La dette est le cancer de la démocratie

La dette publique n’est pas un simple sujet comptable. Son envol fragilise nos pays démocratiques. Comme un cancer, elle s’est développée au fil des années et certaines de ses métastases s’appellent le populisme.

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La dette est le cancer de la démocratie

Publié le 26 janvier 2017
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Par Cécile Philippe.
Un article de l’Institut économique Molinari.

La dette est le cancer de la démocratie
By: Blandine Le CainCC BY 2.0

La montée du populisme est un phénomène démocratique ­préoccupant en ce qu’il menace les fondements mêmes de nos démocraties. En France, la prochaine élection présidentielle laisse planer le ­risque d’un score très important pour le Front national. Ailleurs, le Brexit, l’élection de Donald Trump, la victoire de Viktor Orban en Hongrie, la participation des « vrais Finlandais » au pouvoir sont autant de signes de la généra­lisation du phénomène à l’ensemble des pays développés.

Bien sûr, nombre d’experts s’y sont intéressés et ont identifié des raisons possibles de son développement. Il me semble cependant que le rôle de la dette publique n’y a pas été suffisamment souligné. Il est important en ce que son existence est le symptôme d’une maladie grave du système démocratique.

Rupture du contrat social

Nombre de commentaires soulignent, avec raison, les effets de la crise financière de 2008-2009. Ils oublient néanmoins de pointer du doigt sa cause réelle. Comme l’expliquent les deux économistes Carmen Reinhart et ­Kenneth Rogoff, les crises monétaires et financières ont toutes un point commun : l’excès de dettes. « Ces masses de dettes énormes sont dangereuses parce qu’elles mettent l’économie à la merci d’une crise de confiance. »

Cette notion de confiance est au coeur de la crise morale de nos démocraties. Car si la crise de confiance peut provoquer une crise financière, c’est parce qu’elle résulte elle-même d’une rupture du contrat social.

Car, au fond, qu’est-ce qu’une dette publique ? En dehors de toutes les explications qui la justifient, elle incarne le montant que les instances publiques dépensent sans oser s’enquérir du consentement de leurs concitoyens. S’ils l’avaient eu, il leur aurait suffi de le financer par l’impôt. Le choix de la dette, c’est le choix des parlementaires de dépenser plus sans l’accord préalable de leurs électeurs.

Or, le consentement à l’impôt est un des fondements de nos démocraties. Dès lors que nos responsables politiques jugent qu’ils peuvent passer outre en créant de la dette, ils font fi de ce pilier qui est pourtant le garant du « vivre ensemble. » Car le consentement à l’impôt est un composant actif de la coopération humaine. Il sym­bolise ce phénomène décrit par ­l’humaniste Etienne de La Boétie, dit de « servitude volontaire ». C’est notre consentement à respecter des contraintes légales, conventionnelles, informelles dans le but de coopérer pacifiquement.

Le populisme, métastases du cancer

Cette servitude volontaire est fragile. Quand il devient évident que l’esprit de la Constitution n’est pas plus respecté, alors les gens cessent d’y croire et cela suscite de la méfiance. Cette méfiance, on la voit partout dans ces pays qui ont délaissé la notion d’équilibre bud­gétaire, pensant qu’elle était obsolète alors qu’elle est au coeur du pacte social. Ces pays se créent des lendemains qui déchantent, car il y a toujours un moment où sonne l’heure des comptes.

Sans surprise, les citoyens rechignent à payer l’addition lorsqu’elle se présente tôt ou tard car ils n’ont rien commandé. Forcés à le faire, ils se sentent floués par leurs dirigeants et cherchent alors des alternatives qui représentent mieux leurs sentiments : leur ras-le-bol fiscal, leur crise d’identité, leur méfiance à l’égard du créancier étranger, l’exil intérieur ou les départs à l’étranger…

La dette publique n’est pas un simple sujet comptable. Son envol fragilise nos pays démocratiques. Comme un cancer, elle s’est développée au fil des années et certaines de ses métastases s’appellent le populisme. Tous ceux qui continuent d’appeler de leurs voeux une augmentation de la dette publique sous-estiment à quel point cela ­gangrène nos démocraties.

Au XIXe siècle, les partis de gauche avaient bien compris ce risque. Ils défendaient l’équilibre budgétaire au nom de la nécessité de protéger les pauvres des générations futures. Il est grand temps que l’on se réapproprie cette façon de voir et que l’on pousse la classe politique à cesser de vivre à crédit. L’équilibre budgétaire est important dans nos démocraties.

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  • dette et populisme….pas sure que la dette soit responsable de la montée du populisme , la plupart des gens ne comprenent rien à ces histoires de dettes ; la monté du FN serait plutôt du à l’incompétence , au laxisme , à l’avidité et au mépris d’une élite envers ses citoyens ; deux partis se disputent le pouvoir depuis des décénies sans que cela sorte la france de l’ornière ; deux plats cuisinés que l’on nous ressort à chaque élection ; il ne faut pas être étonné si les français souhaitent  » gouter  » un autre plat dont ils ne connaissent pas encore la saveur ;

  • Faut arrêter avec cette histoire de dette pour faire peur aux enfants.nos sociétés s’enrichissant en permanence il est normal que leurs dettes grimpent:
    Le dette est le moteur de l’économie.

    • Espérons que l’économie a d’autres moteurs 😉

      • Oui, et pourquoi pas le consentement à l’impôt ?
        La dette est un trou sans fond dans lequel on (s’é)puise… Voyez tout de suite qui est le « ON » !

    • « La dette est le moteur de l’économie. »

      Allez donc dire ça en Argentine ou en Grèce, pour ne citer que les deux derniers cas en date.

    • Hallucinant !!! La dette n’est pas le moteur de l’économie, elle est le symbole de la servitude des générations futures : nos enfants devront travailler toujours plus longtemps pour régler cette dette qui n’aura profité qu’à ceux l’ayant émise. Actuellement, l’état n’emprunte pas pour investir, il emprunte pour vivre. Je penser que si on demande aux Grecs si la dette est le moteur de l’économie, leurs réponses vont différer de la vôtre…

    • @reactitude
      L’endettement n’est justifié que s’il finance des investissements qui génèrent de la richesse, laquelle permet de rembourser, voire plus. Si c’est un palliatif à une gestion irresponsable pour boucher des déficits de fonctionnement récurrents, c’est une escroquerie, presque un crime si l’auteur en tire un avantage, être réélu par exemple.

    • Richesse = actif – passif

  • @Roger de vaudois
    Il n’en existe pas d’autres !
    Pour s’enrichir il faut investir donc , s’endetter.

    • Vous devriez réviser vos cours d’économie

    • S’endetter, mais avec le consentement du prêteur. Il est ou, dans le cas de la France ❓
      On est donc bien dans un dictature.

    • Un wagon roule, tout ce qui roule n’est pas un wagon.
      Vous faites l’erreur logique de penser que toute dette crée nécessairement de la richesse.

      En l’occurrence, en France l’endettement n’a strictement rien a voir avec la création de richesse
      La dette française n’est pas un investissement, mais un simple vol du présent sur le futur.

    • Encore une autre livraison d’inepties du troll reactitude.
      Vous n’avez rien d’autre à faire que d’écrire toutes les bêtises qui vous passent par la tête ?

  • @Yves
    Quels cours d’économie ?
    Tesla , exemple, a emprunte des milliards pour créer son outil et peut être s’enrichir dans quelques années….sans endettement ce futur serait BCP plus éloigné.
    Mais il est vrai qu’on peut aussi utiliser ses économies et attendre 50 ans pour acheter sa maison…ou emprunter., garder une partie de sa récolte pour semer plus tard…..et être riche ….trop tard.

    • Parce que, bien sûr la dette privée d’une entreprise ou d’un particulier qui doivent rembourse eux-mêmes leurs emprunts, c’est la même chose que la dette publique qui plombe l’avenir des jeunes et des personnes même pas nées pour financer les dépenses somptuaires de leurs aînés.

      • On compare souvent l’Etat a une entreprise dont les citoyens seraient les actionnaires.

        • Essayez donc de vendre vos « actions » de « l’entreprise État français ». Si vous y arrivez, faites-le savoir, je crois que beaucoup seraient intéressés à liquider leurs positions sur cet investissement foireux.

        • Sauf que dans cette comparaison, « l’actionnaire » n’a rien investi volontairement ! Il n’a eu que le choix d’élire le « conseil d’administration » et il est prisonnier des prévarications de celui-ci !

        • On compare souvent l’Etat a une entreprise dont les citoyens seraient les actionnaires.

          Avec 24% de déficit chaque année les « actionnaires » forcés l’ont dans l’os puissance 10 d’autant plus que « l’entreprise » France produit des services de plus en plus médiocres.

          (Un déficit c’est entrées moins dépenses et pas ce monstrueux enfumage qui consiste à compter les dépenses en fonction du PIB, ce qui est hilarant, vu que le PIB agrège les dépenses de l’état)

    • Il est notoire que Tesla profita d’un capitalisme de connivence… tout s’explique et votre exemple tombe de lui-même.
      « Tesla Motors, SolarCIty et SpaceX, quelques-uns de ses projets les plus médiatisés, reposent lourdement sur des subventions d’État. D’après un article de 2015 du Los Angeles Times, ces trois sociétés « ensemble ont joui d’un montant estimé à 4,9 milliards de soutiens de l’État ». »
      l’article complet : https://www.contrepoints.org/2016/04/30/250138-elon-musk-de-tesla-capitaliste-de-connivence
      Par ailleurs, rien n’empêche d’emprunter selon ses capacités, mais, comme il est dit plus haut, l’état emprunte au-delà de ses capacités ; »La dette française n’est pas un investissement, mais un simple vol du présent sur le futur ».

  • Excellent article. Vous avez raison de souligner que la dette, au lieu de l’impôt, est une manière de se passer du consentement des citoyens avec toutes les conséquences que cela entraîne. Il faut lire et relire votre article.

  • Je ne suis pas d’accord avec la chroniqueuse …ce qu’elle dit est inexact ( Car, au fond, qu’est-ce qu’une dette publique ? En dehors de toutes les explications qui la justifient, elle incarne le montant que les instances publiques dépensent sans oser s’enquérir du consentement de leurs concitoyens. S’ils l’avaient eu, il leur aurait suffi de le financer par l’impôt. Le choix de la dette, c’est le choix des parlementaires de dépenser plus sans l’accord préalable de leurs électeurs).
    Tout un chacun qui cherche à se renseigner de façon basique peut connaître la dette actuelle de l’état français , des régions , des départements , des communes , des communautés de commune ( j’en oublie sûrement) , et peut savoir que , pour l’état , cette dette est restructurée depuis quasiment sa naissance ( 1978) et pourtant les électeurs votent régulièrement pour ceux qui réechelonnent cette dette et ainsi les légitimisent.

    • C’est un peu normal que ces gens soient réélus : les Électeurs palpent des aujourd’hui les fruits de la dette, sans se soucier qu’ils devront rembourser quand il seront vieux. Et que leurs enfants et petits enfants sont déjà endettés jusqu’au cou.
      Comment reprocher à des alcooliques citoyens le fait que le patron du bar leur fasse credit !

  • le populisme n’ est pas à l’origine des dettes … demandez à la droite – gauche …

  • pourquoi les gouvernements ( et leurs copains des collectivités locales ) font -ils des dettes ?
    Souvent pour tenir une partie des promesses faites pour être élu , tout simplement !!
    Vous voulez la retraite à 60 ans ? ouiiiiii !!!
    Vous voulez des piscines , des stades, des équipements de partout ? ouiiiii !!!
    Vous voulez de l’électricité pas chère ? ouiii !!!!
    etc… et ben on va emprunter et vos enfants paieront …
    Si au contraire un politicien avait dit : » vous allez vous serrer la ceinture et payer ce que vous voulez utiliser  » , il n’aurait eu aucune chance d’être élu.

    Les citoyens ont élu des menteurs sans se soucier de savoir comment les promesses allaient être financées , maintenant il leur reste les dettes à rembourser.

    bon , il y a aussi toutes les dépenses de l’état qui n’ont jamais servi aux citoyens et dont les citoyens n’avaient même pas conscience.

  • « les citoyens rechignent à payer l’addition lorsqu’elle se présente tôt ou tard car ils n’ont rien commandé »
    Si, ils ont élu des dirigeants qui promettaient de raser gratis.
    Cela me fait dire que la démocratie n’est possible qu’avec un niveau de culture élevé de la population. C’est de moins en moins vrai grâce aux idéologues de la rue de Grenelle, associé à un affaissement intellectuel et moral assez généralisé.

    • En politique c’est comme en économie, c’est l’offre qui crée la demande.
      Tous les candidats promettent de raser gratis.

      • En économie, la demande crée l’offre. C’est une question de point de vue.
        Si je conçois un instrument qui n’a aucune utilité pour personne, je peux en faire fabriquer 200.000 et le vendre moins de 5€, je ferai faillite.
        Si en revanche j’arrive à identifier que 200.000 personnes ont un besoin particulier sont je pense pouvoir fournir une réponse, alors je ferai fortune.
        Les keynésiens affirment que l’offre crée la demande. Notre quotidien montre à quel point ils sont dans l’erreur…

        • Le keynesianisme est une politique de la demande, il faut s’endetter pour relancer la consommation.
          (Ce qui est stupide)

          • Oui, je le suis un peu mélangé les pinceaux !
            Et vous avez raison, on ne peut pas créer de l’offre en arrosant avec de l’argent tout frais, ni en s’endettant pour ça.
            Le credit à la consommation ruine les ménages peu aisés, la même chose avec un État nous envoie droit dans le mur…

    • Et ça ne date ni d’hier ni d’ici; déjà, avant la fin de la moitié du XXème siècle, Eric Arthur Blair avait énoncé: « Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime, il est complice ».

  • Attention lorsque vous citez La Boétie! 30 000 étudiants de prépa planchent dessus depuis le début de l’année (son livre fait partie des trois obligatoires au programme, qui est « Servitude et soumission »). Ce que vous décrivez serait une obéissance volontaire, plutôt du côté de la soumission, là où ce grand philosophe décrit l’acceptation inconsciente (contrairement à la soumission à l’impôt, parfaitement consciente) d’une véritable oppression, une exploitation au service d’un seul, la tyrannie, que l’on fasse partie du peuple (le « gropopulas ») ou des puissants (les tyranneaux).

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