Dette publique : un tournant décisif dans la campagne électorale

Benoît Hamon a proposé de renégocier la dette publique française. Il reconnaît ainsi que la dette est insoutenable mais il oublie de remettre en cause les politiques qui ont conduit à cette situation.

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Dette publique : un tournant décisif dans la campagne électorale

Publié le 9 mars 2017
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Par Simone Wapler.

Non, la surprise ne vient pas de François Fillon, elle vient de l’autre côté. Benoît Hamon a annoncé vouloir renégocier la dette publique française. Autrement dit mettre la France en dépôt de bilan. Il reconnaît ainsi que la dette est insoutenable mais il oublie de remettre en cause les politiques qui ont conduit à cette situation.

Voyez-vous, si c’était pour repartir sur des bases saines, je serais tout à fait d’accord avec Benoît Hamon. Cette dette est stupide, insupportable et plombe nos espoirs quant à l’avenir. Elle fait fuir les jeunes actifs hors de France pour échapper au matraquage des charges sociales ou au chômage. Elle appauvrit la classe moyenne écrasée d’impôts.

Pas de dépôt de bilan

Hélas, à en juger par les commentaires de Benoît Hamon et de ses conseillers économiques, il n’est pas sûr que ce dépôt de bilan soit envisagé pour enfin repartir d’un bon pied.

Benoît Hamon sur France Inter, lundi 27 février :

Il faudra regarder ce qu’on pourra rembourser ou ne pas rembourser. Il y a une dette vis-à-vis de la planète que nous ne pouvons pas rembourser. Il y a une dette vis-à-vis des banquiers que nous pouvons tout à fait renégocier.

La distinction entre la planète et les banquiers m’a laissée perplexe…

Mais poursuivons. Le Monde s’est livré à des commentaires intéressants :

Notre dette publique n’a a priori pas de problème de soutenabilité. À 97,5% du produit intérieur brut (PIB) fin 2016, elle est un peu au-dessus de la moyenne de la Zone euro (90,1%). Mais les taux d’intérêt que l’État paie pour emprunter restent historiquement bas (0,89% sur 10 ans), tandis que la charge de la dette (le paiement des intérêts) ne pèse que 2% de notre PIB, contre 3% en Espagne et 4,2% en Italie.

Le quotidien présente la dette française de façon technocratique, en la comparant au PIB comme si l’État possédait 100% de l’activité économique d’un pays. Mais jusqu’à preuve du contraire, la France n’est pas un pays communiste. Le secteur privé – même s’il est minoritaire – a encore la main sur 43% de l’économie, l’État ne s’arrogeant « que » 57%.

La dette (environ 2 000 Mds€) et les intérêts (environ 46 Mds€) doivent être comparés aux recettes fiscales, soit 288 Mds€. L’État vit en effet de recettes fiscales et non d’argent tombé du ciel. La dette publique, résultat d’empilages de 43 ans de déficit, n’est que de l’impôt en devenir. Sauf évidemment si on la répudie…

Les intérêts de la dette, alors même que les taux sont très bas, absorbent 16% de nos recettes fiscales. En gros 1 700 € de charges d’intérêts par famille. À comparer au revenu universel de 750 € prôné par Benoît Hamon qui coûterait 464 Mds€ soit 1,6 fois les recettes fiscales.

La croissance ne suffit même plus à absorber la moitié des intérêts de la dette

Enfin, Le Monde ne semble pas réaliser que le paiement des intérêts de la dette, qui représente 2% du PIB, est supérieur à la croissance de ce même PIB, qui n’est que de 1,1%. Le Monde estime que la dette est soutenable alors que les intérêts, historiquement bas, absorbent plus que toute notre croissance.

C’est comme si j’écrivais qu’une entreprise est viable alors que les intérêts de sa dette absorbent plus que la croissance de son chiffre d’affaires (et je ne parle pas des marges, mais bien du chiffre d’affaires). Souvenons-nous que l’argent ne tombe pas du ciel.

Dans le paragraphe suivant, Le Monde fait preuve d’un éclair de lucidité :

« Dans ces conditions, la renégocier serait un mauvais calcul : le gain serait vite effacé par la hausse des coûts d’emprunt qui suivrait », s’étonne un investisseur parisien. « Surtout, on ne peut légalement pas restructurer la dette détenue par les banquiers sans toucher à celle composant aussi l’épargne des Français », précise Eric Dor, économiste à l’école de commerce Ieseg.

Oui, si la France « renégocie sa dette », les investisseurs arrêteraient de nous prêter ou demanderait bien plus cher. Ce serait la banqueroute assurée.

Des banques en faillite

Dommage collatéral, les banques, bourrées de dette française, seraient aussi techniquement en faillite. Elles auraient des moins-values considérables sur leurs obligations françaises.

Inutile de dire que notre épargne bancaire et notre épargne en assurance-vie seraient englouties dans le processus. Sans compter que l’euro tel que nous le connaissons aujourd’hui disparaîtrait aussi probablement.

Mais Benoit Hamon et son conseiller, le médiatique économiste Thomas Piketty, ont la solution magique.

« Il conviendrait de mutualiser toutes les dettes publiques de la Zone euro au-delà de 60% du PIB », ajoute-t-il. Chaque pays rembourserait selon une quote-part reflétant le poids de son endettement – les Allemands ne seraient donc pas lésés. Mais le taux d’intérêt serait commun. Et le rythme de remboursement serait défini par ‘l’assemblée parlementaire de la Zone euro’ que souhaite instaurer M. Hamon, regroupant des députés des différents Parlements nationaux.

Alliance des canards boiteux

Dit autrement : tous les canards boiteux s’allient ; on crée un pot commun de dettes publiques, ce qui revient à la mutualiser ; on renégocie un taux d’emprunt ; et une « assemblée parlementaire » définit le rééchelonnement ; les canards boiteux décident aussi qu’à l’avenir les déficits seront limités à 3% du PIB.

Pas sûr que les prêteurs croient à ces serments d’ivrogne…

Qu’en pensent les marchés (alias la Finance sans Visage, alias les investisseurs étrangers) ?

L’écart de taux d’emprunt à 10 ans entre l’Allemagne et la France se creuse encore légèrement mais ce n’est pas encore la panique puisque le taux d’intérêt a reculé.


Pour plus d’informations de ce genre, c’est ici.

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  • Bah, le cancre michetonne chez Méluche. C’ est tout. S’ il avait mieux travaillé à l’ école il ne sortirait pas de telles énormités.

  • Bah , toute façon on finira par ne plus pouvoir rembourser…Alors autant léguer une France sans dettes à nos enfants…..En déclarant la faillite….. Je suppose que c’est ce genre de pensée qui hantent Hamon et tous les autres bien à l’abri côté finance

  • Évidement que la France ne pourra pas rembourser sa dette, elle est comme l’est la Grèce, incapable de rembourser les dettes qu’elle contracte, actuellement elle emprunte pour payer les intérêts, pas l’emprunt.
    La dette publique française atteint 98,4 % du PIB, 80% de la dette est emprunt pour rembourser les intérêts.

    • Si vous ajoutez les retraites, on passe a plus de 200%. et aucune volonté des français a vouloir se remettre en cause.
      C’est évident que la France va faire faillite.
      La vraie question c’est quand et comment, et surtout quelle stratégie adopter, dés maintenant, au plus vite.

  • On entend régulièrement chez les socialistes 2 arguments de politique économiques qui se veulent définitifs: 1) faire défaut sur la dette 2) confisquer la fortune des milliardaires (environ 300 milliards). C’est juste oublier que le pays consomme structurellement chaque année 80 milliards d’euros de plus que ce qu’il produit, couche supplémentaire d’emprunt venant s’ajouter à la dette. Par conséquent les 2 remèdes préconisés par la gauche qui ne s’accompagneraient pas de mesure d’austérité concernant nos dépenses devraient être reproduites tous les 5 ans environ au regard des mêmes causes inchangées..
    On ne pourra échapper aux réformes structurelles, même avec les socialistes, donc autant les engager de suite !

    • Je pense qu’il faut dé-corréler la balance commercial négatif de la dette publique:

      — le premier est dû à un manque de compétitivité de l’économie française (en grande partie dûe aux charges et à une réglementation lourde et bureaucratique)

      — la deuxiéme est dûe à une gestion complètement catastrophique des deniers publiques par des politiciens inconséquent qui ont organisé des distributions de cadeaux depuis plus de 30 ans. Les deux se rejoignent dans le fait que l’état porvidence pénalise notre économie sur le court, moyen et long terme!

  • Ouh qu’il est pas bon le Benoît avec sa licence d’histoire et son PS comme activité « professionnelle ». Il devrait se renseigner sur qui détient la dette française à l’Agence France Trésor filiale de Bercy, cela devrait être simple pour lui, mais il ne le sait même pas le candidat à la présidentielle, quelle médiocrité!
    http://www.aft.gouv.fr/articles/detention-des-titres-de-la-dette-negociable-de-l-etat-par-groupe-de-porteurs_960.html
    Soit 7,1 % sur 1.649 milliards de dette publique (la dette globale étant actuellement proche de 2.300 milliards)
    Pôvre Benoît il ne sait même pas de quoi il parle comme les autres d’ailleurs et ça veut diriger un pays entier en dépensant sans compter, car il s’agit bien de cela, financer le Revenu Universel d’Existence, c’est lui qui a commencé.

  • « comme si l’État possédait 100% de l’activité économique d’un pays » En fait, ils le pensent tous, que le PIB total appartient à l’Etat, donc à eux. Le communisme est déjà là. Les dépenses de l’Etat, incluses dans le calcul du PIB, atteignent 57%, et proviennent en partie des 43% du secteur privé. Y a comme un os !

  • Les commentaires sont fermés.

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