Néonicotinoïdes « tueurs d’abeilles » : six couacs gouvernementaux en un !

Le dossier des néonicotinoïdes « tueurs d’abeilles » n’est qu’un enchaînement de couacs qui aurait pu être évité.

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Nicolas Hulot - Crédit photo : Fondation Nicolas Hulot via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0

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Néonicotinoïdes « tueurs d’abeilles » : six couacs gouvernementaux en un !

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 6 juillet 2017
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Par André Heitz.

Ce lundi 26 juin 2017, le gouvernement Philippe a connu son premier couac, ou plutôt sa série de couacs : un différend, dont la réalité initiale est incertaine, jeté en pâture à l’opinion dite publique – en fait aux manipulateurs d’opinions – sur le sujet des pesticides et de l’environnement ; plus précisément des néonicotinoïdes, invariablement et massivement qualifiés de « tueurs d’abeilles ».

Premier couac : un document de travail a fuité.

Il s’agit de la « trame du projet de loi relatif à la transformation des relations entre l’administration et le public ». Son objectif : simplifier les réglementations nationales, notamment en permettant au président de la République d’abroger, par ordonnance, toute disposition excédant les normes européennes.

Chaque ministère a donné sa liste de dispositions. Pour l’agriculture, c’est notamment l’interdiction des néonicotinoides (allant au-delà des règles européennes, actuellement en discussion), et les épandages aériens de pesticides.

Deuxième couac : M. Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, s’exprime sur un chantier en cours.

Il est certes contraint et forcé, car malmené dans l’émission Bourdin Direct sur BFMTV, bénéficiaire de la fuite, jusqu’à ce qu’il lâche une concession. Ce qu’il dit est interprété comme : le Gouvernement veut revenir en arrière sur l’interdiction des néonicotinoïdes votée dans le cadre de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Cela permet à la manœuvre de progresser. Car c’est un guet-apens soigneusement préparé : des interviews préalables de M. François Veillerette, pourfendeur des pesticides de Générations Futures, et Mme Delphine Batho, une des égéries de l’interdiction des néonicotinoïdes, ont en quelque sorte « chauffé la salle ». La suite est tout aussi soigneusement orchestrée.

Troisième couac : M. Nicolas Hulot, ministre de la Transition Écologique et Solidaire, intervient aussi, et ce, sur la place publique une heure après :

Pour tout ce qui concerne la santé, ma ligne, elle est très simple : il ne faut faire aucune concession. On ne reviendra pas sur des acquis. Je veux déjà être le garant de ce que mes prédécesseurs ont acté.

Quatrième couac : M. Philippe tranche sous la pression d’une opinion « publique » échafaudée avec art.

Cinquième couac : Cette explication n’est guère crédible.

Selon son communiqué de presse,

Dans le cadre des discussions sur le projet de loi « Droit à l’erreur », le Gouvernement a décidé de ne pas revenir sur les dispositions de la loi de 2016 1

Quel lien entre ce projet de loi et les néonicotinoïdes ? Que M. Travert ait zappé l’arbitrage, s’il a existé, peut se comprendre : il a été nommé ce même 21 juin. Mais M. Hulot avait aussi déclaré la veille de cette manipulation, donc le 25 juin, que les arbitrages n’avaient pas été rendus…

Sixième couac : M. Hulot s’exprime sur un sujet pour lequel il est affligé d’un énorme conflit d’intérêt. L’interdiction des néonicotinoïdes avait en effet été obtenue avec le concours d’un lobbying intense de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, laquelle avait aussi été à l’initiative d’une pétition.

En résumé, en quelques jours – une matinée pour la partie publique –, la Macronie a succombé aux travers de la Hollandie.

Quelqu’un a fait fuiter un document pour forcer une décision grâce au tapage médiatique. Les ministres concernés par l’objet qui doit donner lieu à une décision – en principe sereine et rationnelle – s’expriment sur la place publique.

Le ministre en charge de l’environnement s’exprime de manière péremptoire et arrogante, voire avec une certaine hostilité envers son collègue ; il prend l’opinion publique à témoin, au mépris de la collégialité et de l’autorité du Premier ministre. Celui-ci cède, à la fois au ministre matamore et à une manœuvre politico-médiatique.

Leçon : les affaires de la France ne se règlent pas à l’Élysée ou à Matignon, mais dans les studios d’enregistrement et sur Twitter.

De plus, dans le cas de M. Hulot, sous le chapeau de ministre, il y a celui du partisan anti-pesticides… peu reluisant pour un gouvernement qui veut moraliser la vie publique. Il a évidemment une solution : confier les dossiers « chauds » du point de vue des conflits d’intérêts à l’un ou l’autre des secrétaires d’État. Le fera-t-il ?

Ce n’est qu’un enchaînement de couacs sur un sujet qui aurait pu être appréhendé avec sérénité (ce que M. Travert a essayé de faire en faisant preuve d’une pédagogie balayée par un interrogatoire fort hargneux).

En effet, l’interdiction n’entre en vigueur qu’au 1er septembre 2018, des dérogations étant possibles jusqu’au 1er juillet 2020. La question de la portée de l’interdiction de trois substances est aussi en discussion à Bruxelles. Il y avait donc du temps – il y en a toujours – pour faire un état des lieux rationnel et prendre des décisions fondées sur le pragmatisme plutôt que le bras de fer idéologique.

C’est aussi un enchaînement de couacs salutaire si le gouvernement prend la mesure du danger qui le guette : se laisser déborder par des manœuvres politico-médiatiques, dans ce cas précis d’un lobby de l’écologisme dogmatique et sectaire parfaitement organisé, associant des éléments de la haute sphère de l’État, des entités militantes et des médias, et expert dans l’art de la manipulation dans les médias et sur les réseaux sociaux. Et s’il ne la prend pas… adieu les grands projets de rénovation de la France.

Un mot encore sur les « tueurs d’abeilles » : les néonicotinoïdes sont effectivement dangereux pour les abeilles et des insectes non-cibles. Mais ce qui importe, c’est le risque, en conditions réelles et réalistes, compte tenu de l’exposition et des mesures de prévention du risque.

Illustration : lorsque les apiculteurs de l’Ontario, au Canada, ont lancé des appels en faveur de l’interdiction des néonicotinoïdes, ceux de l’Alberta ont refusé de s’y associer. Pourtant, leurs abeilles butinent sur de vastes étendues de canola (colza) issu à 99% de semences enrobées aux néonics (2,4 millions d’hectares). Les abeilles prospèrent, hivernent bien et produisent des récoltes record de miel (trois à quatre fois plus qu’en France).

C’est bien une preuve que les néonicotinoïdes – correctement employés – ne sont pas les tueurs que le fondamentalisme environnementaliste et anticapitaliste se plaît à évoquer. Mais n’est-ce pas une caractéristique du fondamentalisme que d’interdire à ses adeptes, ainsi qu’aux non-croyants, l’examen rationnel de ses dogmes ?

  1. Cet arbitrage a été pris à l’occasion d’une réunion tenue à Matignon le 21 juin dernier.
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  • Je partage totalement ce point de vue. Les abeilles se portent bien, et arrivent dès qu’il y a des fleurs disponibles. Car, s’il y a problème, c’est le manque de fleurs dans la campagne, quand les productions exigent des sols « propres ».
    D’autre part, une grande partie de l’apiculture n’est probablement pas déclarée, l’écoulement de sa production, non plus.
    L’interdiction, inutile, des rétronicotinoïdes, serait, ou sera, si les politiques abusés s’entêtent, un grave problème pour l’agriculture. Les pestes existent toujours, et si elles sont bien nourries, elles prospèrent!

  • Les abeilles demandent qu’une chose :
    Des fleurs encore des fleurs toujours plus de fleurs pour alimenter la reine et essaimer……leur intérêt, une agriculture florissante !
    Si les Nico machin le permet , les abeilles votent oui.

  • Plus rien n’étonne dans un pays qui a osé « interdire la recherche  » sur le problème (sensible, mais raison de plus) du fractionnement des ressources de schiste.

  • Article bienvenu qu’il fallait écrire. Merci.

  • Donc, nul besoin d’un ministère de l’agriculture. Celui de l’écologie suffit amplement puisqu’il est omniscient.

    Hey Marcheur Jupitérien, quand est-ce que tu les fusionnes ❓
    Penses aux économies, nul besoin de garder des gens inutiles :mrgreen:

  • On peut constater la lâcheté des politiciens face aux illuminés écologistes et le politiquement correct!

  • En tant que professionnel concerné directement par cette interdiction je suis consterné, d’autant plus que rien de vraiment probant n’est proposé en remplacement.
    Ne va t’il nous rester que la fraude, la contrebande?
    Quand je constate le niveau de crétinerie de certains apiculteurs je suis inquiet pour la qualité de la production de miel…(Comme produit sucrant je trouve ça dégueulasse….) pour la pollinisation…? Mais il y a d’autres insectes bien meilleurs pollinisateurs que l’abeille…
    Alors que faire…? Un chantage aux frelons asiatiques…?
    Parce que les rétronicotinoïdes j’en ai vraiment besoin…

    • le bizarre là dedans c’est que le problème ne serait pas les abeilles mais…les baisses de récoltes..en gros on vous dit eh les agriculteurs vous êtes cons…quel cultivateur serait assez con pour ne pas régir si il avait des pertes de récolte liée à un problème de pollinisation..

  • ministre de la Transition Écologique et Solidaire

    Qu’est ce que c’est que ce machin-la encore ?
    Une « transition solidaire » !? wft ?

    • je comprends mieux le principe de solidarité…que celui d’écologie politique pour autant il me semble que la solidarité obligatoire n’est pas vraiment de la solidarité; être solidaire doit être un choix non…?

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