Virus Zika : les moustiques OGM au secours de l’humanité ?

Et si les moustiques OGM développés par une société privée allaient permettre de stopper le virus Zika au Brésil et ailleurs ?

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Moustique Aedes aegypti en train de sucer du sang (Crédits : United States Department of Health and Human Services, image libre de droits)

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Virus Zika : les moustiques OGM au secours de l’humanité ?

Publié le 29 mars 2016
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Par Alexis Vintray.

Pays américains avec cas confirmés de virus Zika (février 2016) Les moustiques OGM pourraient éradiquer le virus Zika
Pays américains avec cas confirmés de virus Zika (février 2016) (Crédits BaptisteGrandGrand, CC-BY-SA 4.0), via Wikimedia

Le virus Zika, connu depuis 1947, suscite de nombreuses inquiétudes depuis son développement récent principalement en Amérique du Sud. S’il présente souvent peu de risques pour la majorité des personnes atteintes, il peut provoquer une microcéphalie chez le fœtus d’une femme enceinte touchée et augmente probablement le risque de syndrome de Guillain-Barré chez les malades.

Les inquiétudes sont vives, mais des solutions scientifiques existent, parfois depuis de nombreuses années.

Le DDT, une solution ancienne mais peu populaire

Transmis essentiellement par les moustiques, le Zika peut être éradiqué en agissant sur la cause première, les moustiques. La solution la plus ancienne est le DDT, un insecticide puissant pour lutter contre les moustiques et malheureusement largement interdit pour des considérations environnementales, de résistance de certaines espèces ou encore législatives. Pourtant il agit efficacement contre de nombreuses maladies (paludisme, dengue, chikungunya, etc.). Comme le soulignait une étude de 2013 de l’Institut Économique Molinari :

Le DDT est une référence dans la lutte contre le paludisme au milieu du XXe siècle. Soupçonné notamment de nuire à certains oiseaux, son utilisation est abandonnée [dans certains pays]. Or, cet abandon s’est accompagné d’une résurgence de la maladie dans de nombreux pays, causant 756 000 morts en moyenne par an (2000-2010) dans le monde.

La vraie nouveauté : les moustiques OGM

Moustique Aedes aegypti en train de sucer du sang. Les moustiques OGM pourraient éradiquer le virus Zika
Moustique Aedes aegypti en train de sucer du sang (Crédits : United States Department of Health and Human Services, image libre de droits)

La piste plus intéressante et sur laquelle les scientifiques misent le plus est la piste des OGM pour lutter contre le Zika.

Comme le relate un excellent article de la Technology Review du MIT aux États-Unis, des scientifiques ont mis au point des moustiques OGM, dont le très gros atout est d’être fertiles. Ils sont relâchés en grand nombre dans les zones infectées et, en remplaçant les populations autochtones de moustiques, ils en causent aussi la fin, ou au moins la très forte diminution.

Une fois les populations de moustiques fortement réduites, les risques de transmission du Zika, de la dengue ou de chikungunya deviennent très faibles. Pour y arriver, ces scientifiques lâchent dans la nature des centaines de milliers de ces moustiques OGM lors de grandes tournées en camion dans les zones infectées1.

Des résultats provisoires mais extrêmement encourageants

Dix mois après le lancement d’un pilote en avril 2014 dans deux villes du Brésil (5600 habitants), le nombre de cas de dengue y a chuté, de 133 en un an à… un. Autrement dit, les moustiques OGM ont permis de stopper complètement la dengue dans les zones où ces moustiques sont testés. Et les perspectives pour Zika semblent encourageantes, la transmission étant identique.

Ces moustiques OGM ont été développés par une entreprise privée de biotechnologies, Oxitec2. La société est basée au Royaume-Uni et a mis au point ces moustiques en 2013, originellement pour lutter contre la dengue, une autre infection transmise par les moustiques et qui représente un grave problème de santé publique au Brésil en particulier. Depuis, cette solution est en cours de test dans plusieurs endroits du monde lourdement impactés par les maladies transmises par les moustiques.

La principale difficulté de cette approche est qu’il faut lâcher suffisamment de moustiques stériles pour faire disparaître les moustiques de la région concernée, ce qui nécessite à chaque fois de gros investissements très probablement récurrents. Autre incertitude, la connaissance parcellaire de l’évolution de ces moustiques dans l’environnement sur le long terme et la crainte de créer un nouveau problème avec les lâchers massifs. C’est pourquoi dans les différentes phases de test, il y en a une d’essai destinée à appréhender la réception populaire de ces lâchers de moustiques.

Dans les zones testées, les scientifiques ont pu mesurer une baisse de 80 % de la population autochtone de moustiques.

D’autres pistes scientifiques

D’autre solutions scientifiques s’avèrent très encourageantes, comme ces recherches menées en Australie pour injecter la bactérie Wolbachia à des centaines de milliers de moustiques. Une fois injectés, les moustiques ne peuvent plus transmettre de nombreuses maladies, dont le virus Zika, comme le souligne un article du New York Times.

Alors que la situation financière du Brésil est précaire, les organisations non gouvernementales jouent un rôle majeur pour financer les recherches ou les expérimentations. Ainsi de la fondation Bill & Melinda Gates qui, aux côtés de la fondation anglaise Wellcome Trust, a investi 40 millions de dollars dans ces recherches sur la bactérie Wolbachia, qui est en cours de test en Australie ou en Amérique Latine.

Enfin, d’autres chercheurs, à des stades moins avancés, essaient de modifier en masse les gènes des populations de moustique, avec la technologie dite du gene drive, mais qui doit encore faire ses preuves.

Le refus dangereux des OGM

Cependant, comme à chaque fois en France avec les OGM, leur refus systématique vient mettre en danger ces recherches, et les craintes pas forcément fondées passent souvent devant l’intérêt sanitaire.

Sans surprise, les adversaires classiques des OGM ont déjà commencé à s’agiter, essentiellement chez les écologistes ou à l’extrême gauche. Ainsi du journal Bastamag, « journal indépendant » classé très à gauche et qui a déjà sévèrement critiqué les recherches d’Oxitec dans un article alarmiste de 2014 : Des millions de moustiques OGM sur le point d’être commercialisés au Brésil.

Or, à refuser d’avancer dans cette voie par crainte injustifiée des OGM, il y a un gros risque, la transmission par voie sexuelle de Zika ayant été avérée dans plusieurs pays désormais. Et à ce stade, les moustiques OGM ne peuvent plus rien.

Espérons que pour le bien des millions de personnes concernées la raison et la science sauront l’emporter sur des inquiétudes excessives et sur un principe de précaution mal compris, qu’il importe de mettre en rapport des millions de personnes qui continueront à être infectées si l’on ne fait rien.

Pour approfondir :

  1. Plus précisément, les moustiques produits doivent être adaptés à chaque zone, par exemple parce les types de moustiques varient, e.g. entre Aedes albopictus et Aedes Aegypti
  2. D’autres projets sont également en cours en France, en visant en particulier la Guyane
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  • sur le papier , c’est une idée sympa , mais dans la réalité , on doit en permanence arroser la zone de moustiques OGM….une affaire en or pour l’entreprise productrice !

    • erreur sur émail !

    • Entre l’affaire en or pour les éleveurs de moustiques OGM et l’affaire en or pour les instituts de prise en charge des malades, les entreprises pharmaceutiques, et les pompes funèbres, mon choix est de récompenser le mérite des premiers.

    • Il y a une imprécision dans l’article qui parle et de moustiques OGM stériles et de moustiques OGM fertiles.
      Il faut dire que la réaction anti-OGM française est bizarre: 90% des huitres, en France, qui sont dites « non-OGM » hypocritement puisqu’elles sont triploïdes.
      Par contre le DDT est un vrai poison parce qu’il s’accumule dans l’organisme au fur et à mesure des expositions.
      N’oublions pas non plus qu’avant de passer du stade expérimental à la pratique, il faut observer les effets pervers possibles: un moustique se nourrit de sang donc tout « microbe » transporté dans le moustique (virus; bactérie; parasite) peut être en contact avec le sang humain sans barrière et la salive du moustique n’est pas plus stérile que la notre.

  • Article intéressant. Toutefois, il est à mettre en perspective.
    En effet, la question se pose de savoir si ce n’est pas l’inverse qui s’est produit. A savoir que ce seraient les essais d’éradication de la population de vecteurs par le lacher de moustiques GM qui aurait mal tourné.
    A tel point, qu’ayant eu connaissance de ces informations au préalable (les essais de contrôle de la population de vecteurs) ke me suis demandé si le présent article, au corps défendant de son auteur, n’était pas un contrefeu médiatique… Intéressant et dérangeant.
    http://theantimedia.org/zika-outbreak-epicenter-in-same-area-where-gm-mosquitoes-were-released-in-2015/

    • Les largages de moustiques (qui ont effectivement permis de réduire la population dans les zones de largages de 90%, chiffres de l’article) seraient responsables de l’augmentation des contaminations de Zika dans le pays ?
      Cela ressemble aux raisonnements qui tenaient les campagnes de vaccinations et de préventions pour responsables de la pandémie de SIDA en Afrique…

    • Seuls les malades prennent des médicaments donc les médicaments rendent malade… Un bon vieux classique =)

  • Vous n’avez pas fait l’effort d’aller voir ce que les études soulignent.

    En gros, le facteur clé est la proportion de la population résiduelle. Les hypothèses de travail sont de l’ordre de quelques %. Mais des facteurs exogènes viennent potentiellement accroitre ce taux jusqu’à 15% de manière assez facile. Dès lors, l’effet inverse à celui recherché a toutes les chances de se produire.

    Il n’y a aucun parti pris dans mon commentaire. Je trouve intéressant et le sujet et le potentiel de ces outils. A aucun moment je ne dis que les moustiques « OGM » seraient dangereux en tant que tels. Ce qui est concerné est la maîtrise in vivo de projections idéales. Un problème récurrent et fondamental pour toute recherche appliquée.

    Le chiffre de 90% que vous évoquez et pas moi, une manoeuvre classique mais certainement innocente de votre part, n’est ni pertinent en l’espèce, ni celui qui pose problème et pour tout dire sujet à caution. Cela ressemble à des raisonnements… etc.

    • @simple citoyen

      J’avais lu je ne sais plus où que la date d’apparition était plus en corrélation avec une campagne de vaccination que des lâchés de moustiques …

    • « Dès lors, l’effet inverse à celui recherché a toutes les chances de se produire. »

      Même si la descendance a 15% de chances d’atteindre l’âge adulte, la population de la génération suivante sera plus faible que ce qu’elle aurait été (au pire avec un taux de survie de 100%, la population sera la même). L’effet sera peut-être moindre, peut-être inefficace aux vus des objectifs. Pour être plus précis, il faudrait la proportion de mâles GM relâchés par rapport à la population initiale de moustiques.

      Mais en aucun on augmentera la population de moustique de la génération suivante avec ces largages : on n’ajoute pas de femelle à cette population. Les mâles GM sont en compétition avec les mâles naturels.

      Ceci n’est un problème que pour Oxitec qui se retrouve avec une solution inapplicable en dehors de leurs laboratoires.

    • C’est bien pour ça qu’en méthodologie scientifique, il faut que les expériences sur le terrain confirment ou infirment les études en laboratoire avant toute commercialisation.

  • A propos d’OGM, je me suis délecté de cet article qui rappelle que la principale variété de blé bio est d’origine OGM :

    http://agriculture-environnement.fr/a-la-une/un-ble-bio-genetiquement-modifie-ca-existe-deja-%EF%BF%BC%EF%BF%BC

  • Vous avez raison. Mais je ne parle pas de cette population là. Cette étude, celle dont je parle et dont il est fait mention dans l’article, porte sur la population GM. Celle-ci doit avoir un taux de reproduction faible et stable. Mais des perturbations apparaissent qui font grimper ces taux très signifiactivement de plusieurs ordres de grandeur, quand certains précurseurs comme la tétracycline (dont on sait que le Brésil est le 3ème utilisateur mondial dans la nourriture pour animaux) sont présents dans l’environement, même à très faible taux. Ce n’est qu’une des possibilités, mais on comprend bien le schéma.
    Ainsi comme vous le confirmez vous mêmes, avec des taux de 15% (chiffre cité par Oxitec) voire plus on a un problème car on obtient l’effet inverse de celui recherché. 😉

  • mal placé: c’est en réponse à Deeggs.

  • Moustiques GM
    La biologie des populations permet d’évaluer l’effet attendu si on libère un nombre suffisant de mâles GM. En effet, les femelles sont seules à piquer et à pondre après leur fécondation mais elles sont fécondées par un seul mâle. Si les mâles GM relâchés sont fertiles (ils produisent des spermatozoïdes actifs) mais possèdent un gène dominant léthal au cours de la période larvaire, toute leur descendance sera léthale, donc toute la ponte d’une femelle ainsi fécondée avortera. La population sera ensuite constituée par les seuls descendants des mâles normaux. La réduction de la population sera donc proportionnelle à la proportion de mâles GM, ceci restant vrai pour une seule génération. Pour obtenir une éradication de l’espèce, il faudrait agir pendant plusieurs générations, étant donné que la proportion de GM va augmenter puisqu’on aura réduit aussi le nombre de mâles normaux en même temps que la population totale. La forme de la courbe de réduction de l’effectif de la population, en fonction des générations est donc du type « exponentielle négative ». Une autre réduction probable est la proportion de moustiques infectés par telle souche de virus ou de bactérie, car on va obliger l’espèce à faire ce qu’on appelle une dérive aléatoire, qui a une probabilité élevée de généraliser une forme vierge de virus.
    Ne pas préciser de quel type d’OGM il s’agit, fait naître des interprétations idéologiques contraires aux intérêts des populations humaines concernées. La peur du seul acronyme OGM est irrationnelle et anti-écologique. Il n’y a pas eu moins écologique que le DDT, qui à l’époque n’a fait peur à personne, avec sa non-spécificité et sa toxicité pour tous les insectes et les espèces de la chaîne alimentaire dont les premières sont les insectivores. La génétique permet actuellement des prouesses inimaginables il y a seulement 15 années ; l’idée de lâcher des mâles fertiles (en spermatozoïdes) mais stériles quant à leur descendance, n’est cependant pas nouvelle car ils étaient seulement irradiés pour les rendre porteurs d’aberrations chromosomiques léthales. On a ainsi réduit des populations de moustiques infectés dans le midi de la France. On voit bien que c’est le mot GM qui fait peur alors même qu’il recouvre une réalité bien plus précise que l’irradiation et sans aléas.
    Vive la science, et la technologie qui s’ensuit, dès lors que l’approche proposée est évaluée et bien expliquée par les inventeurs et les proposants. C’est cette culture de l’explication qui manque souvent chez les journalistes.

    • Un journaliste est rarement un spécialiste, évidemment! Le « scoop », c’est qu’ « on avait trouvé le moyen de lutter contre le virus Zica grâce à l’utilisation de moustiques OGM ».

      Même dans l’article, on parle de moustiques mâles fertiles puis stériles, d’origine OGM!

      En fait, depuis G.Mendel, on fait des O.G.M. comme « l’autre faisait de la prose »! Maintenant, ces croisements entre éléments vivants sont devenus horribles, du fait qu’ils sont fabriqués en laboratoire: « c’est anti-naturel car fait par l’homme ».

      Raisonnement stupide parce que de 2 choses l’1: où la « nature » existe et l’homme en fait partie à 100%, ou la « nature » n’est qu’une vue de l’esprit, une « abstraction » de plus!

  • Les commentaires sont fermés.

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