Non, Bachar El-Assad et Daech ne sont pas « des barbares de la même nature ».

Non, Daech et Bachar El-Assad ne sont pas de même nature, et il convient d’avoir une réponse différenciée face à chacun.

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Non, Bachar El-Assad et Daech ne sont pas « des barbares de la même nature ».

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 11 avril 2017
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Par Alain Cohen-Dumouchel.

« Daech d’un coté et Bachar Al-Assad de l’autre sont aujourd’hui des barbares de la même nature » déclarait Benoît Hamon le 7 avril 2017, cité – entre autres – par Le Monde – d’après une dépêche AFP.

Une fois de plus, Benoît Hamon a tout faux. Car quiconque a un minimum de culture politique est capable de faire la différence entre un régime totalitaire et un régime dictatorial.

Quel que soit le caractère odieux et insupportable des frappes chimiques imputées à Bachar El-Assad, il existe bien une différence de nature entre les crimes du dirigeant syrien et ceux de Daech.

La dictature est une forme d’organisation du pouvoir dans l’État. Le dictateur emploie tous les moyens pour conserver le pouvoir et notamment la force et la violence. Le contraire de la dictature c’est la démocratie, qui permet aux individus de révoquer les hommes de l’État lorsqu’ils deviennent indésirables (les démocraties ne permettent évidemment pas de les choisir). Bachar El-Assad est clairement un dictateur sanguinaire, un criminel, capable de tout pour garder le pouvoir.

Dans un tout autre registre, Daech est une organisation totalitaire, c’est-à-dire un groupe qui vise à étendre de façon quasi totale le pouvoir de l’État sur les individus. Daech prétend régler tous les détails de la vie des femmes et des hommes. Les écarts de la population par rapport au modèle défini par Daech (écouter de la musique, danser, chanter, peindre, boire de l’alcool, avoir des relations sexuelles hors mariage, être athée ou homosexuel, etc.) sont punis d’emprisonnement, de sévices, de mutilation ou de mort. Le contraire du totalitarisme c’est donc le libéralisme qui laisse les individus libres de poursuivre leurs buts tant qu’ils n’empiètent pas sur le droit des autres.

En plus de son caractère totalitaire local, Daech a clairement des visées hégémoniques et veut convertir la terre entière à ses principes.

Daech n’est pas une organisation totalement antidémocratique. Les prises de décisions et le pouvoir au sein du groupe État islamique, du moment qu’ils obéissent au modèle théocratique islamiste, sont relativement partagées et ses dirigeants sont interchangeables. Bien entendu ils ne sont pas élus au suffrage universel mais les processus de nomination des chefs ressemblent un peu à ceux de la grande époque du communisme ; une démocratie relative au sein du parti, des comités de quartier ou des entreprises.

Ces définitions établies, on voit bien que Bachar Al-Assad n’est pas un totalitaire. Il ne cherche pas à imposer un mode vie particulier et précis au peuple qu’il gouverne. Dans la Syrie de Bachar on peut faire à peu près ce que l’on veut tant que l’on ne s’oppose pas directement ou indirectement au pouvoir. On est libre de sa religion, de sa nourriture, on peut circuler librement, commercer, se distraire, recevoir des amis. Seule la critique du régime ou l’opposition politique sont violemment interdites.

Donc lorsque Emanuel Macron établit une hiérarchie entre Daech d’une part et le régime de Bachar El-Assad il n’a pas tort. De même lorsque François Fillon désigne Bachar El-Assad comme un point de passage possible pour une négociation, il ne fait que constater « au feeling » une différence de dangerosité entre les deux régimes.

Pas sûr toutefois que tant Macron que Fillon aient une parfaite conscience de la différence fondamentale qui fait que l’on peut négocier avec Bachar El-Assad mais qu’il est totalement exclu de faire de même avec les hommes de Daech. Il faudrait pour cela qu’ils aient quelques bagages théoriques en philosophie politique que l’on n’acquiert malheureusement, ni en maîtrise de droit ni à l’ENA, si brillant soit-on.

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  • Ce n’est que mon avis mais Daech n’est pas un état totalitaire véritablement plutôt une occupation territoriale totalitaire. Lorsqu’on a des idées sur la façon de vivre de nature extrêmes donc indépassables on est obligé de les imposer par la force à tous les autres parce que ces idées sont trop minoritaires et fragiles pour exister par elles-mêmes.
    Quant au régime dictatorial de BEA et comme d’autres dictatures, ils peuvent être vu comme un moyen d’atteindre un objectif pour le pays tel que la modernisation économique en gagnant du temps. Là le bilan est plus compliqué à établir si on ne s’en tient pas qu’aux victimes dissidentes.

  • daech prétend régler tout les détails de la vie des femmes et des hommes …..ha ? daech aurait donc des bases socialistes ?…..

  • La guerre a fait 310’000 victimes, Bachar a eu longtemps la menace d’une intervention externe et tout le monde a fourni des armes aux « rebelles » et est venu lâcher quelques bombinettes chez lui et y compris presigland.

    La situation était plus que tendue pour lui depuis des années.

    Il y a 20 jours, après 6 ans de guerre, la situation se détendait, des territoires avaient été regagnés et les Américains avaient même déclaré que le départ de Bachar n’était plus d’actualité.

    Coup de théâtre, Bachar lâche quelques bombes chimiques pour tuer 0.02% des victimes d’un conflit qui arrive à sa conclusion et perd tout son avantage ? Ça ne me semble pas crédible une minute. Bachar n’avait aucun intérêt à un tel suicide politique au moment ou il gagnait enfin.

    ——————-
    Sans même discuter des « preuves » des attaques chimiques passée ou actuelle, plus que fragiles (selon des journalistes américains et une enquête de l’ONU de 2013), Trump était qualifié de « traître » par les démocrates pour sa volonté de détente avec les Russes et vu comme « faible » par nombre de pays à cause de sa volonté de ne plus intervenir à l’extérieur.

    Son intérêt est clair.

    Accident (stock d’un produit toxique chez les rebelles) ou coup monté, on ne sait pas, mais la version qui tourne en boucle dans les médias occidentaux est ahurissante… !?

    •  » Bachar n’avait aucun intérêt à un tel suicide politique au moment ou il gagnait enfin.  »

      Cette histoire que se serait un suicide politique si Bachar avait réellement bombardé des civiles à l’arme chimique, c’est juste ce qu’essaie de nous faire croire les poutinolâtres au service de la propagande du Kremlin qui nous a habitué à nier systématiquement tout bombardements de civiles sans même évoquer le terme de bavures. Ce qu’il savoir c ‘est qu’après ces bombardements chimiques tant Bachar al Assad que Poutine ont catégoriquement nié tout bombardement pour ensuite entendre Poutine se rétracter et expliquer que ces bombardements étaient légitimes puisque ils visaient un entrepôt de produits chimiques appartenant aux rebelles. ( Poutine en apporte aucune preuve ) Ce type d’échappatoire de la part de Poutine est un aveu que le régime est prêt à tout comme il l’a fait depuis le début pour asseoir son pouvoir et qu’il n’est pas à un suicide politique près puisque son vrai suicide politique pour Assad c’est au début qu’il a provoqué en réprimant violemment les premières manifestations anti-régime en pourrissant cette révolution en la transformant en guerre confessionnelle depuis l’implication de l’Iran et du Hezbollah à ses côtés et de la libération de centaines de djihadistes qui croupissaient dans ses prisons .

      Bachar n’a encore rien gagné. Avec ses massacres continuels de civiles, de bombardements d’habitations d’hôpitaux avec l’appuis terrestre du Hezbollah et de divers milices chiites iraniennes comprises, il s’est mis à dos la majorité de sa population qui est sunnite qui ne va jamais accepter une autorité d’un régime qui les a réprimé dans le sang.

       » mais la version qui tourne en boucle dans les médias occidentaux est ahurissante… !?  »

      Vous faite plus confiance aux médias Russes ou pro-Poutine ( La Russie fait partie des plus mal classés en matière de liberté de la presse; bien pire que la France ) qu’aux médias occidentaux?

       » Trump était qualifié de « traître » par les démocrates pour sa volonté de détente avec les Russes et vu comme « faible » par nombre de pays à cause de sa volonté de ne plus intervenir à l’extérieur.
      Son intérêt est clair.  »

      Nous n’avez peut-être pas tort sur ce que vous dites. Mais l’un ( son intervention contre le régime par intérêt électoraliste ) annule pas forcement l’autre. ( une attaque chimique en règle du régime syrien ). ça s’appel être un opportuniste.

  • « le contraire de la dictature c’est la démocratie »

    Le contraire de la dictature c’est la liberté. La démocratie, ça à l’air sympa, ça sonne bien à l’oreille, mais ça n’en reste pas moins une dictature de la majorité.

    « quiconque a un minimum de culture politique est capable de faire la différence entre un régime totalitaire et un régime dictatorial »

    Le premier est illégitime, tandis que le second est… illégitime.

  • L’imposture est énorme comme dans toute ces guerres. On se pare de vertu alors que l’on est autant vermoulu que ceux que l’on attaque.

    Nous en somment à l’ère du « indignez vous puis torchez vous en le cul »

    Ces donneurs de leçons, ils ouvrent quand les frontières aux réfugiés syriens ❓ Ou est la morale d’aller les laisser se noyer expliquez-moi ❓

  • Les commentaires sont fermés.

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