on bazarde toutes nos « normes » à la con, et les trucs d’hystériques sur le « bien étre animal »….
    On vide les chambres d’agriculture, DSV, AFSA; SAFER et autres des parasites qui les encombrent….
    On interdit aux GMS la publicité sur leurs prix et sur une image passéiste romantique et mensongère de l’agriculture ne correspondant en rien au vécu de ces époques reculées où soit on crevait de faim, soit d’infection alimentaires

    • @Kansas beat
      Bonsoir,
      Vous avez oublié de dire qu’il est interdit d’entrer sur le territoire néo-zélandais avec de la nourriture afin de protéger les espèces végétales locales. (Arriver à la douane avec une banane gardée comme casse-croûte vous coûtera une belle amende)
      Il n’est question que de supprimer les subventions aux agriculteurs, qui leur sont néfastes, qui font que nous payons plus cher ce qu’on achète, bref d’en finir avec la Politique Agircole Commune.

    • Et de plus, alors que la nourriture était exclusivement bio, l’espérance de vie ne dépassait pas 45 ans. Ce qui n’empêche pas nos hystériques menteurs d’affirmer que le bio est plus sain pour l’organisme!

  • L’Europe est malheureusement en plein déclin à cause de sa bureaucratie, il est très improbable qu’elle fut assez lucide et courageuse pour ce faire!

  • a l’heure actuelle les subventions représente un tiers de leurs chiffres d’affaires …
    c’est comme dans le monde du travail…pas de sudventions 2 fois plus de chômeurs. .
    suprimer définitivement les emplois aider …le bordel, nous avons une économie artificielle ….
    c’est un fait !!!!

    • C’est le passage d’un système à l’autre qui est compliqué à mettre en œuvre politiquement.
      Mais il faudra bien le faire un jour, la PAC est en faillite, elle est condamnée à moyenne échéance.

  • Vous pouvez toujours rêvez! Cette PAC ne sera JAMAIS ni réformée ni supprimée. Les fonctionnaires ne se trompent jamais, donc ne change jamais rien. Ceux de France nous en administre la preuve tous les jours. Ce qui réussi à l’étranger n’est jamais bon pour nous.

  • cet article m’est sympathique, et je souhaite la suppression des aides à l’agriculture .
    ceci dit, l’agriculture neo zelandaise, c’est : sheep, beef, dairy , en clair : de l’élevage . En Europe, nous avons des agricultures: ceréales, oléoprotagineux, vigne, cultures légumières, vergers, pépinières, élevages, et j’en passe…Certaines cultures demandent de la main d’oeuvre, d’autres une mécanisation poussée, d’autres des batiments etc..
    Il y a des pistes pour libéraliser l’agriculture européenne, mais je crois que ça ira avec une libéralisation globale de notre écomomie et peut être une autonomie des régions . Mais il ne faut pas croire « qu’il n’y a qu’a…… »

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