En France, le chef est au-dessus des lois depuis Clovis

L’épisode du vase de Soissons est révélateur des fondements du droit en France, si différent du droit anglo-saxon : le roi est au-dessus des lois.

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Le vase cassé de Soissons-bichon59(CC BY-ND 2.0)

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En France, le chef est au-dessus des lois depuis Clovis

Publié le 22 avril 2016
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Un billet d’humeur de François-René Rideau.

Le vase cassé de Soissons (Vase de Soissons)
Le vase cassé de Soissons-bichon59(CC BY-ND 2.0)

 

Pour voir à quel point l’étatisme est ancré dans les traditions françaises, à l’opposé des traditions anglo-saxonnes, il suffit de regarder le mythe fondateur de la monarchie française qui elle-même fonde la France et son État : le vase de Soissons, tel qu’enseigné de tout temps à l’école à tous les enfants. Il est à l’opposé même du mythe fondateur des libertés anglo-saxonnes, la Magna Carta.

L’anecdote du vase de Soissons

Selon la légende, H’lodwigh, roi des Francs (célébré sous les noms trompeurs de Clovis Ier ou Louis Ier), après que sa troupe de brigands eut passé par les armes les hommes de Soissons et en eut violé les femmes, accepta de rendre à l’évêque local (i.e. bureaucrate en chef du régime totalitaire failli) un vase orné. Il déclara à ses hommes qu’il prendrait ce vase en sus de sa part convenue du butin rapporté par ses pillards. Mais alors que les canailles de sa troupe se soumettaient à son commandement en l’acclamant, un des voleurs, sans doute celui qui avait pris le vase qui lui revenait donc « de droit », objecta à ce que H’lodwigh se place au-dessus des lois régissant le partage entre membres de la troupe ; ne pouvant autrement prévaloir, ce rebelle brisa le vase à coup de hache (la francisque, hache de jet donnant son nom au gang des « Francs »).

Un an après, à l’occasion d’une revue militaire, H’logwigh reconnaît celui qui lui tint tête, et, au prétexte que ce guerrier serait mal apprêté, jette ses armes à terre pour l’humilier ; puis, quand l’homme se baisse pour ramasser ses armes, H’lodwigh lui fracasse le crâne à coup de francisque en lui rappelant le vase de Soissons.

La Magna Carta anglo-saxonne, c’est au contraire les Barons se révoltant avec succès contre le duc de Normandie devenu roi d’Angleterre, et faisant reconnaître à ce roi (puis à chacun de ses successeurs) qu’il n’est pas au-dessus du droit commun, mais seulement un chef de bande, primus inter pares, soumis au droit commun, qui protège les droits des autres bandits. Le chef des bandits normands ne saurait donc ni s’emparer d’une part de rapine (ou d' »impôt » sur les soumis) supérieure à celle qui lui revient, ni user de rétorsion (emprisonnement, meurtre, torture, etc.) contre les autres bandits normands qui lui opposent leurs droits. Il doit respecter le code d’honneur des brigands ; et pour citer John McCarthy, l’honneur entre brigands est l’ancêtre de tout honneur.

Le roi est donc au-dessus des lois

Le mythe fondateur de la monarchie française, c’est donc bien le contraire du mythe anglais : le mythe place le roi au-dessus du droit commun, plutôt qu’en-dessous. AVANT l’histoire du vase, le roi reconnaît vaguement le droit entre brigands, et requiert l’acclamation de ses troupes pour une exception aux règles de partage du butin. APRÈS l’histoire du vase, il a établi le précédent qu’il pouvait impunément assassiner ceux qui voulaient faire respecter ce droit, et donc n’y était effectivement plus soumis. La morale de l’histoire eût été fort différente si à la suite de l’incident le roi avait dû s’humilier publiquement, faire mea culpa et payer dommages et intérêts à la famille de la victime — là c’eût été reconnaître le roi comme soumis au Droit. Mais le vase de Soissons c’est au contraire le crime impuni. C’est la transition du roi naturel, chef de bande volontairement choisi par ses pairs et soumis aux mêmes règles qu’eux, au roi despote, assis de par son propre pouvoir, par-delà le consentement fût-ce même d’un petit nombre de puissants Barons.

Un droit qui ne s’applique qu’à la « race des maîtres »

Notons bien sûr que dans les deux cas, le droit commun n’est reconnu s’appliquer qu’aux êtres proprement humains doués de droits, c’est-à-dire aux nobles, la Race des Maîtres, promise à régner pour mille ans et plus sur le Reich germanique (FrankReich). Ces hommes libres sont dotés de droits inaliénables, contrairement au peuple vaincu des conquis, sous-hommes dénués de droits, qui eux doivent payer tribut sous forme d’impôt, sous peine de mort, torture, emprisonnement au gré arbitraire de leurs maîtres. Et une province entière pourra être complètement génocidée sans qu’aucun bâtiment reste debout pour montrer l’exemple (comme le fut le Northumberland sous les premiers normands).

C’est pourquoi durant tout le Moyen-âge, les descendants des vaincus n’auront de cesse de faire reconnaître leurs droits, et à défaut de pouvoir être admis dans la race des maîtres de la soi-disant « noblesse », ils se feront valoir comme Francs Bourgeois, hommes libres habilités à porter des armes, et non pas serfs désarmés attachés à la glèbe comme dans les campagnes (faits tels notons-le bien par l’Empire Romain devenu totalitaire dans sa décadence).

À l’aube du monde moderne, les Anglais auront ainsi fait reconnaître ces droits initialement reconnus aux seuls nobles, pour tous les roturiers (y compris tous les Écossais et les Gallois, mais pas les Irlandais, il ne faut pas pousser non plus) ; les Français, eux, auront dépouillé les nobles de tous droits comme les roturiers pour faire de tous des esclaves sans droits face au pouvoir absolu de l’État tout puissant.

Notons enfin que le mythe fondant l’État et son pouvoir au-dessus du Droit, c’est aussi et toujours les tas de bandits, assassins, pillards et violeurs, qui soumettent la race inférieure des vaincus à la force supérieure de la race des maîtres. Vae Victis. Il y a des coups de hache qui se perdent.

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  • Faux ! Quel mensonge. Même le Roi de France ne peut être aussi des us et coutumes… Et encore moins au-dessus des Lois fondamentales du Royaume.

    Et la Reine d’Angleterre qui peut conduire sans permis, n’est-elle pas au-dessus des lois ? C’est morbide cette fascination des gauchistes/libéraux pour Albion….

  • Caricatural, indigne d’un ancien ENS!

  • L’auteur a du boire quelques cocktails bien tassés.

  • Mouais….

    – Clovis 1er est roi des francs saliens, position héritée de son père (qui était client de Rome, et a fait les champs catalauniques il me semble). Donc pas un vulgaire bandit ni chef de village.
    – Soisson est à l’époque entre les mains de Syagrius, dernier chef se réclament des romains. En ce temps là, les gens ne sont pas des bisounours. Violer et piller est parfaitement normal, et les francs sont près tout des hommes du nord. vae victis.
    – le vase en question a été réclamé par un évèque. Or Clovis voulait être en bons termes avec les curetons, afin que le peuple local l’accepte plus facilement comme souverain (d’où son mariage, bel acte politique).
    – se faire contester une part de butin par un de ses guerriers, non seulement compromet ses efforts diplomatiques, mais en plus peut être perçu comme un signe de faiblesse, surtout après une victoire ! Or qui dit faiblesse, dit prétendants au trône… rappelons que même Louis le Pieux a du se garder de ses propres fils, car ils le considéraient comme un faible, indigne de régner.
    Si nous avions conservé ces mœurs, François Hollande n’aurait pas régné 1 an avant qu’un général ne fasse un coup d’état ou que des envahisseurs étrangers ne se manifestent.
    – Jean sans Terre était un roi très faible, régnant dans une Angleterre vidée de sa substance (les taxes pour financer la croisade de Richard 1er et sa libération après sa capture représentaient 8 années de revenu fiscaux) Si les barons avaient demandé des droits à Richard 1 er, ou pire, Édouard 1er le sec, ils seraient repartis sans tête. Jean 1er a d’ailleurs tenté de faire abroger la magna carta. Il est même mort face à un français, en fuyant avec la caisse…
    – les souverains anglais comme français se passaient du parlement dès qu’ils le pouvaient. Henri VIII était connu pour se torcher avec les décisions de justice, ou à forcer le parlement à voter comme il le voulait.

  • L’inconvénient des arguments d’autorité, c’est qu’en général on les sort quand on n’a plus rien d’autre à opposer… De ce fait, ils ont bien plus tendance à favoriser la thèse qu’ils veulent combattre…

    Je suis aussi assez perplexe devant les héros de l’Histoire de France: Clovis, Charlemagne, François 1er, Louis XIV, les Révolutionnaires, Napoléon, tous des dirigeants au pouvoir fort et avec beaucoup de sang sur les mains… Et pourtant, la France a compté des gens bien plus valeureux que ces tristes sires…

  • J’ai cliqué sur le 2nd lien: Clovis est assimilé à Hitler et Saint Rémi à Gobbels…

  • Merci d’avoir publié, même dans une version édulcorée.

    (Pour l’original, voir l’original: http://fare.livejournal.com/187031.html )

  • Production bien en dessous de ce que Faré montre d’habitude. Insignifiant par ses excès, dont une conception rétrospective de l’Histoire (application des catégorie modernes à des faits anciens), et le paradoxe consistant à adopter implicitement la morale chrétienne, celle des faibles et des vaincus, pour attaquer la morale du vainqueur (vae victis), tout en reprochant aux français d’avoir (soi -disant) réduit les anciens vainqueurs au même état  » esclaves sans droits face au pouvoir absolu de l’État » que les anciens vaincus…

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