Par Johan Rivalland.
Wondrak
Cette nouvelle, non éditée du vivant de Stefan Zweig et en partie reconstituée par son éditeur à partir de fragments retrouvés, donne son titre au présent recueil. Il s’agit sans doute de la plus forte et la plus terrible narration du volume.
Elle met en scène une femme, décrite par Zweig comme une créature absolument hideuse, surnommée « Tête de mort » par les habitants de son village. Une description du personnage telle que sait les concevoir l’auteur autrichien, ne cherchant pas à cacher les choses ou à ne pas les nommer, tout en s’intéressant de près à son personnage, pour étudier sa psychologie profonde, sans faux semblants ou pseudo-pitié de circonstance, avec toute la finesse qui le caractérise.
Or, dès la première phrase, nous allons apprendre que cette femme, qui vit retirée du village, a donné naissance à un enfant. Un constat d’incrédulité, d’horreur et de scepticisme qui saisit tous les habitants du village, dont les ragots et railleries vont alors bon train.
Je ne puis en dire plus, pour ne pas empiéter sur la lecture, mais il sera ici question à la fois de la difficulté pour certains êtres à trouver leur place dans la société, de l’absurdité de la guerre et de la main mise de l’État sur les vies privées, de manière parfois abrupte et sans considération pour les individus.
À la fois un éloge de la singularité et une certaine amertume vis-à -vis de cette grande machine à broyer des vies que peut être l’État en certaines circonstances.
La scarlatine
 Sur le thème de la solitude, des apparences, de la fragilité des jeunes âmes qui se cherchent et, là aussi, de la difficulté à trouver sa place dans la société, un portrait plein de finesse et très réussi du passage parfois difficile à l’âge adulte, et de tout ce qui peut caractériser les excès d’un être en devenir, qui se cherche encore. Une nouvelle brillante que nous avons déjà eu l’occasion de présenter antérieurement, où Stefan Zweig excelle une nouvelle fois dans la description de la psychologie de son personnage.
Fragment d’une nouvelle
Un nouveau réquisitoire contre l’absurdité de la guerre, qui brise tant de vies. Sur un plan déjà abordé précédemment (voir « Clarissa »), la séparation temporaire d’un couple d’amoureux, pour raisons professionnelles, et l’impossibilité de pouvoir se retrouver lorsque la guerre éclate, en raison des circonstances historiques,  le personnage principal apprenant la survenue de la guerre en Europe au moment où il s’apprêtait à rentrer
L’amour saura-t-il résister à cette séparation subie ?
La dette
Cette nouvelle évoque, dans un premier temps, le besoin que peut éprouver une femme de médecin, à la fois mère et grand-mère, dont les différentes responsabilités liées à sa condition sont grandes et épuisantes, de marquer une petite pause afin de se ressourcer, se retrouver, éprouver le temps de quelques jours les plaisirs de la solitude, d’une vie plus calme, plus reposante, pour mieux repartir ensuite. Une petite auberge sur flanc de montagne, dans les splendides paysages du Tyrol, devraient faire l’affaire.
C’est à cette occasion qu’elle va, à sa grande stupéfaction, revenir tout à fait par hasard sur un souvenir oublié de son passé, d’une manière étonnante. Une nouvelle qui met en lumière les surprises que peut parfois réserver la vie. Et un point commun évident avec une autre nouvelle que nous avons présentée : « Lettre d’une inconnue », dans un style et des circonstances différentes.
Un homme qu’on n’oublie pas
Écrit très très court, qui semble être un authentique souvenir de l’auteur, qui se rappelle avoir connu un homme exceptionnel, d’une liberté incroyable et d’un altruisme tout à fait exceptionnel.
Trop court pour présenter un grand intérêt et avoir le temps de captiver le lecteur, mais un témoignage intéressant et une vraie leçon de vie.
Rêves oubliés
Une nouvelle également très courte, autour des retrouvailles éphémères après de nombreuses années d’un ancien couple.
L’évocation, lors d’une courte discussion pleine de franchise, des choix parfois étonnants que peut effectuer un être dans ce qui va guider sa vie. Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point…
Printemps au Prater
Nous avons déjà présenté cette septième et dernière nouvelle du recueil dans un volet précédent. Là encore, il va être question des raisons d’un jeune cœur de s’être laissé guider par l’attrait du confort bourgeois, plutôt que par ce qui aurait pu guider tout autrement sa vie. Une parenthèse de quelques heures va être l’occasion de se retrouver temporairement et de conforter ou non ses choix.
Sept nouvelles inégales, mais toutes d’une grande force ; celle de l’écriture du grand maître de la psychologie humaine qu’était Stefan Zweig.
Stefan Zweig, Wondrak, Le livre de poche, décembre 1996, 219 pages.
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