L’état d’urgence est-il réellement efficace pour lutter contre l’insécurité ?

Loin de lutter efficacement contre l’insécurité, l’état d’urgence fragilise l’État de droit sans résultats significatifs.

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Soldats gare du Nord, Evan Bench (CC BY 2.0)

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L’état d’urgence est-il réellement efficace pour lutter contre l’insécurité ?

Publié le 31 mai 2017
- A +

Par Élodie Keyah.

Régi par la loi du 3 avril 1955, l’état d’urgence a été prorogé cinq fois depuis le mois de novembre 2015. Le constat est sans appel : au cours de cette période, de nombreuses attaques terroristes ont pu être menées à terme sur le territoire, dont Magnanville, Nice, Saint-Étienne-du-Rouvray, ou encore au Carrousel du Louvre.

Parallèlement, un rapport de la commission parlementaire indique que les plus gros réseaux terroristes ont été démantelés à la suite de poursuites judiciaires. À savoir, dans le cadre d’une procédure.

Et donc hors du champ de l’état d’urgence. Il convient alors de s’interroger sur le dessein réel de ce régime juridique, quand bien même 75 % des votants approuvent sa prolongation jusqu’au 1er novembre 2017, dans un récent sondage du Figaro.

Une fonction sociale

Le fait de « n’avoir rien à cacher », objection que l’on me rétorque souvent, n’est à mon sens pas suffisant pour accepter l’intrusion massive du gouvernement dans nos vies privées. Considérer l’état d’urgence comme une nécessité au vu du contexte actuel l’est encore moins ; ce fatalisme revient à banaliser un régime exceptionnel et attentatoire à nos libertés.

Bien plus qu’un simple constat de la situation générale, l’état d’urgence apparaît nécessaire aux yeux de la majorité pour signifier la menace constante pesant sur notre pays. L’initiative de ce régime est une réponse à un sentiment d’insécurité, au besoin selon lequel l’État veille sur la population, quitte à accepter que nos libertés individuelles soient bafouées quotidiennement par les pouvoirs accrus de l’administration.

Pourtant, c’est lorsque l’habitude de l’état d’urgence s’installe, à raison de prorogations systématiquement renouvelées, que ce régime se retourne contre ceux qu’il est censé protéger. En effet, non seulement les mesures sont arbitraires, mais elles sont parfaitement légales.

Parmi celles-ci, on trouve des assignations à résidence, des perquisitions administratives, un renforcement des sanctions pénales, des réquisitions d’armes, la possibilité d’interdire des réunions, des restrictions de circulation, voire des mesures d’éloignement.

Et c’est parce que l’on se situe sur le terrain de la prévention, en dehors de toute procédure, que les abus sont inévitables : sur plus de 4 000 perquisitions administratives entre le 14 novembre 2015 et le 2 décembre 2016, seulement 670 ont abouti à l’ouverture d’une procédure judiciaire, dont 61 ont révélé des faits en lien avec le terrorisme.

Loin de lutter efficacement contre l’insécurité, l’état d’urgence fragilise l’État de droit sans résultats significatifs. En ce sens, sa fonction première ne peut être que sociale, dans le souci de rassurer la population et d’apaiser les craintes.

Une fonction politique

Orienté contre des militants écologistes, l’état d’urgence a surtout permis de faire taire des dissidents politiques. Les assignations, les perquisitions et l’interdiction de manifester peu avant la COP21 démontrent qu’il est détourné de son but réel, à savoir la lutte contre le terrorisme et l’insécurité de manière générale. François Hollande a lui-même reconnu que l’état d’urgence était un prétexte pour les contrôler, ce qui constitue une atteinte grave à la liberté d’expression, de réunion, et plus généralement à la démocratie1.

Ces dérives prouvent, une fois de plus, que le pouvoir politique n’est pas à la hauteur de la confiance que lui prête le peuple. Au contraire, il le trahit.

Nous sommes dans une situation où les pouvoirs de l’État n’ont jamais été aussi étendus ; où les autorités publiques disposent d’autant plus de moyens coercitifs, dont elles peuvent se servir contre n’importe qui, quel qu’en soit le prétexte.

Le paradoxe de l’état d’urgence

C’est ici qu’un paradoxe survient : les preuves de l’inefficacité de l’état d’urgence sont accablantes, alors même qu’une majeure partie de la population persiste à souhaiter sa prorogation.

La peur prend malheureusement le dessus sur la raison, ce que nos dirigeants ont parfaitement compris. Il va de soi que les conséquences de l’état d’urgence sont avant tout néfastes, que le sacrifice de nos libertés individuelles n’apporte rien, si ce n’est pire.

La volonté d’Emmanuel Macron de le proroger jusqu’au 1er novembre 2017 représente une menace supplémentaire pour notre État de droit, qui se fragilise progressivement puisque l’arbitraire et la violence priment sur le Droit depuis plus d’un an et demi.

Le Conseil d’État avait pourtant rappelé, dans un avis consultatif, que « les renouvellements de l’état d’urgence ne sauraient se succéder indéfiniment ». D’un autre côté, la loi du 3 avril 1955 ne prévoit aucune limite maximum de prorogation, alors même que ce régime juridique d’exception se veut temporaire.

Le second enjeu est donc éminemment politique. La survenance d’un attentat supplémentaire en dehors de l’état d’urgence implique que le Président de la République perde tout crédibilité pour gérer une telle situation de crise. La population française n’est pas prête de sortir de ce cercle vicieux.

 

  1. « Un président ne devrait pas dire ça… », Gérard Davet, 2016.
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  • face à des individus dont le but est de tuer le plus possible mais qui n’ont pas peur de mourrir , je ne vois pas ce que l’on peut faire ;

    • @véra
      Bonjour,

      Ce que l’on peut faire :
      – Condamner les seuls actes néfastes à la Société ;
      – Arrêter de rendre la Société responsable des dérives de certains, qui en seraient alors victimes ; (le fameux « c’est la faute à la société ! »)
      – Faire respecter les Droits fondamentaux : la Liberté, la proriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ;
      – Enfermer ceux qui doivent l’être.
      Ensuite l’Etat doit revenir à sa mission qui est de garantir l’Etat de Droit en maintenant les Droits fondamentaux et en protégeant la DDHC de 1789.
      Aussi, rétablir le droit de port d’arme pour toutes les personnes libres. Ainsi, celles qui seront visées par des « individus dont le but est de tuer le plus possible mais qui n’ont pas peur de mourir » pourront mieux défendre leur vie. Le droit de port d’arme est un privilège en France – ailleurs aussi – alors que « Les hommes (*)naissent et demeurent libres et égaux en droits. » (* et les femmes)

      « Art. 16. Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »
      Nous avons un Ministre de la Justice. Cette Justice, donc le Pouvoir Judiciaire, est, de fait, sous la coupole d’un ministre du Pouvoir Exécutif. Ce dernier se permet aussi de pratiquer le Pouvoir Législatif.

    • Bonjour, Vous ne voyez-pas qu’on vous manipule que cela soit les Médias sur ordre de nos ministre.. car ces bien le ministre de la Défense, le ministre ds Affaire Étrangères, et le ministre de l’Intérieure sont les principale coupable de nos Attentats fait sur notre territoire.. Copier par tous les Gouvernement affilier à l’OTAN sont coupables de crimes contre l’Humanité, ses actes sont fait de telle façon, pour détournée l’intention des des peuples, étant fait par nos financiers , qui use et abuses de malversations, pour tromper le peuple.??
      Mais vous être libre de croire ou de ne pas croire je que je vous écries..!!

  • L’Etat d’urgence ne peut pas être efficace pour lutter contre l’insécurité, puisqu’il ne s’agit pas de son but. Les chiffres évoqués dans l’article le montrent clairement.
    D’ailleurs, si la sécurité était un objectif de l’Etat, cela se saurait !

    • Nous sommes pourtant bien dans le registre de la prévention ; l’article premier de la loi du 3 avril 1955 dispose que l’état d’urgence s’applique notamment « en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public ». La notion de « péril imminent » fait référence à l’insécurité. Elle est, volontairement, suffisamment floue et imprécise pour intégrer un grand nombre de situations critiques.

      Je pense que l’état d’urgence ne peut effectivement pas être efficace. Même si la lutte contre l’insécurité est implicitement évoquée dans les dispositions légales et est censée être son but premier…

      • @poincare
        Bonjour,
        Il est clair que le notion de « péril imminent » est volontairement floue. Il n’est pas non plus précisé qui est en péril, c’est pour cela que les premiers a avoir bénéficié de l’assignation à résidence n’étaient pas des terroristes, mais des manifestants. Le « péril imminent » était sur la tenue de la COP21.
        Commvous le dites, nous sommes dans la prévention, d’où le principe de précaution pondu par des couards qui n’ont que des procès d’intention. C’est pourquoi j’ai écrit dans mon tout premier commentaire, à vera : « Condamner les seuls actes néfastes à la Société », comme il est écrit dans l’article 5 de la DDHC.

  • « La survenance d’un attentat supplémentaire en dehors de l’état d’urgence implique que le Président de la République perde tout crédibilité pour gérer une telle situation de crise. »
    Franchement, je n’en suis pas si sur à force.
    L’article le souligne, il y a eu des attentats pendant l’état d’urgence.

    A un moment tout ceci devient tellement artificiel que de toute façon les français trouveront à raler quelque part.
    Que ça s’appelle « état d’urgence », « vigipirate », etc.

    Ce qu’il faudrait surtout pour que le gouvernement suscite enfin la confiance, c’est de mettre en place de vraies forces d’intervention aptes à intervenir en quelques minutes maximum où que ce soit sur le territoire, quitte à le patrouiller régèlièrement.
    Et capables de gérer tout type d’agression : viol, cambriolage, attaque à main armée, ou attaque terroriste.

    Une vraie force de sécurité présente et efficace, et pas uniquement destinée au contre terrorisme.

    Ca, ça sera une vraie protection de la population.

    • @AxS
      Bonsoir,
      « c’est de mettre en place de vraies forces d’intervention aptes à intervenir en quelques minutes maximum où que ce soit sur le territoire, quitte à le patrouiller régèlièrement. »
      Nous avons déjà ce type d’unité : Le RAID, le GIGN, le GIPN, qui sont déployables sur tout le territoire national. La seule « force » présente sur tout le territoire, sans besoin de déploiement, ni de patrouille régulière, ni de fonds publics c’est le Peuple. C’est le Peuple qui ramasse en premier, et pas seulement du fait de terroristes. Le Peuple a le droit de se défendre (résistance à l’oppression), personne ne devrait l’en empêcher, la Police devrait même l’assister quand il se défend, et le mettre à l’abri quand il ne peut plus. Il est temps que notre mascotte nationale redevienne le coq, pas le chapon qu’on l’a fait devenir !

      • J’ai en effet pensé aux RAID/GIGN/GIPN, mais ces unités sont trop rares et mettent trop de temps à intervenir.
        Et de fait elles n’interviennent que dans les cas les plus exceptionnels.

        Là l’idée est vraiment de descendre d’un cran, par exemple une police/gendarmerie de proximité présente dans les rues et pouvant intervenir dans la seconde ?

        • @AxS
          Bonjour,
          Ces unités sont rares, parce qu’elles sont composées de membres « élites », pas de simples agents et qu’effectivement leur mission n’est pas de mettre des PV mais tout ce qui a attrait aux forcenés, prise d’otages, contact avec suspect armé et/ou dangereux, fusillade et j’en passe. Ces unités sont l’ultime recours de la République.
          En France il y a 1 fonctionnaire de Police/Gendarmerie pour 216 personnes, voudriez-vous qu’il y en ait encore plus ? Vu que ces fonctionnaires ne sont pas là pour la sécurité, ni même pour garantir les droits du Peuple, je n’en souhaite pas plus. En particulier quand cette Police se permet de nier les droits des gens comme par exemple l’agriculteur salement exproprié de fait, arrêté en voulant rentrer chez lui, suffisamment longtemps pour déclarer les travaux trop avancés pour les stopper et construire un stade de foot.
          Le temps de réaction des Forces de l’Ordre sera toujours trop court, pour la simple et bonne raison qu’il faut les prévenir. Ensuite pour l’avoir vu dans un documentaire d’une chaîne qui vante la Police, elle n’est pas capable d’éviter à une collégienne le vol de son portable ni la claque qu’elle a reçue, alors que des agents étaient en planque devant le collège.
          La Police de proximité, celle qui consistait aussi à jouer au foot avec les jeunes, était utile et efficace, surtout pour le rensignement. Même ainsi, elle n’aurait pas été capable d’intervenir dans la seconde, même en multipliant les effectifs. Il faudrait alors 65 millions de flics.
          Je pense à deux cas particuliers qui me ramènent au droit du Peuple de se défendre :
          Le premier c’est lorsque le policier a été abattu par un des frères Kouachi, filmé par quelqu’un. Je me dis qu’il aurait mieux vallu que cet homme ait un fusil plutôt qu’un téléphone.
          Le deuxième c’est lorsque Mohamed Mérah a abattu une gamine de maternelle à bout touchant. PERSONNE n’a pu l’en empêcher. Si un instituteur, ou autre avait eu une arme, cette gamine serait vivante.

          • Edit :
            Oups : « Le temps de réaction des Forces de l’Ordre sera toujours trop long », pas « trop court » comme je l’ai écrit.
            J’ajouterai une autre raison : lorsque les Forces de l’Ordre patrouillent à un endroit A, à l’instant T, criminels et autres délinquants sévissent au même instant T à l’endroit B.

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