Vers une ère de répression syndicale ?

La condamnation à des peines de prison ferme pour les syndicalistes CGT de Goodyear peut donner le sentiment d’une répression accrue.

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Vers une ère de répression syndicale ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 14 janvier 2016
- A +

Par Éric Verhaeghe.

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La France est-elle entrée dans une ère de répression syndicale ? La condamnation à des peines de prison ferme pour les syndicalistes CGT de Goodyear peut en donner le sentiment. Dans le même temps, les transformations profondes dans l’action syndicale, freinées par les grandes confédérations représentatives, montrent que le syndicalisme peut être plus utile sans recourir aux grands conflits collectifs.

Répression syndicale et réquisitions du Parquet

Le tribunal correctionnel n’y est pas allé de main morte : deux ans de prison, dont neuf mois fermes, pour huit syndicalistes CGT de Goodyear qui avaient séquestré le directeur des ressources humaines et le directeur de la production à l’occasion d’un conflit social. La peine est légèrement inférieure aux réquisitions du Parquet, mais elle reste sévère : la prison ferme reste une sanction exceptionnelle dans les conflits sociaux.

La décision du siège soulève d’ailleurs quelques questions, puisque l’entreprise avait retiré sa plainte. Dans le cadre du règlement pacifique du conflit, plusieurs années après, les passions éteintes, chacun imaginait un jugement plus clément. Dans la foulée de l’affaire Air France, le tribunal a-t-il voulu faire un exemple ?

La position du Parquet ne manque pas d’étonner. On imagine mal que le procureur ait pu requérir des peines aussi lourdes (2 ans de prison, dont un ferme) sans avoir reçu l’aval du ministère de la Justice. Une fois de plus, c’est l’ambiguïté de Christiane Taubira et de son engagement à gauche qui sont au cœur des interrogations.

Répression syndicale et justice de classe

Pour les organisations syndicales, il s’agit bien d’une série noire. Dans la foulée de la jurisprudence Goodyear, le tribunal correctionnel de Paris condamnait deux militants de la CGT Énergie à 1.000 euros d’amende (avec sursis) pour entraves à la liberté de travailler. Ceux-ci avaient, en février 2008, occupé pendant deux jours une agence EDF et ERDF dans le cadre d’un conflit collectif. La direction d’EDF avait porté plainte contre les responsables du syndicat.

Forcément, la CGT y voit une forme d’acharnement, qui tranche avec la relative clémence dont les représentants des employeurs ou les employeurs eux-mêmes peuvent bénéficier. Incontestablement, la sanction d’exclusion de six mois fermes contre Agnès Saal, accusée d’avoir utilisé à titre personnel plusieurs dizaines de milliers d’euros, paraît beaucoup plus légère par rapport aux sanctions infligées par la justice. Certains ne manqueront pas d’opposer la dureté du siège face aux syndicalistes, et l’indulgence de la présidence face aux hauts fonctionnaires à propos desquels le pouvoir exécutif n’attend même pas la conclusion de l’enquête judiciaire.

Les soupçons d’une justice de classe seront nourris par ces coïncidences.

Répression syndicale et action collective

cgt rené le honzecEn même temps, la répression judiciaire (réelle) contre le conflit collectif est aussi un signe des temps : il existe aujourd’hui une véritable désaffection pour les méthodes d’action syndicale habituelles. Le fantasme du Grand Soir issu du mouvement social, l’espoir de voir les prolétaires se soulever en bloc pour mettre en place une dictature avec des lendemains qui chantent, est passé de mode. La société française admet de moins en moins ce mode de revendication hérité de l’anarcho-syndicalisme, consistant à aller directement au rapport de forces et à la contrainte pour obtenir satisfaction.

Le procès d’Amiens, de ce point de vue, a ressemblé au procès de l’anarcho-syndicalisme. Alors que les syndicats des pays industrialisés sont globalement convertis à la culture de la négociation, les syndicats français restent encore fortement attachés aux formes traditionnelles de la lutte : les grands rassemblements extérieurs à l’entreprise, les grandes manifestations, et le rapport de force direct et brutal dans l’entreprise chaque fois qu’un combat doit être mené.

Cette conception-là de la défense des salariés est de moins en moins admise, et c’est la forme même de l’action syndicale qui est mise en question.

Répression syndicale et action juridique

L’ironie du sort veut que, parallèlement à ces actions en correctionnelle, d’autres formes d’action syndicale tirent mieux leur épingle du jeu. C’est par exemple le cas à la FNAC, où l’entreprise serait prête à tripler les salaires le dimanche. Cette offre impressionnante montre une fois de plus que l’action menée dans le commerce par l’intersyndicale CLIC-P fonctionne… et même fonctionne très bien.

Clic-P est exemplaire des mutations en cours et montre probablement l’avenir du syndicalisme français.

Premièrement, Clic-P (suscitant d’ailleurs une haine féroce de la part des confédérations) a mis de côté les divisions syndicales et mise sur l’unité d’action pour gagner.

Deuxièmement, Clic-P ne recourt qu’exceptionnellement à la grève, et mise avant tout sur l’action en justice pour bloquer les employeurs.

Troisièmement, Clic-P développe une véritable expertise sur les questions de droit du travail, qui lui permet de contrer les offensives patronales dans le domaine de la communication.

Ces atouts, qui font cruellement défaut au syndicalisme français, apparaissent de plus en plus comme les formes futures de la représentation syndicale en France.

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  • Faut aussi reconnaître que la séquestration longue et faite d’humiliation se devait d’être condamnée. Mais ce qui a pesé c’est la mauvaise image faite contre des dirigeants de multinationales, image nous faisant perdre des marchés et emplois. Ces syndicalistes rétros payent pour amadouer les patrons étrangers. Quand à la justice, elle est aux ordres.

  • Faut pas parler des viols et autres crimes commis par des musulmans , c’est raciste.
    Faut pas condamner les violences physiques, les saccages et les destruction de bien public par les voyous et les timbrés de la CGT, ils le fond par Idéal….
    Répression syndicale mon cul !
    Si il y avait un syndicalisme digne de ce nom, il y aurait moitié moins de chômage …..

  • La décision du siège soulève d’ailleurs quelques questions, puisque l’entreprise avait retiré sa plainte.

    Et les victimes des barbares de la CGT avaient-elles aussi retiré leur plaintes ?
    Pour moi face à des faits aussi graves (séquestrations au minimum), la condamnation est en core trop clémente.

    • Quelles contre-parties avaient-elles été négociées en échange du retrait de plainte ? Ou bien ce retrait s’était-il fait sous la menace de perturbations dans l’entreprise ?

  • Quelle répression ? Répression est un titre bien mal choisi (cela donne le sentiment que les syndicalistes sont persécutés), je dirais plutôt: vers la fin de l’impunité des syndicalistes ?

    Aux USA, cela s’appelle un kidnapping, c’est possible de la prison à vie.

    La justice francaise a été très laxiste. Cette racaille aurait mérité des peines bien plus lourdes.

    Je suis choqué par le fait que des gauchistes trouvent cette peine scandaleuse. Il est normal dans un état de droit que quand on commets une infraction pénale, on soit puni par la justice. C’est même le principe de l’état de droit. Il est vrai que la gauche de la gauche s’est tjs opposé à l’état de droit. La gauche a tjs des justifications pour excuser la racaille. La gauche a tjs protéger la racaille. Pour la gauche, c’est de la faute de la méchante société si la racaille est violente, c’est jamais à cause de la racaille. Après, la gauche ose dire qu’elle a des valeurs, qu’elle est morale, qu’elle défends la démocratie. Alors que sa complaisance vis à vis des actes de violences de la racaille (syndicaliste, d’extrême gauche, zadiste,…) montre bien que la gauche n’a pas grand chose de morale et de démocratique, cela illustre bien les tendances fascistes.

    Si la droite excusait des actes de violence, cela ferait un énorme scandale. Mais quand c’est la gauche, c’est normal

    • « possible »passible

    • +1
      Les syndicalistes ne sont pas au dessus des lois. Les représentants du personnels ont déjà droit à des protections particulières (face aux menaces de licenciement par exemple). Ils n’ont aucunement le droit de séquestrer qui que ce soit.

  • Les syndicats doivent être dissous car ils incitent à la violence et à la haine (haine des riches, des patrons). Seuls les syndicats s’opposant à la violence peuvent exister.

    En 2014, 19 policiers blessés lors de la guérilla de la CGT au siège de Goodyear. Alors, désolé, mais ne venez pas me dire que cette peine est sévère.

    Le pire s’est que c’est la CGT qui a détruit les emplois à Goodyear. Ce sont ces extrémistes qui ont précipité la faillite, détruit 1.346 emplois et fait monter les indemnités du PSE à 75.000€. Pour être plus précis, c’est notamment le triplement des indemnités pour chaque salarié (130.000€) exigé par la CGT qui a détruit Goodyear,

  • Je trouve que le titre de cet article prête à confusion. Le syndicalisme n’est pas en cause. Les syndicalistes sont condamnés à titre personnel pour les actes qu’ils ont commis. Même si leurs motivations sont pleines de bonne intentions (la défense des intérêts de leurs collègues), cela n’enlève rien à la gravité de leurs actes. La soi-disant « violence sociale » exercée par les employeurs sur leur personnel, même si elle était avérée, n’autorise en aucun cas les salariés à user de la violence physique envers qui que ce soit.

  • La 1ère lacune du salariat français et donc de ses syndicats de salariés est leur ignorance de la science économique. Il est vrai que ni l’instruction publique : école ou université « républicaines », ni les medias publics « républicains » ou privés « politiquement corrects » n’offrent à ces citoyens une information pluraliste – incluant l’analyse libérale – sur l’actualité économique et sociale. Chaque fermeture d’établissement donne lieu à un appel à l’intervention des pouvoirs publics, au lieu d’exposer le principe de la destruction créatrice, et d’appeler les pouvoirs publics à réduire leur prédation fiscale pour rendre viables les nouveaux projets d’entreprises.

    Le champ syndical est ouvert aux militants libéraux qui y montrent peu d’appétance. Pourtant ils y seraient très utile pour civiliser et rationaliser les relations salariés-employeurs.

  • Ce qui me choque c’est qu’on ne leur envoie pas le GIGN dès que ça se produit.

    • tout à fait, normalement à partir du moment ou il y a séquestration la protection policière devrait intervenir immédiatement comme pour d’autres circonstances.

      par contre, comme l’auteur, je trouve curieux, alors que personne ne se plaint , que le parquet (surement sur ordre officieux de françois Hollande) ai poursuivi si longtemps après . Ceci dit ce n’est pas terminé, et parions que les cgtistes s’en tirerons finalement à bon compte.

      • Il n’y a rien de surprenant, au contraire. Face à de tels délits, le parquet a l’obligation de poursuivre. C’est l’inverse qui viole la loi.

    • Moi aussi, cela me choque que les forces de l’ordre ne soient pas déployées dès qu’il y a violation manifeste d’un droit aussi fondamental. Mais le problème est que pour tout conflit collectif (grève, manifestation, fermeture d’entreprise conflictuelle,etc.), le Gouvernement et ses subordonnés sont très peureux : s’il y a le moindre « dérapage » comme ils disent, la presse, les juges, tous les partis de gauche et de droite réunis leur feront bien sentir que ne rien faire aurait été préférable.

  • La CGT et ses 16 châteaux ,son important parc immobilier en région parisienne,….me fait tjs bien rire quand elle dit qu’elle défends les travailleurs. Alrs qu’elle défends juste quelques privilégiés et son idéologie marxiste. La CGT est le fossoyeur de l’industrie francaise. Aujourd’hui, ils ont réussi à plomber l’action Renault (moins 20 %) en informant publiquement qu’il y a eu des perquisitions au siège de Renault la semaine derrière. Après, il faudra pas se plaindre quand Renault licenciera des gens.

    • Comme fossoyeur de l’Industrie, le 1er rôle revient au politiciens qui ont trop chargé la barque fiscale et sociale. Ensuite c’est l’Etat lui même qui est défaillant dans sa compétence judiciaire. Si comme vous dites certaines actions syndicales douteuses (et la CGT n’est ni la seule ni la pire) sont impunies, c’est qu’il existe un Parquet sous le contrôle d’un Ministre et d’un Gouvernement qui décide cette impunité !

  • Quelque chose me dit que les gens de la CGT ne doivent pas fréquenter ceux ce Clic-p, sinon cela se termine par des claques.

  • Je ne comprends pas du tout votre étonnement. Le droit existe et est écrit. Les faits ne sont pas contestés. La sanction est donc au pire logique, pour ne pas dire légère. Seuls les actes comptent. Ce qui m’étonne, c’est que la justice ne commence que maintenant à appliquer la loi.

    • Oui, mais le droit pénal n’est pas un simple tarif de peines pour un catalogue de faits répréhensibles : il y a les circonstances atténuantes, la force irrésistible, l’excuse de la provocation, etc., des tas de subtilités ou si l’on veut, d’arguties, qui ont pour effet, que de tels faits, pénalement condamnables, ne l’aient pas étés dans certains cas de conflits collectifs comme une fermeture d’entreprise, une grève… On peut le déplorer, certes, mais c’est au Législateur de prendre ses responsabilités en la matière. Il ne le fait pas parce que la situation actuelle lui convient.

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