Par Virginie Pradel.

Un nouveau psychodrame fiscal relatif au dispositif des actions gratuites s’est noué dans le cadre des débats autour de la loi de finances pour 2017. Ce dernier constitue une triste illustration des maux dont souffre notre système fiscal, à savoir l’instabilité, la complexité, l’idéologie et l’incohérence.
L’instabilité
Le dispositif d’attribution d’actions gratuites s’inscrit, sans conteste, comme un monument d’instabilité fiscale.
Depuis son instauration par la loi de finances pour 2005, le dispositif a fait l’objet de plusieurs modifications qui ont progressivement conduit à lui faire perdre son caractère incitatif. En particulier, la loi de finances rectificative pour 2012 a substantiellement augmenté le coût fiscal et social de 55,5% à 60,7% pour les bénéficiaires.
En 2015, la loi Macron a opéré un revirement salutaire pour le dispositif en prévoyant pour ses bénéficiaires la suppression de la cotisation salariale de 10% et l’imposition du gain d’acquisition dans la catégorie des plus-values de cession et non plus dans celle des salaires. Ce changement a permis d’abaisser pour ces derniers le coût fiscal et social à 58,2%, 35,7% et 28,5% en fonction de la durée de détention des actions. La cotisation patronale a, quant à elle, été abaissée de 30% à 20%.
L’aubaine fut toutefois de courte durée. Des députés de la majorité se sont en effet empressés, au cours des débats sur le projet de loi de finances pour 2017, d’adopter un amendement visant à opérer un quasi-retour à la législation en vigueur… avant la loi Macron.
Il va sans dire que cet amendement a suscité un véritable tollé et a conduit le gouvernement, qui s’érige désormais en gardien de la stabilité fiscale, à monter au créneau pour sauver les actions gratuites.
En définitive, après un suspens haletant conjugué à des tribunes enflammées des acteurs politiques et économiques concernés, les députés ont sagement opté pour des modifications plus modérées du dispositif. En substance, le régime des plus-values de cession continuera de s’appliquer jusqu’à 300.000 euros de gains d’acquisition par an tandis que la contribution patronale sera relevée de 20% à 30%, sauf pour les PME ne versant pas de dividendes.
La complexité
Compte tenu des réformes successives opérées sur le dispositif d’attribution d’action gratuites, ce dernier est devenu d’une redoutable complexité.
Quatre régimes d’imposition distincts, plus ou moins incitatifs, coexistent dorénavant en fonction de la date d’attribution des actions.
Le premier régime s’applique aux actions attribuées avant le 27 septembre 2012, le second aux actions attribuées entre le 28 septembre 2012 et le 7 août 2015, le troisième aux actions attribuées entre le 8 août 2015 et le 31 décembre 2016 et le quatrième aux actions attribuées à compter du 1er janvier 2017.
Cette cohabitation absurde de régimes fiscaux distincts selon la date d’attribution des actions gratuites est injustifiée d’un point de vue économique et source d’injustice pour les contribuables qui sont soumis aux régimes fiscaux les moins favorables.
L’idéologie
Il est inquiétant de constater que certains députés étaient farouchement déterminés à sacrifier l’ensemble du dispositif d’attribution d’actions gratuites sur l’autel du dogme anticapitaliste. Cela illustre la fâcheuse tendance des parlementaires à sombrer hâtivement dans l’idéologie politique au détriment de toute analyse économique.
Que ces derniers soient scandalisés par l’attribution d’actions gratuites à des dirigeants du CAC 40 tels que Carlos Ghosn, cela peut s’entendre ! Il apparaît cependant illégitime de bouleverser, pour cette seule raison, un dispositif économiquement efficient profitant à toutes les entreprises.
Ce dispositif permet en effet aux entreprises de fidéliser et d’impliquer davantage leurs salariés en permettant à ces derniers de devenir actionnaires (100% de salariés-actionnaires chez Critéo ou Blablacar). Il permet, du reste, aux entreprises en mal de trésorerie d’attirer d’excellents profils en compensant un salaire modeste par une rémunération alternative à celui-ci.
L’incohérence
Le dispositif d’attribution d’actions gratuites s’inscrit comme l’un des trois dispositifs, avec les BSPCE et les stock-options, destinés à encourager l’actionnariat des salariés ou des dirigeants.
En raison de leur finalité commune, à savoir favoriser l’actionnariat, il semblerait logique que les modalités d’imposition de ces différents dispositifs soient peu ou prou alignés.
Or, c’est un tout autre constat qui s’impose dans la mesure où il existe une incohérence flagrante depuis 2015 entre ces trois régimes fiscaux. Celle-ci se traduit par un décalage important entre les modalités d’imposition incitatives applicables aux actions gratuites et aux BSPCE, d’une part, et celles dissuasives applicables aux stock-options, d’autre part.
Il s’agit là d’une incongruité fiscale malheureuse, fruit d’un désamour législatif pour les stock-options, lequel est absolument non justifié sur le plan économique.
Hélas, les parlements passent et on constate toujours la même instabilité.
Que pouvons nous faire, nous simples citoyens ?