Par Gaspard Koenig.

Puisqu’il est de coutume de dresser le bilan de l’année passée, voyons un peu combien de libertés nous avons perdues en 2016. Je ne parle pas des grandes libertés civiles, déjà gravement mises à mal par la Loi renseignement ou l’état d’urgence. Mais des petites libertés quotidiennes qui font le charme de la vie en société.
Quelques interdictions nées en 2016
Nos sagaces représentants ont ainsi décidé de nous interdire, dans le désordre :
- les vitres teintées pour les voitures (dès lors que le taux de transparence, précise le décret, est inférieur à 70%) ;
- la fessée pour les enfants (et même « tout recours aux violences corporelles » : quid alors des emmaillotages de nouveaux-nés ?) ;
- la moto sans gants (pour savoir quels gants sont homologués, prière de vous référer à la directive CE 89/686, sans quoi vous perdrez un point de permis) ;
- les sacs de caisse en plastique (d’une épaisseur inférieure à 50 microns, merci de vérifier à l’aide d’un microscope) ;
- les véhicules anciens dans les rues de Paris (immatriculés avant le 1er janvier 1997 : place aux Millennials) ;
- la cigarette électronique sur le lieu de travail (car comprenez-vous, le geste “rappelle celui de fumer” et “pourrait devenir un point d’entrée vers le tabagisme”, nous dit le législateur) ;
- et last but not least, l’achat d’actes sexuels (mais pas leur vente : comprenne qui pourra).
Ce n’est plus l’État-Nounou, mais l’État-Folcoche, comme la marâtre de Vipère au poing.
Des interdictions insidieuses
Ce sont des détails, me direz-vous.
Justement. Ainsi que l’écrit Tocqueville dans les derniers chapitres fameux et hélas toujours aussi pertinents de la Démocratie en Amérique,
« On oublie que c’est surtout dans le détail qu’il est dangereux d’asservir les hommes. »
Ils perdent peu à peu la pratique de la liberté, et le goût de la défendre. C’est pour notre bien, me direz-vous : n’est-il pas préférable pour les enfants d’échapper à la baffe, pour la nature d’être préservée des plastiques et des pots d’échappement, pour les femmes (et les hommes) de ne pas être traité(e)s en objets sexuels, et pour la police de pouvoir observer les conducteurs de 4×4 suspects ?
Justement. Tocqueville voyait émerger avec frayeur au-dessus des citoyens ce « pouvoir immense et tutélaire » qui
« travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, (…) que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? »
Nous abandonnons année après année des libertés trop fatigantes, en nous rapprochant toujours davantage de ce « despotisme démocratique » redouté par le lumineux philosophe il y a près de deux siècles.
En dépit de nos badineries sur les moeurs et de nos prétentions progressistes, nous avons développé collectivement une forme de morale d’État plus répressive et ubiquiste que le clergé de jadis. Comme toute morale, elle génère une redoutable hypocrisie, qui pourchasse les vices des faibles plutôt que de dénoncer les crimes des forts.
On impose des paquets neutres aux fumeurs, mais on déploie des trésors de diplomatie pour vendre nos Rafales, sans images dissuasives d’enfants sous les bombes. On refuse aux vieilles guimbardes l’entrée de Paris, mais on continue à subventionner massivement les énergies fossiles. On invoque la dignité humaine, mais on dénie aux prostitué(e)s les garanties légales qui leur permettraient d’exercer correctement un métier difficile. Tartuffes !
Au lieu d’interdictions, mettre en oeuvre des politiques publiques
À la symbolique de la sanction, il serait pourtant possible de substituer une éthique de la responsabilité. En instaurant une taxe carbone pour protéger notre environnement. En faisant payer, via des mécanismes d’assurance, ceux qui viennent engorger les hôpitaux pour avoir conduit une moto sans protection adéquate. En légalisant et régulant les activités prostitutionnelles pour mieux sévir contre la traite et l’exploitation. En appliquant l’article du Code pénal qui condamne à juste titre la maltraitance à l’égard des enfants. Bref, en élaborant des politiques publiques qui nous traitent en adultes. Faute de quoi, les trois quarts des Français qui, selon l’institut Viavoice, estiment souffrir d’un trop grand nombre d’interdits, risquent bien de se rebeller.
Je propose donc une bonne résolution à nos responsables politiques pour 2017, facile à tenir, et inspirée de notre président-poète Georges Pompidou : arrêtez de nous emmerder !
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Que cela serait un programme présidentiel simple et ambitieux ! Un candidat qui proposerait de ne rien faire ! Tout simplement ! 5 années sans interventions politiques, ni débats, sans aucune nouvelles lois si ce n’est le budget. Un projet de 5 ans de paix pour rassembler les français (et non les diviser) et faire le bilan pour mieux repartir !
Plus encore !…
Abroger, Abroger, Abroger… Nettoyer de fond en comble le millefeuille administratif: fiscal, social et réglementaire. Supprimer les doublons, etc…
Ah! J’oubliais, faire l’inventaire des comités theodules et les planques en tout genre, servant à caser les parasites de la république.
Bref, nettoyer les écuries Augias.
Avec moitié moins de parlementaires, cela devrait faire l’affaire…
Qu’il est bon de rêver !
Bonne article mais bon dieu comment l’auteur peux parler de subventions de énergies fossile alors que le montant de la Tipp ne cesse d’augmenter (avec le bonus de la TVA qui le prend en compte en tant que valeur ajoutée… )
Tocqueville ? ce “libéral” qui justifiait l’extermination des Indiens d’Amérique ?
Je trouve également curieux pour un prétendu libéral de défendre la prostitution, qui, par définition porte atteinte à la liberté des individus de disposer de leur corps comme il le souhaite. A quand la défense de l’esclavage volontaire nozickien ?
“…ce « libéral » qui justifiait l’extermination des Indiens d’Amérique…”
Ben voyons…
Extrait du livre I de De la démocratie en Amérique :
“On n’avait jamais vu parmi les nations un développement si prodigieux, ni une destruction si rapide […] L’amour instinctif de la patrie les attache au sol qui les a vu naître, et ils n’y trouvent plus que la misère et la mort. Ils se décident enfin ; ils partent, et suivant de loin dans leur fuite l’élan, le buffle et le castor, ils laissent à ces animaux sauvages le soin de leur choisir une nouvelle patrie […] On ne saurait se figurer les maux affreux qui accompagnent ces émigrations forcées. Au moment où les Indiens ont quitté leurs champs paternels, déjà ils étaient épuisés et réduits. La contrée où ils vont fixer leur séjour est occupée par des peuplades qui ne voient qu’avec jalousie les nouveaux arrivants. Derrière eux est la faim, devant eux la guerre, partout la misère.“
“A quand la défense de l’esclavage volontaire nozickien…”
On rappelle que, pour Nozick, la démocratie, qui institutionnalise la propriété collective, n’est qu’une forme de l’esclavage