Par Sébastien Laye.

« Chez les Américains, c’est donc la liberté qui est ancienne ; l’égalité est comparativement nouvelle. Le contraire arrive en Europe où l’égalité, introduite par le pouvoir absolu et sous l’Å“il des rois, avait déjà pénétré dans les habitudes des peuples longtemps avant que la liberté fût entrée dans leurs idées. »
Ces mots de Tocqueville semblait à jamais avoir entériné une dichotomie indépassable entre le jeu politique américain et la pratique européenne.
Et pourtant… ces jours-ci, d’aucuns, scrutant certains changements à l’œuvre dans cette campagne présidentielle américaine (qui va réellement commencer dès lors que les luttes pour la primaire sont arrivées à leur terme), nous annoncent l’européanisation de la politique américaine. C’est la thèse de l’excellent La Nouvelle Révolution Américaine d’Olivier Piton.
De notre côté, nous ne cessons d’insister depuis un an sur l’américanisation possible de la politique en Europe, et l’inéluctabilité de la force du message Trump ; ce qui est certain, c’est que si on agrège les deux phénomènes, les différences devraient être de plus en plus ténues entre les deux continents. Cette vision est cependant pour nous moins un symptôme qu’un changement de paradigme à l’œuvre.
Nous entrons bien dans un troisième âge de la politique, qui a déjà commencé aux États-Unis, et n’est que partiellement à l’œuvre en Europe.
La Nouvelle Révolution Américaine
La peur, l’exclusion, le clivage, le déclinisme, un candidat hors système, des clans dynastiques : l’élection américaine à venir nous renvoie une image des États-Unis fort éloignée de la vision idyllique que les Européens avaient développée lors de leur lune de miel avec le phénomène Obama.
Une vision fort éloignée de la réalité de la société américaine également pour qui la connait véritablement ; mais c’est le propre des ambitieux politiques de peindre un sombre tableau des réalités, de jouer sur les peurs afin d’attaquer le favori. C’est exactement la stratégie de Donald Trump qui, dans un même souffle, brosse un tableau empreint de déclinisme pour mieux promettre des lendemains qui chantent.
Pour Olivier Piton, les thèmes de campagne, les transgressions populistes des deux côtés (n’oublions pas du côté des Démocrates la percée de Bernie Sanders durant les primaires), rapprochent cette élection américaine des élections européennes. Force est de constater que depuis 2001, le modèle américain, pleinement universel durant les vingt précédentes années, s’est réduit au pré carré occidental.
Barack Obama n’a pas renversé cette tendance : de par son désintérêt pour certaines régions du monde et une volonté de se retirer du Moyen Orient, il a progressivement consacré nolens volens un isolationnisme de fait, toujours extrêmement populaire chez les Américains hors des grandes villes, préparant ainsi la vision manichéenne du monde de Trump. Dans le même temps, il a modifié la donne politique en montrant que la réussite d’un individu ne devait rien à ses origines, mais plutôt à ses compétences et sa volonté. Le mythe du self made man américain, consacré à droite par Reagan, était désormais accrédité à gauche avec Obama, perçu comme un outsider en 2008, un homme en dehors du système politique et anti-élites (ce que Trump est d’une certaine manière malgré sa richesse, et qu’Hillary Clinton n’est pas…).
Ce que l’ouvrage d’Olivier Piton montre excellemment, c’est que si l’Europe a déjà depuis plusieurs décennies perdu ses illusions universalistes, les États-Unis sont en train de se banaliser dans la conduite des affaires du monde (le monde deviendrait-il multipolaire ?). Repli temporaire et déclinisme momentané comme dans les années 1970, ou changement profond, seul l’avenir nous le dira.
Il n’en demeure pas moins que cette campagne est probablement la plus européenne depuis longtemps. Si les fondamentaux de la nation américaine sont vraiment en train de s’écrouler, alors la décision de novembre pourrait n’être qu’un épiphénomène, car dans l’histoire des États-Unis, le sursaut vient plus souvent du peuple et de la société civile que des dirigeants.
Mais il est juste que les convergences avec la politique européenne sont à noter (thème du déclin, populisme anti-immigrés de Trump à rapprocher de celui du FN) et même des similitudes au niveau mondial (le succès de Trump s’apparente aussi au fantasme de l’homme fort (ordre et autorité sont les deux grandes promesses de Trump) que l’on observe en Russie, en Hongrie ou en Turquie).
Les Républicains américains, du conservatisme au populisme face à l’hypothèque Hillary
La donnée fondamentale dans cette élection, c’est l’écroulement du Grand Old Party, le vieux parti républicain.
Depuis la campagne de Barry Goldwater et le succès de Nixon, jusqu’à la réélection de Bush, et en passant par le triomphe reaganien, sa philosophie politique fut celle du conservatisme : un primat accordé aux grandes entreprises et au big business, avec des valeurs de société conservatrices, d’abord au second plan, puis érigées en totem dans les années 2000. La recette parait éculée depuis quelques années et les Républicains conservateurs n’ont jamais trouvé la bonne formule face à l’innovation radicale en politique que représentait Obama.
Cependant, la mainmise d’Hillary Clinton sur le Parti démocrate a ouvert une brèche pour un changement de logiciel du parti : en choisissant une candidate issue de l’élite, de l’establishment, épouse d’un ancien président détesté des masses républicaines, les Républicains avaient un angle évident pour se réconcilier avec l’électorat populaire blanc, avec les classes moyennes qui sont les grandes perdantes des évolutions économiques des quinze dernières années (aux États-Unis certes, mais aussi en Europe…).
Si nul au sein du parti n’a su en jouer, c’est un élément externe qui s’est invité à cette primaire, qui a capitalisé sur ce phénomène : Donald Trump.
Se présentant comme self made man (ce qu’il n’est pas, mais malheureusement en politique les symboles l’emportent parfois sur la vérité), venant du privé (ce qui confère une certaine aura face aux politiciens de carrière), neuf, médiatique depuis plusieurs années, n’hésitant pas à établir hors parti une relation directe avec l’électorat ciblé, lui servant ses propres arguments fallacieux (clivage peuple/élites, désignation de boucs émissaires comme les immigrés, isolationnisme, solutions politiques ubuesques ou simplistes), Trump a capitalisé sur ce que les stratèges républicains n’ont pas su voir, eux qui pensaient installer comme candidat le dernier rejeton de la famille Bush. L’innovation, la radicalité, le symbole, pour la première fois en trente ans aux États-Unis, ont changé de camp…
Hillary Clinton, quels que soient ses mérites et son ardent féminisme, parait sortie des années 1990 alors que les Républicains de Trump ont abandonné le vieux logiciel du conservatisme, au profit du populisme… Même si Trump ne devait pas remporter l’élection (nous ne le souhaitons pas personnellement !), il y a fort à parier qu’avec ou sans lui l’avenir du Parti républicain se forgera dans cette alliance avec le populisme. Et les prochains leaders démocrates devront se départir du profil d’Hillary Clinton sous peine de ne devoir considérer la Maison Blanche que de très loin au cours des prochaines décennies.
Les nouveaux maîtres du troisième âge politique aux États-Unis… et en Europe ?
Les capitaux risqueurs de The Family ont récemment repris l’approche par paradigmes et âges politiques successifs présentés par Ferguson et Rogers dans leur ouvrage de 1987, Right Turn.
À l’époque, les deux politologues expliquaient le basculement de l’électorat vers la droite de par un changement de paradigme dans le lien entre politiciens et opinion publique. Historiquement, à un âge des grandes machines politiques et des coalitions avaient succédé celui des medias de masse et du Big Money (grands donateurs) ; si Roosevelt avait incarné la première ère, Kennedy fut un pionnier de la seconde, parfaitement maîtrisée par Reagan. Les Bush se sont révélés les dernières grandes figures de cet âge des medias de masse et du Big Money en politique.
Comme nos économies sont en train de changer de modèle et de sortir de l’ère fordiste, le monde politique est en train d’évoluer parallèlement et progressivement vers un Troisième âge, en partie régi par les nouveaux moyens de communication : cet âge est marqué par la relation directe entre l’homme ou la femme politique et l’électorat, l’anti-élitisme, la multiplication des petites donations, l’affaiblissement des partis et le déclin relatif des médias traditionnels.
La charge symbolique y est beaucoup plus importante que les campagnes du candidat dans chaque circonscription ou le nombre de ses meetings.
Du fait de la perte d’influence des vecteurs traditionnels (meetings, visites de terrain, TV), de nouveaux individus maîtrisant parfaitement les nouvelles technologies, la charge symbolique attachée à leurs principales idées ou leur parcours en dehors du politique stricto sensu (entrepreneur, artiste, responsable associatif par exemple), avec un discours indépendant et hors parti, voire franchement anti-élites, peuvent aisément émerger et défier les figures politiques traditionnelles.
C’est le sens de la percée de Trump. Tout comme Obama (le premier véritable politique du troisième âge), Trump ne reproduit plus le modèle du second âge auquel Hillary Clinton se raccroche.
En France, si nous n’avons pas encore vraiment entamé ce troisième âge, les tentatives se multiplient, mais elles sont plus manifestes ailleurs en Europe (Espagne avec Podemos et Ciudadanos, Italie avec Beppe Grillo).
C’est ce double changement de paradigme, dans l’ordre économique et politique (le premier entraînant le second) qui explique la singularité de la campagne américaine, tout de même, pour nous Européens. Il est vrai de dire que la politique américaine s’européanise, mais elle donne aussi le ton de ce qu’il adviendra probablement au cours des prochaines années en Europe.
C’est la gauche américaine et son armé de SJW qui veulent socialisé la politique américaine. Ce réseau de gauche est très puissant, dès qu’un non-sujet genre toilette mixte, gamerGate, port d’arme apparait aux USA, tu peux être sur qu’il sera relayé dans le mois sur le monde ou libé, avec une couverture journalistique totalement partial en faveur du politiquement correct et aucun droit de réplique pour la partie adverse.
(partie adverse qui est décrite comme étant composé de beauf trumpiste qui mange des hamburger en tirant avec leur Colt 45 sur le premier noir qu’ils voient)
Après, je suis pas complotiste… Mais là c’est un peu gros.