3 visages de l’antilibéralisme

Sous de multiples formes, les mouvements antilibéraux contestent les valeurs et les principes de liberté dans le monde entier.

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3 visages de l’antilibéralisme

Publié le 18 décembre 2016
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Par Tom G. Palmer.

anti-libéralisme
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Un spectre hante le monde : celui de mouvements antilibéraux radicaux, chacun se débattant avec les autres comme des scorpions dans une bouteille, et tous se concurrençant pour être celui pouvant démanteler les institutions de la liberté le plus rapidement. Certains se sont développés dans les universités, et d’autres dans des lieux réservés au élites ; certains tirent leur force d’un populisme qui crie sa colère. Les versions gauchistes et droitières de cette cause commune antilibérale sont d’ailleurs interconnectées, chacune alimentant l’autre.

Tous ces mouvements rejettent explicitement la liberté individuelle, l’État de droit, le gouvernement limité et la liberté des échanges. Tous font la promotion de formes radicales, quoique s’opposant violemment, de politique identitaire et d’autoritarisme. Ces mouvements constituent un danger et ne doivent pas être sous-estimés.

Sous de multiples formes, ces mouvements contestent les valeurs et les principes libéraux dans le monde entier, en particulier en Europe, en Amérique et dans certaines régions de l’Asie, mais leur influence se fait sentir partout. Ils partagent un rejet radical des notions de raison, de liberté et d’État de droit qui avaient animé la fondation de la République américaine et qui sont effectivement les fondements de la modernité.

Ceux qui préfèrent le constitutionnalisme à la dictature, le libre marché à l’étatisme socialiste, le libre échange à l’autarcie, la tolérance à l’oppression et l’harmonie sociale à un antagonisme irréconciliable doivent se réveiller : notre cause, ainsi que la prospérité et la paix qu’elle engendre, sont en grave danger.

 

Trois visages de l’anti-libéralisme

Au moins trois menaces symbiotiques à la liberté émergent à l’horizon :

  1. La politique identitaire et l’économie politique « de jeu à somme nulle » des conflits et agressions qu’elle engendre
  2. Le populisme, ainsi que l’aspiration à un règne d’hommes forts qui l’accompagne invariablement
  3. L’islamisme politique radical

 

Ces trois menaces partagent certaines racines intellectuelles communes et forment un réseau entrelacé, se dynamisant mutuellement au détriment du consensus libéral classique.

Bien que tous ces mouvements soient bardés d’erreurs, et en particulier d’erreurs économiques, ils ne sont pas motivés uniquement par un manque de compréhension des principes économiques, comme le sont tant d’interventions étatistes.

Bien que l’essentiel du soutien au salaire minimum, aux restrictions commerciales ou à l’interdiction des stupéfiants repose sur des méprises factuelles quant aux conséquences de ces positions, les leaders intellectuels de ces mouvements d’antilibéraux ne sont généralement pas des individus inconscients. Ils comprennent souvent assez bien les idées libérales, et ils les rejettent en bloc.

Ils croient que les idées d’égalité devant la loi, de systèmes juridiques et politiques fondés sur des règles, de tolérance et de liberté de pensée et d’expression, du commerce volontaire – surtout entre étrangers – pour un avantage mutuel et des droits individuels imprescriptibles et égaux – toutes ces idées ne seraient qu’un camouflage hypocrite et intéressé de l’exploitation, promue par des élites malfaisantes, et que ceux qui les défendent sont soit eux-mêmes malfaisants, soit désespérément naïfs.

Il est temps que les défenseurs de la liberté se rendent compte que certains rejettent la liberté pour autrui (et également pour eux-mêmes) non seulement parce qu’ils ne comprennent pas l’économie ou parce qu’ils retireront un avantage matériel au fait de miner l’État de droit, mais parce qu’ils s’opposent aux principes et à la pratique de la liberté. Ils ne cherchent pas l’égalité devant la loi, ils la rejettent et lui préfèrent la politique basée sur l’inégalité identitaire. Ils ne croient pas en votre droit de ne pas être d’accord avec eux, et ils ne vont certainement pas défendre votre droit de le faire. Ils considèrent le commerce comme un complot. Et ils préfèrent une « politique de la volonté » à une politique respectueuse des processus. Ils attaqueront n’importe qui pour avoir offensé leurs identités sacrées. Ils ne veulent certainement pas « vivre et laisser vivre ».

 

L’antilibéralisme de la politique identitaire

Cela a pris des décennies, mais un mouvement vigoureusement antilibéral et anti-tolérance du côté gauche du spectre a effectivement gagné un grand nombre d’universitaires dans une grande partie de l’Europe, de l’Amérique du Nord et d’autres pays. Son but est de faire usage de la punition, de l’intimidation et de la perturbation au niveau administratif, afin de supprimer toutes les opinions qu’il considère incompatibles avec leur vision.

Ce mouvement est enraciné dans les écrits d’un marxiste allemand qui étudia avec le théoricien nazi Martin Heidegger. Son nom était Herbert Marcuse, et après sa venue aux États-Unis il devint très influent au sein de l’extrême gauche.

L’essai de Marcuse de 1965 intitulé Tolérance répressive prétendait que, pour atteindre la libération, ou du moins la vision qu’il en avait, il fallait supprimer la tolérance à l’égard de l’expression et de l’assemblée de groupes et de mouvements favorisant des politiques agressives, l’armement, le chauvinisme, la discrimination fondée sur la race et la religion, ou s’opposant à l’extension des services publics, de la sécurité sociale, des soins médicaux etc.

La restauration de la liberté de pensée pouvait ainsi nécessiter des restrictions nouvelles et rigides en matière d’enseignements et de pratiques dans les établissements d’enseignement qui, par leurs méthodes et leurs concepts, servent à enfermer l’esprit dans l’univers établi du discours et du comportement, empêchant ainsi l’évaluation rationnelle des alternatives.

Pour Marcuse, comme pour ceux qui suivent sa ligne aujoud’hui (dont beaucoup n’ont jamais entendu parler), « libérer la tolérance signifierait alors l’intolérance vis à vis des mouvements de droite et la tolérance à l’égard des mouvements de gauche ».

En cohérence avec ce scénario, ceux qui sont en désaccord avec la nouvelle orthodoxie sont conspués, refusés de toute tribune, forcés de subir des leçons de « rééducation de la sensibilité », interdits de parler, intimidés, agressés et même menacés de violence pour les faire taire. Pensez à nouveau à l’appel de Melissa Click, la professeure de l’Université du Missouri, à ses partisans : « Hé, qui veut m’aider à sortir ce journaliste d’ici ? J’ai besoin de muscles ici ! ». Voilà bien le message de Marcuse en action.

Le « politiquement correct » à gauche a suscité une réaction tout autant antilibérale à droite. Les mouvements d’extrême droite qui gagnent du terrain en Europe et la fusion Alt-Right du populisme et du nationalisme blanc aux États-Unis ont attiré des partisans convaincus que leur existence, ou leur mode de vie, sont menacés par le capitalisme, le libre-échange et le pluralisme ethnique.

Furieux de la domination exercée par une gauche illibérale sur l’expression, excédés par l’espèce de chasse aux sorcières contre les dissidents, ils ont été poussés à l’action. En un sens, ils sont devenus l’image en miroir de leurs persécuteurs. Au sein des partis européens, ils ont ressuscité les idéologies politiques et le langage empoisonnés des années 1930. Aux États-Unis ils ont été dynamisés par le mouvement Trump, auquel ils se sont rattachés, attaquant le commerce international, dénigrant les Mexicains et les musulmans, et suscitant le ressentiment à l’encontre des élites.

L’appel à des « espaces sûrs » politiquement corrects réservés aux minorités se retrouve en reflet chez les nationalistes blancs qui appellent à affirmer « l’identité blanche » et la « nation blanche ». Le doyen du nationalisme blanc, mouvement également connu sous le label d’« identitarianisme » aux États-Unis, Jared Taylor, a récemment déclaré à la radio publique nationale :

« La tendance naturelle de la nature humaine est tribale. Lorsque les Noirs ou les Asiatiques ou les Hispaniques expriment le désir de vivre avec des gens comme eux, ils expriment une préférence pour leur propre culture, leur propre héritage : il n’y a rien de mal à cela. C’est seulement quand les Blancs disent, oui, je préfère la culture de l’Europe et je préfère être entouré de Blancs, pour une raison quelconque, et seulement quand ce sont des Blancs, que cela est considéré comme profondément immoral. »

Le professeur de philosophie Slavoz Žižek est une voix influente à l’extrême gauche, plus connu en Europe qu’en Amérique, mais jouissant d’un écho mondial croissant. Pour Žižek, la liberté dans les sociétés libérales est une illusion. Il brode le fil conducteur entre la gauche et la droite illibérales. Ce fil se retrouve dans le travail du professeur de droit national-socialiste Carl Schmitt, collaborateur de Martin Heidegger, qui réduisit de manière célèbre « la distinction politique spécifique … à celle entre l’ami et l’ennemi ». Žižek affirme lui « la primauté inconditionnelle de l’antagonisme inhérent comme constitutif du politique ».

Aux yeux de tels penseurs, l’harmonie sociale et les philosophies du « vivre et laisser vivre » ne sont qu’illusion. Pour eux, ce qui est réel, c’est la lutte pour la domination. Et, en un sens très profond, même la personne individuelle de chair et de sang n’existe effectivement pas pour ces penseurs, car ce qui existe réellement sont des forces ou des identités sociales. En effet, l’individu n’est rien d’autre que l’instanciation des forces ou des identités collectives qui sont intrinsèquement antagonistes entre elles.

 

L’autoritarisme populiste antilibéral

Le populisme coïncide souvent avec les différentes formes de politique identitaire, mais y ajoute la colère à l’égard des élites, une économie politique qui marche sur la tête, ainsi que l’ardent désir d’avoir un chef pouvant concentrer entre ses mains la volonté authentique du peuple.

Des mouvements populistes ont émergé dans de nombreux pays, de la Pologne à l’Espagne, en passant par les Philippines ou les États-Unis.

Michael Kazin, dans son livre The Populist Persuasion, propose une définition du populisme :

« Un discours par lequel les gens ordinaires sont considérés autrement que par leur appartenance à une classe mais en opposition à une élite non démocrate s’octroyant des privilèges ; et où il s’agit de mobiliser les premiers contre les derniers. »

La tendance normale de ces mouvements est de suivre un leader charismatique qui incarne le peuple et concentre la volonté populaire.

Un thème récurrent chez les populistes est la nécessité de mettre au pouvoir un leader qui ne s’embarrasse pas des procédures, règles, équilibres des pouvoirs, et autres protections des droits, privilèges et immunités et qui peut « tout simplement agir ».

Dans La route de la servitude, Friedrich Hayek décrit cette impatience à l’égard des règles comme le prélude au totalitarisme :

« Ce stade est caractérisé par l’exigence d’une action gouvernementale énergique et rapide, par le mécontentement général provoqué par la lenteur et la bureaucratie démocratiques: on réclame l’action pour l’action. Dans cette ambiance, on se tourne vers l’homme ou le parti qui semble suffisamment fort et résolu pour agir. »

Dans plusieurs États, les partis populistes et autoritaires ont repris le pouvoir et s’ingénient à le consolider.

En Russie, Vladimir Poutine a créé un nouveau gouvernement autoritaire qui domine toutes les autres institutions de la société et dépend de ses propres décisions personnelles. Poutine et ses proches ont mis la main sur les médias de manière systématique et complète, et les ont utilisées pour générer le sentiment profond d’une nation assiégée, dont la culture unique est constamment menacée par ses voisins et qui n’est défendue que par la main forte du chef.

Le gouvernement de Hongrie, après avoir obtenu une majorité parlementaire de deux tiers en 2010, a commencé à institutionnaliser le contrôle de tous les organes de l’État entre les mains des partisans du parti Fidesz. Ce dernier a présenté son chef, Viktor Orbán, comme un sauveur national et a lancé une politique toujours plus antilibérale de nationalisation, de connivence et de restrictions à la liberté d’expression.

Orbán a déclaré :

« Nous rompons avec les dogmes et les idéologies qui ont été adoptées par l’Occident et nous nous tenons indépendants d’eux… afin de construire un nouvel État bâti sur des bases illibérales et nationales au sein de l’Union européenne ».

Bien sûr, « au sein de l’Union européenne » se traduit par « subventionné par les contribuables d’autres pays »…

Après la victoire du Fidesz en 2010, le leader du parti nationaliste et anti-marché polonais Droit et Justice, Jaroslaw Kaczyński, a pu déclarer que la stratégie nationaliste, populiste et de connivence d’Orbán était « un exemple de la façon dont nous pouvons gagner ». Kaczyński a réussi à combiner politique identitaire et populisme pour évincer le gouvernement de centre-droit d’un pays dont l’économie est en pleine expansion, et a commencé à instituer des mesures populistes et protectionnistes qui se sont révélées adverses à la prospérité. L’Indicateur du Populisme Autoritaire 2016 de l’institut libéral Timbro en Suède, a conclu que, à gauche et à droite, en Europe contemporaine « le populisme n’est pas un défi temporaire, mais une menace permanente ».

Poutine, le pionnier de la tendance à l’autoritarisme, a versé des centaines de millions de dollars afin de promouvoir le populisme antilibéral à travers l’Europe par le biais d’un empire médiatique mondial sophistiqué, comprenant RT et Sputnik News, ainsi qu’un réseau d’usines de trolls Internet et de nombreux sites Web sur mesure. Le russe Peter Pomerantsev, pionnier des médias, dans son remarquable ouvrage Nothing is True and Everything is Possible, (« Rien n’est vrai et tout est possible ») note que « le Kremlin change les messages à volonté à son avantage »…

Les nationalistes d’Europe de droite sont séduits par le message anti-Union européenne ; l’extrême gauche est cooptée avec des histoires sur la lutte contre l’hégémonie américaine ; les conservateurs religieux américains sont convaincus par la lutte du Kremlin contre l’homosexualité. Des nuages ​​de mensonges, de dénonciations, de dénégations et plus sont créés pour saper la confiance des défenseurs des institutions libérales classiques. C’est un assaut post-moderne bien financé contre la vérité au service de la dictature.

 

Qu’est-ce qui provoque l’autoritarisme ?

Ces mouvements ne sont pas seulement le résultat d’une éducation défaillante. Ils ont un caractère profondément idéologique. Ils embrassent le collectivisme et l’autoritarisme, et rejettent l’individualisme et les règles constitutionnelles. Qu’est-ce qui les a amenés à générer tant de soutien populaire si rapidement ? Les recherches actuelles indiquent que les réponses autoritaires sont déclenchées par la perception de menaces à la sécurité physique, à l’identité du groupe et au statut social. Quand ces trois types de menace sont présents, les conditions sont réunies pour une explosion d’autoritarisme.

La violence islamiste radicale, recyclée à travers les nouvelles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour sembler encore plus répandue et plus commune qu’elle ne l’est réellement, présente une menace extérieure apparemment alarmante. L’intégrité et le statut du groupe sont également en jeu.

La recherche de la politologue Karen Stenner soutient l’idée qu’il existe une prédisposition à l’autoritarisme qui est déclenchée par des « menaces normatives », c’est-à-dire la perception que les opinions traditionnelles sont menacées ou ne sont plus partagées à travers une communauté. De telles menaces normatives déclenchent une réaction chez ceux qui sont prédisposés à l’autoritarisme, pour devenir des « gardiens de la frontière » actifs, des responsables des normes et des pom-pom girls de l’autorité.

Les menaces à l’encontre du statut social aggravent encore davantage ces réactions autoritaires. Le cœur du soutien aux mouvements populistes autoritaires en Europe, ainsi que la frange radicale du mouvement Trump en Amérique, est constitué par des hommes blancs avec un faible niveau d’éducation, ayant vu leur statut social relatif décliner alors que celui des autres (les femmes et les étrangers) a pu s’améliorer. Aux États-Unis, les hommes blancs âgés de 30 à 49 ans ayant des diplômes d’études secondaires, ou moins, ont vu leur taux d’activité diminuer précipitamment, au point où plus d’un sur cinq ne cherchent même plus du travail mais ont quitté la population active. Sans travail rémunérateur et épanouissant, ils ont subi une perte substantielle de statut social.

Les niveaux de vie absolus peuvent augmenter pour tous (et les niveaux de vie et les salaires réels ont considérablement augmenté au cours des dernières décennies), mais le statut relatif ne peut pas augmenter pour tous en même temps. Si certains groupes voient leur statut relatif s’améliorer, d’autres voient le leur régresser. Ceux des groupes qui ont régressé et qui sont prédisposés à l’autoritarisme seront fortement attirés par les figures autoritaires qui promettent de faire les choses correctement ou de restaurer la grandeur perdue.

 

L’islamisme radical, autre visage de l’antilibéralisme

L’islamisme radical reflète certains des thèmes des autres mouvements antilibéraux, y compris la politique identitaire (la croyance que la communauté des croyants est en guerre avec tous les infidèles), les craintes populistes autoritaires de menaces à l’identité de groupe et au statut social, ainsi qu’un enthousiasme pour les leaders charismatiques qui redonneront à l’Islam sa grandeur  (« Make Islam Great Again » pour reprendre un autre slogan bien connu).

L’islamisme radical partage même avec l’extrême gauche et l’extrême droite des racines intellectuelles communes dans l’idéologie politique fasciste européenne et les idées collectivistes de l’authenticité. Le mouvement islamiste en Iran qui a créé la première République islamique, fut profondément influencé par les penseurs fascistes européens, notamment par Martin Heidegger. Ahmad Fardid a promu les idées toxiques de Heidegger en Iran, et son disciple Jalal Al-e Ahmad a dénoncé les menaces occidentales présumées à l’identité authentique de l’Iran dans son livre Westoxification.

Comme Heidegger l’a déclaré après la victoire du parti nazi, l’ère du libéralisme était « le temps du Je. Désormais c’était le temps du Nous ». Le collectivisme extatique avait promis de délivrer le peuple allemand de son « existence historiquement inauthentique» et de le conduire vers « l’authenticité », c’est-à-dire la cause désormais embrassée par les guerriers de la justice sociale, les « identitaires » de l’Alt-Right ainsi que les islamistes radicaux.

Toutes ces tendances se renforcent mutuellement : chacune diabolise l’autre. Et au fur et à mesure que l’une grandit, augmente la menace existentielle contre laquelle les autres luttent. La croissance de l’islam radical attire des recrues vers des partis populistes en Europe (et en Amérique). Et l’hostilité envers les musulmans et leur aliénation par rapport à leurs sociétés accroît la capacité de l’État islamique et d’autres groupes à recruter.

En même temps, les guerriers de la justice sociale et du politiquement correct ne peuvent pas se mettre à condamner l’islamisme radical : après tout, n’est-il pas juste une réponse à l’oppression coloniale vis-à-vis des non-chrétiens par l’hégémonie dominante chrétienne / blanche / européenne ? Et souvent ils se retrouvent non seulement incapables de condamner les crimes islamistes, mais favorisent même l’antisémitisme. L’hostilité à l’égard des juifs et du capitalisme constitue en effet une caractéristique troublante commune de ces trois mouvements.

 

Le besoin de défendre la liberté

Les divers mouvements d’antilibéralisme se développent aux dépens, non pas les uns des autres, mais du centre, pour ainsi dire, composé de membres tolérants de la société civile qui produisent et commercent, consciemment ou non, selon les préceptes du libéralisme classique.

Nous avons rencontré cette dynamique par le passé, dans les années 1930, lorsque les mouvements collectivistes rivalisaient les uns avec les autres pour détruire la liberté aussi vite qu’ils le pouvaient. Les fascistes affirmaient qu’ils étaient les seuls capables de défendre la société contre le bolchevisme. Les bolchéviques se mobilisaient pour écraser le fascisme. Les deux camps se combattaient, mais avaient bien plus en commun que ce qu’ils voulaient admettre.

Malheureusement, le meilleur argument que les défenseurs de la société civile offrent généralement en réponse à ces défis est que le complexe de liberté personnelle, d’État de droit et de libre marché créent davantage de prospérité et une vie plus commode que ses alternatives.

Cela est vrai, mais cela ne suffit pas à détourner les coups funestes du triumvirat illibéral de la politique identitaire, du populisme autoritaire et de l’islamisme radical. La bonté morale de la liberté doit être maintenue, non seulement lors de rencontres tête à tête avec nos adversaires, mais comme un moyen de durcir la résistance des libéraux classiques, au cas où ils continueraient à reculer.

La liberté n’est pas une illusion, mais un grand et noble objectif. Une vie de liberté vaut mieux, à tous les égards, qu’une vie de soumission aux autres. La violence et l’antagonisme ne sont pas le fondement de la culture, mais leur négation.

Le moment est venu de défendre la liberté qui rend possible une civilisation globale qui permet l’amitié, la famille, la coopération, le commerce, l’avantage mutuel, la science, la sagesse – en un mot : la vie. Le moment est venu de contester le triumvirat antilibéral moderne et de révéler le vide qui règne en son cœur même.

 

Tom G. Palmer est senior fellow au Cato Institute et vice-président des programmes internationaux à l’AtlasNetwork. Il a édité La Moralité du Capitalisme, Après l’État-Providence et Peace & Love, et Liberté disponibles chez Libréchange.

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  • Oui, mais attention aux amalgames: les opposants au politiquement correct et aux abus des élites ne sont pas tous, loin de là, des populistes ou des anti-libéraux. Les hommes ne sont pas assimilables à des catagories, même si ces dernières ont une utilité pour comprendre.
    Les tenants du politiquement correct de gauche, animés par leur logiciel de lutte des classes, ont évidemment tout intérêt à assimiler leurs opposants à des positions extrémistes pour mieux les discréditer.

  • « La recherche de la politologue Karen Stenner soutient l’idée qu’il existe une prédisposition à l’autoritarisme qui est déclenchée par des « menaces normatives », c’est-à-dire la perception que les opinions traditionnelles sont menacées ou ne sont plus partagées à travers une communauté. De telles menaces normatives déclenchent une réaction chez ceux qui sont prédisposés à l’autoritarisme, pour devenir des « gardiens de la frontière » actifs, des responsables des normes et des pom-pom girls de l’autorité. »

    J’ai retrouvé ces gars dans le monde académique comme mindguard de la théorie du jour.

  • « Le moment est venu de défendre la liberté qui rend possible une civilisation globale qui permet l’amitié, la famille, la coopération, le commerce, l’avantage mutuel, la science, la sagesse – en un mot : la vie. Le moment est venu de contester le triumvirat antilibéral moderne et de révéler le vide qui règne en son cœur même. »

    Mode d’emploi, s’il vous plaît ?

    • Chacun doit défendre la liberté à son niveau, voilà le mode d’emploi.

    • « Le moment est venu de défendre la liberté qui rend possible une civilisation globale … »

      Je crois que la phrase devrait simplement s’arrêter la. Le problème de fond est tout simplement que le monde actuel ne peut subsister sans cela. Sans liberté et tolérance vis à vis de la liberté des autres, il ne peut plus y avoir de monde global ou de monde tout court à moins de revenir 50 ans en arrière. Certains le voudraient, mais ne se sont guère posé la question sur ce que cela impliquait.

      Tous ceux qui ont des idées préconçues sur la façon d’organiser la société, la morale, les moeurs, ont également tous la même idée à la base : écraser les autres – sauvagement de préférence. Oui ! Mais si ils ne sont pas d’accord ?

      Dans « libéralisme » ou « libertarianisme » ou « neo/ultra/turbo libéralisme », il y a la notion et le mot liberté. Et il n’est pas tolérable que des soit-disant progressistes/élites/gentils fassent la guerre à la liberté au moment où elle devient une question de survie pour la civilisation.

      • +1
        « Tous ceux qui ont des idées préconçues sur la façon d’organiser la société, la morale, les mœurs, ont également tous la même idée à la base : écraser les autres – sauvagement de préférence. Oui ! Mais si ils ne sont pas d’accord ? »
        +2 !

  • L’article original parle du libertarianisme pas du libéralisme.

    Je pense qu’il serait bon de conserver cette distinction en France également, la confusion entre libéraux, libertaires, libertariens, libéralisme économique, libéralisme sociétal, etc… est une des armes préférées des étatistes de tous bords pour utiliser la liberté comme bouc émissaire.

    • libertarianism se traduit par libéral en français
      liberal par gauchiste, ces f… de p… ayant réussi à devoyer le terme en anglais

    • Alors là, non !!

      « Libertarianism » se traduit par… libéralisme.

      C’est vous qui faites erreur. La distinction que l’on fait parfois en France (à tort !) entre libertariens et libéraux classiques n’existe pas aux États-Unis.
      Le terme « libertarian » désigne aux États-Unis tous les libéraux, de Milton Friedman à Rothbard, et renvoie aussi bien au libéralisme économique qu’au libéralisme politique.

      Importer en France le terme « libertarian » (libertarien) est une ânerie car la France n’a justement pas subi le détournement de sens du terme « libéral » comme aux USA (le terme américain « liberal » signifiant social-démocrate, les libéraux américains ont fini par choisir de se désigner par le terme « libertarian »).

      Je vous invite à lire les ouvrages d’Alain Laurent « Le libéralisme américain, histoire d’un détournement » ou « Les penseurs libéraux », très clairs sur ce sujet.

      • Absolument pas d’accord.

        Vous faites de la novlange ou du holdup ! La première ligne de wikipedia quand on tape liberatrianisme est « Ne doit pas être confondu avec Libertaire ou Libéralisme. »

        Cette confusion dessert tout le monde : les libéraux, les libertariens. Il y a un nombre énorme de gens qui sont pour la liberté et qui ne considèrent pas que le principe de non agression soit un axiome incontournable, ni que la disparition de l’Etat soit la solution pour un monde plus libéral.

        Alors oui, clairement les démocrates américains ont fait un holdup, mais la gauche Française à fait le même bien avant, dès la révolution et dans le siècle précédent, le libéralisme de Locke était phagocyté (cf discussion entre Rousseau et Diderot sur le droit naturel)

        De plus, en ne différenciant pas libéralisme et libertarianisme, vous entretenez la guerre en légitimité entre libéraux « classiques » et libéraux « modernes » (libertariens) qui sert en fin de compte les opposants, c’est se donner des bâtons pour se faire battre.

        Il y a un nombre énormes de points dans l’article sur lesquels des libéraux « classiques » ne se retrouvent pas.

        • Ah, wikipedia franchouillard, la référence pour comprendre les idées libérales !!!
          Je ferais de la novlangue alors que je me réfère à des études académiques sur la question et que je lis régulièrement le site du Cato (référence libérale américaine) dont est issu cet article, alors que de votre côté vous prenez le wikipedia français (notoirement à côté de ses pompes pour tout ce qui concerne les idées libérales) comme référence…

          Si, en France, on a pris l’habitude de restreindre (à tort !) le terme « libertarien » aux idées anarcho-capitalistes de Rothbard fondées sur le principe de non-agression, ce n’est pas du tout le cas aux États-Unis : aux USA le terme « libertarianism » désigne tous les courants libéraux modernes.

          Lisez les articles du Cato Institute, et vous constaterez que pour les Américains le terme « libertarian » désigne aussi bien les courants utilitaristes que jusnaturalistes, des écoles de pensées aussi différentes que le monétarisme de Friedman, l’évolutionnisme de Hayek, le Public Choice de Buchanan ou l’anarcho-capitalisme de Rothbard, par exemple.

          Bref, aux États-Unis, parmi les libertariens américains, il y a un nombre énorme de gens qui sont pour la liberté et qui ne considèrent pas que le principe de non agression soit un axiome incontournable, ni que la disparition de l’État soit la solution pour un monde plus libéral.

          Et lisez plutôt la version « en.wikipedia.org » de l’article « libertarianism », c’est déjà moins idiot.

          • Wiki US : « Libertarianism is the set of related political philosophies that uphold liberty as the highest political end. » Et clairement, le libéralisme ne considère pas la liberté comme « the highest political end », ni même comme une fin politique tout court, mais comme un moyen, au même titre que l’égalité. Wiki US (de nouveau) « Liberalism, a political philosophy founded on ideas of liberty and equality »

            Wikiberal fait la même distinction : « Les libertariens sont des libéraux radicaux, opposés à l’État dans sa forme contemporaine. »

            Alors libre à vous de considérer les libertariens comme les seuls « vrais » libéraux, mais cela dessert complétement le libéralisme en général.

            La distinction est pourtant simple :

            – le libéralisme est un courant de philosophie politique plaçant la liberté et la responsabilité individuelle avant l’autorité souveraine
            – le libertarianisme est un courant de philosophie politique qui a la liberté individuelle comme but politique

            Et effectivement en France, la confusion est encore plus profonde et aux US, le principe d’égalité fait également partie des références « liberals » ce qui augmente la confusion, d’où à on avis le besoin de ne pas tout mélanger.

            • ps : mettre le monétarisme de Friedman dans la colonne libertarianisme … vraiment limite holdup, il suffit de soulever la question de la monnaie centrale, de la question des taux, du rejet de l’or etc …. pour voir le débat enfler de suite.

              https://www.cato.org/case-for-gold

              Que Friedman soit très influencé par le libertarianisme ok … pour le reste …dans ce cas, on peut mettre Keynes dans la même colonne tant qu’à faire.

              • Mais lisez les sites américains, non de non !
                Les nombreux monétaristes qui écrivent sur le Cato Institute par exemple se dénomment eux-mêmes « libertarians », ce qui signifie « libéraux », et non pas « libertariens » au sens restrictif que leur donnent les Franchouillards.

            • « le libéralisme ne considère pas la liberté comme « the highest political end » »
              >> N’importe quoi. Pour un libéral classique comme Benjamin Constant, par exemple, la liberté est bien une fin.

              Comment faut-il vous l’expliquer ?
              Le terme « libertarian » (US) n’a pas le sens restrictif de « libertarien » (FR). De même que « liberal » (US) n’a plus le sens de « libéral » (FR). Ce sont de faux-amis.

              « libre à vous »
              >> Ce n’est pas mon opinion. Il s’agit d’une connaissance linguistique élémentaire que visiblement vous ne maitrisez pas.

              • Désolé, mais quand l’auteur parle de  » all competing to see which can dismantle the institutions of liberty the fastest » il parle d’institutions de la liberté, qui est un concept spécifiquement libertarien.

                • Mondieumondieu…

                  Dites, vous ne pouvez pas essayer de faire l’effort de comprendre ce qui vous est dit ?…
                  Vous avez commis une boulette. Ça peut arriver à tout le monde… Mais la moindre des choses est de reconnaître ses torts. Là, ça commence à devenir ridicule votre entêtement…

                  Quant à l’auteur, Tom Palmer, il est connu pour avoir contribué à la diffusion à travers le monde des auteurs classiques du libéralisme : Adam Smith, Milton Friedman, Hayek…

                  • Non, ce n’est pas une boulette et si l’auteur emploie les deux mots distinctement dans son article, c’est qu’il y a une bonne raison, c’est la traduction (soit réductrice, soit de ce que j’ai compris de Raphaël à dessein) qui ne me va pas du tout.

                    Ce sont les libertariens qui pensent qu’un système politique peut « respecter et protéger » la liberté … alors que les libéraux pensent qu’aucun système politique (l’autorité du souverain) ne peut « fabriquer » la liberté, et qu’il faut donc comme écrit dans wikibéral « faire reconnaître la primauté des principes de liberté et de responsabilité individuelle sur l’autorité du souverain »

                    Ce n’est pas une question de sémantique, mais une conception radicalement différente : entre la liberté qui s’acquiert et la liberté qui s’impose.

                    Tout ce délire de « liberté en danger : au secours : les islamo-fascistes, les conservateurs, les populistes etc… arrivent ! » est ridicule à mon avis : ce n’est pas la nature du système politique, ni les institutions … qui garantissent la liberté. C’est ce que peuvent penser les libertariens, mais clairement ca n’a aucun sens pour un libéral.

                    Les démocrates tiennent exactement le même discours de liberté en danger, alors que clairement, le populisme est de l’ultra-démocratie.

                    Ca devient vraiment la mode de crier avec les loups, alors en plus d’enfoncer la confusion entre libertariens et libéraux, essayons de ne pas faire d’amalgame sur ce que pensent les uns et ce que pensent les autres.

            • «Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle-même est fait pour servir»

              Tocqueville, ce libertarien.

      • Bon rappel de Raphaël. D’ailleurs l’autre terme qui désigne les « Libertarians » est « Classical liberals ».

  • MAGNIFIQUE !BRAVO ET MERCI POUR CE TEXTE LUMINEUX !

  • Comment se fait-il qu’après les titres ronflants de 2011, on puisse revenir en arrière. LE printemps arabe amenait la démocratie.
    JE pensais que Bourguiba avait beaucoup fait pour que la Tunisie soit un pays laïque où les femmes auraient les mêmes droits que les hommes
    N’est-ce pas un pléonasme de parler d’un islam politique alors qu’il est consubstantiel de la religion
    Non merci, l’Europe est assez malade sans vouloir ajouter à ses malheurs. L’heure est d’ailleurs à moins d’Europe. Faites d’abord la réforme de votre religion et commencer à adopter une législation qui VOUS permette de vivre plus sereinement

  • Bel article militant de la liberté, avec une nécessaire remise à sa place du populisme.

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