Par Jacques Garello.

Les récentes dispositions concernant l’APL (aide personnelle au logement) marquent la détermination de Bercy de détruire l’épargne des Français : avoir un livret A trop garni fera perdre le bénéfice de l’APL. Il y a certes beaucoup à dire concernant cette allocation. Mais la France cultive le paradoxe d’être l’un des pays où les ménages épargnent le plus, mais où l’épargne est systématiquement fiscalisée et gaspillée. Ce paradoxe ne s’explique que par un présupposé idéologique cultivé depuis des siècles : l’épargne freinerait l’activité économique.
L’épargne fiscalisée
Le succès du livret A est dû sans aucun doute à l’exemption fiscale dont il est assorti. Mais cela ne masque pas le triste sort de l’épargnant français. L’épargne est ponctionnée au moment de sa constitution : l’impôt sur le revenu frappe toutes les ressources du contribuable, peu importe ce qu’il en fait. L’épargne est ensuite ponctionnée quand elle est placée et rapporte des intérêts ou des plus-values.
Enfin l’épargne est ponctionnée quand elle est transmise soit par donation (droits de mutation) soit par testament (droits de succession). La chasse à l’épargne a pour premier effet de priver l’économie française des investissements dont elle a besoin, de sorte que les entreprises de toutes tailles passent entre les mains d’investisseurs étrangers, qui obtiennent parfois de singuliers passe-droits, ou se délocalisent, ou dépérissent.
Mais alors pourquoi épargner ? L’épargne populaire, concernant des personnes aux revenus modestes (certaines sont éligibles aux APL), est un réflexe de précaution contre l’incertitude de la conjoncture et, plus encore, contre la crainte d’effondrement qu’inspire le système étatique de protection : retraites et maladie.
L’épargne nationalisée
Mais ce n’est pas le point de vue de Bercy, et cela ne date pas d’hier. Pour les ministres des Finances successifs, il est important que l’épargne retourne d’une manière ou d’une autre dans l’escarcelle de l’État. L’empêcher d’en sortir (c’est la réduction des APL) mais surtout l’obliger à y entrer. Le procédé est très simple : l’épargne constituée par les ménages sous forme de livret A va être transférée à la Caisse des Dépôts et Consignations.
Cela s’est fait de tout temps pour tout l’argent récolté sur les livrets des Caisses d’Épargne, institutions publiques, puis lorsque les banques ont été autorisées à tenir des livrets A sur une portion importante de l’argent déposé. L’épargnant l’ignore, son épargne n’est pas à l’abri dans des coffres sécurisés, en fait c’est tout de suite entre les mains de la CDC qu’il se trouve : c’est une nationalisation de l’épargne privée.
Confisquée par la CDC, l’épargne a deux destinations : les grands travaux d’équipement du territoire, et le logement dit social. De plus, le gouvernement Ayrault a créé la Banque Publique d’Investissement (Bpifrance) qui a pour mission de fournir des capitaux pour des projets présentés par des PME ou des entreprises stratégiques ne trouvant pas prêteurs en banque ou en bourse, mais qui à coup sûr sont innovantes.
Les choix de la CDC et de Bpifrance (dont l’État et la CDC détiennent la majorité des parts) se sont révélés malheureux et la Cour des Comptes a épinglé les gaspillages et passe-droits qui accompagnent des investissements sans aucune rentabilité et sans lendemain.
Libérer l’épargne
Cette situation ne s’explique que par deux a priori idéologiques :
Le premier, c’est que l’épargne freine la consommation, qui serait le moteur de l’activité économique ; depuis Malthus (1790) relancé par Keynes (1936), l’épargne est tenue pour une fuite dans le circuit, c’est de l’argent stérile qui diminue la demande globale ; comme si elle ne devait jamais être utilisée, enfouie dans la cassette d’Harpagon.
Le deuxième stipule que l’épargne privée est stérile entre les mains des particuliers, mais prospère entre les mains des institutions financières publiques. On peut y ajouter une pincée de justice sociale : l’épargne et le capital sont entre les mains des riches, il vaut mieux qu’ils soient entre les mains de la collectivité. Les titulaires de livret A, on le sait, sont des capitalistes exploiteurs.
Il faudrait en fait libérer l’épargne française de ces sornettes et de cette exploitation étatique, au lieu de la fiscaliser et de la nationaliser. À l’heure des promesses de réforme fiscale, les candidats devraient retenir une mesure préconisée depuis des années par Pascal Salin et ses amis libéraux : l’impôt sur la dépense.
La déclaration annuelle porterait sur deux colonnes : d’un côté les revenus, y compris éventuellement les revenus de l’épargne placée, de l’autre l’épargne constituée, sous toutes ses formes. Le calcul de l’impôt prendrait pour base la différence entre les totaux des deux colonnes. Voilà un moyen de relancer l’investissement productif, la croissance et la compétitivité.
—
Excellent article, qui rejoint exactement mes conclusions : en France, l’épargne est diabolisée. Le raisonnement keynésien base la croissance sur la consommation, soit la formule, totalement absurde de : «destruction de richesses= production de richesses» !!
Mais j’ai entendu un responsable du PS affirmer devant moi, en 2012 : «les français épargnent trop !» , effarant !!
Les socialistes ne comprennent pas que, quand la consommation en France excède la production, grâce à l’emprunt, cela signifie, obligatoirement, une augmentation des importations !!
Mais les keynésiens raisonnent dans un mode avec un seul pays, sans tenir compte du commerce international !!
A peu près comme si un ingénieur aéronautique raisonnait sans tenir compte des lois de la gravitation universelle !!
Il me semble que l’ impôt sur la dépense existe déjà sous forme de la TVA… A moins que, parce qu’elle porte le nom de taxe, elle ne rentre pas dans la catégorie impôt???
Oui la taxe sur la dépense s’appelle la TVA, imaginez maintenant que cette épargne vous permette de faire le plein : 75% de taxe et 25% d ‘essence …