Quel sera l’impact du gouvernement Philippe sur la sécurité sociale ?

Tout concourt à laisser penser qu’une réforme profonde de la Sécurité sociale se dessine en creux : celle de l’appropriation de cette machinerie lourde par la technostructure d’État.

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Edouard Philippe par Jonathan Blanc (CC BY-SA 3.0)

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Quel sera l’impact du gouvernement Philippe sur la sécurité sociale ?

Publié le 19 mai 2017
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Par Éric Verhaeghe.

Le gouvernement Philippe présente un paradoxe majeur. D’un côté, le programme d’Emmanuel Macron ne manque pas d’ambitions sur la Sécurité sociale : fiscalisation des recettes, réforme systémique des retraites, remise en cause du paritarisme de gestion.

D’un autre côté, la Sécurité sociale est la grande absente du gouvernement. La ministre de la Santé est une médecin qui semble peu experte du sujet, et tout laisse à penser que la direction de la Sécurité sociale sera rattachée au ministère du Budget tenu par Gérald Darmanin, qui n’y connaît pas plus…

Quelques pistes permettent de mieux comprendre ce paradoxe…

Vers une étatisation de fait de la Sécurité sociale

L’information est passée à peu près inaperçue, mais elle est pourtant essentielle pour comprendre la suite des événements en matière de protection sociale : quand Emmanuel Macron a choisi Édouard Philippe comme Premier ministre, il a voulu lui imposer Nicolas Revel comme directeur de cabinet.

Revel est bien connu des initiés : il est directeur général de la caisse nationale d’assurance maladie.

À ce titre, il est l’homme-clé du budget des remboursements santé en France, l’homme qui négocie avec les syndicats de médecins les objectifs de dépenses, l’homme qui est supposé maîtriser la variable la plus fluctuante du budget de la Sécurité sociale.

Ribadeau-Dumas plutôt que Revel

Sur les conseils d’Alain Juppé, Édouard Philippe a refusé qu’un homme du président gère son cabinet. Il a préféré un camarade de promotion de l’ENA, Benoît Ribadeau-Dumas, conseiller d’État passé dans le privé (Zodiac Aerospace, ce qui, pour le coup, est un vrai « passage », très différent des postes de lobbyistes comme celui que le Premier ministre a occupé chez Areva).

De ce fait, la position de Nicolas Revel est devenue un peu bâtarde. Tout le monde sait désormais qu’il est susceptible de quitter son poste. Dans l’hypothèse où il ne le quitterait pas, le message serait clair : le budget de la Sécurité sociale se négocie au sein même de l’assurance-maladie.

La mainmise de la technostructure sur la sécu

Un maintien en fonction affermirait donc le pouvoir de la technostructure étatique sur la Sécurité sociale. Il correspondrait à une étatisation de fait du site, à son absorption dans l’administration.

On voit mal en effet comment une médecin peu impliquée jusqu’ici dans la logique financière de cette machine complexe qu’est la Sécurité sociale pourrait « faire le poids » face à cette forte personnalité qu’est Nicolas Revel, rôdé à l’exercice et investi, de notoriété publique, de la confiance du Président. Selon toute vraisemblance, l’ère qui s’ouvre est donc celle de la prise de possession assumée de la Sécurité sociale par l’énarchie.

Le pilotage effectif de la réforme des retraites

Parallèlement, Emmanuel Macron a annoncé une réforme systémique des retraites. C’est un sujet compliqué, technique, mais aussi sensible et très politique. Pour le coup, la ministre de la Santé paraît sur ce sujet complètement hors course.

Le plus vraisemblable est donc que la réforme soit pilotée par la direction de la Sécurité sociale, dont on pressent qu’elle sera rattachée au ministère des Comptes Publics.

On vérifiera dans les semaines à venir si Thomas Fatome, actuellement directeur de la Sécurité sociale, est maintenu ou non en poste. Il avait été nommé par la droite (après avoir dirigé le cabinet de Laurent Wauquiez) et maintenu en poste par la gauche. L’intéressé peut donc paraître ancien sur le poste, mais, jusqu’ici, il n’a jamais remis en cause le credo énarchique habituel sur la Sécurité sociale.

Là encore, face au poids de la technostructure, on a du mal à imaginer que Gérald Darmanin fasse le poids. Le nouveau ministre devra se consacrer cet été aux arbitrages compliqués de la loi de finances 2018. La charge que représente ce cycle budgétaire laisse peu de place aux autres dossiers.

Tout porte à croire, donc, que la réforme des retraites sera là encore portée par l’Élysée et par l’administration, sans intervention forte des ministres.

La continuité énarchique dans la Sécurité sociale

Sur le fond, tout concourt donc à laisser penser qu’une réforme profonde de la Sécurité sociale se dessine en creux : celle de l’appropriation de cette machinerie lourde par la technostructure d’État.

Rappelons que la Sécurité sociale n’a existé que par ordonnances (celles de 45, puis celles d’Alain Juppé, puis celles qui ont créé le RSI en 2005). Emmanuel Macron prépare l’intégration définitive de cet animal bizarre aux services de l’État. Plus que jamais, les assurés y seront minorés.

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  • Quid de la loi du 17 juillet 2001 sur la fin du monopole de la sécu….pour application des directives européennes de 1992 !!!

    Bastiat avait raison, car il était vraiment un visionnaire :
    « L’état c’est cette grande fiction à travers laquelle tout le monde vit au dépends de tout le monde » L’Etat.
    « C’est ce qui est arrivé. Les abus iront toujours croissants et on en recalculera le redressement d’année en année, comme c’est l’usage jusqu’à ce que vienne le jour d’une explosion. Mais alors, on s’apercevra qu’on est réduit à compter avec une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d’un ministre ou d’un préfet, même la subsistance, et dont les idées sont perverties au point d’avoir perdu jusqu’à la notion du Droit, de la Propriété, de la Liberté et de la Justice « … Dans Harmonies économiques. Des Salaires.
    « Il m’est tout à fait impossible de séparer le mot fraternité du mot volontaire. Il m’est tout à fait impossible de concevoir la Fraternité légalement forcée sans que la liberté soit légalement détruite, et la Justice légalement foulée aux pieds ». Dans La Loi.
    ‘La chimère du jour est d’enrichir toutes les classes aux dépens les unes des autres ; c’est de généraliser la Spoliation sous prétexte de l’organiser. Or, la spoliation légale peut s’exercer d’une multitude infinie de manières ; de la multitude infinie de plans d’organisation : tarifs, protection, primes, subventions, encouragements, impôt progressif, instruction gratuite, droits au travail, droit au profit, droit au salaire, droit à l’assistance, droit aux instruments de travail, gratuité du crédit, ect. Et c’est l’ensemble de tous ces plans, en ce qu’ils ont de commun, la spoliation légale, qui prend le nom de socialisme. » Dans La Loi.

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