Par Philippe Silberzahn.
Il existe une règle cardinale de l’innovation et du management en général, proposée par Clayton Christensen : on ne mélange jamais deux modèles d’affaires dans une même organisation. Cette règle n’a semble-t-il pas été suivie par McDonald’s et les conséquences ne se sont pas fait attendre.
McDonald’s est historiquement l’archétype de l’innovation de type fast food. Son modèle d’affaire s’est déployé depuis de nombreuses années autour du fameux QVC – Qualité, valeur, propreté (cleanliness). Quand on prononce le mot « qualité » auprès d’une audience française, on est moqué, mais ici ce mot se réfère plutôt à l’idée de cohérence, de vitesse et d’hygiène. En allant dans un McDonald’s, toute idée de surprise disparaît, vous obtenez toujours la même chose, l’offre est standardisée et donc tout est plus simple et plus rapide. Le modèle d’affaire historique de McDonald’s consiste donc à offrir une gamme limitée de produits parfaitement standardisés, dont l’hygiène est garantie, et servis très rapidement. Les ressources, processus et valeurs (RPV) sont créés et organisés pour servir cette proposition de valeur.
À partir des années 80-90, McDonald’s a commencé à subir les attaques des diététiciens qui lui reprochaient de fournir une alimentation déséquilibrée, trop riche en sucres et en matières grasses. McDonald’s est également devenu une cible facile pour les pourfendeurs de la « malbouffe ».
Pour répondre à ces attaques, McDonald’s a élargi sa gamme et a notamment introduit des salades et des fruits. L’ambition était alors de se débarrasser de cette image de restaurant bas de gamme offrant de la nourriture industrielle contraire aux recommandations diététiques. Dit autrement, McDonald’s a commencé à monter en gamme.
Cette montée en gamme s’est semble-t-il accélérée récemment. Par exemple, le restaurant de Limonest, fréquenté par l’auteur de ces lignes, a créé un bar à salades : alors qu’auparavant les salades étaient préparées et mises en boîtes à l’avance puis données au client lors de sa commande, celles-ci sont désormais préparées à la demande, sous ses yeux. Une impression réelle d’amélioration de qualité se dégage désormais du processus. Cette impression est renforcée par l’élargissement de la gamme : on a maintenant le choix entre 18 types de cafés et 28 types de glaces.
Évolution récente : le restaurant livre désormais à la table, alors qu’historiquement on se servait toujours au comptoir et, une fois servi, on prenait ses plateaux et on allait s’asseoir.
Le prix de la qualité
Le problème est que cette augmentation de la qualité se fait au prix de la vitesse. Alors qu’avant on avait sa salade immédiatement, il faut désormais attendre. Il faut également attendre qu’on vous apporte votre commande. L’augmentation de la qualité et de la largeur de gamme entraîne un surcroît de travail pour l’équipe, qui passe d’une série de tâches hautement standardisées sur quelques produits avec un travail fortement divisé, à des tâches parcellaires. Au lieu de rester dans la cuisine, l’équipe doit aller livrer dans la salle. L’ensemble est moins efficace, et donc plus lent. L’idée historique d’un équipier capable de faire aussi bien un hamburger qu’aller nettoyer une table lors d’un temps mort fonctionnait lorsque le nombre de tâches était limité et l’ensemble standardisé ; elle devient contre-productive lorsque la complexité des tâches s’accroît. Ma dernière visite a Limonest a ainsi été catastrophique : 25 minutes d’attente pour une commande relativement banale.
On le voit, l’amélioration d’un paramètre du modèle d’affaire, ici la qualité des produits et l’élargissement du choix, entraîne une dégradation d’un autre paramètre essentiel de ce modèle : la vitesse. Au passage elle entraîne également la dégradation d’un autre paramètre, la propreté : quand la chaîne opérationnelle s’effondre, on n’a encore moins le temps de nettoyer la salle et son sol gluant…
McDonald’s essaie ainsi de promouvoir un modèle (un restaurant de qualité) tout en essayant de préserver son ancien modèle (un fast food). Résultat : on est coincé entre les deux, on n’a ni un restaurant de qualité (on en est très loin), et on n’a plus de vitesse et de propreté. Il s’agit d’une situation très dangereuse, parce que les clients historiques, qui venaient pour la QVC-vitesse, vont cesser de venir, et qu’il n’y a pas de garantie que ceux qui sont attirés par la qualité considéreront McDonald’s dans leur choix, du moins pour l’instant, car on remet en question des dizaines d’années de construction de marque.
L’exemple de McDonald’s illustre la difficulté de faire évoluer un modèle d’affaire. Il y a dès lors deux options : soit on renforce ce modèle en ignorant les critiques (qui d’ailleurs ne mangent jamais chez McDonald’s), soit on en tient compte et on monte en gamme. Pour la montée en gamme, il y a là aussi deux options : soit on considère que l’ancien modèle (fast food) va mourir, auquel cas on peut faire évoluer le modèle au sein de l’ancien. Mais on l’a vu, ce mélange est très risqué : les compromis entre le modèle actuel et le futur modèle font qu’on va avoir une période de confusion qui peut amener à une forte perte de clientèle historique sans gain sur la clientèle future, car celle-ci attend que le nouveau modèle soit en place (plus précisément, elle ne se sent pas concernée). Soit on considère que l’ancien modèle va perdurer, et il vaut mieux créer une marque différente, ce que d’ailleurs McDonald’s a fait avec McCafé.
En conclusion,
- Ne pas avoir deux modèles d’affaire au sein d’une même marque
- Jouer avec son modèle d’affaire, c’est dangereux.
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Intéressant mais votre propos semble reposer sur une seule expérience, ce qui est un peu pauvre, ça manque un peu de données objectives. De plus, il y a eu un certain nombre d’innovations qui sont des vrais gains de vitesse comme le remplacement des caisses pour les commande par des bornes automatiques. Certainement que ces gains de vitesse et de temps de travail ont été alloué à des tâches nouvelles de la gamme supérieure.
Non c’est général et c’est dû au concept de la salade préparée à la demande.
Le titre de l’article original était « Quand McDonald’s s’emmêle les modèles d’affaire », je ne comprends pas pourquoi il a été changé car ce qui est analysé ici c’est le changement de modèle d’affaires : ce que met en avant l’auteur dans ses articles en général avec force exemples c’est qu’on ne fait pas cohabiter 2 modèles d’affaire au sein d’une même entité.
Rare sont sûrement ceux qui une fois dans leur vie ne sont pas rentrés dans un MAC do. Au tout début le prix était attractif et l’effet nouveauté jouait
Je n’avais pas trouvé d’argument décisif pour ne pas y aller de temps en temps, mais un jour aux USA je fus très mal servi et je tirai un trait définitif sur ces temples de la malbouffe qui proposent avant toute chose beaucoup de pain et de la viande hachée dont la qualité n’est pas la meilleure
Faite la comparaison avec un bon bocadio au jambon ibérico
Personne n’est censé savoir ce qu’est le bocade au jambon Ibérique !
Sinon, c sans doute bon mais tout le monde a t-il les moyens de se le payer ?
Il paraît que les autres marques américaines s’apprêteraient à débarquer en France :
A noter que j’ai cru lire et ouï-dire que MacDo était du produit bas de gamme aux EUAN ????
cet article me parait fort pertinent
Se baser sur une expérience (votre repas à Limonest) pour décridibiliser les décideurs de McDo, c’est fort. En réalité, ces retards arrivaient déjà auparavant occasionnelement. En réalité, il est fort agréable de passer sa commande aux bornes rapidement, et d’attendre quelques instants avant de recevoir sa commande à a place. Et ce pour le même prix. Chapeau McDo ! La concurrence est plus que jamais à la rue.
Mac Do pourrait être vu comme une sorte de laboratoire de ce qui pourrait se faire « demain », sans se baser sur une seule expérience, tout le monde constatera qu’il y a de moins en moins d’employés au mac do, chacun faisant la queue désormais derrière des bornes pour effectuer lui même sa propre commande, envoyant l’info aux cuisines pour une préparation encore vaguement humaine… J’imagine que dans quelques années tout risque d’être entierement automatisé…Les banques vivent la même évolution…etc
1) il faut savoir qu’une grande partie des macdo (je pense la grande majorité) n’ont pas ce service aux tables par exemple. MacDo essaye d’apporter de la nouveauté dans certains restaurants pilotes comme nombre de ces concurrents, avoir de savoir si cela est bénéfique pour la chaine ou non, donc si ils s’aperçoivent que ce n’est ni rentable ni bénéfique, ils n’iront pas plus loin sur le sujet.
2) une entreprise haut de gamme peut aller dans le discount, le contraire est beaucoup plus dure. Meme si Macdo a tout fait pour aller dans la direction de la qualité, on ne peut lui retirer ces efforts, cela reste que tout le monde voit qu’on mange des tranches de steack de 5mm d’épaisseur, et cà en terme de « qualité » il y a mieux, et tout le monde sait que les steack Mcdo (comme ces concurrents) sont juste des écrasés de cartilage, d’os et de gras….
3) après vient le problème majeur, la société Française (je ne sais pas pour les autres) s’oriente de plus en plus vers la qualité (la vente de bio explose, les produits fermiers sont de plus en plus recherchés, les label Rouge & co,….) donc McDo se dit qu’il n’a d’autre choix que de choisir la qualité, il savent que le travail est titanesque, mais obligatoire… on verra si cela paye
« une entreprise haut de gamme peut aller dans le discount… »
Non, le low price vient de la structure et on ne reconvertit pas une structure de cette façon et il est très difficile de faire cohabiter les 2 systèmes au sein de la même structure : voir l’exemple de Orange avec Sosh, Bouygues avec B&You (qui a déjà réintégré maman), SFR et Red : tous ces modèles low cost ont été créés pour rivaliser avec Free mais en fait ils ont cannibalisé la gamme au-dessus et ils en reviennent maintenant.
Citez svp une seule entreprise qui a suivi le chemin que vous décrivez sans déposer le bilan ou pas loin style Air France.
« la société Française […] s’oriente de plus en plus vers la qualité (la vente de bio explose, les produits fermiers sont de plus en plus recherchés, les label Rouge & co… »
… explose hum hum… restons modeste… 2%. D’ailleurs si la demande explosait vraiment les prix suivraient et ce n’est pas le cas…
Il y a certes une niche et c’est certainement intéressant de l’exploiter si ça paie… mais le bio a le même goût que le pas bio et un aliment bio n’a ni plus ni moins de qualités diététiques…
http://www.consoglobe.com/mcdo-alimentation-bio-cg
le bio à le même goût que le pas bio? donc un steack macdo à le même goût q’un steack bio du boucher? Vous devez manger bien dégueulasse pour dire ça bien sur que le bio et le pas bio on des goûts différents sur certains produit moins voir pas du tout mais sur d’autre c’est flagrant.
Qualités diététiques: là encore ça dépendant des produits.
Explication de texte :
Une voiture rouge peut être belle ou pas belle… donc la couleur n’est pas un critère de la beauté d’une voiture.
Capiche ?
Je confirme. Alors qu’il y a quelque mois on avait sa commande dans les 5 minutes maximum on est désormais obligés d’aller s’assoir et d’attendre 10-15 minutes. Quelle qualité reste-il au McDonald’s si on est plus servi très rapidement…
Au MacDrive ça va vite, très vite à la prise de commande. Les employés font une course de vitesse au débit des mots… Comme dans les pub TV ou il faut lire les conditions imposées en fin de pub à l200 à l’heure. Du grand n’importe quoi…
Dans fast food il y a fast !
Je reste surprise quant à la conclusion N°2, « Jouer avec son modèle d’affaire, c’est dangereux ».. S’agissant d’une revue à la ligne éditoriale prônant le libéralisme, et notamment les retombées positives de l’innovation, qui ne va pas sans prise de risque, je trouve pour le moins paradoxale ladite conclusion..