Par Johan Rivalland.
C’est généralement dans le même volume qu’ Amok, présenté dans le volet précédent, que sont éditées ces deux nouvelles. Elles étaient, en tous les cas, toutes trois réunies dans le recueil d’origine.
Lettre d’une inconnue
Il s’agit là de l’un de sommets de l’œuvre de Stefan Zweig. À tel point qu’en ont été tirés film, téléfilm et pièce de théâtre.
Une lettre absolument bouleversante, d’une grande pudeur et d’une intensité incroyable, dans un style ravissant et dont on pourrait authentiquement croire qu’elle est écrite par une femme, tant Stefan Zweig avait cette capacité à se projeter de manière parfaite dans la psychologie de ses personnages, y compris comme ici féminins.
L’histoire d’une femme tourmentée, sur le point de trépasser, quelques heures ou quelques jours après le décès de son enfant, suite à une très mauvaise grippe. Avant de disparaître, elle écrit une sorte de lettre testamentaire dans laquelle elle confie à un homme toute l’intensité de l’amour qu’elle lui a voué secrètement, sans qu’il le sache à aucun moment.
Cet amour a débuté à l’âge de treize ans, alors que lui en avait vingt-cinq. Il venait d’emménager dans l’appartement voisin, sur le même palier. Homme de lettres très cultivé, riche et austère, et tout à la fois enjoué, ayant le sens de la fête et accumulant les conquêtes féminines, tout l’opposait à cette jeune adolescente, vivant recluse avec sa mère devenue veuve très tôt, vivant toutes les deux dans une certaine pauvreté.
Toute la force de cette lettre se trouve dans l’expression de la pureté absolue de cet amour originel, qui va demeurer intact au fil des années et des péripéties qui vont venir agrémenter ce brûlant secret (si je me réfère au titre d’une autre nouvelle présentée elle aussi précédemment).
Un amour résolu et hors du commun, touchant à l’obsession extrême, tant cette jeune femme voue sa vie entière à cet amour obsédant.
La ruelle au clair de lune
Nous voici à présent plongés dans les décors d’un petit port français. Un homme, coincé pour vingt-quatre heures dans ce petit port, désireux de fuir un moment le tumulte des rues fréquentées, se balade à travers les ruelles étroites de la ville et ses bas-fonds. C’est ainsi qu’il va assister à une scène assez glauque et pathétique, qui va pour le moins l’interpeller et attiser sa curiosité.
Quand l’amour, l’argent, le sentiment d’humiliation s’entremêlent et viennent gâcher une idylle qui s’annonçait pleine d’avenir, harmonieuse et authentique.
Une situation malheureuse où, par stupide vanité, l’amour peut bien virer à l’amertume et au cauchemar…
Deux nouvelles à la belle écriture, pénétrant au plus profond de la psychologie tour à tour féminine puis masculine. Tout le talent de Stefan Zweig à l’état pur.
- Stefan Zweig, Lettre d’une inconnue, suivi de La ruelle au clair de lune, Le Livre de poche, 2013, 96 pages.
Merci pour ces 2 nouvelles.. Je suis en train de lire » Clarissa ».. et dans » la peur » : j’avais adoré, littéralement adoré la nouvelle sur le bouquiniste Mendel à Vienne avant guerre…qui nous fait découvrir Vienne avant et aprés guerre.. la description de Mendel est parfaite, précise, sans être lourde.. et l’on interna Mendel en camp, car il n’avait pas de papiers ( il avait un jour traversé la frontiére russe et s’était installé à Vienne ), Mendel était dans ses bouquins et ignorait même qu’il y avait une guerre. Mendel est relaché au bout de 2 ans de camp.. mais quelque chose s’est détraqué dans son cerveau.. le génie de Sweig est que sans être médecin ni psychiatre et avec les connaissances de l’époque, il décrit avec précision la dégradation de l’état mental de Mendel
« Le monde n’était plus le monde et Mendel n’était plus Mendel »
Sinon, personnellement j’avais aussi adoré » Fouché » et Marie Stuart
Et merci pour votre témoignage, celui d’une passionnée également de cet auteur exceptionnel qu’est Stefan Zweig.
« Clarissa », je l’avais déjà présenté sur ce site, mais dans une autre série. Je le présenterai de nouveau, qu’il fasse bien partie de la série sur les romans et nouvelles de Zweig.
Quant au « bouquiniste Mendel », il est d’ores et déjà programmé pour très bientôt, puisqu’il fait partie de mon volet n°7, que j’ai déjà adressé à la rédaction de Contrepoints. Une nouvelle en effet très marquante (même si vous verrez que je l’avais lue et oubliée, avant de la redécouvrir avec force quelques années plus tard) et que je considère désormais, tout comme vous, comme l’une de mes nouvelles préférées, pour les raisons que vous développez.
Il me reste, en revanche, depuis longtemps, à découvrir un jour le Stefan Zweig essayiste, à travers sa brillante galerie de portraits dont je sais qu’ils sont réputés de qualité…
Bonnes lectures à vous !
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