Par Olivier Myard.
Nous avons vu qu’un des scénarios possibles en cas de nouvelle crise de l’euro consisterait à faire sortir « par le haut » les pays du nord, ceux du sud restant dans la zone monétaire afin de ne pas être acculés au défaut (faillite des États).
Une telle perspective, la plus logique au plan économique, a toutefois peu de chances de se matérialiser, l’Allemagne risquant de ne pas vouloir assumer une telle responsabilité historique.
Un autre scénario consisterait à effectuer un pas majeur, en matière économique, vers un État fédéral européen.
Christian Saint-Étienne, dont les propos sont en général pleins de bon sens et de clairvoyance sur la situation réelle de notre pays, n’a jamais caché ses convictions fédéralistes. Sur le plateau d’une chaîne d’information économique, il s’est évidement prononcé en faveur de cette seconde option.
Les deux carences de la monnaie politique qu’est l’euro
Selon Robert Mundell, prix de Sciences économiques de la Banque de Suède, en mémoire d’Alfred Nobel, dit communément prix Nobel d’économie de l’année 1999, quatre conditions doivent exister au sein d’une zone monétaire pour qu’elle fonctionne correctement et soit pérenne : liberté des mouvements de capitaux, économie diversifiée, fiscalité permettant des transferts de capitaux d’un pays à un autre et mobilité des travailleurs, prêts à travailler dans n’importe quel pays de la zone.
Chacun peut constater que dans le cas de l’euro, si les deux premiers critères sont acquis, on est très loin du compte pour la mobilité de la main d’œuvre et la fiscalité, contrairement aux États-Unis ou dans l’Italie du temps de la lire. Pourtant ces deux pays affichent des disparités notables entre le Nord et le Sud ou le Nord et le Mezzogiorno.
Le salarié licencié en Bretagne ira-t-il se faire embaucher en Slovaquie ou en Lituanie ?
Le salarié qui perd son emploi dans le Wisconsin, s’il ne trouve pas à se faire réembaucher sur place, sera prêt à déménager pour aller travailler au Texas ou en Californie. Langue commune, sentiment d’appartenance à une même nation à laquelle les enfants des écoles font acte d’allégeance tous les matins face au drapeau, culture de la flexibilité et de la mobilité, rendent ces mouvements naturels.
Enfin et surtout, les autorités fédérales disposent d’un budget représentant environ 20% du PIB national. Les citoyens américains s’acquittent de leurs impôts à deux niveaux, d’une part auprès des autorités de leur État, d’autre part auprès du gouvernement fédéral à Washington. Ce dernier effectue des transferts depuis les États les plus riches vers les États moins bien gérés.
En Europe, on voit mal pour l’instant le salarié qui perd son emploi en Bretagne déménager en Slovaquie au motif que le constructeur automobile qui aura fermé une usine dans sa région d’origine en aura ouvert une nouvelle plus à l’est. Langue, protection sociale, niveau des salaires, disponibilité des services publics, scolarisation des enfants, rupture totale avec l’environnement familial et amical, constituent autant de barrières dès que l’on sort du cercle relativement restreint des anciens étudiants Erasmus et des expatriés par vocation. Il faudrait encore plusieurs décennies, si tant est que cela arrive un jour, pour assister à une telle mobilité professionnelle des Européens.
Vers un budget fédéral et un impôt fédéral
Le budget européen pour l’instant ne représente qu’environ 1% de la richesse globale de l’Union européenne (il était de 0,03% en 1960 !). C’est insuffisant pour des transferts financiers du nord au sud.
Sur ce site du Parlement européen, vous trouverez des infographies sur le mode de fonctionnement actuel du budget européen et qui paye quoi pour qui.
Mais nos technocrates ont une idée pour contourner ce problème d’anémie budgétaire.
Selon Christian Saint-Étienne, si une nouvelle crise de l’euro se profilait, au lendemain d’un long week-end, les Européens se réveilleraient alors citoyens d’une Europe dotée d’un ministre des Finances européen (perspective qui faire naître de nouvelles vocations parmi les ambitieux) et d’une direction économique unique. À terme, des impôts seraient levés directement, à un niveau de pourcentage du PIB européen suffisamment substantiel pour financer des transferts entre régions riches et régions pauvres.
Face à ce scoop, les autres experts présents sur le plateau de cette chaîne d’information économique ont réagi très mollement, l’un se préoccupant quand même de l’absence de consentement populaire à ce nouveau saut fédéral. La réponse fut cinglante, en substance :
« Peut-être que ça ne vous plaira pas, mais ce sera fait, vous serez mis devant le fait accompli, et on ne pourra pas revenir en arrière ».
Après les votes bafoués, les changements institutionnels sans referendum
Pourquoi en effet s’inquiéter, puisque ce sera pour le bien des peuples, même si c’est malgré eux. On retrouve ici la logique bien connue des dirigeants soviétiques dont l’économie accumulait échecs sur échecs. L’explication était qu’il n’y avait pas assez de communisme. La solution consistait à toujours en ajouter dans le collectivisme, jusqu’à la chute finale.
Après les « avancées » fédérales suite à referenda dont on ne tient pas compte du résultat (Français, Néerlandais et Irlandais ont quelque expérience dans ce registre), on assisterait à un nouveau « progrès » démocratique majeur, à savoir le changement institutionnel de grande ampleur sans l’avis des peuples. Accepteraient-ils sans broncher un tel coup de force ? Il ne faudra pas alors s’étonner si les scores des partis populistes montent encore d’un cran…
Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit
A force, ils vont le provoquer le vote populiste qu’ils conspuent!
Depuis le début du projet européen, c’est l’union politique qui est visée sans le dire aux peuples concernés, à qui l’on a vendu « la paix et la prospérité » avec des raisonnements spécieux confondant les causes et les effets. Il semble que la vérité commence à se faire jour…
Très bon article.
Dans la thèse de Mundell, l’hypothèse de transferts budgétaires indispensables pour garantir l’homogénéité d’un territoire souffrant d’un monopole monétaire est la moins crédible.
Prenons l’exemple historique de la France et du franc. L’essentiel des transferts budgétaires n’ont pas été de Paris vers la Province, notamment vers les provinces défavorisées. Au contraire, ce sont les provinces qui ont financé Paris, supportant un bilan financier négatif où les aides reçues ont toujours été inférieures aux impôts versés. La richesse de la Capitale a conduit à un territoire français structurellement appauvri, pillé, déséquilibré jusqu’à l’absurde, organisé en étoile, mis au service de la ville capitale, à peine compensé par le pôle rhodanien (de Lyon à Marseille), spécificité historique et géographique qui a fait de la résistance à la toute puissance de la Capitale.
Quant aux mouvements de population, l’analyse de la situation des USA fait surtout apparaître des transferts au sein de chaque Etat, notamment la métropolisation de la population désormais concentrée au sein d’une cinquantaine de villes millionnaires (nombre similaire au nombre d’Etats), plutôt que des transferts de population entre Etats, qui existent bien sûr, mais sont beaucoup plus faibles et progressifs que ce qui aurait été nécessaire pour répondre à des évolutions économiques plus rapides et brutales. Avec le recul historique, on s’aperçoit que les mouvements de population entre Etats américains sont relativement similaires à ceux existant entre Etats de la vieille Europe. La barrière de la langue ou de la culture est une barrière qui ne pèse pas lourd face aux réalités économiques.
Bref, la théorie de la zone monétaire optimale n’est que cela : une théorie, certes intéressante pour alimenter la réflexion économique, mais incapable de décrire le monde réel dans toute sa complexité. En tout cas, ce n’est pas parce que l’Europe n’a pas de budget pour réaliser des transferts sociaux que l’euro va s’effondrer. L’euro va s’effondrer parce que non seulement les gouvernements des différents pays sont irresponsables et font n’importe quoi, mais également la direction de la BCE, tout aussi irresponsable, joue avec la monnaie et ses politiques non conventionnelles, sacrifiant la valeur de la monnaie pour sauver les Etats obèses impécunieux qui sans cela auraient fait faillite, trahissant sa mission de protection de la valeur. Le pire, c’est que cette politique est vaine. Au terme de la gabegie, les Impécunieux irresponsables, noyés dans leur collectivisme stupide, feront quand même défaut.
Si on pousse l’analyse un peu plus loin, on s’aperçoit que le ralentissement de la croissance dans les pays développé forme une courbe de tendance symétriquement inverse avec le développement des aides sociales et des budgets publics collectivisant les richesses produites. Si jamais on devait entrer dans une stagnation séculaire, voire une récession de longue durée, autre théorie pseudo économique au moins aussi farfelue que la zone monétaire optimale, ce serait uniquement la conséquence de la collectivisation des richesses qui progresse partout, et non parce que le capitalisme seraient en bout de course. C’est bien le socialisme qui menace aujourd’hui de nous ruiner, comme il l’a déjà fait absolument partout où il a été appliqué. L’explication du phénomène est simple.
Il ne peut pas y avoir de dynamique économique dans un pays collectivisé parce que l’Etat, en dehors des fonctions régaliennes, ne produit strictement aucune richesse. Par construction, par nature, l’Etat ne peut que déplacer des richesses déjà produites par ailleurs, décourageant les productifs tout en favorisant le parasitisme et la paresse des improductifs volontaires. Le seul moyen d’entrer dans une nouvelle période de croissance économique et de prospérité consiste à faire maigrir les Etats obèses, en réduisant leurs dépenses jusqu’à leur niveau régalien, quelque part en dessous de 20% du PIB, probablement autour de 10%, puis en les y maintenant fermement.
Article sans intérêt !
Comparer l’UE au système soviétique est une démarche audacieuse !
l’UE possède un parlement européen ; institution démocratique s’il en est qui peut parfaitement se saisir de la question de l’intégration européenne !
L’article pointe les insuffisances de l’UE et les risques systémiques tout en faisant une comparaison avec le système US pour arriver à la conclusion que non une telle intégration ne serait pas démocratique !
Prétendre que l’Allemagne ne fera rien est bien présomptueux !
Si la crise devait survenir et si l’Allemagne n’avait pas d’autre choix, elle n’hésiterait pas sortir du club avec quelques pays du nord (Pays bas, Belgique, Autriche, Luxembourg, Danemark, pays baltes, Finlande) et laisserait les pays du club Med se dépêtrer dans leurs problèmes de dettes insondables !
Elle s’est toujours opposée au principe de mutualisation des dettes (euro bonds) parce qu’elle sait que le système souffre de graves déficiences et que sans contrôle ni discipline il est ingérable !
Que croyez-vous que vaudrait l’€ du club Med après le départ de l’Allemagne et on peut imaginer la remontée vertigineuse des taux d’intérêts qui rendrait très rapidement tous les états du sud insolvables ! Assurément, il en résulterait un véritable tsunami financier aboutissant à la ruine des citoyens de ces états !
Tout le monde sait que la France continue aujourd’hui d’emprunter à tout va parce que les prêteurs internationaux sont persuadés que le tandem France-Allemagne est indissociable et que donc le risque est à peu près le même …
L’Allemagne essaie sans succès d’obtenir de la part de certains très mauvais élèves (dont le chef de file est la France) de mettre un terme à leurs dérives budgétaires qui mettent en péril tout le système !
Tout le monde sait que l’UE et la zone € souffrent d’un manque d’intégration et de discipline budgétaire ; sans compter des disparités fiscales et sociales qui s’aggravent malgré des traités prévoyant des critères de convergence qui s’imposent aux états.
Mais surtout, au nom d’un soi-disant principe démocratique : il ne faut rien faire et … à la fin l’Allemagne paiera !
Alléluia !
« …d’une Europe dotée d’un ministre des Finances européen »
et pourquoi pas d’autres ministres ? Par exemple, si Trump désengage les USA de l’OTAN (obsolète), il faudra bien que l’Europe organise sa Défense commune, donc sa politique étrangère, etc., ce qui ouvre d’autres postes ministériels. Avis aux candidats malheureux aux élections nationales…
On imagine mal la France céder son siège au conseil de sécurité de l’ONU et son parapluie nucléaire à un ministre de la défense européen, au nom de l’intégration européenne. Les Européens n’oublient pas non plus que c’est la France qui a fait capoter un projet d’Europe de la Défense il y a quelques années. Ce n’est pas demain qu’on verra l’Europe de la défense, peu importe que les USA se désengagent de l’Otan.