Moralisation de la vie politique : bientôt des « intouchables » ?

Comment la recherche, légitime, d’une moralisation de la vie publique débouche implacablement sur la création d’une caste d’« intouchables » comme en Inde.

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Moralisation de la vie politique : bientôt des « intouchables » ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 4 juin 2017
- A +

Par Yves Buchsenschutz.
Un article d’Emploi 2017

Il est vrai que la moralisation de la vie politique a probablement coûté son élection à François Fillon et à son programme, ainsi qu’elle commence, déjà, à empoisonner la vie du Président Macron via MM. Ferrand ou Bayrou. C’est peut-être, pour finir, un argument à éviter tant les solutions évoquées nous emmènent inéluctablement vers la création inédite au pays de Voltaire, d’une caste d’« intouchables ».

Trois solutions principales à ce problème sont actuellement envisagées.

1. Légiférer pour la moralisation ?

Légiférer : chaque fois que l’on pose la question, on rajoute une couche de droit, de plus en plus détaillée et précise pour s’apercevoir à l’arrivée que les juges s’en servent à leur guise. Il n’y a qu’à observer le fonctionnement du PNF (Parquet National Financier) depuis 6 mois pour s’en convaincre : massacre accéléré du candidat Fillon, évitement des candidats Macron et Le Pen, etc., voire des Ferrand et Bayrou.

Si Montesquieu a raison, il doit y avoir séparation des pouvoirs mais pas mésusage de l’un par l’autre. Au total, nous allons terminer avec un Code de moralité façon Code du travail. Très épais et inapplicable.

2. Encadrer les avantages ?

Limiter et encadrer les avantages potentiels : sous prétexte de moralisation, on veut définir et encadrer tous les mouvements des élus (rémunération, frais, assistance, collaborateurs…) et ceci à un niveau spartiate bien entendu. Deux résultats possibles : plus de candidats ou de mauvais, ce qui est pire, ou contournements de toute sorte. Et comme on le sait bien, « le diable est dans les détails ».

À noter que ce type de problème a été réglé dans les entreprises ou dans d’autres démocraties depuis longtemps, on devrait pouvoir s’en inspirer. Au passage, en tant que citoyen, je ne souhaite pas qu’un représentant de la France me représente avec un pantalon mal repassé… pas plus que de le croiser en Ferrari, si c’est à mes frais.

3. Traquer les conflits d’intérêt pour une vraie moralisation ?

Traquer les conflits d’intérêts, vrais ou potentiels : c’est à ce stade que le Grand Guignol commence vraiment. L’idée est d’interdire à certaines professions l’accès aux fonctions électives ou publiques ! Cela a commencé avec le Président Hollande, lequel a voué aux gémonies les « financiers ». Cinq ans plus tard, il organise l’élection de M. Macron.

Ce même M. Macron commence par expliquer via son interprétation de l’ISF, que l’immobilier n’est pas une industrie « politiquement correcte ». Tiens donc, se loger n’est plus un besoin basique de l’homme. La construction vient rejoindre la banque dans la case intouchable.

Cible suivante, le métier de conseil ! Pourtant les cabinets présidentiels et ministériels sont remplis de « conseillers » (spécialité française originale au demeurant). Vont-ils devenir également interdits d’élection ?

Ils rejoignent la poubelle des métiers où les attendaient déjà depuis longtemps les entrepreneurs ou autres industriels toujours suspects de conflits d’intérêts. Toujours pas trace dans la case intouchable des fonctionnaires (ni des élus en place) dont il est patent qu’ils sont en conflit consubstantiel et permanent avec l’État, leur employeur à vie !

On voit donc se créer au pays de l’égalité une caste d’intouchables où il sera commode de mettre demain tout opposant un peu sérieux.

Ce n’est pas la fonction qui compte mais la manière de l’occuper

Mais alors comment traiter ce problème ? La vérité est que la voie des métiers maudits est extrêmement glissante et parfaitement injuste. La sagesse populaire dit « il n’y a pas de sot métier » et c’est vrai (on ne peut pas décréter l’état d’urgence sans accepter les forces correspondantes).

Ce qui compte n’est pas la fonction occupée ou le métier concerné mais la manière dont on va l’exercer. Chacun d’entre nous, mais aussi chaque entreprise, remplit une fonction économique et sociale. Un boulanger doit fournir du pain de qualité et à un prix acceptable, un policier doit faire respecter l’ordre public, avec fermeté, mais aussi équité, sans brutalité inutile ni a priori, un fonctionnaire doit administrer les règles du jeu communes mais sans s’immiscer dans le jeu ou le détourner à son profit (voir l’ESS, certaines sociétés d’économie mixte ou les pantouflages par exemple) et se rappeler en permanence qu’il gère l’argent et les efforts des autres, un élu doit légiférer efficacement, soucieux d’abord de ses administrés plutôt que de ses rêves inassouvis…. ou de s’enrichir personnellement.

En contrepartie de cette prestation, si elle est jugée bien remplie par la collectivité, un employé touchera un salaire, une entreprise et ses actionnaires un profit dont l’importance sera fonction de l’intensité du service rendu, de sa rareté liée souvent au risque pris, un élu un défraiement. En fait ni le salaire, ni le profit ne sont des objectifs mais la rémunération d’une prestation à des clients-citoyens dont l’importance sera jugée à l’aune du besoin satisfait et de la difficulté à le réaliser.

Pour la mise en application, se renseigner en Suède, aux Pays-Bas, au Danemark ou en Suisse… Il y a une histoire d’éducation et de civisme là-dedans.

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  • Bel article sur l’éthique à venir du lavage plus blanc que blanc.
    Mais, cette dynamique « moralisatrice » sera t-elle suffisante pour détourner l’attention des français sur l’incapacité de nos gouvernants à régler les problèmes de l’emploi qui sont directement liés aux excès des prélèvements étatiques sur tous ceux qui s’impliquent dans le développement économique du pays…

    • Le problème n’est pas la captation de 57% de notre richesse par l’ état …. mais le manque d’efficience de sa redistribution…

      Le 2° Sont les conséquences de ce niveau de redistribution : totale deresponsabilisation des acteurs économiques

  • en france , les dirigeants passent leur temps à regarder ce qui marche chez nos voisins , dans le but de l’appliquer dans notre beau pays ; comment se fait il que les dit dirigeants ne soient pas capables d’appliquer la moralisation des politiques alors qu’avec des pays comme la suede , le danemark etc , ils ont de parfaits exemples ; ça ne les intérresse donc pas ?

  • Que nos élus soient convenablement rémunérés n’est pas choquant car la plus part d’entre eux gagneraient plus en travaillant dans le privé. Ce qui est anormal c’est l’opacité des rémunérations, cumul de mandats plus ou moins remplis , retraites sur des postes jamais occupés, avantages fiscaux, libéralités en tout genre ,frais de bouches et déplacements sans justification, luxueux logements de fonction la liste est trop longue. Loin de s’inspirer du secteur privé qu’ils essaient de réguler nos politiques ont dupliqué les usines à gaz de la fonction publique ou la rémunération de base n’est que la face émergée de l’iceberg face aux primes et avantages annexes chiffrables ou non.Enfin tout comme dans la fonction publique la punition pour ceux pris la main dans le pot de confiture est insignifiante, vous parlez du modèle Suédois et bien Juppé ou Fabius aurait été interdits de mandat À VIE pour condamnation et cela ne serait que justice. Depuis longtemps les anglo-saxons ont réglé ces problèmes en harmonisant les secteurs Privés et Publics. Toute correction à la marge ne fera que renforcer les intouchables.

  • « caste d’intouchables ».
    L’article ne manque pas d’intérêt mais le mot intouchable est mal choisi. En Inde « intouchaches » fait référence à la classe misérable.
    D’où mon incompréhension du titre . Les financiers, les consultants, etc. ne sont pas dans la misère.
    Il aurait fallu trouver un autre mot.

    • les indécrotables ? les immoralisables ?

      • @ véra
        les présumés coupables? Les suspects par principe? Les infréquentables?

        Ou tous ces « hommes de l’ombre », indispensables en politique et en affaires pour se charger de missions qui, bien sûr, ne leur auront jamais été confiées « officiellement ».

  • Bonjour,
    Je vois que je ne suis pas le seul à parler « des Intouchables »
    Derrière cela, en France, se dessinent deux catégories de citoyens ainsi qu’une nouvelle religion, le Progressisme.
    D’un côté, les Progressistes avec leur nouvelle religion, le Progressisme.
    De l’autre, les affreux populistes conservateurs avec tout ce qui va avec pour bien les habiller (je vous laisse compléter…) qui sont, nolens, volens, la majorité dans le pays.
    Et au nom de cette nouvelle religion qui attend son sacre officiel sur les fonds baptismaux de la République pour le 18 Juin, il est préférable pour ceux qui sont ou seraient encore dans la deuxième catégorie, de se convertir au plus vite …
    Beaucoup ont déjà commencé…
    Sinon, gare au tribunal médiatique et aux commissaires politiques d’en marche qui seront sans pitié à leur égard.
    Je demande à réfléchir.

  • On nage en plein délire avec cette histoire de moralisation de la vie politique …

    Imaginez une boite de 5,2 millions d’employés, où il n’y a pas de DRH, pas de conseil d’administration, pas de comité de surveillance, pas de commissaires aux comptes, pas de prix des actions et où le comité de direction est changé tout les 5 ans et remplacé par des gens qui ont un chèque en blanc et les pleins pouvoirs pour les 5 années suivantes.

    Ah, j’oubliais … les membres du comité de direction sont rémunérés au fixe, n’ont aucun intéressement aux résultats, sont payés entre 10 et 100 fois moins qu’un poste équivalent ailleurs, sans espoir de se créer un capital par l’expansion de l’entreprise, ont leur vie personnelle scrutée du matin au soir et sont constamment jugés sur ce qu’ils disent et jamais sur ce qu’il font, sans compter que tout le monde espère les voir dire une bêtise afin de les conspuer largement.

    Et tout celà fonctionne parfaitement : parce que yaka fokon que ces gens soient aussi forts que superman, aussi intelligent qu’Einstein, aussi efficaces que Stakanov, aussi frugaux que Saint Thomas d’Assises et aussi altruistes que Mère Térésa …

    Le socialisme, c’est magique !

  • Ce qui va ressortir de cette « moralisation » c’est une autre tartine de lois sur mesure pour les politiques, avec des tournures du style :
    – Il est interdit de……………… pour/à/aux (catéorie sociale supérieurement égale) ………………., à l’exception de ……………. ;
    – Il est légal de ………………………………….. pour/à/aux (membre de la catégorie sociale dite « Peuple »), à l’exception de ………………………
    Si Macron veut « dépoussiérer » (décrasser) les politiciens, la seule mesure qu’il doit prendre est : casier judiciaire vierge pour tout candidat à un poste d’élu public, cantonnal à national. Je n’y crois pas trop. Avec le Pouvoir Judiciaire à la botte de l’Exécutif, cela n’est de toute façon pas possible.

  • Vous voulez « moraliser » vos politiques ?

    En France, il existe 3 castes :
    Le tiers état, les bourgeois et les nobles.
    Si vous n’avez ni privilèges, ni argent ….. cherchez pas !!

    • @Olivier RPCh
      Bonjour,
      En fait il n’y en a que 2 :
      – le Tiers-état, comme vous le dites, c’est-à-dire le Peuple ;
      – la Haute Noblesse : les parlementaires, le gouvernement et leurs hauts copains. (toute la parasitocratie en somme)
      La parasitocratie cumule deux anciennes formes de castes :
      – la noblesse
      – le clergé.

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