Par Jean-Baptiste Boone
Un article de l’IREF-Europe
La conjoncture économique en Europe semble favorable, comme en témoignent les différents chiffres du chômage, anglais, français ou allemands. La croissance du PIB semble être au rendez-vous également, d’Espagne jusqu’en Finlande.
Cependant, les statistiques hollandaises sont meilleures qu’ailleurs encore : 1,5% de croissance du PIB d’un trimestre à l’autre, ou 3,8% par rapport à l’année précédente. Ce sont les meilleures publications depuis 2008, avant crise. Or, les Pays-Bas sont dépourvus de gouvernement depuis le 15 mars dernier. Ces deux indications pourraient-elles avoir un rapport ?
Des pays sans gouvernement ? Ca existe !
Il se trouve que cette situation s’est déjà présentée à plusieurs reprises ces dernières années, et dans différents pays, offrant donc une possibilité de comparaison objective et variée. Dans tous ces cas de figure, l’économie générale du pays semble s’être bien portée. Nous avons utilisé trois indicateurs principaux pour établir les comparaisons : PIB, dettes des administrations publiques et chômage.
Belgique (avril 2010 à décembre 2011 – 541 jours)
C’est après les élections législatives fédérales belges du 13 juin 2010 – elles-mêmes provoquées par la démission du précédent gouvernement- que commence la période de vacance du gouvernement. En effet, les formations élues ne parviennent pas à trouver un terrain d’entente pour en former un nouveau. Pendant cette large période, les indicateurs économiques ne se sont pas détériorés, ils ont même connu une amélioration.
Variation des indicateurs économiques en Belgique pendant la période de vacance du gouvernement
Source : OCDE, traitement IREF
Pour avoir une idée plus précise du résultat de cette vacance, il faudrait aussi observer les tendances. Celles-ci ont-elles connu des variations montrant alors un effet réel ?
Concernant la dette, on constate une augmentation moyenne1 de 4,81% les années précédant 2011, année presqu’entièrement passée sans gouvernement. En 2011, elle augmente de 2,43%. Les trois années suivantes, l’augmentation moyenne sera de 5,64%. Les autres indicateurs montrent également des changements de tendance favorable.
Source : OCDE, traitement IREF
Il ne s’agit cependant pas d’imputer la totalité de ces chiffres à un effet bénéfique de l’absence de gouvernement, les tendances internationales, quoique pas toujours aussi prononcées, suivant des formats comparables. En revanche, en France, où l’on déplore régulièrement que les effets d’un contexte international favorable ne se fassent pas suffisamment sentir, on peut s’interroger sur la part de responsabilité qu’en porte un gouvernement trop interventionniste.
Espagne (décembre 2015 à octobre 2016, 315 jours)
La vacance du pouvoir en Espagne était également due à l’impossibilité des partis d’opérer des alliances en vue d’obtenir une majorité parlementaire (fin du bipartisme notamment). Cette absence de gouvernement n’a cependant pas duré une année complète, elle est donc moins significative puisque les budgets – et donc les dettes éventuelles – par exemple ont pu être décidés presque normalement. On retrouve cependant des éléments favorables :
Variation des indicateurs économiques en Espagne pendant la période de vacance du gouvernement :
Source : OCDE, traitement IREF
Quoiqu’un peu écourtée, nous avons retenu l’année 2016 comme supportant le plein effet éventuel de l’absence de gouvernement. De même qu’en Belgique – à cette différence près que la tendance était en Espagne déjà amorcée – les variations sont favorables.
Source : OCDE, traitement IREF
Recentrer l’État sur ses missions régaliennes
Comme ces deux exemples le montrent -souhaitons aux Pays-Bas la même providence- la situation économique d’un pays ne pâtit pas de l’absence de gouvernement.
En fait, durant ces périodes, les affaires courantes sont réglées a minima par les dépositaires intérimaires du pouvoir. Ils agissent alors de manière limitée mais conservent les pouvoirs principaux, nécessaires à l’administration des affaires urgentes. D’une certaine manière, ils sont forcés de réduire leurs activités aux périmètres régaliens. Par ailleurs, ils sont dans l’impossibilité d’imaginer des plans de dépenses ou de créer de nouvelles taxes. S’ensuit donc une stabilité économique, paradoxale puisqu’elle découle de l’instabilité politique provisoire. Le calme dans la production juridique profite complètement aux affaires. En France, la XIVème législature a promulgué 449 lois et 18 821 amendements ! Ces situations doivent servir de leçon aux parlements divers et à ceux qui réclament des lois : tout ne dépend pas du gouvernement, ni du législateur ; à bien des égards, le monde avance mieux sans eux.
- Dettes rapportées au PIB ↩
Une correction importante : en Belgique, nous avons conservé un « gouvernement (démissionnaire ) en affaires courantes », qui a continué à fonctionner comme un gouvernement normal, y compris pour prendre une décision aussi lourde qu’une intervention militaire en territoire étranger, ainsi qu’un certain nombre de mesures économiques importantes. Bien loin donc d’une absence de gouvernement. Mais ceci n’a été possible que par la tradition belge de gouvernements de coalition et donc de compromis – des gouvernements polarisés, à la britannique ou à la française, n’auraient pu fonctionner ainsi.
Il faut également signaler que la vacance du pouvoir ne concernait que le gouvernement fédéral, les gouvernements régionaux exerçant leurs compétences – qui incluent la politique économique.
Sous cette réserve l’article reste tout à fait pertinent.
Le gouvernement n’a pas pour mission de s’occuper de l’économie. Surtout pas. Il doit se borner à assurer la sécurité et le cadre institutionnel et juridique permettant à l’économie de s’épanouir LIBREMENT.
Il convient de souligner que les trois pays cités sont des monarchies.
…ce qui est exact, mais assez peu pertinent, le roi n’y disposant d’aucun pouvoir réel et étant donc incapable de pallier à l’absence de gouvernement en décidant à leur place (encore heureux).
@ Bruno Dandolo
Vous avez raison, bien sûr. Cependant, (en Belgique) les personnalités politiques en négociations sont reçues officiellement à la cour pour tenir le roi au courant. Lors de ces conversations dont la teneur est gardée secrète, le roi joue habituellement un rôle de médiation, évidemment sans prendre parti.
Il l’a lui-même résumé dans un discours inhabituel de fermeté, lors de cette longue crise.